Sylvain Maréchal, ” Prometheus” (1788)

 

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APOLOGUES MODERNES.

PREMIERE LEÇON.

PROMÉTHÉE.

Jusqu’à présent les mythologues ont mal raconté l’histoire allégorique de Prométhée. Voici le fait : Cet ingénieux artiste de l’antiquité ayant pétri de l’argile dans de l’eau, en composa plusieurs figures d’hommes qu’il anima avec le feu élémentaire. Il se complaisait dans son ouvrage, comme un père dans ses enfants. Tout alla d’abord assez bien. Mais un jour, en rentrant dans son atelier quel spectacle s’offre aux yeux de Prométhée. Ces hommes à qui il avoit donné une même existence & qu’il avoit formé du même limon, se prirent de querelle entr’eux pendant son absence : en forte qu’ils s’étoient battus & mutilés les uns les autres. Ils avoient fait pis encore. Quelques-uns profitant du désordre général, soit par ruse, soit par force ou autrement, s’étoient soumis leurs semblables au point que ceux-ci, prosternés à leurs pieds osaient à peine lever les yeux & leur obéissaient au premier geste. Que vois-je ! dit Prométhée en fureur. J’avois cru faire des hommes, & non des esclaves & des maîtres. Maudite engeance ! Je vous avois créés tous égaux. Avec le souffle de la vie, je vous avois animé aussi de l’esprit de la liberté ! Vous avez donc laissé éteindre ce flambeau. Allez ! Je vous renie pour mes enfants. Je vous abandonne à votre mauvaise destinée & me repens de mon ouvrage.

Prométhée les quitta en effet, & se retira sur le Mont-Caucase. Mais son cœur emporta avec lui le trait qui l’avoit déchiré. Le remords d’avoir donné naissance à des esclaves, en créant les hommes, le consuma lentement & lui fit souffrir une douleur pareille à celle que souffrirait un malheureux dont les entrailles renaîtraient, lacérées sous la dent d’un vautour.

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MODERN APOLOGUES.

FIRST LESSON.

PROMETHEUS.

Thus far, the mythologists have misreported the allegorical history of Prometheus. Here are the facts: that ingenious artist of antiquity, having kneaded clay in water, made from it several figures of men, which he animated with the elemental fire. He took great pleasure in his work, like a father in his children. All went well enough at first. But one day, returning to his workshop, what a spectacle was offered to the eyes of Prometheus. These men, to whom he had given the same existence & that he had formed from the same earth, started to quarrel among themselves during his absence: so much that they had battered & mutilated one another. They had done worse still. Some of them who had profited from the general disorder, either by fraud, or by force or other means, had subjected their fellows to the point these, prostrating themselves at their feet, hardly dared to raise their eyes, & obeyed them at the first threatening gesture. “What is this I see!” said Prometheus, in fury. I thought I was making man, & not slaves & masters. Cursed brood! I created you all as equals. With the breath of life, I animated you with the spirit of liberty! You have let the torch go out. So, go! I disown you as my children. I abandon you to your evil destiny & repent of my work.

Prometheus did indeed leave them, & retired to the mountains of the Caucasus. But his heart carried with him the trait that had torn into him. The remorse for having given birth to slaves, by creating men, slowly consumed him & made him suffer a pain & grief like that suffered by a wretch whose entrails would be restored, though lacerated by the teeth of a vulture.

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