Poland: Principles, 1.2

[1.1]

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§2.— L’histoire conçue comme une instruction judiciaire.

Pour juger une pareille cause, il faut les principes. Par malheur, depuis tout de siècles qu’elle enregistre les faits et gestes des nations, l’histoire n’est point encore parvienne à déterminer des lois générales, lois qui ne sont autres évidemment que celles [4] de la formation et de l’évolution des états. En deux mots, la philosophie de l’histoire est encore dans l’enfance : tant le progrès de la raison générale est lent, tant en matière du politique et d’histoire, il faut de générations pour asseoir une expérience, recueillir une observation, se formuler un aphorisme ! On parle des jugements de la postérité. Mais quelles sont les règles de ces jugements ? En vertu de quels principes la postérité rend-elle ses sentences ? A quoi reconnaître la validité d’un verdict, à travers le chaos de tant de récits de dispositions contradictoires ? Savons-nous que penser, en définitive, de César, de Charlemagne et de Charles-Quatre? Qui croire, de Michelet ou de Voltaire, sur le siècle de Louis XIV ? Sir Walter Scott écrit un réquisitoire contre Napoléon ; M. Thiers, tout en s’efforçant de rester impartial, eu fait le panégyrique. Auquel des deux ajouter foi ? La vérité est-elle dans celui-ci ou dans celui-là, ou dans tous les deux, ou bien encore entre le deux ?…

J’ai lu, dans ma vie, une certaine quantité d’ouvrages historique : mémoires, biographies, monographies, tableaux chronologiques, histoires narratives, expositives, politiques, ecclésiastiques, militaires, littéraires, compilation d’annales, recueil de pièce diplomatiques histoires, a [la] usage du peuple et de la jeunesse etc. Je ne crois pas flatter mes contemporaines en disant que notre siècle a produit en ce genre une foule d’excellents écrits pour les quels mon admiration est d’autant plus sincère que je me sensé moins capable d’en approcher. Mais on ne m’accusera pas non plus de présomption si j’ajoute que l’histoire, conçu comme instruction judiciaire, perpétuelle, des nations et de l’humanité la seule en dernière analyse, qui puise servir à l’instruction et à la moralisation des masses, fournir des règles au publiciste, et diriger l’homme d’état, [5] cette histoire, selon moi, n’existe pas. Je cherche des jugements ; je ne rencontre partout que des plaidoyers et des témoignages.

Historien, vos narrations m’enchantent : il n’est roman ni épopée qui approche pour l’intérêt, de ces réalités tour à tour hideuse, vulgaires ou splendides ; des ces revirements imprévu de ces relations où la Providence semble apparaitre en personne et qui laissent loin derrière elle toutes les péripéties et des dénouements du théâtre. Mais il faut conclure ; surtout il faut motiver vos conclusions. Or, vous ne concluez jamais ; vous n’avez ni définitions, ni principes, ni maximes, au moyen desquels vous puissiez formuler un jugement ; on dirait même que, d’après vous, le perfection de l’histoire est de présenter, avec plus ou moins de clarté, les faits dont se compose ; puis, le lecture saisi, d’abondance le jugement à sa conscience. Mais le lecteur est incapable de juger si vous ne lui donnez soi-même le clé de toutes ces énigmes : en sorte que l’histoire, le plus haute manifestation de la vérité, j’ai presque dite de l’être divin, privée du flambeaux juridiques, devient un abîme de doute.

Il s’agit, par exemple, de la chute ou de la résurrection d’un État. Et bien, qu’est-ce d’abord que cette chose que l’on nomme État ? De quoi consistent-elle, et à quel signe peut on l’apercevoir qu’elle peut existe, qu’elle existe ? Est-ce une réalité ou une abstraction ? L’Etat est-il sujet à maladie et à trépas, ou bien, seulement à modification et résiliation ? Sur quoi se fonde le droit d’une agglomération d’hommes à se gouverner elle-même, à l’exclusion de toute influence étranger, et conséquemment à maintenir envers et contre tous, son autonome ? Si ce [5(6)] droit est absolu, comment expliquer, justifier tant de fusions d’États, tant d’absorptions des nationalités, sur lesquelles ne s’élevé aucune réclamation ? S’il n’est que conditionnel, quelles en sont les limites ? Comment, par quelles causes, dans quels cas, peut-il se perdre ?

Quel est ensuite le rapport de l’État et la nation ? Se distinguent-ils l’on d’autre, ou n’est-ce toujours que la même chose, considérée sous deux aspects différents ? l’État est-il le produit de la nation, la manifestation de sa pensée, la forme de sa être, ou simplement une accident de son existence ? L’État et la nation sont-ils tellement liés l’un à l’autre que l’un des deux venant à périr, le mort de l’autre s’ensuivre nécessairement ? On conçoit très bien cette conséquence : Plus de nation, plus d’État. Mais, la réciproque n’est pas vraie ; l’abolition de l ‘État n’entraine pas la mort de la nation ; plus d’une fois, au contraire une nation a trouvé avantage à se place sous la direction d’une autre, et à suivre sa destinée. Dès lors, quelle [opère] de dommage une nation, en qui le lien politique est dissous, peut-elle éprouvez à se voir incorporée, malgré elle, dans un autre état !

L’État, comme toute grandeur [concrète], est susceptible, tant au point de vue de son organisme, que à celui du territoire qu’il occupe, de s’accroitre comme de se réduire, qu’elle sont donc les lois de organisation et de circonscription des états ? Existe-t-il, pour eux, des limites naturelles, et comment les reconnaître ? La réunion de deux races différentes, et par conséquence de leurs territoires respectifs, en un même [corps] de nation et d’État, est-elle contraire ou conforme à la loi de civilisation ? Dans un dernier cas, qu’est-ce qui [le] rend légitime ? Quand peut-elle être poursuivre, au besoin, par la force ? Quels rapports, quels litiges, quels droits, quelles combinaisons politiques, peuvent naitre de la diversité des races, et de la proximité des états ?… [6(7)]

Ces questions, et bien d’autres que l’on verra surgie à mesure que nos avancerons dans cette étude, doivent être préalablement résolus, si nous tenons à porter sur l’histoire en général et sur les révolutions des états, un jugement raisonné. Mais c’est ce dont ne s’inquiètent guère les faiseurs de remaniements politiques. Il a été publié, depuis quatre vingt ans, en faveur de la Pologne, des volumes par milliers : je ne crois pas que la question de droit ait été sérieusement posée dans un seul. S’imagine-t-on cependant alors que les litiges autre simples particuliers sont l’objet de tant de prescriptions et de formalités, que les différends internationaux puissent se régler, si j’ose me servi de cette expression populaire, à vue de nez ; et qu’il suffire pour résoudre de telles questions, de parler aux imaginations et de passionner les [   ]aves !

Sommé de rétracter, ou de justifier d’une manière plus explicite, une opinion incidemment émis par nous sur la Pologne, j’ai compris que ce qui nous manquait surtout en politique et en histoire, ce sont les principes. Pour apprécier sainement la catastrophe qui termine le drame polonais, il faut connaître non seulement les faits qui l’ont précédée et amenée, mais les lois qui régissent les faits eux-mêmes, et qui leur donnent, en bien et en mal, leur signification. Or, je le répète, la connaissance de ces lois est justement ce qui fait défaut à l’histoire.

Certes, je ne me fais pas illusions. Ce n’est pas dans un essai pour ainsi dire impromptu que j’oserais me flatte d’avoir comblé le lacune laissée par tant et de si profonds, et de si laborieuse histoires. Je crois que j’aurais tout [7(8)] au plus réussi à l’indiquer. L’infini est dans l’histoire comme dans la nature : quand même le passé et l’avenir seraient rassemblée devant nous, il faudrait encore des siècles pour en achever le philosophie. Mais il pouvait être permis au chercher le plus modeste de faire quelques pas dans un carrière à peu près inexplorée, et comme il n’est pas besoin d’une grande connaissance de l’anatomie et de la physiologie pour affirmer avec certitude que la privation d’aliments entraine nécessairement la mort de l’animal, ou l’ablation des parties génitales, la perte de la faculté génératrice, de même il m’a semble qu’un simple amateur d’histoire pouvait en reconnaître les conditions élémentaires et poser les fondements de sa judicature. Ce sont ces éléments et ces lois, bases du droit, que j’appellerai historique, bien que le mot ou la chose ait obtenu jusqu’ici peu de faveur, que je me propose d’étudier dans cette première partie.

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§2. — History conceived as a legal inquiry.

To judge such a case, principles are required. Unfortunately, for all the centuries that it has recorded the comings and goings of the nations, history has still not managed to determine general laws, laws that are obviously none other than those of the formation and the evolution of states. In short, the philosophy of history is still in its infancy: so slow is the progress of the general reason, in matters of history as well as politics, generations will be required to set up one experiment, gather one observation, express one aphorism! We speak of the judgments of posterity. But what are the rules of these judgments? By virtue of what principles does posterity render its sentences? How are we to recognize the validity of a verdict, through the chaos of so many accounts of contradictory tendencies? Do we know what to think, ultimately, of Caesar, Charlemagne and Charles IV? Who do we believe, Michelet or Voltaire, regarding the century of Louis XIV? Sir Walter Scott wrote an indictment against Napoleon; M. Thiers, while striving to remain impartial, made his eulogy. To which of the two should we give credence? Is the truth in one or the other, or in both, or rather between the two?…

I have read, in my life, a certain number of historical works: memoirs, biographies, monographs, chronological charts, narrative, expositive, political, ecclesiastical, military, and literary histories, compilations of annals, collected papers, diplomatic histories for the use of the people and for the young, etc. I do not believe that I flatter my contemporaries by saying that our century has produced, in this genre, a host of excellent writings, for which my admiration is that much more sincere as I feel myself less capable of approaching them. But neither will I be accused of presumption if I add that history, conceived as a legal inquiry, perpetual [in nature], of the nations and of humanity,—the only history, in the last analysis, which could serve the instruction and moralization of the masses, furnish rules to the public advocate, and direct the statesman,—that history, I say, does not exist. I seek judgments; I encounter everywhere only pleas and testimonies.

Historian, your narratives enchant me: there is no novel or epic that approaches, in terms of interest, these realities by turns hideous, vulgar or splendid; these unforeseen reversals and these relations where Providence seems to appear in person and which far surpass all the twists and turns and dénouements of the theater. But it is necessary to conclude; above all, it is necessary to justify your conclusions. Now, you never conclude; you have neither definitions, nor principles, nor maxims by means of which you could form a judgment; one could even say that, according to you, the perfection of history is to present, with more or less clarity, the facts of which it is composed and then, the reader caught, to abandon the judgment to their conscience. But the reader is incapable of judging if you do not given them the key to all these enigmas: so that history, the highest manifestation of truth, I almost said of the divine being, deprived of the juridical torches, becomes a chasm of doubt.

It is a question, for example of the fall and resurrection of a State. And, well, what is this thing that we call a State? What is it made up of, and by what sign can we perceive that it can exist, that it exists? Is it a reality or an abstraction? Is the State subject to sickness and death, or only to modification and termination? On what basis does an agglomeration of men have the right to govern themselves, without any foreign influence, and consequently to maintain their autonomy toward and against all others? If this right is absolute, how to explain, to justify so many fusions of States, so many absorptions of nationalities, about which no complaints have been raised? If it is only conditional, what are its limits? How, by what causes, in what cases, can it be lost?

What, then, is the relation between the State and the nation? Are they distinguished from one another, or are they always just the same thing, considered from two different sides? Is the State the product of the nation, the manifestation of its thought, the form of its being, or simply an accident of its existence? Are the State and the nation so linked to one another that if one of the two should perish, the death of the other necessarily follows? We can very well imagine this result: No more nation, no more State. But the reverse is not true; the abolition of the State does not bring about the death of the nation; more than once, on the contrary, a nation has found it advantageous to place itself under the direction of another, and to follow its destiny. Consequently, what [   ] of shame can a nation, in which the political link is dissolved, feel to see itself incorporated, despite itself, in another state!

The State, like every concrete greatness, is liable, as much from the point of view of its organization [organisme], as from that of the territory it occupies, of increase as of reduction, so what are the laws of the organization and circumscription of States? Do there exist, for it, natural limits, and who are they recognized? Is the gathering of two different races, and consequently of their respective territories, in a single body as nation and State, contrary or in accordance with the law of civilization? In the latter case, what makes it legitimate? When can it be pursued, at need, by force? What relations, what disputes, what rights, what political combinations can arise from the diversity of races and from the proximity of states?… [6(7)]

These questions, and many other that we will see loom as we progress in this study, must be resolved in advance, if we are determined to make a reasoned judgment on history in general and on the revolutions of states. But it is this with which the creators of political reorganizations hardly trouble themselves. For twenty-five year, there have been thousands of volumes published in support of Poland: I do not believe that the question of right has been seriously posed in a single one. Do we then imagine, however, that the disputes between private individuals are the subject of some many prescriptions and formalities, that the international disagreements can be resolved, if I dare make use of this popular expression, with a rough guess, and that it is sufficient, in order to resolve such questions, to speak to the imaginations and excite the [   ]!

Called to retract, or to justify in a more explicit manner, an opinion regarding Poland ventured by us in passing, I have understood that what we lack above all in politics and in history is principles. In order to correctly assess the catastrophe that ended the Polish drama, it is necessary to know not only the facts that preceded it and led up to it, but the laws that govern the facts themselves, and give them, for good or evil, their meaning. Now, I repeat, the knowledge of these laws is precisely what history lacks.

Certainly, I do not delude myself. In an essay that is, as it were, impromptu, I would not dare to flatter myself with filling the gap left by so many deep and laborious histories. I believe that I have, at most, managed to indicate it. The infinite is in history as in nature: even if the past and future were assembled before us, it would still take centuries to complete its philosophy. But the most modest seeker might be permitted to take a few steps in a very nearly unexplored career, and as he would not need a great knowledge of anatomy and physiology to state with certainty that the deprivation of food leads necessarily to the death of the animal, or the removal of the genital parts to the loss of the generative function, just so it seems to me that a simple lover [amateur] of history could recognize its essential conditions and set down the basis of its judicature. It is these elements and these laws, the basis of right, that I would call historical, although the word or thing has thus far obtained little favor, that I propose to study in this first part.

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Independent scholar, translator and archivist.