Maurice Imbard, “O Anarchy!!!” (1928)

O Anarchie ! ! !

Ah! ce mot anarchie m’apparut pendant longtemps, aux jours de ma jeunesse, comme une sorte de mythe.

Le changement qui s’est accompli dans ma mentalité ne me fait pas changer d’avis sur la grandeur du mot et la beauté de la chose. Mon but est toujours de travailler, de lutter, pour hâter la venue dé la vie anarchiste, vie sans autorité, sans obligation, sans brutalité ; vie douce, tolérante, normale, naturelle où les hommes finiront par se comprendre les uns les autres.

Dans ces instants, il me semble voir des hommes nouveaux se profiler sur un riant décor, où tout est amour, où tout est beauté, bonté et vérité. L’évolution poursuit sa route, l’humanité de demain ne ressemblera sûrement pas à celle d’hier, ni même à celle d’aujourd’hui. Beaucoup auront conscience de leur valeur, si minime soit-elle ; oui, beaucoup auront conscience de leur individualité. Leurs gestes et leurs paroles seront libres, les réticences et le cabotinage actuel auront disparu. L’atmosphère sera plus pure.

C’est encore un restant de rêve me dira-t-on. A voir mes contemporains, hélas, il y a de quoi désespérer, mais lé pessimisme n’est pas bon, il brise toute énergie, toute initiative…

Demain ! demain ! et l’on songe continuellement à ce que sera ce demain.

Pourquoi ? Selon le vent nous larguerons les voiles. Oui, brisons ce restant de sentiment mystique qui fait que beaucoup d’entre nous dédaignent le présent, se résignent à leur sort, n’agissent jamais, et attendent qu’un Messie quelconque — serait-il révolutionnaire — fabrique une société, une vie future meilleure.

Puisque nous sommes des irréligieux, commençons, dès à présent, à nous entendre, à rechercher des affinités pour accomplir tel travail, telle besogne nous intéressant chacun et tous. Certes, nous savons que Demain viendra. Mais attendre à demain, c’est une perte de temps et il se peut que ce soir, même nous ne soyons plus.

L’anarchie n’est plus; pour moi le mythe de ma jeunesse. C’est un état de vie qui se manifeste dans le présent et cherche à se réaliser sans préjugés, sans mysticisme.

— Maurice IMBARD.

O Anarchy!!!

Ah! that word anarchy appeared to me for a long time, in the days of my youth, as a sort of myth.

The change that has occurred in my mindset has not changed my opinion on the grandeur of the word and the beauty of the thing. My aim is still and always to work, to struggle, to hasten the coming of the anarchist life—a life without authority, without obligation, without brutality; a gentle, tolerant, normal, natural life, where people will learn to understand one another.

In these moments, I seem to see new men silhouetted on a cheerful stage, where everything is love, where everything is beauty, goodness and truth. Evolution pursues its course, and the humanity of tomorrow will surely not resemble that of yesterday, nor even that of today. Many will be conscious of their value, as negligible as it might be; yes, many will be conscious of their individuality. Their words and deeds will be free, the reticence and the posing of the present will have disappeared. The atmosphere will be purer.

Someone says to me: It is just a remnant of dream. To see my contemporaries, alas, there is cause for despair, but pessimism does no good; it saps all energy, all initiative…

Tomorrow! Tomorrow! And we dream constantly of what will be tomorrow.

Why? We will spread our sails according to the wind. Yes, let us break down this last remnant of mystical sentiment, which makes many among us scorn the present, resign themselves to their fate, never acting and waiting for some Messiah — however revolutionary — to build a society, a better life in the future.

Since we are irreligious, let us begin, from this moment, to listen to one another, to seek affinities in order to accomplish whatever work, whatever task nous concerns us, one and all. Certainly, we know that tomorrow will come. But to wait for tomorrow is a loss of time and it could be that tonight, even we will be no more.

Anarchy is no longer, for me, the myth of my youth. It is a state of life that manifests itself in the present and seeks to fulfill itself without prejudice, without mysticism.

— Maurice IMBARD.

Maurice Imbard, “O Anarchie!!!” L’en dehors No. 146 (mid-November, 1928): 7.

Working translation by Shawn P. Wilbur.

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