Comment vivre ?
Ce terrible problème de là vie, beaucoup se le sont posé.
La mauvaise organisation sociale, la déplorable répartition des produits, l’accaparement de toutes les richesses, naturelles et autres, rejettent certains hommes en dehors de l’existence. S’ils en sont rejetés par les oppresseurs, ils en sont rejetés aussi par la grande masse des opprimés qui se résignent et n’esquissent aucun geste, aucune protestation.
Pourtant, ils veulent vivre.
Très inquiétant est ce problème pour ceux qui ne veulent pas périr. C’est dès lors la lutte terrible, âpre, implacable contre le milieu qui opprime.
Comment faire autrement ?
Il n’est que deux alternatives : Vivre ou disparaitre. C’est un choix à faire. Pour beaucoup il est fait : coûte que coûte, ils veulent vivre, ils veulent leur part à l’existence.
Ce qu’ils veulent, c’est ce qu’exige notre corps à tous : travailler et produire, se sustenter, respirer, aimer, se reposer.
On sait que les moyens d’action sont restreints, aussi épineux que délicats. Pourtant, perdurer où succomber, le point d’interrogation est là qui se dresse, impérieux. Quelle résolution faut-il prendre ? Essayer d’éviter la lutte, s’avouer vaincu ?
Acculés comme ils le sont, le recul, la contrainte, l’hésitation ne sont plus de mise.
Ils veulent vivre quand même.
Leur organisme à ses besoins, comme celui de leurs adversaires. Il faut qu’il les satisfasse.
L’hiver arrive avec son lugubre cortège. La bise glaciale est là qui souffle, infligeant aux réprouvés, aux déclassés, ses mortelles morsures. Plus que les iniquités des gouvernants, des possédants, etc., l’hiver, le chômage voulu et organisé, la misère, les souffrances de toutes sortes font fermenter les idées de révolte, précipitent les actes de rébellion. Traqués de partout et en tout lieu, ces parias seront donc obligés de prendre cé qui leur est indispensable pour vivre et cela en diminuant autant que possible les risques qui en résultent. A la force brutale ces malheureux spoliés opposeront leur propre force, c’est-à-dire useront d’habileté et de ruse. La vie est terriblement dure. Ils essaieront de résoudre cet angoissant et capital problème par tous les moyens propres à ne point les faire tomber sous la griffe des maitres et de leurs valets.
Maurice Imbard.
How to Live?
Many have tried to solve this terrible problem of life.
Poor social organization, the deplorable division of products, the monopolization of all wealth, natural or otherwise, push certain people out of existence. And if they are cast out by the oppressors, they are also reject by the great mass of the oppressed, who resign themselves and make no gesture, no protest.
Yet they want to live.
This problem is very troubling for those who do not wish to perish. And thus the terrible, bitter, implacable struggle against the oppressive milieu.
How to do otherwise?
There are only two alternatives: Live or disappear. It is a choice to be made. For many, it is made: whatever the cost, they want to live; they want their share of existence.
What they want is what our bodies demand of us all: to labor and produce, to provide for ourselves, to breathe, love and rest.
We know that the means of action are limited, as thorny as they are delicate. Still—to persist or to succumb?—the question mark stands there, imperious. What should be our resolve? To try to avoid the struggle, to admit defeat?
Cornered as they are, retreat, constraint, hesitation are no longer called for.
They want to live all the same.
Their organism has its needs, like those of their adversaries. It is necessary to satisfy them
Winter arrives with its dismal cortege. The glacial north wind blows, inflicting its deadly bites on the outcasts, the déclassés. More than the iniquities of the rulers, the owners, etc., winter, deliberate and organized unemployment, poverty and suffering of all kinds brew up the idea of revolt and precipitate acts of rebellion. Hounded anywhere and everywhere, these outcasts will therefore be obliged to take what is essential for them to live—while reducing the resulting risks as much as possible. To brutal force these unfortunate, despoiled people will oppose their own strength. Lacking strength, they will use skill and cunning. Life is terribly hard. They will try to solve this agonizing and fundamental problem by any means that allow them to avoid falling under the claws of the masters and their lackeys.
Maurice Imbard.
Maurice Imbard, “Comment vivre?,” l’en dehors 3 no. 47 (5 Novembre 1924): 3.
[Working translation by Shawn P. Wilbur]