[This remarkable bit of libertarian philosophy by Joseph Déjacque poses all sorts of difficulties for the modern reader, not the least of which is it borrowings from, and reworkings of, the works of Charles Fourier and Pierre Leroux. And there are places where it ha been necessary to translate things rather literally, since terms are used suggestively, according to the established uses of none of the writers or schools that they were drawn from. There are also a couple of times when Déjacque’s enthusiasm clearly ran away with the syntax: where catalogs of conditionals come to abrupt stops, without ever quite managing to form a sentence, I feel fairly confident that I have accurately replicated the structural shortcoming of the original. In any event, the difficulties of this experimental piece are, I think, outweighed by all that is intriguing about it—and for the light that it sheds on notions like Proudhon’s dialectical play with individualities and collectivities.]
Le Circulus dans l’Universalité
I.
Le circulus dans l’universalité, c’est la destruction de toute religion, de tout arbitraire élyséen et tartaresque, infernal et paradisiaque. Le mouvement dans l’infini c’est le progrès infini. Dès lors le monde ne peut plus être une dualité, esprit et matière, corps et âme, c’est-à-dire une chose mue et une chose immuable, ce qui implique contradiction, — le mouvement excluant l’immuabilité et l’immuabilité excluant le mouvement, — mais, bien au contraire, une unité infinie de substance toujours mue et toujours muable, ce qui implique perfectibilisation. C’est par le mouvement éternel et infini que la substance infinie et éternelle se transforme incessamment et universellement. C’est par une fermentation de tous les instants ; c’est en passant par l’étamine des métamorphoses successives, par l’émancipation progressive des espèces, du minéral au végétal, du végétal à l’animal et de l’instinct à l’intelligence ; c’est par une rotation ascendante et continue qu’elle s’élève graduellement et constamment de la presque inertie du solide à la subtile agilité du fluide, et que, de vaporisation en vaporisation, elle se rapproche sans cesse d’affinités sans cesse plus épurées et toujours en travail d’épuration dans le grand creuset de l’universel laboratoire des mondes. Le mouvement n’est donc pas en dehors de la substance ; il lui est identique ; il n’y a pas de substance sans mouvement, comme il n’y a pas de mouvement sans substance. Ce que l’on nomme matière c’est de l’esprit brut ; ce que l’on nomme esprit c’est de la matière travaillée.
Comme l’être humain, résumé de tous les êtres terrestres, essence de tous les règnes inférieurs, l’être universel, encyclopédie de tous les êtres atomiques et sidéraux, sphère infinie de toutes les sphères finies, — l’être universel, comme l’être humain, est perfectible, il n’a jamais été, il n’est, et ne sera jamais parfait. La perfectibilité est la négation de la perfection. Limiter l’infini est impossible, ce ne serait plus l’infini. Si loin que la pensée puisse percer, elle ne peut y découvrir de bornes. C’est une sphère d’extension qui défie tous les calculs, et où les générations d’univers et de multinivers sidéraux gravitent d’évolution en évolution sans jamais pouvoir atteindre au terme du voyage, aux frontières toujours plus reculées de l’inconnu. L’infinité absolue dans le temps et dans l’espace c’est l’éternel mouvement, l’éternel progrès. Une limite à cette infinité sans limites, un Dieu, un ciel quelconque, et immédiatement c’est limiter le mouvement, c’est limiter le progrès, c’est le mettre à la chaîne comme le pendule d’une horloge, c’est lui dire : “Quand tu seras au bout de ton rouleau, arrête-toi ; tu n’iras pas plus loin.” C’est placer le fini à la place de l’infini. Eh ! ne s’aperçoit-on pas que la perfection est toujours relative ; que la perfection absolue c’est l’immobilité ; et que par conséquent la perfection immobilisée est quelque chose d’absurde, d’impossible ? Des cervelles d’idiots peuvent seules la rêver. Il n’y a et ne peut y avoir d’absolu que la perfectibilité dans l’infinité universelle. Plus l’être est perfectibilisé et plus il aspire à se perfectibiliser encore. La Nature, qui a mis en nous des aspirations infinies, aurait donc menti en nous promettant plus qu’elle ne peut tenir ? Où a-t-on vu qu’elle eût jamais menti ? Il faut être chrétien et civilisé, c’est-à-dire crétin et eunuque, pour se figurer comme un lieu de délices le paradis où trône le vieux Jéhova. Comprend-on rien de plus stupide et de plus ennuyeux ? Imagine-t-on ces bienheureux et ces bienheureuses, ces saints et ces saintes cloîtrées dans les nuages comme dans un couvent, et dont toute la jouissance consiste à égrener des chapelets et à ruminer, comme des brutes, des louanges au révérend père Dieu, ce supérieur immuable, ce pontife des pontifes, ce roi des rois, ayant la mère abbesse Vierge-Marie, à sa gauche, et, à sa droite, l’enfant Jésus, le fils présomptif, un grand dadais qui porte, avec des airs de séminariste, son bourrelet d’épines, et qui, — dans la représentation du mystère de la très-sacro-sainte Trinité, — remplit, avec son immaculée mère berçant sur ses genoux le paon Saint-Esprit, qui fait la roue,— le rôle de deux larrons en croix, cloués de chaque côté du plus grand des malfaiteurs, le suprême et divin créateur de toutes les oppressions et de toutes les servitudes, de tous les crimes et de toutes les abjections, le verbe et l’incarnation du mal ! Dans les couvents terrestres, du moins, hommes et femmes peuvent encore se consoler de leur imperfection, de leurs tortures mortelles en songeant à une perfection future, à une vie autre et immortelle, à des félicités célestes. Mais au ciel toute aspiration plus élevée leur est interdite : ne sont-ils pas à l’apogée de leur être ? Le très haut et tout-puissant magistrat, celui qui juge sans appel et en dernier ressort les vivants et les morts, leur a appliqué le maximum de la béatitude. Désormais ils ont endossé la casaque des élus ; ils traînent, au paradis, dans l’oisiveté-forcée, le boulet de leurs jours ; et ils y sont condamnés à perpétuité ! Il n’y a pas de recours en grâce possible ; aucun espoir de changement, aucune lueur de mouvement futur ne peut descendre jusqu’à eux : l’écoutille du progrès est à jamais scellée sur leur têtes ; et, comme le forçat à vie dans son ponton, galériens immortels, ils sont à jamais rivés à la chaîne des siècles dans l’éternel séjour divin !
Toute la distraction de ces pauvres âmes consiste à psalmodier des cantiques et à se prosterner devant le souverain maître, ce cruel vieillard qui, du temps de Moïse, portait une robe bleue et une barbe bouclée, et qui selon la mode actuelle, doit porter aujourd’hui un frac noir et un faux-col, des favoris en c[o]telettes ou une barbiche impériale, un crachat à la place du cœur, et un arc-en-ciel de satin en sautoir. L’impératrice Marie et ses dames d’honneur les saintes ont assurément des crinolines sous leurs jupons. Et bien certainement les saints, en livrées de cour, sont empesés, cravatés, pommadés et frisés ni plus ni moins que des diplomates. Leurs grandesses les bienheureuses battent sans doute du piano toute la sainte éternité, et leurs excellences les bienheureux tournent la manivelle de l’orgue-de-paradis… Comme ils doivent s’amuser ! que ce doit être réjouissant ! Vrai je ne suis pas riche, mais je donnerais bien encore quelques sous pour voir pareil spectacle, pour le voir un moment, entendons-nous, non pour y rester ; et à condition de ne payer qu’en sortant, et si j’étais content et satisfait. Mais, toute réflexion faite, j’ai de la peine à croire que l’intérieur vaille les bagatelles de la porte. N’est-il pas dit : “Heureux les pauvres d’esprit, le royaume des cieux leur appartient.” Cette propriété-là ne fera jamais mes délices. A coup sûr, les saints Evangiles sont parfois d’une naïveté… plaisante : décerner ainsi des oreilles d’ânes à tous les lauréats de la foi ! Il fallait que ce fussent des pères farceurs que ces premiers pères de l’Eglise : autant valait confesser tout de suite que le paradis ne vaut pas les quatre fers d’un… chrétien. Et dire que les femmes se sont laissées prendre aux promesses de ces Lovelaces de la superstition, qu’elles ont souri à toutes ces crétines séductions, qu’elles ont fait leur amour de ce paradis anti et ultrahumain ! Et dire que les hommes y ont été pris comme les femmes, qu’ils ont cru à toutes ces ignobles, balivernes, qu’ils les ont adorées ! — Pauvre nature humaine ! —Cependant, on conviendra qu’il serait difficile de rien inventer de plus attentatoire au bonheur des humains qui n’ont pas absolument le bonheur d’être des pauvres d’esprit. En vérité, je m’estimerais plus heureux d’être un forçat au bagne qu’un élu au paradis. Au bagne encore, je vivrais par mes aspirations ; toute issue de progrès ne me serait pas complètement fermée, ma pensée comme mon bras pourraient tenter une évasion des galères. Et puis l’éternité de la vie d’un homme est moins longue que la perpétuité de la vie d’un saint. L’universel mouvement, en me transformant de vie à trépas me délivrerait enfin de mon supplice ; je renaîtrais libre. Tandis qu’avec la réclusion paradisiaque c’est l’immobilité sans fin, les genoux ployés, les mains jointes, la tête rapprochée du ventre, le front vide d’espérance, c’est-à-dire une torture inouïe, le corps et l’âme, les muscles et les fibres à la question sous l’œil inquisiteur de Dieu…
Quand je songe que, profitant de l’atonie de mes facultés par l’âge ou la maladie, un prêtre pourrait venir à l’heure de ma mort, et me donner, de gré ou de force, l’absolution de mes péchés, de mes hérésies ; qu’il pourrait me délivrer à moi, sujet suspect ou convaincu de lèse-divinité, une lettre de cachet pour le ciel, et m’envoyer croupir dans cette bastille divine sans un rayon d’espoir d’en jamais sortir, brououou !… cela me donne le frisson. Heureusement que les paradis en expectative sont comme les châteaux en Espagne : ils n’existent que dans les imaginations atteintes d’aliénation mentale ; ou comme les châteaux de cartes : le moindre souffle de raison suffit pour les renverser. Toutefois, je le déclare ici : Le jour où la mort s’appesantira sur moi, que ceux qui pourraient m’entourer alors, s’ils sont mes amis, s’ils respectent le vœu de ma raison, ne laissent pas souiller mon agonie par un prêtre et mon cadavre par l’église. Libre penseur, je veux mourir comme j’ai vécu, en rebelle. Vivant et debout, je proteste hautement et par avance contre toute profanation pareille de mes dépouilles. Parcelle de l’humanité, je veux servir encore après ma mort à l’enseignement et à la vie de l’humanité ; c’est pourquoi je lègue mon corps au praticien qui voudra en faire l’autopsie et y étudier les organes d’un homme qui fit tout ce qu’il put pour être digne de ce nom ; et que je le prie, s’il est possible, d’en enterrer les restes, comme engrais dans un champ ensemencé.
Mais revenons notre sujet, le circulus dans l’universalité. La sphéricité illimitée de l’infini et son mouvement absolu de rotation et de gravitation, —sa perfectibilité en un mot, est démontrée par tout ce qui frappe notre vue et notre entendement. Tout tourne en nous et autour de nous, mais jamais précisément dans le même cercle. Toute rotation tend à s’élever, à se rapprocher d’un idéal plus pur, utopie lointaine qui se réalisera un jour pour faire place à une autre utopie, et ainsi progressivement d’idéal en idéal et de réalisation en réalisation.
Sur la terre, tous les êtres, nos subalternes, à quelque degré qu’ils soient placés dans la hiérarchie des règnes ou des espèces, minéraux, végétaux ou animaux, tendent vers l’idéal humain. Comme les infiniment petits, les infiniment grands, notre globe et la multitude des globes qui cheminent à distance dans un même tourbillon, tendent également quelque soit leur supériorité ou leur infériorité relative, vers leur idéal lumineux, le soleil. Et tous s’en rapprochent chaque jour, quoiqu’insensiblement, l’homme comme le soleil tendent à leur tour vers des sphères plus utopiques, par une gradation ascendante et continue ; et toujours ainsi jusqu’à la fin des fins, ou plutôt sans fin ni terme. —Le minéral pivote imperceptiblement sur lui-même et attire à lui tout ce qu’il peut s’approprier des couches inférieures ; il croît et s’étend, puis il confie à des agents conducteurs des parcelles de son exhubérance et alimente la plante. —A son tour, la plante croît, se berce à la brise et s’épanouit à la lumière. Les insectes butinent sur elle ; elle leur offre son miel et ses fibres, tout ce qu’elle a ravi aux entrailles de la terre et qu’elle a fait monter au jour en le tamisant par ses tissus. Les insectes et les vers deviennent ensuite la proie des oiseaux ; la plante elle-même est pâture aux gros animaux. Déjà le minéral s’est transformé en chair et en os, la sève est devenue du sang ; l’instinct est plus prompt, le mouvement plus prononcé. La gravitation continue. L’homme s’assimile le végétal et l’animal, l’herbe et le grain, le miel et le fruit, la chair et le sang, les gaz et les sucs, les brises et les rayons. Astre terrestre, il pompe par tous ses pores les émanations de ses inférieurs ; il les élève goutte à goutte, brin à brin, à son niveau et leur redonne à triturer ce qui est encore trop grossier pour s’incarner en lui. De même aussi, il exhale par la pensée les parfums trop pure pour être retenus dans son calice, et il les éparpille sur l’humanité. L’humanité, après les avoir absorbés, s’incorpore tout ce qui peut s’identifier avec son degré de perfectibilisation, redonne à triturer aux espèces instinctives, aux couches inférieures, ce qu’il y a de par trop grossier pour elle dans ces fluides, et exhale ce qu’il y a en eux de trop subtil vers les humanités supérieures et outre-sphère.
Ainsi il en est des planètes se mouvant autour du soleil, et du soleil se mouvant à son tour avec tous ses satellites autour d’un autre centre plus élevé, astre de cet astre.
Or, si tout tourne en spirale d’abord par besoin de conservation et si, tournant sur soi-même, tout puise au dessous de soi par besoin d’alimentation et s’élève au-dessus de soi par besoin d’émanation ; si la vie est une révolution perpétuelle, un cercle toujours en mouvement et dont chaque mouvement modifie la nature ; si tout mouvement est un progrès, et si plus le mouvement de rotation et de gravitation est rapide et plus il accélère en nous le progrès ; hommes et femmes à qui l’analogie démontre toutes ces choses, pouvons-nous moins faire que de nous rendre à l’évidence ? Pouvons-nous ne pas vouloir être révolutionnaires, et, étant révolutionnaires, ne pas vouloir l’être davantage ? Pour l’être humain, vivre de la vie minérale, végétale ou animale, vivre de la vie des bornes ou des brutes, ce n’est pas vivre ; et vivre de la vie des civilisés c’est vivre de la vie des bornes et des brutes. Humains, ne nous roidissons pas contre notre destinée, livrons-nous avec passion à ses entraînements ; avançons hardiment à la découverte de l’inconnu ; tendons la main au progrès pour accomplir avec lui l’évolution humanitaire dans la grande ronde des êtres et des sociétés perfectibles ; initions nous sans crainte aux mystères de l’éternelle et universelle révolution dans l’infini. L’infini seul est grand, et la révolution n’a de maléfices que pour ceux qui veulent rester en dehors de son cercle. Vivons par le mouvement et pour le mouvement, par le progrès et pour le progrès, sans plus nous soucier si la tombe est proche et loin le berceau. Que nous importe la mort, si la mort c’est encore le mouvement, et si le mouvement c’est encore le progrès ? si cette mort n’est qu’une régénérescence, la dissolution de notre unité décrépite, organisme incapable pour lors de se mouvoir perfectiblement dans sa désagrégation continue ; et, par contre, la réagrégation de la pluralité de notre être dans des organismes plus jeunes et plus perfectibles ? Si cette mort, enfin, n’est que le passage de notre état de caducité à l’état embryonnaire, le moule, la matrice d’une vie plus mouvementée, le creuset d’une existence plus pure, une transmutation de notre cuivre en or et une transfiguration de cet or en mille médailles animées et diverses et toutes frappées à l’effigie du Progrès ? La mort n’est effrayante que pour celui-là qui s’est complu dans sa fange et s’est pétrifié dans son enveloppe de pourceau. Car, à l’heure de la décomposition de ses organes, il adhérera par sa pesanteur et son immondicité, comme il y aura adhéré pendant sa vie, à tout ce qui est fange et pierre, puanteur et torpeur. Mais l’homme qui, au lieu de faire du lard et de s’embourber à plaisir dans son ignominie, aura fondu sa graisse à produire la lumière ; l’homme qui aura agi de la voix et du bras, du cœur et de l’intelligence qui se sera vivifié par le travail et par l’amour, par le mouvement ; celui-là à l’heure où le dernier de ses jours sera consumé ; où il n’y aura plus d’huile dans la lampe ni d’élasticité dans les ressorts ; alors que la plus grande partie de sa substance, depuis longtemps volatilisée, voyagera déjà avec les fluides ; celui-là, vous dis-je, renaîtra, lui, dans des conditions d’autant plus perfectibles qu’il aura plus travaillé à sa propre perfectibilisation. Au surplus la mort n’a-t-elle pas lieu à tous les instants de la vie des êtres ? Le corps de l’homme peut-il conserver un seul moment les mêmes molécules ? Tout contact ne le modifie-t-il pas sans cesse ? Peut-il ne pas respirer, boire, manger, digérer, penser, sentir ? Toute modification est à la fois une mort et une vie nouvelles, plus pénibles et d’autant plus inférieures que l’alimentation et la digestion physiques et morales auront été plus paresseuses ou plus grossières ; et d’autant plus faciles, d’autant plus supérieures qu’elles auront été plus actives ou plus épurées.
II.
De même que l’homme digère le végétal et l’animal, s’en assimile le suc ou l’essence et en rejette l’écorce ou les détritus excrémentiels au fumier qui donnera naissance à des êtres inférieurs ; de même l’humanité digère l’hominal et les générations d’hominaux, s’en assimile le suc ou l’essence et en rejette l’écorce ou les détritus excrémentiels au fumier sur lequel se vautrent et pâturent les sociétés bestiales ou végétatives.
Comme l’estomac d’un moulin, l’organisme individuel de l’homme et l’organisme de l’humanité broient dans leurs rouages l’épi du bien et du mal, séparent le bon du mauvais, le son de la farine. Le son est jeté dans l’auge au bétail, la farine est recueillie par l’homme et sert à sa nutrition. Le bon est destiné aux hautes classes des êtres, le mauvais aux basses classes. L’un se transforme en pain blanc ou en gâteau et s’attable sur des sièges de porcelaine ou d’argent au festin des intelligences ; l’autre reste brut ou se transforme en patée, et s’accroupit dans la gamelle des bêtes à lard ou des bêtes de somme. Le bon ou le mauvais grain et chaque grain de ce grain est traité selon sa valeur, puni ou récompensé selon son mérite. Chacun porte en soi son châtiment et sa récompense, l’homme comme le grain, et le grain comme l’homme ; sa pureté ou son impureté fait son paradis ou son enfer dans le présent, son enfer ou son paradis dans l’avenir.
Tout travail est instrument de progrès, toute paresse est litière à décrépitude. Le travail est la loi universelle ; c’est l’organe d’épuration de tous les êtres. Nul ne peut s’y soustraire sans attenter à sa vie, car nul ne peut naître et croître, se former et se développer que par le travail. C’est par le travail que le grain germe dans le sillon, dresse sa tige et se couronne d’un riche épi ; c’est par le travail aussi que le fœtus humain fermente et se contourne dans le flanc de la mère, et qu’obéissant à une attraction impérieuse il se fait jour en s’échappant de l’organe générationnel ; c’est par le travail que l’enfant se dresse sur ses pieds, grandit, et que, devenu homme, il se couronne du double épi de ses facultés manuelles et intellectuelles ; c’est par le travail encore qu’il se mûrit physiquement et moralement avant de tomber sous la faulx du Temps, cet universel et éternel moissonneur, pour recommencer dans la vie éternelle et universelle un nouveau travail et de nouvelles destinées. — L’être, quel qu’il soit, est d’autant plus sollicité au travail que ses attractions sont plus élevées ; et ses sensations sont d’autant plus voluptueuses que le travail les a plus épurées.
Heureux ceux dont les facultés productives sont surexcitées par l’amour du bien et du beau : ils seront fécondés en bonté et en beauté ; aucun labeur n’est stérile. Malheureux ceux dont les facultés productives dorment ensevelies dans l’apathie de l’horrible et du mal : ils ne connaîtrons pas les jouissances que donnent les laborieuses et généreuses passions. Toute inertie est inféconde ; toute hermaphrodie, toute adoration exclusive de soi-même est vouée la stérilité. Le bonheur est un fruit qu’on ne peut cueillir que sur les hautes cimes, et qui n’a de saveur délicieuse qu’après avoir été cultivé. Pour les paresseux, les inertes, comme pour l’impuissant renard, c’est un fruit trop vert : il ne mûrit que pour les agiles, les travailleurs. Ce n’est pas en s’encapuchonnant dans son être, en isolant son sein du sein de ses frères qu’on peut l’obtenir ; il n’appartient pas aux fratricides mais aux fraternitaires. Ceux-là seuls peuvent le récolter qui ne craignent pas de mettre bras et cœur et tête à l’air, et font communion d’efforts individuels.
L’homme et l’humanité portent en eux le germe du bonheur individuel et social ; c’est au travail individuel et social à le cultiver, s’ils veulent en savourer les fruits.
C’est pour avoir go[u]té au fruit de l’arbre de la science que, selon les mythologies juives et chrétiennes, nous avons perdu le paradis terrestre. Ah ! si, au lieu de ne faire qu’y goûter, l’Humanité voulait essayer d’en manger à son appétit, il ne serait pas difficile de retrouver cet Eden si borné et si peu regrettable. Cette fois, nous le pourrions avoir prodigieusement plus illimité et rempli de félicités bien autrement séduisantes que celles des âges primitifs. Je ne dis pas qu’à l’aide de la science nous pourrions, comme les prétendus dieux, créer quelque chose de rien, mais nous pourrions régénérer ce qui est, faire d’un monde un monde meilleur, de nos sociétés à l’état civilisé une société à l’état harmonique, entrer presque sans transition de la vie des âges présents dans la vie des âges futurs.
Les religions, pour absurdes qu’elles sont, n’en répondent pas moins à un besoin d’idéal inné chez l’homme. Toutes les fables du passé et du présent représentent des aspirations futures, le sentiment de l’immortalité chez les mortels. L’ignorance et la superstition ont fait de ces aspirations des monstres informes ; il appartient à la science, la raison dégagée de ses langes et de ses lisières, de leur donner des formes humanitaires. L’homme et l’humanité, pour si perfectibilisés qu’ils soient un jour, n’en éprouveront pas moins des désirs qui ne trouveront jamais satisfaction dans le temps présent. L’avenir sera toujours un phare vers lequel tendront tous leurs efforts, l’objet de leurs constantes convoitises ; l’appel du progrès résonnera toujours à leur oreille. La perception sera toujours plus haute et portera toujours plus loin que la réalisation. L’homme sent bien que tout n’est pas clos à tout jamais sous la planche du cercueil. L’idée de progrès proteste non seulement contre tout anéantissement, mais aussi contre toute dégénérescence ; et non seulement contre toute dégénérescence, mais encore contre tout ce qui n’est pas régénérescence et perfectibilisation. L’ignorance et la superstition ont imaginé l’immortalité de l’âme et la résurrection paradisiaque. Je crois l’avoir démontré, il n’y a pas d’âme distincte du corps ; et y eut-il dualité, ce qui n’est pas admissible, que cette âme obéirait encore aux mêmes lois de décomposition du corps. L’âme absolue et le paradis absolu seraient la négation du progrès ; et nous ne pouvons pas plus nier le progrès que nous ne pouvons nier le mouvement. Dieu, dans le sens religieux comme dans le sens philosophique, ne peut pas plus exister à l’égard de nous que, nous, nous ne pouvons exister comme Dieu à l’égard des myriades d’at[ô]mes dont notre corps est le Grand-Tout. Ce n’est pas le corps humain, dans sa petite universalité qui crée et dirige ces myriades d’at[ô]mes, dont il est composé ; ce sont ces a[ô]mes, bien plutôt, qui le créent et le dirigent en se mouvant selon leurs passionnelles attractions. Loin d’en être le Dieu, l’homme n’en est guère que le temple : il est la ruche ou la fourmi[ll]ière qu’animent ces innombrables multitudes d’imperceptibles. L’être universel, non plus que l’être humain, ne saurait être le créateur ni le directeur des colossales multitudes de mondes dont il est composé ; ce sont ces mondes, bien plutôt, qui le créent et le dirigent. Loin d’en être l’ouvrier, le producteur, le Dieu, comme disent les métaphysiciens, l’être universel n’est guère que l’atelier ou, tout au plus, le produit de l’infinité des êtres. Comment serait-il donc le moteur de chacun, s’il n’est que la machine dont chacun est le moteur ? Dieu ou l’absolu est démenti par tout ce qui a vie dans la nature. Le progrès qui est le mouvement et le mouvement qui est le progrès lui délivre un certificat de non-existence, elle le qualifie d’imposture. Si l’absolu pouvait exister au-dessus de nous, nous serions l’absolu pour ce qui est au-dessous de nous, et le mouvement et le progrès n’existeraient pas. La vie serait le néant, et le néant ne peut se concevoir. Tout ce que nous savons, c’est que la vie est : donc le mouvement est, donc le progrès est, donc l’absolu n’est pas. Tout ce que l’on peut en conclure, c’est que le circulus existe dans l’universalité comme il existe dans l’individualité. C’est que, comme toute individualité, l’universalité, quelque infinie qu’elle soit, n’est elle-même qu’une rotation et une gravitation sphériques qui, s’éloignant de plus en plus des ténèbres et du chaos et se rapprochant de plus en plus de la lumière et de l’harmonie, se perfectibilise en se travaillant sans cesse et en passant par un mécanisme ou organisme sans cesse plus rectifié… Mais tout cela contredit absolument l’idée d’un Dieu de qui tout émane et vers qui tout retourne, ce tout qui aurait été créé, par Dieu, du néant pour s’anéantir dans le sein de ce Dieu ; c’est-à-dire quelque chose partant de rien pour aboutir à rien, débordant de l’absurde pour retomber dans l’absurde. Dieu, source de toutes choses, point central d’où tout découle et vers qui tout remonte, est une de ces raisons contradictoires qu’on peut donner aux enfants des hommes et aux humanités en enfance, parce que leur intelligence encore endormie ne peut y répondre. Mais c’est absolument absurde. Un fleuve ne peut remonter vers sa source ; la source n’est pas plus éternelle que le fleuve. Ils n’existent l’un et l’autre qu’à la condition du mouvement, c’est-à-dire du progrès, c’est-à-dire de la naissance et de la mort, de la génération et de la régénération. Comme le fleuve, la source a une cause. Ce n’est pas le tout, le petit point central d’où jaillit l’eau vive qui produit le ruissellement. L’ouverture n’est qu’un effet, elle n’est pas une cause ; et, en remontant de l’effet à la cause, l’on trouvera que la cause n’est encore que l’effet d’une autre cause, et ainsi de suite. Dieu n’explique rien. C’est un mot à rayer du vocabulaire des hommes, attendu qu’il sert à sophistiquer sur la difficulté sans la résoudre. Dieu n’est qu’un mannequin, le plastron de l’ignorance, un bâton dans les roues du progrès, un éteignoir sur la lumière, un… torchon dans une lanterne ! Il est temps d’en nettoyer la langue universelle. Excrément du crétinisme humain, il appartient désormais à l’académie Domange et consorts : qu’il règne dans les fossés de la Villette, et que, réduit en poudrette et jeté aux quatre vents, il serve enfin d’engrais au mouvement, à l’éternelle et universelle et perfectible création, au développement illimité de l’infini.
Dieu !… en vérité est-il possible que deux hommes s’entendent sur la signification qu’ils donneront à ce mot ? Je n’admet pas que pour les besoins de la dialectique il soit nécessaire d’y recourir. Qu’un philosophe l’emploie dans ses écrits, et, si c’est un catholique qui les lit, il ne voudra y voir, — quelqu’avertissement qu’en ait donné l’auteur, — que le Dieu de sa religion à lui. Si c’est un calviniste, un luthérien, un israëlite, un musulman, un indou, un croyant philosophe ou un philosophe croyant, chacun ne voudra et ne pourra y voir autre chose que le Dieu de son imagination à lui. En définitive, ces quatre lettres cabalistiques représenteront autant de dieux différents qu’elles auront eu de lecteurs ou d’auditeurs. Je ne vois pas alors quel besoin pouvait en avoir la dialectique, et m’est avis qu’elle ferait mieux et plus sagement de s’en passer. A choses nouvelles il faut des mots nouveaux. Je sais qu’il y a bien d’autres expressions dont on se sert, moi le premier, et qui n’ont pas la même signification pour tout le monde : c’est un mal auquel il faut tâcher de remédier, autrement nous discuterons longtemps encore sans nous comprendre. DIEU étant la cause première de toutes les faussetés sociales, la source de toutes les erreurs humaines, le mensonge capital, DIEU ne peut plus être employé dans la discussion que comme un terme injurieux, comme une éclaboussure crachée de nos lèvres ou de notre plume. Il ne suffit pas d’être athée, il faut être théicide. Ce n’est pas assez de nier l’Absolu, il faut affirmer le Progrès, et l’affirmer dans tout et partout.
Le défaut de logique, voilà ce qui égare les plus grande penseurs, ce qui porte la perturbation dans la masse des intelligences. C’est parce qu’on n’est pas d’accord avec soi-même que souvent on ne peut pas se mettre d’accord avec les autres. Nous tous qui affirmons le mouvement dans l’infini et par conséquent le progrès infini, l’universalité une et solidaire, affirmons également le mouvement en nous et par conséquent le progrès, l’individualité une et solidaire. Nions la dualité dans le fini comme nous la nions dans l’infini. Repoussons cette hypothèse absurde de l’immortalité de l’âme, c’est-à-dire de l’absolu dans le fini, quand nous avons la preuve par le corps que toute chose finie est périssable, c’est-à-dire divisable et multipliable, c’est-à-dire progressivement perfectible. La matière n’est pas une chose et l’esprit une autre chose, mais une seule et même chose que le mouvement diversifie sans cesse. Le spirituel n’est que la résultante du corporel ; ce n’est pas de la spiritualité mais de la spirituosité. L’âme ou, pour mieux dire, la pensée est à l’homme ce que l’alcool est au vin. Quand on parle de l’esprit de vin, c’est assurément d’une chose toute matérielle. Pourquoi vouloir qu’il en soit autrement quand il est question de l’esprit de l’homme ! Croyez-vous donc encore que la terre soit plate, que le ciel soit une coupole pour lui servir de dôme, et que le soleil et les étoiles soient des cierges allumée par le Dieu créateur en l’honneur d’Adam et Eve et de leur descendance ? Et si vous ne croyez plus à ces prétendues révélations, à ces charlataneries ou à ces aberration de la foi, et si vous croyez à ce que la science et le génie de l’observation vous enseignent, en vertu de quelle raison voudriez-vous que l’esprit fut distinct de la matière ? et, même étant distinct, que l’un fût le mouvement et l’autre l’inertie, et que justement celui à qui vous attribuez le mouvement fut inamovible dans son individualité ? contre-sens inexplicable ! Eh bien, l’observation vous dit, par ma bouche, que tout ce qui a été vapeur ou poussière et s’est groupé et a pris forme finie, c’est-à-dire définie, s’en détachera grain à grain, goutte à goutte, molécule à molécule et se dispersera dans l’indéfini pour revêtir, non pas une autre forme, mais une multiplicité d’autres formes, et quittera de nouveau ces formes multiples pour se diviser encore et se multiplier et progresser éternellement dans l’infini. Pour s’en convaincre, pas n’est besoin d’avoir étudié le grec ni le latin, il ne faut qu’interroger l’analogie, il n’y a qu’à induire et déduire.
J’ai établi que tout ce qui est inférieur à l’homme tend à graviter vers lui. L’homme est le résumé de la création terrestre. La Terre est un être animé comme tous les êtres et doué des divers organes propres à la vie. L’humanité en est la cervelle, ou plutôt elle en est ce que, par rapport à la cervelle humaine, on a appelé (ai-je ouï dire) la matière grise, c’est-à-dire la partie éminemment intelligente, car l’animal et le végétal, et le minéral même, — dans une certaine proportion,— habitent aussi sous le crâne terrestre et forment l’ensemble de son cerveau. Seul, de tous les atômes qui vivent ténébreusement dans les entrailles du corps planétaire où gisent, végètent, rampent, marchent ou volent à la lumière entre le sol et l’atmosphère, — l’homme est une espèce perfectible. Il possède des facultés inconnues aux autres êtres ou qui chez eux sont à peine sensibles, celle de la mémoire, par exemple, du calcul ; celle de l’émission et de la transmission des idées. Contrairement aux générations minérales, végétales et animales, les générations hominales se succèdent et ne se ressemblent point ; elles progressent toujours et ne connaissent pas de limite à leur perfectibilité. Eh ! bien, ce qui existe pour la terre existe évidemment pour l’homme. L’homme est un autre globe, un monde en petit qui a aussi en lui sa race privilégiée, son humanité en miniature, idéal de toutes les espèces atomiques qui peuplent et forment son corps. Cette humanité s’appelle la cervelle. C’est vers elle qui gravitent tous les règnes ou toutes les espèces moléculaires du corps humain. Ces molécules, — les plus immondes comme ce que l’on pourrait appeler les plus inertes,— tendent toutes à s’élever de leurs couches et de leurs natures inférieures à ce type de supériorité qui habite sous le crâne humain. Et, comme l’humanité, partie intelligente de la cervelle du corps terrestre, est perfectible, la cervellité, ou partie intelligente de la cervelle, qui est l’humanité du corps humain, est aussi perfectible. Tandis qu’en dehors du cerveau, les molécules inférieures n’agissent que mécaniquement, pour ainsi dire, et avec d’autant plus d’inertie qu’elles sont placées plus bas sur l’échelle de progression des règnes ou des espèces ; dans le cerveau, au contraire, chef-d’œuvre de la création hominale, le mouvement est rapide et intelligent. Le cerveau de l’homme, comme le cerveau de la planète, a aussi ses trois, ou plutôt ses quatre gradations qui correspondent aux quatre règnes : le minéral, le végétal, l’animal et l’hominal. Le crétin, par exemple, qui dans la race humaine est l’être le plus dépossédé d’intelligence, n’a, dans le cerveau, à l’état de développement, que de la matière gisante et végétative, ce qui correspond au minéral et au végétal, mais où le minéral l’emporte en volume sur le végétal. L’imbécile est celui dans le cerveau duquel le végétal l’emporte sur le minéral, et où il peut se trouver un peu de l’animal, c’est-à-dire de la matière rampante et quelque peu instinctive. Le civilisé est celui où les trois règnes sont tous trois développés dans son cerveau, mais où le règne animal l’emporte sur les deux autres. Ce qui correspond à l’hominal, c’est-à-dire à la matière intelligente, y est encore à l’état d’enfance ou de sauvagerie et disséminée sous le crâne au milieu des forêts vierges du système végétal, entre les blocs de rocs du système minéral et exposée dans sa faiblesse et sa nudité à la férocité du système animal. — Ce sont donc les travaux industriels et scientifiques de ces générations d’at[ô]mes perfectibles se mouvant entre nos deux tempes comme entre deux pôles ; ce sont leurs joies et leurs douleurs, leur science ou leur ignorance, leurs luttes individuelles et sociales qui constituent notre pensée. Selon que ces infinitésimales sont plus ou moins à l’état harmonique ; qu’elles obéissent entre elles à la loi naturelle de la liberté, à l’anarchie, à l’autonomie, ou à la loi artificielle de l’autorité, à la monarchie à la tyrannie ; selon qu’elles sont sous l’empire de la superstition ou qu’elles en sont affranchies ; selon que leurs populations sont plus ou moins affectées de paupérisme et d’aristocratie, ou riches d’égalité et de fraternité ; selon que ces petits diminutifs d’hommes sont plus ou moins parqués entre des barrières nationales et des claies de propriétés privées, ou circulent plus ou moins facilement d’une bosse, foyer ou patrie passionnel, à une autre bosse, et d’un continent cranéologique à un autre continent ; enfin, selon qu’ils sont plus ou moins libres ou plus ou moins esclaves, et selon aussi, nous, nous sommes plus ou moins dignes, plus ou moins près de l’esclavage ou de la liberté. — L’être cervelain, comme l’être humain aspire par l’alimentation tout ce qui est au-dessous de lui, rejette aux organes inférieurs ce qui est trop grossier, s’assimile ce qui est assez perfectibilisé pour s’incarner en lui, et exhale au-dehors, sur l’aile de la pensée humaine, ce qui est trop subtil pour demeurer captif en lui. C’est donc à tort qu’on a fait cette classification d’esprit et matière comme étant deux choses distinctes, l’une mobile et immuable, l’autre muable et immobile, l’une invisible et impalpable, l’autre palpable et visible. Tout ce qui est mobile est muable, et tout ce qui est muable est mobile. Ce qui est palpable et visible pour l’être humain, l’infiniment grand, est invisible et impalpable pour l’être cervelain, l’infiniment petit. Ce qui est impalpable et invisible pour l’être humain est visible et palpable pour l’être placé plus haut dans la hiérarchie des êtres, l’êtres humanité ou l’être terrestre. Pour les êtres infiniment plus perfectibilisés que nous, — les humanités des sphères astrales, je suppose, — ce que nous considérons, nous, comme un fluide, ils le considèrent, eux, comme un solide ; et ce qu’ils considèrent comme fluide est considéré comme solide par des humanités encore plus élevées en supériorité. Le plus subtil, ici, pour l’un, est, là, pour l’autre, ce qui devient le plus grossier. Tout dépend du point de vue et de la condition dans lesquels l’être est placé. Le dernier mot de l’être cervelain n’est certainement pas le crâne comme le dernier mot de l’être humain n’est certainement pas le crâne terrestre. L’homme n’est pas l’absolu de l’un, l’humanité n’est pas l’absolu de l’autre. Sans doute, la cervellité enfante bien des générations qui, comme les générations humaines, émettent et se transmettent des idées, et accumulent dans la mémoire de l’homme de gigantesques travaux. Sans doute aussi, l’humanité entasse générations sur générations et progrès sur progrès. Le mieux, le bien, le meilleur, s’accroît en raison des efforts de chacun. Mais les planètes, comme les hommes, naissent, croissent et meurent. A la mort des hommes ou des globes, les humanités ou les cervellités épurées s’élèvent en ce qu’elles ont de fluidique vers des sphères en formation ou en croissance et d’une nature plus perfectible. Le progrès est éternel et infini, après un pas un autre pas, après une vie une autre vie, et encore et toujours.
L’être quel qu’il soit, l’homme, ou le supérieur ou l’inférieur de l’homme, est comme un sac de graine ou de molécules de toutes sortes que le mouvement, c’est-à-dire la vie et la mort, emplit et vide sans cesse. Ces grains, venus du champ de la production, retournent au champ de la production ou, selon leur degré de perfectibilisation, ils produisent l’ivraie ou le froment. Le contenu du sac procrée une multitude de tiges, et sur chaque tige chacun des grains se subdivise et se multiplie dans l’épi. Rien de ce qui est ne peut conserver une minute son individualité intégrale. La vie est un perpétuel échange au profit de chacun. Les plus riches en perfectibilité ce sont les plus prodigues, ceux qui émettent le plus de leur être en circulation : plus le laboureur sème et il récolte ! Les plus pauvres ce sont les plus avares, ceux qui ont les regards tournés en dedans, qui empilent molécule sur molécule dans les caves de leur être, se verrouillent dans leur for intérieur et anéantissent ainsi, dans une idiote contemplation privée, un capital de facultés, des trésors de sensations que le contact extérieur eut fait fructifier.
Ce que je voudrais faire bien comprendre, et ce que je m’efforce de généraliser au risque de me répéter, c’est que les religions, les morales artificielles ou artificieuses ont fait leur temps, et qu’elles ne sont plus aujourd’hui que de l’immoralité ou de l’irreligion ; c’est qu’il y a une morale, une religion naturelle à inaugurer sur les débris des vieilles superstitions, et que cette morale ou cette religion ne peuvent se trouver que dans la science de l’homme et de l’humanité, de l’humanité et de l’universalité ; c’est que l’homme comme l’univers, est un et non pas double : ni matière et esprit, ni corps et âme (matière ou corps inerte, esprit ou âme immatériel), mais substance animée et passionnelle, susceptible de mille et mille métamorphose et contrainte par son animation et sa passionnalité, par ses attractions, à un mouvement perpétuel et ascensionnel. — Ce qu’il importe de constater afin de détruire toutes les séculaires théologies et avec elle le système autoritaire qui sert encore de base à l’organisation des sociétés contemporaines et retarde la communion fraternelle des humains, c’est qu’avec le mouvement l’absolu ne peut exister ; c’est que l’individualité de l’homme et de l’humanité comme l’individualité de tous les êtres atomiques et sidéraux ne peuvent conserver un seul instant leur personnalité absolue, c’est que le mouvement les révolutionne sans cesse et sans cesse leur ajoute et leur enlève quelque chose ; c’est que nous tous, minéraux, végétaux, animaux, hommes, astres, nous ne saurions vivre en nous-mêmes et par nous-mêmes ; qu’il n’y a pas de vie sans mouvement, et que le mouvement est une transformation infinie de la chose finie ; c’est que nous ne vivons qu’à la condition de participer à la vie des autres, et que la vie en nous est d’autant plus féconde que nous en semons au dehors les parcelles, parcelles qui nous reviennent en moissons abondantes et mûries ; et d’autant plus vive que nous lui donnons plus d’éléments externes, que nous mettons de passions en combustion à son foyer. Enfin, c’est que plus nous dégageons de lumière et de calorique, plus nous dépensons d’intelligence et d’amour et plus nous nous élevons avec promptitude d’apothéose en apothéose dans les régions de plus en plus supérieures, de plus en plus éthérées.
Tout est solidaire dans l’universalité. Tout se compose, se décompose et se recompose d’après ses attractions réciproques et progressives, l’atome comme l’homme, l’homme comme l’astre, et l’astre comme les univers. Les univers sont des atomes dans l’universalité, comme l’atome est lui-même un univers dans son individualité. L’infini existe aux deux antipodes de la création, pour la divisibilité en petit comme pour la multiplicité en grand. La courte vue de l’homme, son faible entendement ne peuvent en sonder les incommensurables profondeurs. Le fini ne peut embrasser l’infini, il ne peut que le pressentir. Mais ce que le penseur, muni du puissant instrument qu’on nomme l’analogie, peut toucher et faire toucher de la pensée, ce qu’il doit proclamer à coups de logique sur toutes les places et dans toutes les feuilles publiques, c’est que l’être individuel n’est pas la conséquence de l’être universel, mais que l’être universel est la conséquence des êtres individuels ; il est le groupe infiniment grand dont les infiniment petits sont les membres constitutifs. Dieu, l’âme, l’esprit sont des mythes que l’Humanité approchant de l’âge de raison doit rejeter sans regret à la corbeille aux chiffons comme des poupées du jeune âge. La science, dorénavant, et non plus la superstition, doit occuper sa pensée. Qu’elle n’oublie pas qu’elle est fille du progrès et fiancée au progrès. Les polichinelles, les bons dieux et les diables, tous les Guignol[le]s et les pantins armés de bâtons sont de enfantillages indignes d’elle, aujourd’hui que sa minorité touche à son terme. Il est temps, grandement temps, qu’elle songe à son émancipation ; qu’elle ceigne son front du bandeau intellectuel ; qu’elle se prépare enfin à ses sociales destinées, si elle ne veut servir à tout jamais de risée aux Humanités des autres globes.
Je me résume, et je dis :
Le mouvement c’est-à-dire le progrès étant prouvé, l’absolu ne peut pas plus exister dans le fini que dans l’infini, donc l’absolu n’existe pas.
Par conséquent Dieu, âme universelle ou absolu de l’infini n’existe pas.
Et par conséquent encore l’âme, absolue de l’homme, individualité une et indivisible, forme éternellement finie, n’existe pas.
La matière est tout. Le mouvement est l’attribut de la matière, et le progrès l’attribut du mouvement.
Comme la matière et comme le mouvement, le progrès est éternel et infini.
Le circulus dans l’universalité ne mène pas à la perfection absolue, il conduit à la perfectibilité infinie, au progrès illimité, conséquence du mouvement éternel et universel.
La perfection absolue n’existe donc pas, elle ne peut pas exister. Si elle existait, le progrès n’existerait pas.
La perfection absolue est, contre toute évidence, [c’est] l’absurde.
Le mouvement, lui, est de toute évidence, c’est la vérité.
Pas de transaction possible entre ces deux termes : il faut ou croire en Dieu et en ses diminutifs et nier le mouvement, ou affirmer le mouvement et infirmer Dieu.
— Dieu, c’est la négation du progrès.
— Le progrès, c’est la négation de Dieu.
The Universal Circulus
I.
The universal circulus is the destruction of every religion, of all arbitrariness, be it elysian or tartarean, heavenly or infernal. The movement in the infinite is infinite progress. This being the case, the world can no longer be a duality, mind and matter, body and soul. It cannot be a mutable thing and an immutable one, which involves contradiction—movement excluding immobility and vice versa—but must be, on the contrary, an infinite unity of always-mutable and always-mobile substance, which implies perfectibility. It is through eternal and infinite movement that the infinite and eternal substance is constantly and universally transformed. It is through a fermentation at every instant; it is by passing through the filtering sieve of successive metamorphoses, through the progressive emancipation of species, from mineral to vegetable, from vegetable to animal and from instinct to intelligence; it is through an ascending and continuous circulation that it is raised gradually and constantly from the near inertia of the solid to the subtle agility of the fluid, and that, from vaporization to vaporization, it constantly approaches ever purer affinities, always in the midst of a work of purification, in the great crucible of the universal laboratory of the worlds. Thus, movement is not separate from substance; it is identical to it. There is no substance without movement, as there is no movement without substance. What we call matter is raw mind or spirit; what we call mind or spirit is wrought matter.
As it is with the human being, summary of all the terrestrial beings, essence of all the inferior kingdoms, so it is with the universal being, encyclopedia of all the atomic and sidereal beings, infinite sphere of all the finite spheres—the universal being, like the human being, is perfectible. It has never been, is not, and will never be perfect. Perfectibility is the negation of perfection. To limit the infinite is impossible, as it would no longer be infinite. As far as thought can reach, it cannot discover its own limits. It is a sphere of extension which defies all calculations, where the generations of universes and of sidereal multiverses gravitate from evolution to evolution without ever being able to reach the end of the voyage, the ever more remote frontiers of the unknown. The absolute infinity in time and in space is eternal movement, eternal progress. Put a limit to that infinity without limits—a God, any heaven whatsoever—and immediately you limit movement, limit progress. It is like putting it on a chain like the pendulum of a clock, and to saying to it: “When you’re at the end of your swing, stop! You shall go no further.” It is placing the finite in the place of the infinite. Well! Don’t we realize that perfection is always relative, that absolute perfection is immobility, and that consequently immobilized perfection is something absurd and impossible? Only idiots could dream that up. There is and can be no absolute except perfectibility in the universal infinity. The more a being is perfected, the more it aspires to perfect itself further. Would nature, which has given us infinite aspirations, have lied to us, promising more than it could give? Where has she ever been seen to lie? One must be a Christian and a civilized person, which is to say a cretin and a eunuch, to imagine with delight a paradise in which old Jehovah is enthroned. Could you imagine anything more stupid and boring? Could you imagine these blessed ones, these saints cloistered in the clouds as in a convent, all their pleasure consisting of telling their rosaries and ruminating, like brutes, on praises to the reverend father God, that unchanging superior, that pope of popes, that king of kings, having the mother abbess Virgin Mary to his left, and to his right the child Jesus, the heir apparent, a great oaf who carries, with the air of a seminarian, his crown of thorns, and who,—in the representation of the mystery of the so-sacrosanct Trinity,—fills—with his immaculate mother cradling in her lap the peacock Holy Spirit, which spreads its tail,—the role of two thieves on the cross, nailed on each side of the greatest of criminals, the supreme and divine creator of all the oppressions and all the servitudes, of all the crimes and all the abjections, the Word and the incarnation of evil! In the earthly convents, at least, men and women can still console themselves for their imperfection, for their deadly tortures, by thinking of a future perfection, of another and immortal life, of celestial bliss. But in heaven every aspiration more elevated is forbidden them: are they not at the apogee of their being? The very high and all-powerful magistrate, the one who judges, in last resort and without appeal, the living and the dead, has given them the maximum of beatitude. From now on, they have taken on the cassock of the elect; they drag, in paradise, in forced idleness, the ball and chain of their days; and they are condemned for all time! There is no appeal for mercy possible; no hope of change, no glimmer of future movement can reach down to them. The hatch of progress is forever sealed above their heads; and, like the conscript-for-life in his hulk, immortal galley slaves, they are forever fastened to the chain of the centuries in the eternal heavenly stay!
The only diversions these poor souls enjoy consists of chanting hymns and prostrating themselves before the sovereign master, that cruel old man who, in the times of Moses, wore a blue robe and curly beard, and who according to the current fashion, must wear today a black coat and a stiff collar, mutton-chop sideburns or an imperial goatee, with spittle in place of his heart, and a rainbow of satin around the neck. The Empress Marie and her divine ladies-in-waiting most certainly have crinolines under their petticoats, and most certainly the saints, in the livery of court, are starched, cravated, pomaded and curled neither more nor less than the diplomats. Their blessed grandesses doubtless bang away at the piano for all of the holy eternity, and their blessed excellencies turn the hand of the organ-of-paradise… What fun they must have! That must be amusing! It is true that I am not rich, but I would certainly still give some few pennies to see such a spectacle—to watch for a moment, you understand, not to remain there; and only on the condition of paying on the way out, if I was pleased and satisfied. And yet, on reflection, I find it hard to believe that what goes on inside is worth even a trifling sum at the door. Is it not said: “Happy are the poor in spirit, the kingdom of heaven belongsto them”? That property will never delight me. Definitely, at times, the holy Gospels display a naïveté that is… amusing: bestow then some donkey’s ears on all the laureates of the faith! These first fathers of the Church must have been mischievous: might as well confess right off that paradise is not worth the four fetters of a… Christian. And to admit that women have been left to take the promises of these Lovelaces of superstition, that they have smiled at all these cretinous seductions, that they have given their love for this anti- and ultra-human paradise! To admit that the men have been taken in like the women, that they have believed all these ignoble ones—nonsense, that they have worshipped them!—Poor human nature!—However, one will admit that it would be difficult to invent anything more detrimental to the happiness of humans who do not already have the pleasure of being absolutely poor in spirit. In truth, I would reckon myself happier to be a convict in prison than one of the chosen in paradise. In prison, I would still live by my hopes. Every progress would not be completely closed to me, and my thoughts, like my physical strength, could attempt an escape from the galleys. And the eternity of the life of a man is not so long as the perpetuity of the life of a saint. The universal movement, by transforming me from life to death, will finally deliver me from my torture. I will be reborn free. While in the case of the heavenly imprisonment it is immobility without end, knees bent, hands clasped, head bowed, brow void of hope—an unprecedented torture, with body and soul, muscles and fibers put to the question under the inquisitorial eye of God…
When I think that, profiting from the deterioration of my faculties, brought on by age or illness, a priest could come at the hour of my death, and give me, one way or another, the absolution of my sins, of my heresies; that he could deliver to me, a subject suspected or convicted of lèse-divinité, a lettre de cachet for heaven, and send me to rot in that divine Bastille without a ray of hope of ever leaving it, brrrrrrr!… that gives me shivers. Happily, the expected paradises are like castles in Spain: they only exist in imaginations suffering from mental alienation; or, like houses of cards, the least breath of reason is enough to knock them down. However, I declare it here: On the day when death weighs down on me, let those who can surround me then, if they are my friends, if they respect the wishes of my reason, and not allow my agony to be soiled by a priest and my cadaver sullied by the church. A free thinker, I want to die as I have lived, in rebellion. Living and upright, I protest strongly and in advance against every such profanation of my remains. A particle of humanity, I want even after my death to serve the education and life of humanity; that is why I leave my body to the practitioner who wants to make an autopsy of it and study the organs of a man who did all that he could to be worthy of that name; and that I ask him, if it is possible, to inter the remains as fertilizer in a sown field.
But let us return to our subject, the universal circulus. The unlimited sphericity of the infinite and its absolute movement of rotation and gravitation,—its perfectibility, in short, is demonstrated by all that which strikes our view and our understanding. Everything turns, in us and around us, but never precisely in the same circle. Every rotation tends to raise itself, to approach a purer ideal, a remote utopia which will be realized one day in order to make place for another utopia, and thus progressively from ideal to ideal and from realization to realization.
On the earth, all beings, our subalterns, at whatever degree they are placed in the hierarchy of kingdoms or of species, minerals, vegetables or animals, tend towards the human ideal. As with the infinitely small, so with the infinitely large—our globe and the multitude of globes which follow it at a distance in one single whirl, tend equally, whatever their relative superiority or inferiority, towards their luminous ideal, the sun. And all approach it each day, however insensibly: the man, like the sun, tends in his turn towards some more utopian spheres, by an ascending and continuous gradation; and always thus until the end of ends, or rather without end or terminus.—The mineral pivots imperceptibly on itself and draws to itself all that it can appropriate of the lesser orders; it grows and extends itself, and then it entrusts to some conducting agents a few fragments of its exuberance and feeds the plant.—In its turn, the plant grows, rocking in the breeze and blossoming in the light. The insects gather pollen from it; it offers them its honey and its fibers, everything it has stolen from the bowels of the earth and that it has made to rise to the light of day through the filters of its tissues. The insects and worms then become the prey of the birds. The plant itself is feed for the large animals. Already the mineral has been transformed into flesh and bone, and the sap has become blood; instinct is more prompt, and movement more pronounced. The gravitation continues. Man assimilates the vegetable and the animal, the grass and the grain, the honey and the fruit, the flesh and the blood, the gas and the sap, the breezes and rays. Terrestrial star, he pumps through all his pores the emanations of his inferiors. He raises them drop by drop, bit by bit, to his level and returns to them to knead again that which is still too coarse for him to incarnate within himself. In just the same way, he exhales through thought the aromas too pure to be retained in his calyx, and he scatters them on humanity. Humanity, after having incorporated them, integrates everything that can sympathize with its degree of perfection, and returns for kneading to the instinctive species, to the inferior orders, that which is too coarse for it in these fluids, and exhales that which is too subtile towards the higher humanities of the outer spheres.
Thus it is with the planets moving around the sun, and with the sun moving in its turn with all its satellites around another more elevated center, star of that star.
Now, if everything turns first in a spiral, from its need for preservation, and if, turning on itself, everything reaches beneath itself, from its need for alimentation, and raises itself above itself, from its need for expression; if life is a perpetual revolution, a circle always in movement, each movement of which modifies its nature; if all movement is a progress, and if the more rapid the movement of rotation and gravitation is, the more it accelerates progress in us; can men and women, to whom analogy demonstrates all these things, do less than to bow to the evidence? Can we not desire to be revolutionaries, and, being revolutionaries, not desire to be more revolutionary still? For the human being, to live the life of the mineral, vegetable or animal, to live the life of stones or brutes, is not to live; and to live the life of the civilized persons is to live the life of stones and brutes. Humans, let us not stiffen against our destiny, but deliver ourselves with passion to its teachings; let us advance boldly to the discovery of the unknown; reach out to progress in order to accomplish with it humanitary evolution in the great circle of perfectible beings and societies; let us initiate ourselves fearlessly into the mysteries of the eternal and universal revolution in the infinite. The infinite alone is great, and the revolution only has malice for those who would remain outside its circle. Let us live by movement for movement, by progress and for progress, regardless of whether the grave is close and the cradle far. What is death to us, if it is still movement, and if movement is still progress? If that death is only a regeneration, the dissolution of our crumbling unity, an organism incapable for the moment of moving itself, perfectibly in its continuous disaggregation, and, moreover, the re-aggregation of the plurality of our being in younger and more perfectible organisms? If that death, finally, is only the passage from our state of senility to the embryonic state, the mold, the matrix of a more turbulent life, the crucible of a purer existence, a transmutation of our brass into gold and a transfiguration of that gold into a thousand coins, animated and diverse, and all stamped with the effigy of Progress? Death is only frightening for those who bask in their own muck and are transfixed in their porcine husks. For, at the hour of the decomposition of his organs, those will adhere, by their heaviness and vileness, as they adhered during their lives, to all that which is mud and stone, stench and torpor. But those who, instead of growing fat and sinking willingly into their ignominy, burned their fat to produce light; those who acted with their voice and strength, with heart and intelligence which will be invigorated by labor and love, by movement—those, at the hour when the last of their days are used up; when they has no more oil in their lamp nor elasticity in their works; when the largest part of their substance, long since volatilized, journeys already with the fluids; those, I tell you, will be themselves reborn, in conditions made more perfectible to the degree that they had labored at their own perfectibilization. Moreover, does not death have a place in all the instants of the lives of beings? Can the body of a man preserve for a single moment the same molecules? Does not every contact constantly modify it? Can it not breathe, drink, eat, digest, think, feel? Every modification is at once a new death and a new life, more painful and more inferior to the degree that the alimentation and the physical and moral digestion have been idler or more coarse; easier and superior to the degree that they have been more active or refined.
II.
Just as the human digests the vegetable and animal, assimilates their juice or essence and discharges their skin and excremental detritus as the manure that will give birth to lesser beings; just so humans digest the hominal and the generations of hominals, their juice or essence and discharge their skin and excremental detritus as the manure on which will wallow and pasture the bestial and vegetative societies.
Like the works of a mill, the individual organism of the human being and the organism of humanity grind in their gears the fruit of good and evil, and separate the good from the bad, the bran from the flour. The bran is cast in the trough for the livestock, the flour is gathered by the human being and serves its nutrition. The good is destined to the highest classes of beings, the bad to the lowest. The one is transformed into white bread or into cake and is set on the table on trays of porcelain or silver at the feast of the intelligences; the other remains raw or is transformed into slops, and falls in the feed trough for the farm stock or beasts of burden. The good or bad grain, and each grain of that grain, is treated according to its value, punished or rewarded according to its merit. Each carries within itself its chastisement and its recompense, the human being as much as the grain; its purity or impurity makes its paradise or hell in the present, its hell or heaven in the future.
All labor is an instrument of progress, all idleness is a straw bed for decrepitude. Labor is the universal law; it is the organ of purification for all beings. No one can escape it without committing suicide, for we can be born and grow, form and develop only by labor. It is through labor that the grain sprouts in the furrow, put sup its stalk and is crowned with a rich fruit; it is also by labor that the human fetus closes off and encircles itself in the womb of the mother, and, obeying an imperious attraction, appears by escaping from the organ of generation; it is by labor that the child stands on its feet, grows, and that, become an adult, it is crowned with the double fruit of its manual and intellectual faculties; it is also by labor that the individual matures physically and morally before falling under the scythe of Time, that universal and eternal reaper, in order to begin again, in the eternal and universal life, a new work and new destinies.—Being, whatever they may be, are called to labor to the degree that their attractions are lofty; and their sensations are voluptuous to the degree that they are purified by labor.
Happy are those whose productive faculties are overexcited by the love of the good and the beautiful. They will be fruitful in goodness and in beauty, for no labor is fruitless. Unhappy are those whose productive faculties sleep, shrouded in the apathy that the dreadful and evil brings. They will not know the joys that hard-working and generous passions give. All inertia is infertile; all narcissism, every exclusive adoration of itself is doomed to sterility. Happiness is a fruit that can be picked only on the high summits, and it has a delicious flavor only after having been cultivated. For the idle, the inert, as for the merely cunning, it is too green a fruit: it ripens only for the agile, the laborers. It is not by sequestering it in our being, by isolating our hearts from the hearts of our fellows that we can obtain it; it does not belong to the fratricidal but to the fraternal. Those only can harvest it who do not fear to put arms and heart and head into it, and make a communion of individual efforts.
The human and humanity carry within them the seed of individual and social well-being; it is up to individual and social labor to cultivate it, if they want to savor its fruits.
It is for having tasted the fruit of the tree of science that, according to the Jewish and Christian mythologies, we have lost the terrestrial paradise. Ah! If instead of having only a taste, Humanity had tried to eat its fill of it, it would not be difficult to recover that Eden, so narrow and so little regrettable. Then, we could have had it, prodigiously, without limits and replete with felicities of a very different sort than those of the primitive ages. I do not say that with the aid of science we could, like the alleged gods, make something from nothing, but we could regenerate what exists, make the world a better world, transform our societies in the civilized state into a society in the harmonic state, and enter almost without transition from the life of present ages into that of the future.
The religions, as absurd as they are, nonetheless represent the need for an ideal innate in humanity. All the fables of the past and present represent future hopes, the sense of immortality in mortals. Ignorance and superstition have made shapeless monsters of these aspirations; it is up to science, to reason freed from its swaddling clothes, to give them humanitary forms. The human and humanity, as well-perfected as they will be one day, will nonetheless experience desires which will never find satisfaction in any present time. The future will always be a beacon towards which all their efforts will tend, the object of their constant longings. The call of progress will always resonate in their ears. Perception will always be superior and will always reach further than realization. Human beings sense clearly that all is not closed forever under the lid of the coffin. The idea of progress protests not only against all destruction, but also against all degeneration; and not only against all degeneration, but against all that which is not regeneration and perfectibilization. Ignorance and superstition have imagined the immortality of the soul and the heavenly resurrection. I believe I have demonstrated that there is no soul distinct from the body; and there would be an inadmissible duality unless that soul still obeyed the same laws of decomposition as the body. The absolute soul and absolute paradise would be the negation of progress; and we can no more deny progress than we can movement. God, in the religious as in the philosophical sense, can no longer exist with regard to us, as we ourselves cannot exist as God with regard to the myriads of atoms of which our body is the Great-All. It is not the human body, in its small totality, which creates and directs these myriads of atoms of which it is composed; it is these atoms, instead, that create it and direct it by moving according to their passional attractions. Far from being their God, the human being is hardly anything but their temple: it is the beehive or anthill animated by these innumerable multitudes of the imperceptible. The universal being would not, any more than the human being, be the creator or the director of the colossal multitudes of worlds of which it is made up; it is these worlds, instead, which create and direct it. Far from being their maker, their producer—their God, as the metaphysicians say—the universal being is hardly anything but the workshop or, at most, the product of the infinity of beings. How then would it be the motor of each, if it is only the machine of which each is the motor? God and the absolute is denied by everything in nature that has life. The progress which is movement and the movement which is progress issue them a certificate of non-existence, characterize them as imposters. If the absolute could exist above us, we would be the absolute for that which is below us, and movement and progress would not exist. Life would be nothingness, and nothingness cannot be conceived. All that we know is that life exists: thus movement exists, thus progress exists, and thus the absolute does not exist. All that we can conclude is that the circulus exists in universality as it exists in individuality. Like every individuality, the universality, however infinite it may be, is itself only a rotation and a spherical gravitation which, moving more and more from the darkness and chaos and approaching more and more light and harmony, perfects itself by working itself ceaselessly, by a mechanism or organism that is constantly more rectified… But all of that absolutely contradicts the idea of a God from which everything emanates and towards which everything returns, the idea that everything has been created, by God, from nothingness, in order to be annihilated in the bosom of the same God—which is to say, something starting from nothing in order to lead to nothing, going beyond the absurd in order to fall back into the absurd. God, source of all things, central point from which everything follows and towards which all returns, is one of these contradictory rationales that one can give to the children of men and to the humanities-in-infancy, because their still-sleeping intelligence cannot yet respond. But it is absolutely absurd. A river cannot flow back towards its source. The source is no more eternal than the river. They both exist only on the condition of movement, which is to say of progress, of birth and of death, of generation and regeneration. Like the river, the source has a cause. It is not everything, this small central point from which gushes the living water which produces the stream. The opening is only an effect, it is not a cause; and, by returning from the effect to the cause, we would find that the cause is still only the effect of another cause, and so forth. God explains nothing. It is a word to cross out of the vocabulary of men, since it serves to quibble with the difficulty without resolving it. God is only a mannequin, the breastplate (or shirtfront) of ignorance, a stick in the wheels of progress, a snuffer on the light, a… rag in a lantern! It is time to cleanse the universal language of it. Excrement of human cretinism, from now on it belongs to the Domange Academy and the consorts: let it reign in the pits of the Villette, and let it, reduced to powder and cast to the four winds, serve finally as fertilizer to movement, to the eternal and universal and perfectible creation, to the unlimited development of the infinite.
God!… In truth is it possible that two men agree on the meaning that they give to this word? I do not accept that for the needs of the dialectic it should be necessary to resort to it. Let a philosopher employ it in his writings, and, if it is a Catholic who reads them, he would only want to see,—despite whatever cautions the author has given,—the God of his own religion. If he is a Calvinist, a Lutheran, a Israelite, a Muslim, a Hindu, a believing philosopher or a philosophical believer, each would not want and would not be able to see anything but the God of his own imagination. In the end, these three cabalistic letters will represent as many different Gods as there are readers or listeners. I do not see what need the dialectic could have of the word, and I believe that it would do better and more wisely to do without it. New things require new words. I know that there are many other expressions which we use, myself as much as anyone, and which do not have the same meaning for everyone: it is an evil which it is necessary to try to remedy, otherwise we would discuss a long time without understanding each other. GOD being the first cause of all social falsities, the source of all human errors, the capital lie, GOD can no longer be employed in the discussion except as an abusive term, as a spatter spit from our lips or our pen. It is not enough to be an atheist, it is necessary to be a theocide. It is not enough to deny the Absolute; it is necessary to affirm Progress, and to affirm it in everything and everywhere.
Defects in logic are what mislead the greatest thinkers, what carry perturbation to the mass of intelligences. It is because we is not in agreement with ourselves that often we cannot come to agreement with others. All of us who affirm the movement in the infinite and consequently infinite progress, the single and solidary universality, affirm equally the movement in ourselves and consequently progress, the single and solidary individuality. Let is deny duality in the finite as we deny it in the infinite. Let us reject that absurd hypothesis of the immortality of the soul, of the absolute in the finite, when we have the proof in the body that every finite thing is perishable, divisible and multipliable, which is to say progressively perfectible. Matter is not one thing and spirit another, but one same and single thing which movement constantly diversifies. The spiritual is only the result of the corporeal; this is not a matter of spirituality but of spirituosity. The soul or, to put it better, thought is to the human being what alcohol is to wine. When we speak of the spirit of wine, we speak of an entirely material thing. Why should it be otherwise when it is a question of the spirit of a human being! Do you still believe then that the earth is flat, that the heavens are a cupola to serve it as a dome, and that the sun and stars are candles lit by the creator God in honor of Adam and Eve and their descendants? And if you no longer believe in these supposed revelations, in these charlatanries or in this aberration of the faith, and if you believe in what science and the genius of observation teaches you, in virtue of what reason would you want spirit to be distinct from matter? And, even being distinct, that the one be the movement and the other inertia, and that precisely the one to which you attribute movement was never-changing in its individuality? Inexplicable paradox! Well, observation tells you, through my testimony, that all that which has been vapor or dust and is grouped and has taken finished, definite form, will come away grain by grain, drop by drop, molecule by molecule and will scatter into the undefined, in order to assume, not another form, but a multiplicity of other forms, and will leave these multiple forms anew in order to divide again and multiply and progress eternally in the infinite. In order to be convinced of it, there is no need of having studied Greek or Latin; it is only necessary to examine the analogy, to infer and to deduce.
I have established that all that which is inferior to human beings tends to gravitate towards them. The human being is the summary of terrestrial creation. The Earth is a being, animated like all beings and endowed with various organs proper to life. Humanity is its brain, or rather it is that part of it which, in the human brain, we have called the gray matter, the eminently intelligent part; for the animal and the vegetal, and the mineral even—in a certain proportion—also live under the terrestrial skull and form the ensemble of its brain. Alone,—of all the atoms which live obscurely in the innards of the planetary body or rest, vegetate, crawl, walk or fly by the light between the soil and the atmosphere,—humans are a perfectible species. They possess some faculties which are unknown to other beings or which are hardly sensible among them: that of memory, for example, or calculation; that of the emission and transmission of idea. Unlike the mineral, vegetable and animal, the hominal generations succeed and do not resemble one another; they always progress and do not know the limit of their perfectibility. Eh! well, that which exists for the earth obviously exists for human beings. The human being is another globe, a small world which also has in it its privileged race, its humanity in miniature, the ideal of all the atomic species that people and form its body. That humanity is called the brain. It is towards it that gravitate all the kingdoms or all the molecular species of the human body. These molecules,—the most revolting as well as what we might call the most inert,—all tend to rise from their beds and their lower natures to that type of superiority which lives under the human skull. And, as humanity, the intelligent part of the brain of the terrestrial body, is perfectible, the cervellity, or intelligent part of the brain, which is the humanity of the human body, is also perfectible. While outside of the brain, the lower molecules only act mechanically, so to speak, and with more inertia the lower they are place on the scale of the progression of the kingdoms or species; in the brain, on the contrary, capstone of hominal creation, the movement is rapid and intelligent. The brain of the human being, like the brain of the planet, also has its three, or rather its four gradations which corresponds to the four kingdoms: the mineral, the vegetable, the animal and the hominal. The cretin, for example, who in the human race is the being most dispossessed of intelligence, has, in the brain, in the state of development, only matter recumbent and vegetative, that which corresponds to the mineral and vegetable, but where the mineral prevails in volume over the vegetable. The imbecile is the one in whose brain the vegetable prevails over the mineral, and where there can be found a little of the animal, which is to say of matter of a creeping and somewhat instinctive sort. In the civilized person, all three kingdoms are developed in the brain, but the animal kingdom prevails over the other two. That which corresponds to the hominal, which is to say to intelligent matter, is still in a state of infancy or savagery, and dispersed under the skull, amid the virgin forests of the vegetal system, between the blocks of rock of the mineral system and exposed in its weakness and nudity to the ferocity of the animal system.—It is then the industrial and scientific labors of these generations of perfectible atoms, moving between our two temples as between two poles; it is their joys and their pains, their science or their ignorance, their individual and social struggles which constitute our thought. Depending on whether these infinitesimals are more or less in the harmonic state; whether they obey among themselves the natural law of liberty—to anarchy, to autonomy—or the artificial law of authority—to monarchy, to tyranny; whether they are under the empire of superstition or they are freed from it; whether their populations are more or less given over to pauperism and aristocracy, or rich with equality and fraternity; whether these small diminutives of humans are more or less penned up between national barriers and the fences of private property, or circulate more or less easily from one passional height, home or homeland, to another, and from one craneological continent to another; finally, according to whether they are more or less free or more or less enslaved, and also whether we ourselves are more or less dignified or more or less close to slavery or liberty.—The cervelain being, like the human being, takes in as food everything that is below it, discharges from the lower organs that which is too coarse, assimilates that which is perfectible enough to become incarnate in it, and exhales outside, on the wings of human thought, that which is too subtile to remain captive in it. Thus we incorrectly classify mind and matter as being two distinct things, the one mobile and immutable, the other mutable and immobile, the one invisible and impalpable, the other palpable and visible. Everything that is mobile is mutable, and everything that is mutable is mobile. That which is palpable and visible for the human being, the infinitely large, is invisible and impalpable for the cervelain being, the infinitely small. That which is impalpable and invisible for the human being is visible and palpable for the being placed higher in the hierarchy of beings, the humanitary beings or the terrestrial being. For the beings infinitely more perfected than us,—the humanities of the astral spheres, I suppose,—what we will regard as a fluid, they will consider as solid; and what they will regard as fluid will be regarded as solid by the humanities still more elevated in superiority. The most subtile, here, for the one, is, there, for the other, what becomes the coarsest. Everything depends on the point of view and the condition in which the being is placed. The last word of the cervelain being is certainly not the skull, as the last word of the human being is certainly not the terrestrial skull. The human being is not the absolute of the one, and humanity is not the absolute of the other. Without doubt, the cervellity gives birth to generations which, like the human generations, produce and transmit ideas, and accumulate in the memory of the man of gigantic labors. Without doubt also, humanity piles generations on generations and progress on progress. The better, the good, and the best, all increase as a result of the efforts of each. But the planets, like human beings, are born, grow and die. At the death of humans or globes, the purified humanities or cervellities rise by whatever fluid character they have towards spheres in formation or in expansion and of a more perfectible nature. The progress is eternal and infinite, after one step another step, after one life another life, and still and always.
Any being whatsoever, a human being, or the superior or the inferior that being, is like a sack of grain or of molecules of all the sorts, which movement, that is to say life and death, fills and empties without ceasing. These grains, come from the field of production, returns to the field of production or, according to their degree of perfectibility, they produce rye or wheat. The content of the sack procreates a multitude of stalks, and on each stalk each of grains subdivides and multiplies in the ear. Nothing of that which is can preserve for one minute its full individuality. Life is a perpetual exchange to the profit of each. The richest in perfectibility are the most lavish, the ones who venture the most of their being in circulation: the more the laborer sows and harvests! The poorest are the stingiest, those who have their gaze turned inward, who stack molecule on molecule in the hollows of their being, who seal themselves in their innermost selves, and waste, in a stupid private contemplation, a capital of faculties, troves of sensations that external contact would have made bear fruit.
What I want to make well understood, and what I strive to generalize at the risk of repeating myself, is that the religions, the artificial or deceitful moralities have had their day, and that they are nothing more today than immorality or irreligion; it is that there is a morality, a natural religion to inaugurate on the rubble of the old superstitions, and that that morality or that religion can be found only in the science of man and of humanity, of humanity and of universality; it is that the human like the universe, is one and not double: not matter and spirit, nor body and soul (matter or inert body, spirit or immaterial soul), but animated and passional substance, susceptible of thousands and thousands of metamorphoses and constrained by its animation and its passionality, by its attractions, to a perpetual upward movement.—What it is important to note in order to destroy all of the secular theologies, and with them the authoritarian system which still serves as the basis of the organization of contemporary societies and postpones the fraternal communion of humans, is that with movement the absolute cannot exist; it is that the individuality of the human and of humanity, like the individuality of all the atomic and sidereal beings, cannot preserve for one single instant their absolute personality, it is that the movement revolutionizes them without ceasing and constantly adds something and takes away something from them; it is that we all, minerals, vegetables, animals, humans, and stars, would not know how to live in ourselves and by ourselves; that there is no life without movement, and that movement is an infinite transformation of the finite thing; it is that we live only on the condition of taking part in the lives of others, and that the life in us is more fruitful the more we sow it outside the plots, plots which returns to us in ripe and abundant crops; and more lively as we give it more external elements, as we put passions in combustion on its hearth. Finally, it is that the more we give off light and caloric, the more we expend intelligence and love, the more we raise ourselves with swiftness from apotheosis to apotheosis in regions more and more elevated, more and more ethereal.
Everything is solidary in universality. Everything is composed, decomposed and recomposed according to its reciprocal and progressive attractions, the atom like the human, the human like the stars, and the stars like the universes. The universes are atoms in universality, as the atom is itself a universe in its individuality. The infinite exists at the two antipodes of creation, for divisibility on a small scale as for multiplicity on a grand scale. The short view of the human, its weak understanding cannot sound its incommensurable depths. The finite cannot embrace the infinite, but can only sense it. But what the thinkers, supplied in the powerful instrument that we call analogy, can touch and make thought touch, what they must proclaim by strokes of logic on all the public places and in all the public papers, is that the individual being is not the consequence of the universal being, but that the being universal is the consequence of individual beings; it is the infinitely large group of which the infinitely small are the constitutive members. God, the soul, and the spirit are myths that Humanity, approaching the age of reason, must toss without regret into the rag basket like some dolls from our youth. Science, from now on, and no longer superstition, must occupy our thoughts. Let us not forget that humanity is a daughter and fiancée of progress. The polichinelles, the good gods and the devils, all the Guignols and the puppets armed with sticks, are of childishness unworthy of it, today, as its minority comes to its end. It is time, high time, that it thinks of its emancipation; that it girds its forehead with the intellectual banner; that it finally prepares itself for its social destinies, if it does not want to serve forever as laughingstock for the Humanities of other globes.
To sum up, I say:
Movement, which is to say progress, being proven, the absolute can no more exist in the finite than in the infinite, and thus the absolute does not exist.
As a consequence, God, universal or absolute soul of the infinite, does not exist.
And as a further consequence, the soul, the absolute of the human, individuality one and indivisible, eternally finished form, does not exist.
Matter is all. Movement is the attribute of matter, and progress the attribute of movement.
Like matter and movement, progress is eternal and infinite.
The universal circulus does not lead to absolute perfection. It conducts to infinite perfectibility, to unlimited progress, the consequence of eternal and universal movement.
Thus, absolute perfection does not exist, and cannot exist. If it existed, progress would not exist.
Absolute perfection is against all evidence, and absurd.
Movement is, obviously, truth.
No transaction is possible between these two terms: it is necessary either to believe in God and in his diminutives and deny movement, or to affirm movement and invalidate God.
—God is the negation of Progress.
—Progress is the negation of God.