Révelation.
- Mère, comme il fait froid! la terre est toute blanche;
- Le mont, déjà trois fois, a roulé l’avalanche;
- Un instant a suffi pour chasser les beaux jours
- Et dépouiller le val de verdure et d amours.
- Les oiseaux frissonnants désertent le bocage,
- La plaine est comme un lac immense et sans rivage,
- Les pauvres voyageurs errants sur les chemins.
- Qu’ils sont infortunés, mère, et que je les plains,
- Alors qu’auprès de l’âtre où la flamme pétille,
- Lisant à la lueur de la lampe qui brille,
- J’entends gronder au loin l’orage, les autans.
- A cette heure je prie et conjure les vents
- D’épargner le marin qui brave la tempête
- Et d’écarter la mort qui plane sûr sa tête;
- De faire luire à l’œil du pêcheur malheureux
- Quelque fanal béni, quelque point lumineux.
- Et lorsque j’ai prié, mon âme est plus contente;
- J’entends vibrer en moi comme une voix puissante.
- Elle dit : La prière, élan de charité,
- Prend le chemin du ciel avec sécurité
- C’est le plus pur encens, la plus douce harmonie,
- Qui puisse jusqu’à Dieu monter de cette vie
- Quand les hommes entr’eux auront assez aimé,
- Ils reverront l’Eden à leurs regards fermé
- Pour eux, dès ce moment, dépouillé de mystère,
- Et sans l’arbre fatal qui perdit notre mère.
- Humains, hâtez-vous donc d’amener ce beau jour,
- Aimez! aimez encore, Dieu n’est que pur amour!
- . . . . . . . . . . .
- . . . . . . . . . . .
- Mère. que pensez-vous de cette voix étrange ?
- Je pense, enfant béni, que vous êtes un ange,
- Auquel, dès ici-bas l’esprit s’est révélé;
- Qu’à vous, comme à Moïse, au Christ, il a parlé
- Comme eux, il vous faut donc, martyr en cette vie,
- Vous résoudre aux douleurs, même à l’ignominie,
- Pour prêcher aux humains la loi de vérité,
- Qui vous fut dévoilée en un jour de bonté.
- Hélas dussiez-vous ne trouver en ce monde,
- Qu’injustice et dédain, qu’amertume profonde,
- Etre traité de fou, d’infâme, d’imposteur!
- Prêchiez, prêchez toujours et laissez au Seigneur
- Le soin d ouvrir les yeux à la foule insensée!
- Le soldat de son chef connait-il la pensée?
- Il marche cependant sur un seul mot de lui,
- Prêt à verser son sang demain comme aujourd’hui.
- Qu’importe si le grain meurt au sein de la terre
- Alors qu’on voit sortir la gerbe de l’ovaire?
- Et qu’importe au semeur qu’un autre ait récolté,
- Si son salaire un jour est l’immortalité?
-
- Jeanne Marie.
-
Revelation.
- Mother, how cold it is! The mountain is all white;
- Three times already the avalanche has rolled;
- A moment is enough to banish the fine weather
- And strip the valley of greenery and love.
- The shivering birds desert the hedges,
- The plain is like a huge lake, without shores,
- The poor travelers wander the roads.
- They are so ill-fated, mother, and I pity them,
- While beside the hearth where the flame crackles,
- Reading by the light of the lamp that glows,
- I hear the storms rumble in the distance, the Autans.
- At that hour I pray and conjure the winds
- To spare the sailor who braves the storm
- And ward off the death that hovers over his head;
- To shine in the eye of the unfortunate fisherman
- Some blessed lantern, some luminous point.
- And when I have prayed, my soul is more content;
- I hear within me something like a powerful voice vibrate.
- It says: Prayer, impulse of charity,
- Takes the road to heaven with security
- It is the purest incense the sweetest harmony,
- Which can rise all the way to God from this life!
- When men have loved one another enough,
- They will see again the Eden lost to sight
- From that moment, stripped of mystery,
- And without the fatal tree that doomed our mother.
- Humans, hasten then to bring about that good day,
- Love! Love more! God is only pure love!
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- Mother, what do you think of this strange voice?
- I think, blessed child, that you are an angel,
- To whom, here below, the spirit has revealed itself;
- That to you, as to Moses, to Christ, it has spoken
- Like them, then, you must be a martyr in this life,
- Resolve yourself to sorrows, even to ignominy,
- To preach to humans the law of truth,
- Which was unveiled to you one bountiful day.
- Alas, though you find in this world,
- Only injustice and disdain, only deep bitterness,
- To be treated as mad, infamous, an imposter!
- Preach, preach always, and leave it to the Lord
- To open the eyes of the foolish mob!
- Does the soldier know the thought of his commander?
- Yet he marches at a single word from him,
- Ready to shed his blood tomorrow as today.
- What does is matter if the grain dies within the earth
- When we see the sprout issue from the seed?
- And what matter to the sower that another has reaped,
- If their wage one day is immortality?
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- Jeanne Marie.
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