Georgette Ryner, “The Combat of Love and Death” (1925)

Le Combat de l’Amour et de la Mort

CONTE

« Te voilà donc parti, Alain, mon adoré, parti pour toujours, parti dans la mort, toi qui pensais vaincre la mort !… Perdu avec toi-même, ton espoir de lui reprendre les tout-petits, nés de la fusion de nos amours et de nos joies ! »

Au fond d’un sombre caveau, une jeune femme parle ainsi au bien-aimé. Tout à coup, ô surprise, sans qu’elle puisse découvrir aucune source de lumière, une lueur flotte dans l’atmosphère ; Aurose se sent entourée d’effluves qui paraissent, frémissants et grandissants, baigner tout l’espace…

Que lui importe ce qui l’entoure, ombre ou clarté. N’a-t-elle pas fui le monde extérieur ? N’est-elle pas aveugle pour le dehors et tout son rythme de vie n’est-ce pas maintenant de se pencher vers les ténèbres de la mort, de se replier dans les ténèbres de son cœur ?

« Où es-tu, mon Alain ? où est notre Liliane aux boucles brunes, aux yeux d’aigue-marine ? notre Domnin auréolé d’un or qui faisait paraître plus sombre le sombre velours de son regard? Ah! notre Liliane avec ta lèvre légèrement moqueuse, tes dents étincelantes, ton large front empli de pensées ! Et les yeux de Domnin et son visage entier s’éclairaient, disais-tu, de mon sourire alors joyeux. O mon Alain, pour moi l’amour est donc fini, l’amour qui avait fait de nous des dieux créateurs de beauté, créateurs de vie, d’amour qui, uni à ton génie, allait peut-être ressusciter la vie et la beauté ! »

Mais Aurose s’inquiète, regarde la surprenante lumière. Ses sens, subtils de douleur, croient maintenant percevoir un mouvement dans les lueurs effarées. Un sourire amer crispe sa lèvre ; sa faiblesse, évidemment, trouble le jeu de ses organes. En ses oreilles bruissent des sons inouïs : un vague prélude, le pauvre espoir plutôt et la promesse flottante de quelque symphonie qui, peut-être, tout à l’heure va chanter.

De plus en plus, Aurose ressent une étrange impression d’incompréhensible : chaque parcelle de l’air ne renferme-t-elle pas quelque étrange secret? Les pierres du mur ne vont-elles pas crier des mots qu’elles savent, des mots dont Aurose ne connaît pas encore la puissance ? Transportée, elle se sent transportée pour quelle rare initiation ? — au glissement soudain furtif des temples obscurs et généreux; le silence de la tombe se peuple de rumeurs évanouies dès leur naissance, de paroles fuyantes et peut-être magiques, d’incantations, qui s’émeuvent et se taisent. Une révélation ?.. Son tremblement peut-il attendre une révélation ?

Dans la nuit où elle s’est réfugiée, croît toujours l’incompréhensible, l’invraisemblable lumière; malgré la tristesse qui l’accable s’élève en son cœur une inexplicable joie ; dans le royaume de la mortelle éprouve de plus en plus intense, une bizarre impression de vie. Serait-ce le jour du Jugement définitif et les trompettes vont-elles donc sonner l’éternel réveil et la victoire de la vie ?

La taille d’Aurose, hier encore élancée, est courbée sous un fardeau de désespoir et de mystère; sur sa physionomie dont la tristesse tire les traits, se joue pourtant un reflet étrange et magnifique qui, peut-être, va grandir et emplir le caveau ; sa beauté semble anéantie, mais de ce qui fut elle, quelque chose reste : l’Amour, « l’Amour plus fort que la mort. » Elle songe ces mots anciens, leur donne des significations nouvelles, éclatantes comme des éclairs, fuyantes comme des éclairs.

Puis elle s’approche du rebord de la muraille sur laquelle se trouve tout un appareil d’expériences ; c’est auprès du bien-aimé qu’elle veut continuer les recherches du bien-aimé ; là où règne la mort, elle veut essayer de vaincre la mort.

Ah! ne le vengera-t-elle point, son Alain, ne le reconquerra-t-elle point sur la perfide qui, pour l’empêcher de dévoiler son secret, a raidi ses membres, a arrêté le battement de son cœur ?

« Liliane, Domnin, mes tout-petits, une première fois déjà venus de moi, pourrai-je vous redresser vivants ? Et toi, mon Alain, te rendrai-je à l’amour, à mon amour ? » Son cœur et son esprit tantôt se vaporisent dans l’infini des désirs, puis se resserrent comme des mains pour essayer de saisir, dans leur fuite, les moyens efficaces.

Voici qu’elle dégage l’ouverture du tombeau ; elle place un immense prisme sur Île trajet des rayons solaires qui, maintenant, y pénètrent. La lumière, née du prodige, et peut-être créatrice de prodige, se mêle aux rayons ultra-violets qu’Aurose dirige vers un appareil semblable, au moins par l’apparence, à un vaste tube de Crooks. Il communique avec une machine qui, plus puissante, plus mystérieuse, rappelle pourtant nos bobines de Rumkhorff. La jeune femme actionne la machine ; aussitôt, les parois légères s’irradient ; l’’atmosphère étincelle de points multicolores. Maintenant, le faisceau tombe sur des cadavres d’animaux. Et voici : les pattes d’une grenouille remuent, la pupille d’une souris se dilate, les poils d’un chat se hérissent.

« De simples réflexes toujours, murmure la jeune femme. Mais la vie, quand saurons-nous la faire jaillir du soleil, père de toute énergie ? Chaque jour, sur la terre ensevelie dans l’ombre et Ie sommeil, il ramène le mouvement, la joie, la pensée : il illumine les plaines, répand la beauté sur les objets que son regard caresse ; le printemps venu, il réveille le grain de blé de sa léthargie hivernale. Il peut faire plus : les grains, trouvés après 6.000 ans dans le tombeau d’une momie égyptienne, « tous les croyaient devenus stériles comme la mort même dont ils étaient les compagnons. Et pourtant, lorsque la chaleur du soleil se mêla à la caresse de l’air et de la terre, ils s’ouvrirent à Ja germination éternelle; et voilà que des tiges vertes, jeunes comme la vie, se balancèrent sous le vent du Nil ».

Comme sous l’écorce du blé tressaille le germe, continuait Aurose, la pensée humaine s’agite en nous ; l’amour semble s’endormir sous la pierre du tombeau ; fermement, j’espère le réveil et l’épanouissement dans quelque printemps inattendu où l’éternité, qui semble fermée, s’ouvrira et s’illuminera. Puis la pensée de la jeune femme revenait vers les siens : « Alain, mon bien-aimé, Liliane, Domnin, mes trésors jolis, la chaleur du soleil pourra-t-elle un jour ranimer vos corps glacés, rendre la forme et la beauté à vos visages dénoués, réveïller votre pensée et votre amour ? »

Tout à coup la machine ronfle, plus bruyante, l’éther crépite, le caveau semble un brasier ardent. Les colorations dont il flamboie, aucun regard humain ne les a jamais perçues. Sec, un craquement se fait entendre et le verre vole en éclats. Ah! la grenouille… mais oui, elle saute ; et la souris qui court et le chat qui s’étire et bâille longuement. Mais, ô contradiction des forces dépourvues d’intelligence et de sensibilité! Celle-ci vient, ô merveille, de recréer la vie. Du même souffle aveugle, hélas ! elle a semé la mort.

O vie, à mort, saurons-nous jamais quels liens vous unissent, comment la mort sort de la vie, comment la vie sort de la mort et quel rythme sacré vous mêle en une danse nombreuse, comme alternent les jours pères des nuits, les nuits mères des jours ! comme en leur quadruple ronde apparaissent, tournoient et disparaissent, pour de nouveau reparaître, le vert printemps, l’été aux tresses blondes, l’automne couronné de pampres, l’hiver aux bras décharnés !

La femme qui enfante, au moment où les portes de la vie s’ouvrent devant l’être nouveau, voit parfois ces portes se refermer sur elle ; tandis que l’inconnu venu du mystère étreint le flambeau lumineux, la flamme généreuse qu’elle a transmise soudain lui échappe…

Trop vite sans doute le sang a couru dans les veines d’Aurose, les battements de son cœur ont été trop précipités, sa respiration trop intense ; la frêle enveloppe de son corps n’a pu supporter la surabondance emmagasinée dans les tubes, la surabondance de vie brusquement répandue dans la tombe. Au pays d’Au-Delà, Aurose a rejoint les bien-aimés !

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Combien de temps à passé ? Des semaines ou des mois ? Dans l’étouffement étroit, soudain, comme d’un pénible cauchemar, l’âme d’Aurose se réveille. La force trop abondante qui brisa son corps s’est usée au froid de la tombe : diminuée et [r]alentie dans son rythme, elle redevient une force de vie, relève l’être qu’elle terrassa. Mais quel frisson d’horreur emplit la jeune femme ! Réveil affreux et qui fait regretter le sommeil de tout à l’heure et qui fait désirer le sommeil définitif. Tout songe ne s’était-il donc pas éteint et toute souffrance et toute possibilité de souffrance ? Il lui semble bien qu’elle sort d’un calme absolu où elle voudrait replonger.

L’obscurité l’enveloppe. Le froid la glace. Profond, le silence l’effraie. Et cette odeur fétide qui l’entoure ! Le poids de la terre l’oppresse ; de cercueil, amoureux jaloux, l’enserre. Si son corps, après son âme, se réveille, ses membres seront condamnés à l’immobilité perpétuelle, ses yeux voués à la plus sombre obscurité ?

Son corps !… Est-ce celui, modèle de beauté, que tous admirèrent, que toutes envièrent ? Vrilles patientes, les vers pénètrent ses membres ; ils courent sur ses mains délicates, ils baisent ses lèvres décolorés, ils creusent l’orbite de ses yeux.

Non, non, ce n’est pas dans la mort qu’elle veut fuir. Elle se révolte à la fois contre les horreurs actuelles et contre l’anéantissement ; elle veut lutter, lutter contre l’immobilité, repousser le froid ; elle veut jouir de la joie de voir, de la joie d’entendre, de la joie de marcher, de respirer ; elle veut admirer les splendeurs de la nature ; elle veut, oh ! surtout, elle veut aimer !…

Où sont-ils tous ceux qu’elle aimait et qui, de leur joyeux amour, l’entouraient ? Que font-ils, mère, sœur, amis, ceux qui pleurèrent sa mort, qui proclamèrent leur douleur éternelle, leur existence brisée, son souvenir impérissable ? Plus horrible que celle de la destruction de son corps est la vision de l’oubli profond qui l’enveloppe, ensevelit son âme aux ténébreuses régions inexplorées.

Sa mère est là, près d’elle, semblable à elle (tous se ressemblent dans cette monotone horreur.) Mais devant une glace de prix, une de ses sœurs admire l’éclat chatoyant des perles qui ornent sa robe, et, en s’y reflétant, avivent l’éclat de ses yeux. Sa sœur aînée, perdue dans un siège moelleux, construit des rêves aux étages de plus en plus ambitieux : de degrés en degrés elle veut monter jusqu’à la grande Fortune

Course aux plaisirs, vanité, ambition, quand ce ne sont pas sottes jalousies ou haines violentes, emplissent les cœurs des humains. Rares les regards de l’âme vers ceux qui peuplèrent ses jours, vers ceux qui, maintenant ne sont plus…

Ils tournent, ils tourbillonnent, ces atomes d’humanité, sans savoir ce qu’est l’être, indifférents, la plupart, aux mystères. Ceux mêmes qui essaient de les pénétrer, enfermés aux ténèbres de l’égoïsme, que peuvent-ils comprendre du monde, des âmes, de la vie ?

Elle, Aurose, il lui semblait avoir compris le vrai but de l’homme et, loin des vanités, de l’ambition, loin des disputes pour des mots vides de sens, elle se donnait à la certitude d’aimer.

L’Amour ! Ah ! rien qu’à prononcer ce mot, l’obscurité est pour elle moins épaisse, la terre moins lourde ; comme un vin généreux réchauffe le sang auquel il se mêle, la seule pensée de l’amour redonne à l’âme d’Aurose la vigueur, le courage, l’élan des anciens jours.

L’Amour ! n’avait-il pas, au temps de sa jeunesse, infusé en elle comme une vie neuve, faite de mystérieux pouvoirs ? Avec Alain, tout devenait joyeux ; tout effort, tout travail était facile à Alain quand cet effort, ce travail était accompli pour la bien-aimée, près de la bien-aimée. Ils avaient bu le philtre magique qui, en les unissant pour le temps et pour l’éternité, avivait l’éclat de leurs regards, rendait leurs cœurs ardents et, la main dans la main, ils marchaient, semblables à de jeunes dieux. N’étaient-ils pas des dieux vraiment, puisque la flamme jaillit entre eux se révélait créatrice ? C’est l’amour qui forma en Aurose le corps de sa Liliane, de son Domnin ; est-ce lui, elle ne le sait, qui créa les âmes des enfants, si ressemblantes aux leurs, ou, dans les corps en formation, le geste d’amour les attira-t-il ?…

Bien plus, de Dieu par l’amour ils croyaient avoir éternité: l’amour,— tout le chantait en eux et dans les yeux de Liliane et dans le rire de Domnin, — c’est la négation de la mort, c’est la vie. Les mots que, si souvent, le bien-aimé lui répéta, que confiante elle redisait après le bien-aimé, en Aurose renaissent et se prolongent :

« Celui qui a aimé, ne meurt pas tout entier, n’est pas enseveli dans le néant éternel : au-dessus du tombeau obscur il laisse, sorti de lui, comme un rayonnement ! »

Ce souvenir avive la souffrance d’Aurose et de son ce travail était accompli pour la bien-aimée, près de la bien-aimée. Ils avaient bu le philtre magique qui, en les unissant pour le temps et pour l’éternité, avivait l’éclat de leurs regards, rendait leurs cœurs ardents et, la main dans la main, ils marchaient, semblables à de jeunes dieux. N’étaient-ils pas des dieux vraiment, puisque la flamme jaillie entre eux se révélait créatrice ? C’est l’amour qui forma en Aurose le corps de sa Liliane, de son Domnin ; est-ce lui, elle ne le sait, qui créa les âmes des enfants, si ressemblantes aux leurs, ou, dans les corps en formation, le geste d’amour les attira-t-il ?…

Bien plus, de Dieu par l’amour ils croyaient avoir l’éternité : l’amour,— tout le chantait en eux et dans les yeux de Liliane et dans le rire de Domnin, — c’est la négation de la mort, c’est la vie. Les mots que, si souvent, le bien-aimé lui répéta, que confiante elle redisaït après le bien-aimé, en Aurose renaissent et se prolongent :

« Celui qui a aimé, ne meurt pas tout entier, n’est pas enseveli dans le néant éternel : au-dessus du tombeau obscur il laisse, sorti de lui, comme un rayonnement ! »

Ce souvenir avive la souffrance d’Aurose et de son cœur jaillit un frémissant appel à l’adoré, cependant que d’elle semble émaner une phosphorescence, et qu’autour des cercueils flottent, comme avant sa mort, d’étranges clartés. On dirait que ces rayons rampent l’un vers l’autre et qu’ils essaient de se joindre, de s’unir en un baiser.

« Alain, mon Alain, pourquoi les enfants venus de notre amour, nous ont-ils précédés dans la mort ? Nous sommes ensevelis aux ténèbres de la tombe, nous sommes ensevelis aux ténèbres de l’oubli. J’aurais moins peur, j’aurais moins froid si je pouvais vivre, si je te sentais vivre en ma Liliane, en mon Domnin. Leur esprit rêverait mes rêves, nos projets seraient leurs projets ; notre âme, qui a passé dans leur âme, se transmettrait à l’âme de leurs enfants. Hélas! il s’est rompu l’anneau qui, par eux, unissait le passé au futur, et nous sommes morts à jamais ! »

Dans une hardiesse joyeuse, un doute s’empare de l’esprit d’Aurose. Tel l’assiégeant victorieux, entré dans la ville par une brèche, s’empare de toutes les avenues et, rue par rue, maison par maison, rend réelle sa conquête, tel ce doute en Aurose : toutes ses pensées, tous ses désirs sont sous la domination du vainqueur. Heureuse domination qui emplit la jeune femme des pensées les plus audacieuses, des rêves les plus chimériques : ces pensées, ces rêves que depuis longtemps elle porte en elle, qu’elle n’osait formuler, épouvantée par leur hardiesse, par leur impossibilité, voici que, cuirassés pour la victoire, irrésistibles, ils l’ont conquise entièrement.

« Cet amour si puissant, capable de transformer les cœurs, d’éclairer les visages d’une idéale beauté, de créer des êtres nouveaux et de perpétuer la vie, cet amour si puissant, ne pourrait-il ressusciter les âmes et les corps ? » Prestigieuses, les flammes croissent, croissent toujours ; elles courent l’une vers l’autre comme pour s’étreindre dans la beauté d’un incendie. Mais dans le cœur d’Aurose monte une clarté bien plus belle : elle le sent grandir en elle, l’Amour. Il l’emporte sur des sommets jusqu’alors inaccessibles, comme les émotions faisaient autrefois battre violemmment son cœur, emportaient en une course folle le sang dans tout son être ; son âme vibre, chante, vit d’une force éperdue. Il lui semble qu’une puissance émane d’elle, se répand dans l’espace et qu’un enfantement nouveau en elle va se produire.

Or, tandis qu’elle évoque Alain et qu’enivrée par la coupe où étrangement se mêlent joie immense et douleur inconnue, elle pressent le tressaillement des êtres dans le tombeau, — d’un bond, les flammes se rejoignent, triomphantes, embrasent le caveau tout entier ; une symphonie admirable éclate, une odeur de roses épanouies se répand. O bonheur inconcevable ! Apothéose d’amour éveillé par l’amour! Mystérieux, des effluves la pénètrent, effluves de lumière, de chaleur, d’amour, de vie, venus des âmes d’Alain, de Liliane, de Domnin, qui se dressent vivantes près de l’âme d’Aurose.

Dans de silence de l’extase, Alain et Aurose, longuement, contemplent leurs âmes. Pourront-ils assez savourer le bonheur de revivre ensemble, la débordante joie de voir réalisés les projets qui longtemps occupèrent leurs jours ?…

Liliane et Domnin, dans leur exubérance renouvelée ne se lassent pas d’échanger leurs pensées. De leurs âmes partent comme des antennes lumineuses qui se rapprochent, se rejoignent, s’éloignent et se rapprochent de nouveau, aidant ou symbolisant la communion de leurs esprits et de leurs cœurs.

« Je m’étais endormi », dit Domnin en son langage sans paroles, en son langage de lumière; et ce frémissement lumineux garde on ne sait quoi d’enfantin, comme de balbutiant : « Loin de Papa, loin de Maman, loin de toi surtout, Liliane, je m’ennuyais ; alors pour que tu viennes auprès de moi je t’ai appelée ». — « Je t’avais entendu, petit frère, et, comme toujours, j’ai accouru à ton appel; j’ai cru te voir et m’amuser avec toi; mais tout ce que j’ai vu: le bel Enfant-Jésus qui nous a habillés de blanc et nous a donné des ailes si fines, si fines, les voyages que j’ai faits auprès de Papa et de Maman pour les consoler de notre départ, leur dire le revoir prochain, tout cela, il me semble maintenant que e n’est plus qu’un rêve… »

Dans une vive clarté, des rayons émanés d’Alain pénètrent les cœurs des enfants : « Oui, mes mignons, vos âmes endormies ont rêvé ». Maintenant les antennes semblent les flammes sorties du front de Moïse pour conduire le peuple vers la Terre des Elus. « Sais-tu, mon Aurose, quels furent mes doux rêves? Toujours, près de toi, chérie, toujours avec Liliane et Domnin, nous recommencions l’existence d’amour ; soudaine, la mort venait détruire les liens heureux qui nous unissaient ; mais bientôt, dans un autre lieu, ensemble, meilleurs, chaque fois plus près de l’entière béatitude nous revivions et, toujours, nous nous penchions sur l’angoissant, sur l’espérant problème : ne plus nous séparer, vaincre la mort ». — « Alain, mon adoré, oserai-je te dire des choses que mon âme a peur d’avoir rêvées ? Oui, à moi-même qui en fus le témoin et peut-être l’auteur, ces merveilles semblent encore impossibles ».

Aurose dit le mystère qui, peu à peu, lors de ses expérimentations, a empli la tombe, les miracles de la lumière s’élevant dans l’obscurité, la délicieuse musique, les parfums subtils ; puis elle essaie de conter son ascension dans l’amour et la mystérieuse conception qui, en elle, vient de s’accomplir. Hélas ! quelle langue ne balbutierait devant l’insondable mystère de la résurrection, devant le mystère aussi — mais ne serait-ce pas le même — de la création ?

Malgré le trouble des paroles de la bien-aimée, Alain a reconnu le dieu toujours jeune, avide d’épandre la vie et la joie. En face du principe de haine, créateur de ténèbres, créateur de mort, qui dissipe les formes, disperse les éléments, il voit se dresser l’Amour, principe d’union : Lui rapproche les éléments, Lui engendre les formes.

Comme une gloire entoure l’âme d’Alain : d’une lumière d’abord argentée elle devient, au flottement de ses idées, chatoyante et diaprée ; lorsque la précision de sa pensée peut revêtir une forme concrète, l’auréole, enfin éclatante, se confond avec les rayons partis d’Aurose ; sans le secours de nos pauvres mots, leurs âmes mises à nu, dans une clarté intense, mutuellement, entièrement se pénètrent. « Par l’Unité que crée l’Amour, dit la pensée d’Alain à la pensée d’Aurose, il rayonne la vie, il produit la lumière. N’est-ce pas lui, ô mon adorée, qui, dès mon premier regard, m’a fait comprendre ton cœur qui, à notre première rencontre, a fait pour toi de mon cœur un livre ouvert ; n’est-ce pas lui qui, en ce moment, unit nos deux âmes en un seul foyer d’intelligence comme il a bandé ensemble, vers un même but, l’arc de nos volontés ?

« Par cette Unité victorieuse en nous, peut-être, ma bien aimée, (et cet espoir fait palpiter toutes les puissances de mon être), peut-être nous sera-t-il donné de saisir les effarants mystères. » — « Et qui sait si, un jour, murmure Aurose comme en un souhait presque impossible, tous les hommes luttant pour le principe de vie, tous ne vaincront pas la mort ténébreuse ?… »

Elle essaie de persuader Alain, elle essaie de se persuader : « La mort, selon la tradition biblique, est entrée dans le monde avec le premier acte de haine ; l’ombre terrifiante qui, dès la naissance, entoure l’homme, menace sans cesse de l’envelopper et, victorieuse, de l’enlever au soleil, à la vie, à l’amour, est issue du cœur de Caïn ; son pouvoir est fait de ténèbres sœurs qui emplissent trop de cœurs.

« Faire de chaque âme un foyer de lumière, de bonté, de joie, d’amour, ne serait-ce pas, mon Alain, le seul moyen de vaincre la mort, fille de la haine ?

« L’amour, ce feu divin qui crée la vie, qui a pu vous ressusciter, Ô mes tendrement aimés ! s’il devient vaste, immortel, ce feu, s’il embrase la planète entière, détruira l’ombre funeste, fera régner la Vie éternelle ! »

Tout à coup, Liliane interroge : « Petite mère autrefois si jolie, où sont tes yeux dans la profondeur desquels j’aimais à plonger les miens, où sont les cheveux d’or de Domnin ? où les bras de Papa, dans lésquels je voudrais me serrer? Comment t’embrasserai-je, Maman chérie ? Oh ! dis, ne peux-tu plus nous prendre sur tes genoux et nous gâter comme hier ? »

Le bonheur d’Alain aussi est assombri : ce qu’il aimait en Aurose, certes, c’était son âme rayonnante de pensées ardentes et de grands sentiments ; mais il aimait aussi la caresse de ses bras, de ses lèvres, de ses yeux, de son corps entier.

Aurose a vu les pensées de son mari et l’auréole peu à peu s’assombrir : «Ce que tu désires, ami, je le crois réalisable: c’est l’amour, nous le pensons, qui a ressuscité nos âmes et dans le tombeau, avec nous, sont les appareils qui pourraient rendre la vie à nos corps. Si tu le veux, j’actionnerai la machine, j’enlèverai la substance imperméable qui recouvre les tubes. Alors sans doute les rayons solaires qui y sont emmagasinés revivifieront nos organes. J’ai peur pourtant d’avoir tort en cédant à tes désirs, aux désirs des enfants: tandis que nos âmes, œuvre d’amour, seront éternelles comme notre amour lui-même, nos corps ne seront-ils pas toujours soumis à la corruption, à la maladie, à la mort ? Savons-nous quels liens mystérieux intimement unissent nos âmes immortelles à nos corps de boue périssable, font que chaque souffrance, chaque blessure de l’instrument atteint et menace la divine harmonie ? »

— « Qu’importe, mon Aurose adorée, puisque nos appareils seront près de nous, nous permettant de rappeler à la vie nos membres engourdis, de faire couler dans nos veines un sang plus jeune, de rallumer la flamme de nos regards ! »

Alain et Aurose n’ont pas voulu ressusciter seuls ; leur ardent et vaste amour a insufflé la vie dans les âmes tandis que la science reformait, rajeunissait les corps ruinés ! Quel étrange spectacle dans le cimetière d’habitude silencieux ! Devant une tombe ouverte, des vivants ayant conservé dans leurs yeux le frisson de la mort, des rêves léthargiques ou du brusque réveil. « Venez avec nous, dit Aurose, dans la solitude d’amour ; là plus de haine, plus de principe de division, plus de mort ; l’amour entre nous de plus en plus vaste élargira notre vie, la rendra plus intense, plus profonde, plus vraie. »

— Dans la solitude, commence la mère — ah! non certes. Je veux de l’or et des richesses à éblouir tout le pays ; je veux la joie de voir mes filles triomphantes par leur fortune et leur beauté ; non, mes enfants, d’amour ne suffit pas à ma vie.

— Je ne suis pas exigeant ; mais il me faut les journaux du matin et du soir, interrompt un oncle, ma sœur Nanon et son amie Babet qui, chaque jour, me racontent les histoires de la ville, et mon fauteuil à roulettes et mes petits plats si bien mijotés, ma partie de cartes après-midi, ma partie de boules avant diner. Il me faut… il faut beaucoup de choses pour emplir la longueur d’une journée.

— Vous désintéressez-vous donc, dit un autre, et du sort des nations et des problèmes politiques et des problèmes religieux qui passionnent le monde et des découverte de la science qui, chaque jour, agrandissent le domaine de l’homme ?

— A moi, dit une belle jeune fille, le plaisir de la danse et le plaisir du flirt, le plaisir d’être belle, le plaisir de briller, le plaisir que donne le luxe, à moi tous les plaisirs sans oublier le plaisir de l’amour.

Ses yeux ont rencontré ceux d’un jeune homme et, au bras l’un de l’autre ils vont, ceux qui prennent pour l’amour les plaisirs qui l’accompagnent un moment.

Aurose et Alain regardent les parents, les amis qui tout à l’heure les entouraient, monter vers ce que ces pauvres esprits appellent la vie. Qu’elles leur apparaissent fragiles, à eux, ces innombrables fourmis humaines auxquels tous vont se mêler ! Dans le torrent qui les emporte, au-dessus du précipice qui, à chaque minute, menace de les engloutir, ces mortels ne pensent pas, ne veulent pas penser à la mort. Ces vivants d’un jour ne pensent pas non plus à la vie : pour de misérables questions politiques, pour des questions religieuses insolubles, ils se querellent, se rendent plus terrible la dangereuse traversée. Heureux s’ils ne se précipitent pas mutuellement dans le gouffre qui, tous, les uns après les autres, doit les absorber…

Alain se tourne vers sa femme : « Ma chérie, dit-il, seul l’amour est réel. Le reste, fumées ou incertitudes. Mais combien peu aiment vraiment ! Semblables aux bêtes, ils se ruent au plaisir grossier, ceux dont les lèvres disent amour, dont le cœur reste muet, Combien peu, nous l’avons vu, comprennent que l’amour est le tout de la vie, combien peu savent vaincre la mort !…

— Allons ensemble, mon Alain, loin des hommes, de leurs faiblesses ou de leur méchanceté, vers la solitude où nous pourrons aimer sans crainte des jalousies et des haines voisines, où nous pourrons penser, travailler sans devoir lutter contre le bruit que les autres appellent pensée, contre le mouvement qu’ils appellent travail.

— Allons à l’amour qui nous a créés, qui nous a permis de nous réaliser, qui nous a ressuscités; allons à l’amour immortel ! »

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The Combat of Love and Death

A TALE

“So here you are, gone, Alain, my beloved, gone forever, gone in death, you who had thought to conquer death!… And lost with you, your hope of taking up once again the little ones, born from the fusion of our loves and our joys!”

In the depths of a dark vault, a young woman thus speaks to her beloved, when suddenly, to her surpise, a glimmer floats in the atmosphere, without any clear indication of its source. Aurose feels herself surrounded by fragrances that appear, quivering and growing, bathing the entire space…

What does it matter to her what surrounds her, whether shadow or light. Hasn’t she fled from the outside world? Isn’t she blind to the outside and doesn’t her whole rhythm of life now tilt toward the darkness of death, withdrawing into the darkness of her heart?

“Where are you, my Alain? Where is our Liliane with the brown curls, the eyes of aquamarine? Our Domnin, haloed in gold, which made the dark velvet of his eyes appear darker? Ah! Our Liliane with your slightly mocking lip, your sparkling teeth, your broad forehead filled with thoughts! And Domnin’s eyes and his entire face lit up, you said, with my then cheerful smile. Oh, my Alain, for me love is therefore finished, the love that had made us gods, creators of beauty, creators of life, of love which, united to your genius, was perhaps going to resuscitate life and beauty!”

But Aurose is worried, and gazes at that surprising light. Her senses, refined by pain, now believe they perceive a movement in the startled gleams. A bitter smile twists her lips; her weakness, evidently, disturbs the play of her organs. Extraordinary sounds rustle in her ears: a vague prelude, or rather the thin hope and floating promise of some symphony that, perhaps, will soon be sung.

More and more, Aurose is impressed by a strange, incomprehensible feeling: does not every particle of the air contain some strange secret? Will the stones of the wall not cry out words that they know, words of which Aurose does not yet know the power? Transported, she feels transported for what rare initiation? — the sudden furtive shifting of dark and generous temples; the silence of the tomb is populated with rumors that vanish as soon as they are born, with fleeting and perhaps magical words, with incantations, which move and then are silent. A revelation?… Can her trembling await a revelation?

In the night in which she took refuge, the incomprehensible, incredible light continues to grow. In spite of the sadness that overwhelms her, an inexplicable joy rises in her heart. In the kingdom of the mortal she experiences, more and more intensely, a bizarre impression of life. Could this be the Day of Final Judgment and will the trumpets sound the eternal awakening and the victory of life?

Aurose’s frame, still slender yesterday, is bent under a burden of despair and mystery. On her face, with its features drawn by sadness, however, a strange and magnificent reflection plays, which, perhaps, will grow and fill the vault. Her beauty seems destroyed, but of what she was something remains: Love. “Love stronger than death.” She thinks of these old words, gives them new meanings, dazzling like lightning and as fleeting as well.

Then she approaches the edge of the wall on which is a complete experimental apparatus. It is near to the beloved that she wants to continue the search for the beloved; where death reigns, she wants to try to conquer death.

Ah! Will she not avenge him, her Alain, will she not win him back from the perfidious one who, to prevent him from revealing her secret, has stiffened his limbs, stopped the beating of his heart?

“Liliane, Domnin, my little ones, for the first time already come from me, will I be able to get you up alive? And you, my Alain, will I return you to love, to my love?” Her heart and mind sometimes vaporize in the infinity of desires, then tighten like hands to try to seize, in their flight, the effective means.

Here she is clearing the opening of the tomb; she places an immense prism in the path of the solar rays that now penetrate there. The light, born of the prodigy, and perhaps the creator of a prodigy, mingles with the ultra-violet rays that Aurose directs towards a device similar, at least in appearance, to a vast Crooks tube. It communicates with a machine that, while more powerful, more mysterious, nevertheless recalls our Rumkhorff coils. The young woman operates the machine; immediately, the light walls are irradiated; the atmosphere sparkles with multicolored dots. Now the beam falls on dead animals. And behold: a frog’s paws move, a mouse’s pupil dilates, a cat’s hair stands on end.

“Simple reflexes always,” the young woman whispers. “But when will we be able to make life spring from the sun, the father of all energy? Every day, on the earth buried in shadow and sleep, it brings back movement, joy and thought. It illuminates the plains, spreads beauty on the objects that its gaze caresses. When spring comes, it awakens the grain of wheat from its winter lethargy. It can do more. Consider the grains, found after 6,000 years in the tomb of an Egyptian mummy: ‘All believed them to have become sterile like death itself, of which they were the companions. And yet, when the warmth of the sun mingled with the caress of the air and the earth, they opened up to eternal germination; and, behold, the green stems, young as life, swayed in the wind of the Nile.'”

“As beneath the bark of the wheat the germ quivers,” Aurose continued, “human thought is agitated within us. Love seems to fall asleep under the stone of the tomb, but I resolutely hope for awakening and blossoming in some unexpected springtime when eternity, which seems closed, will open and light up.” Then the young woman’s thoughts returned to her own: “Alain, my beloved, Liliane, Domnin, my pretty treasures, will the heat of the sun one day be able to revive your frozen bodies, restore shape and beauty to your undone faces, awaken your thoughts and your love?”

Suddenly the machine hums, louder, the ether crackles and the vault seems a blazing inferno. No human eye has ever perceived them the colorations with which it blazes. A dry, cracking sound is heard and the glass shatters. Ah! the frog… yes, it jumps; and the mouse, it runs and the cat stretches and yawns for a long time. But, oh, the contradictions of forces devoid of intelligence and sensitivity! One comes, oh wonder, to recreate life. With the same blind breath, alas! she sowed death.

Oh life, will we ever know what ties unite you with death, how death comes out of life, how life comes out of death and what sacred rhythm mingles you in a dance of multitudes, as alternate the days, fathers of nights, with the nights, mothers of days? As in their quadruple round appear, whirl and disappear, to reappear again, green spring, summer with blond braids, autumn crowned with vines, and winter with gaunt arms!

The woman who gives birth, when the doors of life open before the new being, sometimes sees these doors close on her; while the unknown emerging from the mystery embraces the luminous torch, the generous flame that it transmitted suddenly escapes her…

Too fast, no doubt, the blood ran through Aurose’s veins, her heartbeat was too rushed, her breathing too intense; the frail envelope of her body could not support the superabundance stored in the tubes, the superabundance of life suddenly poured out in the tomb. In the land of Beyond, Aurose has joined the beloved!

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How much time has passed? Weeks or months? In the tight suffocation, suddenly, as from a painful nightmare, Aurose’s soul awakens. The too abundant force which broke her body has worn out in the cold of the grave: diminished and slowed in its rhythm, it becomes again a force of life and raises the being it overwhelmed. But what a thrill of horror fills the young woman! A terrible awakening, which makes you regret the sleep just passed and makes you desire a final sleep. Hadn’t all dreams come to an end, with all suffering and all possibility of suffering? It seems to her that she is emerging from an absolute calm into which she would like to plunge again.

Darkness envelops her. Cold as ice. The deep silence frightens her. And that foul smell that surrounds her! The weight of the earth oppresses her; the coffin, jealous lover, encloses her. If her body, after her soul, awakens, will her limbs be condemned to perpetual immobility, her eyes doomed to the darkest obscurity?

Her body!… Is it the one, model of beauty, that all admired, that all envied? Patient tendrils, worms penetrate its limbs; they run over her delicate hands, they kiss her discolored lips and hollow out the sockets of her eyes.

No, no, it is not in death that she wants to flee. She revolts both against current horrors and against annihilation; she wants to fight, to fight against he immobility, to push back the cold; she wants to enjoy the joy of seeing, the joy of hearing, the joy of walking, of breathing; she wants to admire the splendours of nature; she wants, oh! above all, she wants to love!…

Where are all those she loved, who surrounded her with their joyful love? What are they doing, mother, sister, friends, those who mourned her death, who proclaimed their eternal pain, their shattered existence, her lasting memory? More horrible than that of the destruction of her body is the vision of the deep oblivion that envelops her, buries her soul in dark, unexplored regions.

Her mother is there, near her, similar to her (all look alike in this monotonous horror.) But in front of an expensive mirror, one of her sisters admires the shimmering brilliance of the pearls that adorn her dress, and, reflecting in it, brighten the shine of her eyes. Her older sister, lost in a soft chaair, builds dreams on more and more ambitious floors: step by step, she wants to climb up to great Fortune

The race for pleasures, vanity, ambition, when it is not stupid jealousy or violent hatred, fill the hearts of humans. Rare is the soul that gazes towards those who populated its days, towards those who now are no longer…

They turn, they whirl, these atoms of humanity, without knowing what being is, indifferent, most of them, to the mysteries. But what can even those who try to penetrate them understand about the world, about souls, about life, locked as they are in the darkness of selfishness?

She, Aurose, she seemed to have understood man’s true goal and, far from vanities, from ambition, far from arguments over empty words, she gave herself to the certainty of loving.

Love! Ah! just uttering this word, the darkness is less thick for her, the earth less heavy; as a generous wine warms the blood with which it mingles, the mere thought of love restores the vigor, the courage, the vigor of the old days to Aurose’s soul.

Love! had it not, in her youth, infused in her like new life, made up of mysterious powers? With Alain, everything became joyful; all effort, all work was easy for Alain, when this effort, this work was accomplished for the beloved, near the beloved. They had drunk the magic potion that, uniting them for time and for eternity, brightened their glances, made their hearts ardent and, hand in hand, they walked, like young gods. Weren’t they really gods, since the flame that sprang up between them revealed itself to be creative? It is love that formed in Aurose the body of her Liliane, of her Domnin. Is it he, she does not know, who created the souls of children, so resembling theirs, or, in the bodies in formation, did the gesture of love attract them?…

Even more, of God through love they believed they had eternity: love, – everything sang about it in them and in Liliane’s eyes and in Domnin’s laughter, – it is the negation of death, it is the life. The words that, so often, the beloved repeated to her, that trusting she repeated after the beloved, in Aurosa are reborn and continued:

“He who has loved does not die entirely, is not buried in eternal nothingness: above the dark tomb he leaves, coming out of him, like a radiance!”

This memory heightens the suffering of Aurose and of her this work was done for the beloved, near the beloved. They had drunk the magic potion which, uniting them for time and for eternity, brightened their glances, made their hearts ardent and, hand in hand, they walked, like young gods. Weren’t they really gods, since the flame that sprang up between them revealed itself to be creative? It is love which formed in Aurose the body of his Liliane, of his Domnin. Will love, she wonders, which created the souls of children, so resembling theirs, or, in the bodies in formation, will the gesture of love attract them?…

Moreover, from God through love they believed they had eternity: love, — everything in them sang of it, in Liliane’s eyes and in Domnin’s laughter, — it is the negation of death, it is life. The words that, so often, the beloved repeated to her, that, trusting, she would repeat after the beloved, are reborn and continued in Aurose:

“He who has loved does not die entirely, is not buried in eternal nothingness: above the dark tomb he leaves, coming out of him, a sort of radiance!”

This memory enlivens Aurose’s suffering and from her heart springs a trembling appeal to the adored one, while from her there seems to emanate a phosphorescence and while around the coffins float, as before her death, strange lights. You might say that these rays are crawling towards each other and trying to come together, to unite in a kiss.

“Alain, my Alain, why did the children who came from our love precede us in death? We are buried in the darkness of the grave; we are buried in the darkness of oblivion. I would be less afraid, I would be less cold if I could live, if I felt you live in my Liliane, in my Domnin. Their minds would dream my dreams, our projects would be their projects; our souls, which have passed into their souls, would be transmitted to the souls of their children. Alas! The ring is broken which, through them, united the past to the future, and we are dead forever!”

In a joyful boldness, a doubt seizes the mind of Aurose. Like the victorious besieger, who entering the city through a breach, seizes all the avenues and, street by street, house by house, makes his conquest real, just so proceeds this doubt in Aurosa: all her thoughts, all her desires are under the dominion of the victor. It is a happy domination that fills the young woman with the most daring thoughts, the most chimerical dreams. These thoughts, these dreams that she has carried within her for a long time, that she did not dare to formulate, terrified by their boldness, by their impossibility, now, armored for victory, irresistible, they have conquered her entirely.

“This love so powerful, capable of transforming hearts, of illuminating faces with ideal beauty, of creating new beings and of perpetuating life, this love so powerful, could it not resuscitate souls and bodies? Glorious, the flames increase, always increase; they run towards each other as if to embrace each other in the beauty of a fire. But in Aurose’s heart rises a much more beautiful clarity: she feels it growing in her, Love. It carries her over peaks hitherto inaccessible, as emotions once made her heart beat violently and swept, in a mad dash, all the blood in her whole being; her soul vibrates, sings, lives with a wild force. It seems to her that a power emanates from her, spreads into space and that a new childbirth in her will take place.

Now, as she evokes Alain and is intoxicated by the cup where, strangely, immense joy and unknown pain mingle, she feels the thrill of the beings in the tomb, — with a leap, the flames meet, triumphantly, and set ablaze the entire cellar; an admirable symphony bursts forth, a scent of blossoming roses spreads. Oh, inconceivable happiness! Apotheosis of love, awakened by love! Mysterious scents penetrate her, scents of light, heat, love, life, from the souls of Alain, Liliane and Domnin, who rise up, alive, near the soul of Aurose.

In ecstatic silence, Alain and Aurose, for a long time, contemplate their souls. Will they be able to savor enough the happiness of living together once again, the overwhelming joy of seeing the projects that have long occupied their days completed?…

Liliane and Domnin, in their renewed exuberance, never tire of exchanging their thoughts. It is as if from their souls emerge luminous antennae, which approach, meet, move away and draw closer again, aiding or symbolizing the communion of their minds and hearts.

“I was asleep,” said Domnin in his wordless language, in his language of light; and this luminous quivering remains somehow childish, as if stammering: “Far from Papa, far from Mama, far from you above all, Liliane, I was bored; I called out, so you would come to me.” — “I heard you, little brother, and, as always, I ran to your call; I thought I saw you and had fun with you; but all that I have seen: the beautiful Child Jesus who dressed us in white and gave us wings so thin, so thin, the trips I made to Mum and Dad to console them for our departure, to tell them that we would see them again, all that, it now seems to me that it was only a dream…”

In a lively light, rays emanating from Alain penetrate the hearts of the children: “Yes, my darlings, your sleeping souls have dreamed”. Now the antennae seem to be the flames coming from Moses’ brow to lead the people to the Land of the Elect. “Do you know, my Aurose, what sweet dreams I dreamed? Always, close to you, darling, always with Liliane and Domnin, we were starting the existence of love again; suddenly, death came to destroy the happy bonds that united us; but soon, in another place, together, better, each time closer to the complete beatitude we lived again and, always, we studied that distressing, that problem bound up with our hopes: how not to be separated any more, how to conquer death.” — “Alain, my beloved, shall I dare to tell you things that my soul is afraid of having dreamed? Yes, to me, to myself who has been their witness and perhaps their author, these wonders still seem impossible.”

Aurose tells of the mystery which, little by little, during her experiments, filled the tomb, the miracles of light rising in the darkness, the delicious music, the subtle perfumes; then she tries to tell of her ascension in love and the mysterious conception which, in her, has just been accomplished. Alas! what language would not stammer before the unfathomable mystery of the resurrection, as before the mystery — (but would it not be the same mystery?) — of creation?

Despite the confusion of the words of the beloved, Alain recognized the still young god, eager to spread life and joy. Faced with the principle of hatred, creator of darkness, creator of death, which dispels forms, disperses the elements, he sees Love rise up, the principle of union: Love the elements closer to Itself. It engenders the forms.

A kind of glory surrounds the soul of Alain: from an initially silvery light it becomes, with the fluctuation of his ideas, shimmering and variegated; when the precision of his thought can take on a concrete form, the halo, finally radiant, merges with the rays that issued from Aurose; without the help of our poor words, their souls laid bare, in an intense clarity, mutually, completely penetrate each other. “Through the Unity that Love creates,” says Alain’s thought to the thought of Aurose, “it radiates life, it produces light. Was it not Love, oh my adored one, who, from my first glance, made me understand your heart, which, at our first meeting, made an open book of my heart for you; is it not Love who, at this moment, unites our two souls in a single focus of intelligence as it has bound together, towards a single goal, the arc of our wills?

“Through this victorious Unity in us, perhaps, my beloved, (and this hope makes all the powers of my being quiver), perhaps we will be given the opportunity to grasp the frightening mysteries.” — “And who knows if, one day,” Aurose murmurs as if in an almost impossible wish, “all men fighting for the principle of life, all will overcome dark death?…”

She tries to persuade Alain, she tries to persuade herself: “Death, according to biblical tradition, entered the world with the first act of hatred; the terrifying shadow that, from birth, surrounds man, ceaselessly threatens to envelop him and, victorious, to carry him away from the sun, from life, from love, comes from the heart of Cain; its power is made up of the sister-darkness that fills too many hearts.

“To make each soul a center of light, of goodness, of joy, of love, wouldn’t that, my Alain, be the only way to conquer death, daughter of hatred?

“Love, this divine fire that creates life, which could resuscitate you, O my dearly loved ones! — If it becomes vast, immortal, this fire, if it sets the entire planet ablaze, Love will destroy the fatal shadow, will make Eternal Life reign! “

Suddenly, Liliane asks: “Little mother who used to be so pretty, where are your eyes, into the depths of which I loved to plunge mine? Where is Domnin’s golden hair? Where Papa’s arms, in which I would like to be held? How will I kiss you, Mama dear? Oh! say, can’t you take us on your knees and spoil us like before?”

Alain’s happiness is also darkened: what he loved in Aurose, of course, was her soul, radiant with ardent thoughts and great feelings; but he also loved the caress of her arms, her lips, her eyes, her whole body.

Aurose has seen the thoughts of her husband and the halo gradually darkens. “What you desire, friend, I believe it is achievable: it is love, we think, that resuscitated our souls and in the tomb, with us, are the devices that could give life back to our bodies. If you want, I will activate the machine, I will remove the impermeable substance covering the tubes. Then without doubt the solar rays that are stored there will revive our organs. Yet I am afraid of being wrong in giving in to your desires, to the desires of the children: while our souls, a work of love, will be eternal like our love itself, will not our bodies always be subject to corruption, disease, death? Do we know what mysterious links intimately unite our immortal souls to our bodies of perishable mud, so that each suffering, every wound to the instrument affects and threatens the divine harmony?”

— “What does it matter, my Aurose, whom I adore, since our devices will be near us, allowing us to bring back to life our numb limbs, to make younger blood flow in our veins, to rekindle the flame of our eyes!”

Alain and Aurose did not want to be resuscitated alone; their ardent and vast love breathed life into souls as science reformed, rejuvenated ruined bodies! What a strange sight in the usually silent cemetery! In front of an open grave, the living having retained in their eyes the thrill of death, lethargic dreams or sudden awakening. “Come with us,” said Aurose, “in the solitude of love; there will be no more hatred, no more principle of division, no more death; the ever-expanding love between us will broaden our life, make it more intense, deeper, truer.”

— In solitude, begins the mother — ah! certainly not. I want gold and riches to dazzle the whole country; I want the joy of seeing my daughters triumphant in their fortune and their beauty; no, my children, love is not enough for my life.

— I am not demanding; but I need the morning and evening papers, interrupts an uncle, my sister Nanon and her friend Babet who, every day, tell me the stories of the city, and my wheelchair and my small dishes so well cooked, my afternoon card game, my boules match before dinner. I need… Well, it takes a lot to fill the length of a day.

— Do you lose interest then, said another, in the fate of nations and in the political and religious problems that fascinate the world and in the discoveries of science that, every day, enlarge the domain of man?

— For me, said a beautiful young girl, the pleasure of dancing and the pleasure of flirting, the pleasure of being beautiful, the pleasure of shining, the pleasure that luxury gives… For me, all the pleasures, without forgetting the pleasure of love.

Her eyes have met those of a young man and, arm in arm they go, those who take for love the pleasures that accompany it for a moment.

Aurose and Alain watch the parents, the friends who surrounded them earlier, climb towards what these poor spirits call life. How fragile they appear to them, these innumerable human ants in which everything will mingle! In the torrent that carries them away, above the precipice that threatens to engulf them every minute, these mortals do not think, do not want to think of death. These, living for the day, do not think of life either: over miserable political questions, for insoluble religious questions, they quarrel, making the dangerous crossing more terrible. Happy if they do not cast one other into the abyss, which, one after the other, must absorb them all…

Alain turns to his wife: “My darling,” he says, “only love is real. The rest, vapor and uncertainties. But how few really love! Like beasts, they rush to coarse pleasure, those whose lips say love, but whose hearts remain silent. How few, as we have seen, understand that love is the whole of life. How few know how to overcome death!…

— Let’s go together, my Alain, far from men, their weaknesses and their wickedness, towards the solitude where we can love without fear of jealousies and neighboring hatreds, where we can think, work without having to fight against the noise that the others call thought, against the movement which they call work.

— Let us go to the love which created us, which allowed us to realize ourselves, which resuscitated us; let’s go to immortal love! “

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Independent scholar, translator and archivist.