l’Homme de sang.
SINISTRE, l’œil amer, sûr de l’impunité,
L’accusateur public insiste pour qu’on tue ;
Tour à tour menaçant, persuasif, irrité,
Doucereux quelquefois, son verbe s’évertue
A traquer la pitié jusqu’au tréfonds du cœur
De ceux qui vont juger; à forcer son refuge
Ultime et l’en chasser. Mordant, cruel, moqueur,
Il peut l’être sans risque. Il n’est de subterfuge
D’appel aux bas instincts encor mal endormis,
D’exagération dont il n’enfle sa cause…
Ministre de vengeance, il se sait tout permis,
Conscient que sur lui, titubant, se repose
Le Bâtiment social. « Au crime horrible il faut
Par le meurtre répondre ». Et sa voix qui résonne,
Dans le silence semble hurler à l’échafaud…
De dégoût, à l’ouïr, mon être entier frissonne…
E. Armand
- E. Armand, “L’homme de sang,” Les Réfractaires no. 4-5-6 (fin février-mars 1913): 19.
The Man of Blood.
A sinister figure with his bitter stare, certain of impunity, the public prosecutor insists that we kill;
By turns threatening, persuasive and irritated, cloyingly sweet at times, his words pursue pity even in the deepest recesses of the hears of those who will judge, to force open its final refuge and drive it out.
Biting, cruel, mocking, he can be all this without risk.
There is no subterfuge, appealing to low instincts still sleeping fitfully, to exaggerations that will inflate his case…
Minister of vengeance, he knows that all is permitted to him, that the tottering social structure rests on him.
“To this horrible crime, we must respond with murder.”
And his voice, which reverberates in the silence, seems to scream for the scaffold…
Hearing it, my whole being shudders with disgust…
E. Armand
La camaraderie intégrale implique des avantages, elle implique aussi des désavantages. Notre conception de la camaraderie implique qu’on accepte les uns et les autres.
Elle ne connaît pas le « tant pis pour toi ».
E. ARMAND.
- E. Armand, [a note on camaraderie], L’En dehors 6 no. 101-102 (mi-Février 1927): 3.
Complete camaraderie involves advantages, but it also involves disadvantages. Our idea of camaraderie entails that we accept both.
It knows nothing of the “so much the worse for you.”
E. ARMAND.
HISTOIRE VÉCUE
C’est à mon tour d’être surpris par ton étonnement.
tu savais bien qu’il m’est indifférent d’être bien ou mal considéré,
tenu pour relation indésirable;
tant par les arrivés que par ceux qui ne sont pas arrivables ;
tenu pour ange ou pour démon ;
cauchemar pour ceux-ci, chimère pour ceux-là ;
pour le mieux ou pour le pire.
Tu n’ignorais pas que leurs on-dit me sont indifférents
Comme m’indiffère l’écume de la mer qui salit la plage.
Tu m’as trouvé tel que je m’étais décrit.
Pensais-tu donc me rencontrer autrement que je m’étais dépeint ?
Ce serait ma peine que tui aies pu nourrir pareille pensée, vois-tu.
Tu m’as donc rencontré moi-même et non quelqu’un créé par ton imagination.
D’où vient alors ta surprise
Et que voulais-tu d’autre ?
E. ARMAND.
- E. Armand, “Histoire veçue,” L’En dehors 7 no. 126 (mi-Janvier 1928): 4.
A True Story
It is my turn to be surprised by your astonishment.
You knew well how little it meant to me to be well or poorly respected,
to be taken for an undesirable relation;
whether by the successful or by those who are incapable of success;
taken for an angel or for a demon;
a nightmare for these, a pipe dream for those;
for better or for worse.
Your were not unaware that their rumors are of as little interest to me as the sea-foam that sullies the beach.
You have found me as I have described myself.
Did you think that you would find me different from how I have portrayed myself?
It would trouble me, you see, that you could have nourished such a thought.
So you have encountered my self and not someone created by your imagination.
From whence does your surprise come
And what else would you have desired?
E. ARMAND.