The Anarchist Individualist Initiation
E. ARMAND
3. L’Anarchisme. L’individualisme antiautoritaire ou anarchiste. Ses aspirations
26) L’anarchisme
Il semblerait qu’après avoir parlé des réformateurs ou transformateurs de la Société, considérée au triple point de vue religieux, légalitaire et économique, la liste en fût close. Nullement. En examinant à fond les projets proposés, on découvre bien vite une lacune : les réformateurs religieux considèrent l’individu comme une occasion pour la divinité de manifester ses desseins ; les légalitaires l’envisagent comme fonction de la loi ; les socialistes le regardent comme un administré-fonctionnaire, un outil, une sorte de machine à produire et consommer ; les révolutionnaires comme un soldat de la révolution. Les uns et les autres négligent l’individu considéré en dehors de l’autorité ; ils l’ignorent en tant qu’unité individuelle soustraite à une domination, à une contrainte d’un genre ou d’un autre : Or, c’est cette lacune que comble l’anarchisme.
On a beaucoup ergoté et discuté sur le rôle, la valeur et la signification réelle du mouvement anarchiste.
Nous allons tenter de jeter quelque clarté dans cette confusion voulue par certains, exploitée par beaucoup.
3. Anarchism. Anti-authoritarian or anarchist individualism. Its aspirations
26) Anarchism.
It would seem that, having spoken of the reformers or transformers of Society, considered from the triple point of view—religious, legalistic, and economic,—the list would be completed. Not at all. Examining the foundations of the proposed projects, we very quickly discover a gap: the religious reformers consider the individual as an occasion for divinity to manifest its designs; the legalists consider it a function of the law; the socialists regard it as a constituent-functionary, a tool, a sort of machine to produce and consume; the revolutionaries see it as a soldier of the revolution. They all neglect the individual considered apart from authority; they known nothing about it as an individual unity shielded from domination, from constraint of one sort or another. Now, it is this gap that anarchism fills.
There has been a great deal of quibbling and debate about the role, value and present significance of the anarchist movement.
We will attempt to throw some light on that confusion, which is desired by some and exploited by many.
27) Définition : anarchie, anarchiste, anarchisme.
Le vocable anarchie vient de deux mots grecs qui signifient à peu près négation ou absence de gouvernement, d’autorité, de commandement. Il est pris parfois dans le sens de désordre, signification qui ne nous intéresse pas. Cependant, c’est un terme foncièrement négatif. Par extension, il désigne une certaine conception philosophique de la Société ou de la vie qui exclut l’idée de gouvernement ou d’autorité ; — l’anarchiste, c’est le protagoniste, le « réalisateur » des idées ou des faits conséquence de l’anarchie ou y aboutissant — l’anarchisme, c’est — examiné au point de vue spéculatif ou pratique ou encore descriptif — l’ensemble des idées et des faits qui résultent de l’anarchie ou y amènent. Dans le sens où nous les entendons, anarchiste et anarchisme sont synonymes d’antiautoritaire et d’anti-autoritarisme.
Pratiquement, on peut, nous semble-t-il, considérer comme anarchiste tout être que son tempérament ou une réflexion sérieuse, consciente, a conduit à nier, à rejeter toute autorité ou coercition extérieure à soi, que cette autorité soit d’ordre gouvernemental, éthique, intellectuel ou économique. On peut dire encore qu’est anarchiste quiconque rejette consciemment la domination de l’homme ou du milieu social sur l’homme, et son corollaire économique : l’exploitation de l’homme par l’homme ou le milieu social.
27) Definition: anarchy, anarchist, anarchism.
The term anarchy comes from two Greek words that mean roughly the negation or absence of government, of authority, of command. It is sometimes understood in the sense of disorder, a meaning that does not interest us. However, it is a fundamentally negative term. By extension, it designates a certain philosophical conception of a Society or life that excludes the idea of government or authority;—the anarchist is the protagonist, the “director” of the ideas or facts that are a consequence of anarchy or lead to it—anarchism is—examined from the speculative, practical or descriptive point of view—the ensemble of ideas and facts that result from anarchy or bring it about. In the sense that we intend, anarchist and anarchism are synonyms of anti-authoritarian and anti-authoritarianism.
In practice, it seems to us, we can consider as an anarchist every being that has been led by their temperament, or by serious, conscious reflection, to deny and reject all authority or coercion external to itself, whether that authority is of the governmental, ethical, intellectual or economic order. We can also say that anyone is an anarchist who consciously rejects the domination of men or of the social milieu over men, along with its economic corollary: the exploitation of man by man or by the social milieu.
28) Origine de l’anarchisme
Il est difficile de définir l’origine historique du mouvement anarchiste. Fut sans contredit anarchiste, le premier homme qui réagit consciemment contre l’oppression d’un seul ou d’une collectivité.
La légende et l’histoire citent des noms d’anarchistes : Prométhée, Satan, Epictète, Diogène, Jésus même, peuvent être considérés à différents points de vue comme des types d’anarchistes antiques. Les sectes dérivées du christianisme primitif ont compté certainement des anarchistes, relatifs bien entendu à leur époque. Les débuts philosophiques du mouvement anarchiste actuel semblent remonter à la Renaissance, plus exactement à la Réforme, laquelle semant dans les esprits les idées de libre examen et de libre recherche en matière biblique, dépassa le but de ses initiateurs et aboutit à la diffusion de l’esprit critique dans tous les domaines, à la libre pensée, laquelle, au lieu de se développer, d’aller jusqu’à la critique rationnelle des institutions et des conventions humaines, s’est attardée à la dissection des fables puériles sur lesquelles les croyants orthodoxes édifient leur foi. Survint le mouvement anarchiste, complétant et achevant l’œuvre de la libre pensée, soumettant à l’analyse individuelle chartes et lois, morales et programmes d’enseignement, conditions économiques et rapports sociaux de toute espèce ; l’anarchie est devenue la manifestation d’opposition la plus dangereuse qu’aient jamais rencontrée les tyrannies gouvernementales.
28) Origin of anarchism
It is difficult to define the historical origin of the anarchist movement. The first man who consciously reacted against the oppression of a single man or a collectivity was unquestionably an anarchist.
Legend and history cite some names of anarchists: Prometheus, Satan, Epictetus, Diogenes and even Jesus can be considered from different points of view as types of ancient anarchists. The sects derived from primitive Christianity have certainly included some anarchists, relative, of course, to their era. The philosophical beginnings of the present anarchist movement seem to date back to the Renaissance, more precisely to the Reformation, which sowed in minds the idea of free examination and investigation in biblical matters, surpassed the goal of its originators and led to the diffusion of the critical spirit in all domains, to free thought, which, instead of developing, going as far as the rational critique of human institutions and conventions, lingered over the dissection of the puerile fables on which the orthodox believers built their faith. The anarchist movement came along, completing the work of free thought, subjecting to individual analysis charters and laws, morals and programs of education, economic conditions and social relations of every sort; anarchy has become the most dangerous manifestation of opposition that the governmental tyrannies have ever encountered.
29) L’anarchisme et la première Internationale.
On a coutume de rattacher historiquement l’anarchie au mouvement ouvrier qui, sous le nom d’Internationale fleurit vers la fin du règne de Napoléon III. C’est inexact. La haine et les invectives dont Karl Marx poursuivit Michel Bakounine n’eurent pas pour cause des divergences profondes de vues intellectuelles ou éthiques. Bakounine et ses amis furent expulsés de l’Internationale en 1872, parce que fédéralistes, décentralisateurs, autonomistes hostiles à la forme étatiste-conquête des sièges parlementaires qu’allait prendre l’activité socialiste au cours des cinquante années suivantes.
Ce furent des fédéralistes qui traduisirent et répandirent dans les pays méditerranéens le « Capital », l’œuvre maîtresse de Marx. Certes, Bakounine fut un anarchisant, violemment souvent et profondément parfois, bien plus que ne le furent maints de ses continuateurs, mais si on étudie soigneusement le mouvement de la Fédération Jurassienne, on y rencontre toutes les réminiscences du socialisme d’autrefois : croyances en l’égalité, la fraternité entre tous les hommes, idées de solidarité et d’amour universels, de Société future, de la révolution salvatrice et transformatrice immédiate du genre humain, conceptions qui n’ont rien de spécifiquement anarchiste. La vérité, c’est que les fédéralistes de l’Internationale se montrèrent anarchisants quant à la conception de la tactique et de l’organisation du mouvement socialiste. Pour le reste, rien ne les différenciaient des socialistes révolutionnaires d’alors.
29) Anarchism and the First International.
It is customary to relate anarchy historically to the workers’ movement that, under the name of the International, flourished towards the end of the reign of Napoleon III. That is inaccurate. The hatred and the invectives with which Karl Marx pursued Michel Bakunin were not caused by profound divergences of intellectual or ethical views. Bakunin and his friends were expelled from the International in 1872, because federalists, decentralizers, autonomists hostiles to the statist-conquest form of parliamentary sieges that socialist activity would take in the course of the next fifty years.
It was federalists who translated “Capital,” the masterwork of Marx, and spread it though the Mediterranean countries. Certainly, Bakunin was anarchistic, often violently and sometimes profoundly, much more than were many of his political heirs, but if we study the movement of the Jurassian Federation carefully, we encounter there all the familiar features of the socialism of the past: beliefs in equality, fraternity among all men, ideas of solidarity and universal love, of the future Society and of the revolution as savior and immediate transformer of the human race—conceptions that are in no sense specifically anarchist. The truth is that the federalists of the International would show themselves anarchistic with regard to ideas of tactics and of the organization of the socialist movement. For the rest, nothing differentiated them from the revolutionary socialists of the time.
30) Les anarchistes et la société.
En dehors, hors parti, sorte d’enfants perdus, antithèses vivantes du socialisme, les anarchistes se trouvent, sur tous les points, en désaccord avec la Société actuelle. S’ils nient la loi, s’élèvent contre l’autorité de ses représentants, contre les actes des exécutifs gouvernementaux, c’est parce qu’ils affirment, parce qu’ils veulent pouvoir se servir de loi à soi-même et trouver en soi le ressort nécessaire pour exister et se conduire.
Les Sociétés où il se développe ont besoin, pour se perpétuer, pour continuer d’exister, de faire appel à mille genres d’autorités : autorité des dieux, autorité des législateurs, autorité de la richesse, de la considération, de la respectabilité, des ancêtres, des meneurs, des conducteurs, des programmes de toute espèce. Tous les hommes demandent ou acceptent d’être déterminés par leur milieu : l’anarchiste s’efforce, lui, — sous les réserves inéluctables d’ordre physique — de se déterminer à. l’écart de toute autorité.
30) The anarchists and society.
Outside, without party, like lost children, the living antitheses of socialism, the anarchists find themselves, on all points, in disagreement with the present Society. If they deny the law, rise up against the authority of its representatives and against the acts of the governmental executives, it is because they affirm [an internal law?], because they want to be able to serve as a law unto themselves and find in themselves the necessary means to exist and conduct themselves.
The Societies where it develops need, in order to perpetuate themselves, to continue to exist, to appeal to a thousand sorts of authorities: the authority of the gods, the authority of the legislators, the authority of the wealthy, of consideration, of respectability, of ancestors, of leaders, of conductors, of programs of every sort. All men ask to be or accept being determined by their milieu: the anarchist struggles—within the unavoidable limitations of the physical order—to determine himself apart from all authority.
31) L’individualisme anarchiste.
L’anarchisme, nous venons de le voir, est la philosophie de l’anti-autoritarisme. L’individualisme anarchiste est une conception pratique de cette philosophie, postulant qu’il appert à chaque unité humaine, prise en particulier, de traduire dans sa vie quotidienne et pour elle-même, cette théorie en gestes et en actes.
31) Anarchist individualism.
Anarchism, we have just seen, is the philosophy of anti-authoritarianism. Anarchist individualism is a practical conception of that philosophy, postulating that it is up to each human unity, taken individually, to translate in their daily life and for themselves, that theory into acts and deeds.
32) Le fait individuel
Les individualistes anarchistes basent leur conception de la vie et, fondent leurs espérances sur le « fait individuel ».
Que faut-il entendre, selon nous, par le « fait individuel » ?
Ceci : c’est — en dépit de toutes les abstractions, de toutes les entités laïques ou religieuses, de tous les idéaux grégaires — qu’à la base des collectivités, des sociétés, des associations, des agglomérations, des totalités ethniques, territoriales, économiques, intellectuelles, morales, religieuses, se trouve l’unité-personne, la cellule-individu. Sans celle-ci, celles-là n’existeraient point.
C’est en vain que l’on objectera que, sans un milieu social ou sociétaire l’individu-cellule ne saurait ni subsister ni se développer. Non seulement cela est dépourvu d’exactitude au sens littéral du mot, — l’homme n’a pas toujours vécu en société — mais qu’on retourne la question sous toutes ses faces, on ne sortira pas de cette constatation que sans individus, il n’y aurait pas de milieu social ou sociétaire.
C’est l’être humain qui est l’origine, le fondement de l’humanité. L’individu a préexisté au groupe, c’est évident. La Société est le produit d’additions individuelles.
32) The individual fact [*]
The anarchist individualists based their conception of life and base their hopes on the “individual fact.”
What do we mean by the “individual fact”?
This: it is—despite all the abstractions, all the secular or religious entities, all the gregarious ideals—that at the base of the collectivities, societies, associations, agglomerations, ethnic, territorial, economic, intellectual, moral, or religious totalities, we find the person-unity, the individual-cell. Without that, they will not exist.
It is vain to object that, without a social or societary milieu social the individual-cell could neither survive nor develop. Not only is that devoid of exactitude in the literal sense of the word,—man has not always lived in society—but when we look over the question in all of its facets, we will not escape this observation that without individuals, there would not have been a social or societary milieu.
It is the human being who is the origin, the foundation of humanity. The individual has existed before the group; that is obvious. Society is the product of individual additions.
[*] There are a number of ways that fait might be translated. For now, I have chosen fact (rather than, for example, act or event) because Armand seems to be contrasting this individual fact to similar elements, such as the economic fact.
33) Le domaine du « Moi ».
On peut faire l’unité humaine synonyme de« Moi ». Or, l’individualiste ne pose aucune borne au développement de son du « moi », aucune limite au déplacement de sa personnalité sur le plan social, sauf ceci : ne pas envahir le domaine où évolue son camarade. L’Individualisme, le « domaine du Moi », revendique cette conception des rapports du « moi » avec le « non moi » :
C’est qu’un homme, quel que petit ou insignifiant qu’il soit, ne peut être sacrifié à un autre quelconque de ses semblables, si grand qu’il puisse être ; ni à un groupe d’hommes, ni à la majorité du milieu où il se développe, ni même à l’ensemble de ce milieu.
33) The domain of the “Self.”
We can make human unity synonymous with “Self.” Now, the individualist does not posit any boundary to their development of the “self,” no limit to the movement of its personality on the social plane, save for this one: not to invade the domain where its comrade develops. Individualism, the “domain of the self,” asserts this conception of the relations between the “self” and the “non-self:”
A human, however small or insignificant they may be, cannot be sacrificed to any other of their fellow,s however great they may be; nor to a group of people, nor to the majority in the midst of which they develop, nor even to the totality of that milieu.
34) La pensée et l’œuvre individualiste.
L’œuvre maîtresse, essentielle de l’individualisme est de développer chez ceux que sa propagande atteint, la haine, le dégoût, le mépris personnels de la domination de l’homme sur ou par l’homme, des collectivités sur ou par l’individu.
C’est de créer chez ceux qui l’adoptent — et nous est avis qu’il faut une prédisposition spéciale pour s’y rallier — un esprit de critique permanent et irréductible à l’égard des institutions qui enseignent, maintiennent, préconisent la domination des humains sur leurs semblables. Et non seulement contre les institutions, mais contre les hommes qui représentent ces institutions, car c’est par ceux-là que nous connaissons celles-ci.
C’est encore d’amener en ceux qui se sont assimilé — par réflexion ou par tempérament — la pensée individualiste, un désir impérieux de vivre les phases de leur vie de tous les jours en dehors de toute autorité extérieure, sans tenir compte des institutions qui maintiennent la domination, sans exercer d’influence coercitive sur ceux de leurs camarades qui conçoivent autrement qu’eux les détails de l’existence quotidienne.
C’est, enfin, de faire de chaque individualiste, un propagateur personnel, un porteur de la pensée individualiste.
Résumons : le mouvement individualiste anarchiste consiste en une activité intellectuelle visant à susciter des êtres s’assimilant, expérimentant, propageant, chacun à sa guise, l’anti-autoritarisme dans les différentes carrières où se donne cours l’activité humaine : éthique, intellectuelle, sociale, économique. Et pratiquement, en la résolution personnelle — dans le sens anarchiste — des problèmes que posent les manifestations de ladite activité.
La définition de l’individualisme donnée ci-dessus ne signifie pas pourtant que ceux qui s’en réclament vivront forcément comme des isolés et sans jamais s’associer. Certains trouvent qu’isolés, ils sont plus forts qu’associés. Quand elle attaque, disent-ils, l’autorité est plus forte contre les associés que contre les isolés. Et quand elle se défend, elle est plus faible. Les isolés prétendent que lorsqu’on agit deux de concert, on ne sait jamais si votre partenaire ne sera pas un traître, même involontairement, Les autres affirment que l’association permet d’obtenir une plus grande somme de résultats, un plus grand rendement de travail, dans un laps de temps plus restreint, avec moins d’efforts, Il en est enfin pour lesquels l’association constitue comme une nécessité instinctive.
Au fond, c’est affaire de disposition individuelle.
En pratique, dans les circonstances actuelles, les individualistes bataillent contre les dominants, ils luttent contre les institutions autoritaires, diminuant lambeau par lambeau l’emprise du milieu coercitif, pour acquérir la possibilité de vivre à leur guise, en groupe d’affinités plus ou moins vastes, ou encore isolément, concluant entre eux telles ententes qui leur paraissent les plus propres à assurer leur bien-être et à sauvegarder leur autonomie.
Il va sans dire que l’individualiste ne saurait être considéré seulement comme un négateur personnel d’autorité, il est aussi un négateur personnel d’exploitation. L’exploitation, c’est la domination de l’homme sur l’homme transportée sur le terrain économique. Un individualiste ne veut pas plus être exploiteur qu’exploité.
34) Individualist work and thought.
The essential, main work of individualism is to develop, among those reached by its propaganda, personal hatred, disgust, and scorn for the domination of man over or by man, the domination of collectivities over or by the individual.
It is to create among those who adopt it — and we are of the opinion that it takes a special predisposition to rally to it — a permanent and intransigent spirit of critique with regard to the institutions that teach, maintain, and advocate the domination of human beings over their fellows. And not only against the institutions, but against the men who represent these institutions, for it is by the latter that we know the former.
It is also to bring out, in those who identify with it—through reflection or temperament—individualist thought, a pressing desire to live the phases of their life, for all their days, apart from all external authority, without considering the institutions that maintain domination, without exerting any coercive influence over those of their comrades who conceive of the details of daily existence differently from them.
Finally, it is to make each individualist an individual propagator, and bearer of individualist thought.
Let us summarize: the individualist anarchist movement consists of an intellectual activity aimed at kindling within the beings identifying and experimenting with, and propagating, each as they please, anti-authoritarianism in the different careers where human activity is played out: ethical, intellectual, social, economic. And practically, in the individual resolution—in the anarchist sense—of the problems posed by the manifestations of the aforementioned activity.
The definition of individualism given above does not, however, mean that those who claim it will be bound to live like hermits, without ever associating. Some will find that when isolated, they are stronger than when associated. When it attacks, they say, authority is stronger against the associated than against the isolated. And when it defends itself, it is more feeble. Those who prefer isolation maintain that when two act in concert, you never know if your partner will be a traitor, even unintentionally. The others affirm that association allows one to obtain a larger sum of results, a greater output from labor, in a more limited lapse of time, with less effort. It is the latter finally, for whom association constitutes something like an instinctive need.
At base, it is a matter of individual dispositions.
In practice, in the present circumstances, the individualists battle against those who are dominant, they struggle against authoritarian institutions, diminishing bit by bit the influence of the coercive milieu, in order to gain the possibility of living as they choose, in more or less vast affinity groups, or else in isolation, concluding among themselves such agreements as seem to them most proper to assure their well-being and to safeguard their autonomy.
It goes without saying that the individualist can not be considered only as an individual negator of authority, he is also an individual negator of exploitation. Exploitation is the domination of man by man transported onto the economic terrain. An individualist no more wants to be the exploiter than the exploited.
35) Propriété du moyen de production et libre disposition du produit.
L’individualiste se différencie du communiste anarchiste (l’anarchiste de la Fédération Jurassienne et de ses continuateurs), en ce sens qu’il considère — en production et dehors de la propriété des objets de jouissance formant prolongement de la personnalité — la propriété du moyen de production et la libre disposition du produit comme la garantie essentielle de l’autonomie de la personne. Etant entendu que cette propriété se limite à la possibilité de faire valoir (individuellement, par couples, par groupement familial, etc.), l’étendue de sol ou l’engin de production indispensable aux nécessités de l’unité sociale ; sous réserve, pour le possesseur, de ne point l’affermer à autrui ou de ne point recourir pour sa mise en valeur à quelqu’un à son service.
35) Property in the means of production and free disposition of the product.
The individualist differentiates himself from the anarchist communist (the anarchist of the Jurassian Federation and its heirs), in the sense that he considers—in production and apart from property in the objects of enjoyment forming an extension of the personality—property in the means of production and the free disposition of the product as the essential guarantee of the autonomy of the person. It being understood that this property is limited to the possibility of staking out (individually, by couples, by familial groups, etc.) the area of soil or the productive machinery indispensable to the necessities of the social unit; provided, for the possessor, that he does not lease it to another or employ for his own enrichment someone in his service.
36) Les individualistes et le révolutionnarisme systématique.
D’une façon générale, les individualistes ne sont pas révolutionnaires au sens systématique et dogmatique du mot. Ils ne pensent pas qu’une révolution puisse amener, pas plus qu’une guerre, une véritable amélioration de la vie individuelle. En temps de révolution, les fanatiques des partis rivaux et des écoles en lutte se préoccupent surtout de s’entre dominer et, pour y parvenir, se déchirent avec une violence et une haine qu’ignorent souvent des armées ennemies. Comme une guerre, une révolution peut se comparer à un accès de fièvre au cours duquel le malade se conduit tout autrement que dans son état normal. L’accès de fièvre passé, le patient revient à son état ordinaire. Ainsi l’histoire nous montre que les révolutions ont toujours été suivies de retours en arrière qui les ont fait dévier de leur but primitif. C’est par l’individu qu’il faut commencer. C’est d’individu à individu que doit d’abord se propager cette notion que c’est un crime de forcer quelqu’un à agir autrement qu’il le croit utile, ou avantageux, ou agréable pour sa propre conservation, son propre développement ou son propre bonheur, — que ce crime soit commis par l’Etat, la loi, la majorité ou un isolé quelconque. C’est d’individu à individu que doit se communiquer l’idée de l’individuel réagissant sur le social. Ces conceptions doivent être le fruit de la réflexion ou la conséquence d’un tempérament qui s’étudie, non point le résultat d’une surexcitation passagère et étrangère à la nature normale de celui qui les professe.
36) The individualists and systematic revolutionaryism.
In general, the individualists are not revolutionaries in the systematic and dogmatic sense of the word. They do not think that a revolution can lead, any more than a war, to a true amelioration of individual life. In times of revolution, the fanatics of the rival parties and struggling schools occupy themselves above all with dominating each other and, to achieve this, tear at each other with a violence and a hatred which often ignores the hostile armies. Like a war, a revolution can be compared to a bout of fever in the course of which the sufferer behaves very differently than in their normal state. When the bout of fever passes, the patient returns to their ordinary state. Thus history shows us that revolutions have always been followed by setbacks that cause them to deviate from their original aims. They must commence with the individual. It is from individual to individual that the notion must first be spread that it is a crime to force someone to act in ways other than they think useful, or advantageous, or agreeable for their own preservation, their own development or their own happiness,—whether this crime is committed by the State, the law, the majority or any isolated person. This idea of the individual acting on the social must be communicated from individual to individual. These conceptions should be the fruit of reflection or the consequence of a observant temperament, not the result of a passing over-excitement, foreign to the normal nature of the one who professes them.
37) Conditions d’existence et d’évolution de l’Individualiste.
L’individualisme anarchiste ne présente pas de plan réglant, d’avance, dans ses moindres détails, un milieu où l’individu ayant le pas sur l’agrégation humaine, et ne voulant ni servir ni asservir, on ne connaîtrait ni domination du social ou de l’homme sur l’homme, ni domination de l’homme sur l’homme ou le social — ni exploitation de l’homme par l’homme ou le social, ou réciproquement, — un milieu où chacun vivrait, sans autorité ni législation, la vie qui convient le mieux à son tempérament et à ses aspirations, sans avoir à rendre compte à qui que ce soit de ses faits et gestes, dès lors qu’il use de réciprocité à l’égard d’autrui. Il s’agit d’une orientation nouvelle et profonde des mentalités, bien plus que de l’établissement factice d’une nouvelle société.
Quand on le pousse à de plus amples explications ; l’individualiste reconnaît franchement qu’il ne pourrait logiquement exister, évoluer à l’aise que dans une humanité où fonctionneraient côte à côte simultanément, une infinité de groupes ou d’individualités isolées, se réalisant comme ils l’entendraient, pratiquant toutes sortes de combinaisons ou de concepts économiques, politiques, scientifiques, affectifs, littéraires, récréatifs. Une forêt de réalisations individualistes ou collectives. Ici, chacun recevant selon ses besoins. Là, chacun acquérant selon son effort. Ici, le troc : produits contre produits. Là, l’échange : produits contre valeur représentative. Ici, la propriété du produit au producteur. Là, l’abandon du produit à l’ensemble. Ici, l’omnivorisme. Là, le végétalisme ou je ne sais quel arrangement hygiénique ou culinaire en « isme ». Ici, le couple et la famille. Là, la liberté ou même la promiscuité sexuelle. Ici, des matérialistes. Là, des spiritualistes. Ici, progéniture à la mère. Là, les enfants au groupe. Ici, la recherche des émotions artistiques ou littéraires. Là, la recherche des expérimentations scientifiques. Ici, des instituts de volupté. Là, des écoles d’austérité… Pourvu qu’il soit entendu que chacun ait la faculté de passer d’un milieu à l’autre ou de s’isoler de tout milieu. Cela sans qu’il puisse venir aux ensembles les plus forts la tentation d’accaparer les ensembles les plus faibles, ou aux groupes celle d’englober violemment les individualités isolées.
37) Conditions for the existence and evolution of the Individualist.
Anarchist individualism presents no plan regulating—in advance and in slightest least details—a milieu where the individual, taking precedence over the human aggregation and wanting neither to serve nor to enslave, would know neither domination of the social or of man over man, nor domination of man over man or the social—nor the exploitation of man by man, or by the social, or reciprocally,—a milieu where each would live, without authority or legislation, the life that best suits their temperament and aspirations, without having to account to anyone for their acts and movements, from the moment that they employ reciprocity with regard to others. It is a question of a new and profound orientation of minds, much more than the artificial establishment of a new society.
When pushed for further explanations, the individualist frankly recognizes that there could logically exist, evolving comfortably in a single humanity or functioning side by side simultaneously, any number of groups or isolated individualities, fulfilling themselves as they understand that process, applying all sorts of combinations or concepts, whether economic, political, scientific, emotional, literary, or recreational. A wide range of realizations, individualist or collective. Here, each receiving according to their needs. There, each gaining according to their effort. Here, barter: products for products. There, exchange: products for representative value. Here, property in the product to the producer. There, the abandonment of the product to the ensemble. Here, omnivorism. There, vegetarianism, or who knows what hygienic or culinary arrangement as an “ism.” Here, the couple and the family. There, sexual liberty or even promiscuity. Here, materialists. There, spiritualists. Here, offspring to the mother. There, children to the group. Here, the study of the artistic or literary emotions. There, the study of scientific experimentation. Here, institutes of sensual pleasure. There, schools of austerity… all provided that it is understood that each has the ability to pass from one milieu to another or to isolate themselves from every milieu. And that without the strongest ensembles feeling the temptation to absorb the weakest ensembles, or to the groups that of violently subsuming the isolated individualities.
38) « Notre » individualiste.
L’individualiste tel que nous le concevons, — notre individualiste — aime la vie la force. Il proclame, il exalte la joie, la jouissance de vivre. Il reconnaît sans détours qu’il a pour fin son propre bonheur. Il n’est pas une manière d’ascète et la mortification charnelle lui répugne. Il est passionné. Il se présente sans fard, le front couronné de pampres et chante volontiers en s’accompagnant de la flûte de Pan. Il communie avec la Nature dans son énergie stimulatrice des instincts et des pensers. Il n’est ni jeune ni vieux ! Il a l’âge qu’il se sent. Et tant qu’il lui reste une goutte de sang dans les veines, il combat pour conquérir ou consolider sa place au soleil. Il ne s’impose pas, mais il ne veut pas qu’on lui en impose. Il répudie les maîtres et les dieux. Il sait aimer, mais il sait haïr. Il est plein d’affection pour les siens, ceux de son monde, mais il a horreur des faux-frères. Il est fier et il a conscience de sa dignité personnelle. Il se sculpte intérieurement et il réagit extérieurement. Il se recueille et il se dépense. Il s’insoucie des préjugés et ricane du qu’en dira-t-on. Il goûte l’art, les sciences, les lettres. Il aime les livres, l’étude, la méditation, le travail. Il est artisan, non pas manœuvre. Il est généreux, sensible et sensuel. Il est affamé d’expériences nouvelles et de sensations fraîches. Mais s’il s’avance dans la vie sur un char rapide comme un tourbillon, c’est à condition de se sentir le maître des coursiers qui l’emportent, c’est animé par la volonté d’assigner à la sagesse et à la volupté, selon son déterminisme, la part qui échet légitimement à chacune d’elles au cours de son évolution personnelle.
38) “Our” individualist.
The individualist as we conceive him, — our individualist — loves life and strength. He proclaims and glorifies pleasure, the enjoyment of living. He recognizes plainly that his own happiness is his aim. He is no sort of ascetic and the mortification of the flesh disgusts him. He is passionate. He presents himself unvarnished, his brow crowned with vines, and sings gladly, accompanying himself with Pan’s flute. He communes with Nature, its energies stimulating his instincts and thoughts. He is neither young nor old! He is the age that he feels. And as long as there remains a drop of blood in his veins, he fights to win or to fortify his place in the sun. He does not impose, but he does not want to be imposed upon. He repudiates masters and gods. He knows how to love, but he knows how to hate. He is full of affection for his own, those of his world, but he has a horror of false friends. He is proud and conscious of his personal dignity. He shapes himself internally and he reacts externally. He saves and he spends himself. He is not concerned with prejudices and laughs at what people say about him. He has a taste for art, the sciences, and letters. He loves books, study, meditation, and labor. He is an artisan, not an unskilled worker. He is generous, sensitive and sensual. He is hungry for new experiences and fresh sensations. But if he advance in life on a chariot swift as a whirlwind, it is on the condition of sensing himself the master of the chargers that bear him along; he is animated by the will to assign to wisdom or to voluptuousness, according to his own determination, the portion that falls legitimately to each of them in the course of his personal evolution.
39) Les aspirations individualistes anarchistes.
Conclusions : Les individualistes anarchistes présentent :
a) Une aspiration humaine et morale à la fois : l’individualiste anarchiste, l’individu niant l’autorité et son corollaire économique : l’exploitation et se refusant à les exercer ; l’être dont la vie consiste en une réaction continuelle contre un milieu qui ne peut, qui ne veut ni le comprendre ni l’approuver, puisque les constituants de ce milieu sont les esclaves de l’ignorance, de l’apathie, des tares ancestrales, du respect des choses établies ; tendant vers la réalisation d’un type nouveau : l’homme qui ne ressent aucun besoin de réglementation ou contrainte extérieure, parce qu’il possède assez de puissance de volition pour déterminer ses besoins personnels et garder sa puissance de résistance individuelle ;
b) Une aspiration morale et sociale à la fois : un concept de milieu individualiste anarchiste impliquant spécialement, au point de vue économique : propriété du moyen de production. et libre disposition du produit, envisagées comme garantie essentielle de l’autonomie de la personne. Ledit milieu existant et évoluant au sein d’une humanité dont les composants détermineraient leur vie, sous ses aspects intellectuels, éthiques, économiques, par un contrat librement consenti et appliqué, impliquant la liberté de tous sans nuire à la liberté d’aucun ; humanité où pourraient s’épanouir- concurremment et simultanément tous les essais, tous les systèmes, toutes les méthodes d’existence individuelle ou plurale, toutes les associations concevables, sans autre restriction ou limite que le contrepoids de leur fonctionnement respectif.
c) Une aspiration individuelle et sociale à la fois : l’association individualiste anarchiste, assurance destinée non seulement à accroître et porter au maximum la liberté, le rendement, le bien-être et la jouissance de vivre de chacun de ceux qui la contractent, mais encore à sauvegarder et à garantir leur autonomie personnelle contre tous empiétements, envahissements, réquisitions du non moi, quels qu’ils soient.
39) Anarchist individualist aspirations.
Conclusions : The anarchist individualists present:
a) An aspiration at once humane and moral: the anarchist individualist, the individual denying authority and its economic corollary, exploitation, and refusing to exercise it; the being whose life consists of a continual reaction against a milieu which cannot, which neither wants to understand or approve him, since the constituents of that milieu are the slaves of ignorance, of apathy, of ancestral flaws and of respect for established things; tending towards the realization of a new type: the man who feels no need of regulation or external constraint, because he possesses enough power of volition to determine his personal needs and maintain his individual power of resistance;
b) An aspiration at once moral and social: a concept of the individualist anarchist milieu entailing particularly, from the economic point of view: property in the means of production and the free disposition of the product, envisioned as an essential guarantee of the autonomy of the person. That milieu existing and evolving within a humanity the constituents of which will determine their lives, in their intellectual, ethical and economic aspects, by a contract freely consented to and applied, entailing the liberty of all without harm to the liberty of any; a humanity where there could blossom, concurrently and simultaneously, all the attempts, all the systems, all the methods of individual or plural existence, all the imaginable associations, without any other restriction or limit but the counterweight of their respective functioning.
c) An aspiration at once individual and social: the anarchist individualist association, a guarantee destined not only to increase and bring to their maximum liberty, productivity, well-being and the enjoyment of life for each of those who enter into it, but also to safeguard and guarantee their personal autonomy against all encroachments, invasions and requisitions from the non-self, whatever they may be.