E. Armand, “On Friendship” (1928)

Sur l’Amitié

1. J’aime mes amis pour ce qu’ils sont, tels qu’ils sont. Non pour ce que moi, je voudrais qu’ils soient.

2. Je prends ma joie à les voir se développer. A suivre les phases de leur épanouissement individuel.

Non pas parce que leur évolution se poursuit selon mes désirs ou mes préférences. Mais bien parce qu’ils accomplissent ainsi leur raison d’être en tant qu’êtres humains. Et plus ils sont heureux — plus ils réalisent leur conception particulière de la vie — plus vive devient ma joie.

3. Je ne les aime pas en deçà du bien et du mal. Je les aime par delà le bien et le mal.

Si je les aimais en deçà du bien et du mal, je les aimerais à la façon du moraliste, du législateur, de l’inquisiteur ou du maître d’esclaves.

4. Pourquoi aimé-je un ami ?

Pour un trait caractéristique de son caractère, une tendance de sa nature, un détail de sa façon d’être — un mode de penser, d’expression, d’action ou de réalisation qui lui est propre — faisant vibrer en moi une fibre correspondante.

Tant que la vibration subsiste, il demeure mon ami.

5. Par delà le bien et le mal, certes. Dans l’opprobre ou dans, le triomphe. Dans l’inconséquence ou dans la conformité. Dans le vice et dans vertu. Même si la recherche de son équilibre individuel, même si l’affirmation de son individualité l’amène ou l’entraîne à commettre toutes sortes d’actes : répréhensibles pour le plus grand nombre, incompréhensibles pour moi.

6. Tant que la vibration subsistera, je serai fidèle à mon amitié. Car on amitié n’a rien de commun avec le caprice. Mon amitié est Aventure et Expérience. La plus redoutable des aventures probablement. Et peut-être la plus longue et la plus compliquée des expériences. — E. ARMAND.

On Friendship

1. I love my friends for what they are, just as they are. Not for what I would like them to be.

2. I take pleasure in seeing them develop. According to the phases of their individual blossoming.

Not because their evolution takes place according to my own desires or preferences. But instead because in this way they fulfill their reason to be as human beings. And the happier they are — the more they realize their particular conception of life — the stronger my joy becomes.

3. I do not love them on the side of good and evil. I love them beyond good and evil.

If I loved them on the side of good and evil, I would love them in the manner of the moralist, the legislator, the inquisitor or the slavemaster.

4. Why do I love a friend?

For a characteristic trait of their character, a tendency of their nature, a detail of their way of being — a mode of thinking, of expression, of action or of realization that is their own — that makes a corresponding fiber vibrate within me.

As long as that vibration persists, they remain my friend.

5. Beyond good and evil, certainly. In disgrace or in triumph. In inconsistency or in conformity. In vice and in virtue. Even if the search for their individual equilibrium, even if the affirmation of their individuality leads or drives them to commit all sorts of acts: reprehensible to the great majority, incomprehensible to me.

6. As long as the vibration persists, I will remain faithful to my friendship. For friendship has nothing in common with caprice. My friendship is Adventure and Experience. Probably the most formidable of adventures. And perhaps the longest and most complicated of experiences. — E. ARMAND.

E. Armand, “Sur l’amitie,” L’en dehors 7 no. 140 (mi-Août 1928): 1.

[Working translation by Shawn P. Wilbur]

About Shawn P. Wilbur 2709 Articles
Independent scholar, translator and archivist.