E. Armand, “My Body Is My Own” (1927)

Mon corps est à moi

Le fleuve de la volupté coulait entre des rives semées d’arbustes odorants, étoilées du fleurs parfumées ;

Et mon déterminisme du moment me poussait à m’y jeter et à m’abandonner à l’étreinte de l’onde pailletée de séductions.

Mais voici que de différents points de l’horizon surgirent des ombres qui avaient l’air d’être vivantes.

D’abord une ombre vêtue de noir qui m’interpella d’une voix onctueuse : « Ton corps est à Dieu, susurra-t-elle, à nous ses représentants sur terre, et ton droit d’en disposer est nul ».

Ensuite une autre ombre qui semblait ne consister qu’en reflets métalliques et qui tenait érigée une bannière flottant au vent : « Ne plonge pas dans cette eau énervante, m’ordonna-t-elle, tu n’as pas le droit de disposer de ton corps à ton gré ; il est à la patrie et à nous, qui commandons pour la défendre ».

Puis une ombre qui portait casquette à visière, était vêtue d’une tunique de cuir et tenait à la main un fouet à neuf queues : « Décampe, gronda-t-elle, ton corps appartient au corps social ».

Et puis un fantôme encore. Celui-là était habillé d’une longue redingote noire qui lui tombait sur les talons. Sous le bras, il portait un livre menaçant, épais, noir. « Que veux-tu faire, mon enfant, murmura-t-il, mielleusement, ne sais-tu pas que ton corps est destiné à être un vase de vertu ? »

Et de droite, de gauche, il surgissait ainsi toutes sortes de revenants ayant figures d’hommes, et qui gesticulaient et clamaient sur toutes sortes de tons et de modes que mon corps appartenait à quelque chose où à quelqu’un qui n’était pas « moi ».

Mais je me suis insurgé et je ne les ai pas écoutées, ces ombres à apparence d’êtres humains.

Car je suis individualiste et anarchiste et « mon corps est à moi ».

Et c’est à moi de savoir s’il est opportun ou non de le laisser baigner par les vagues prometteuses, ondoyantes et pénétrantes du fleuve de la volupté.

E. Armand.

My Body Is My Own

The river of delight flowed between banks strewn with fragrant shrubs, studded with perfumed flowers;

And my determinism in the moment drove me to cast myself into it and to abandon myself to the embrace of that flow sequined with seductions.

But, behold, from different points on the horizon loomed shadows that look as if they were alive.

First, a shadow dressed in black, which called out to me in an unctuous voice: “Your body belongs to God,” it whispered, “and to us, his representatives on earth, and you have no right to dispose of it.”

Then another shadow, which seemed to consists of nothing but metallic gleams and which held erect a banner floating in the wind: “Do not dive into that ennervating water,” it ordered me. “You do not have the right to dispose of your body as you wish; it belongs to the homeland and to us, who are in charge of defending it.”

Then a shadow that wore a peaked cap, dressed in a leather tunic and bearing in its hand a cat o’ nine tails : “Get away,” it rumbled, “your body belongs to the social body.”

And then yet another phantom. This one wore a long black frock coat, which fell to its heels. Under one arm, it carried a thick, black, intimidating tome. “What do you want to do, my child,” it murmured, in honeyed tones, “don’t you know that your body is destined to be a vessel of virtue?”

And from the right, from the left, there then surged all sorts of revenants in the shape of men, who gesticulated and protested in every tone and manner that my body belonged to someone or something that was not “me.”

But I rebelled and I did not listen to them, these shadows with the appearance of human beings.

For I am an individualist and anarchist and “my body is my own.”

And it is up to me to know if it is right or not to let it be bathed by the promising, rippling and penetrating waters of the river of delight.

E. Armand.

 

Armand, “Mon corps est à moi,” L’en dehors 6 no. 121-122 (début Novembre 1927): 3.

 

[English adaptation by Shawn P. Wilbur]

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