l’heure crépusculaire
Voici l’heure crépusculaire :
gris est le ciel,
une pluie fine tombe,
il y a des résidus de neige sur la route,
immense est la solitude,
le jour s’achève lamentablement sans grandeur et sans gloire,
et la nuit tarde à tomber,
c’est à peine si deux ou trois étoiles scintillent faiblement.
Quelque part un chien aboie lugubrement,
Ombres frêles,
de petites filles envoyées en commission hâtant le pas,
se garant de la bruine comme elles le peuvent.
Squelettiques et désolés, des arbres dépouillés se découpent sur l’horizon.
En moi, il fait aussi clair-obscur,
moitié jour et moitié nuit,
le jour des rares désirs complètement réalisés,
la nuit des aspirations insatisfaites,
des appels inattendus,
des ondes inaccrochées,
Au fond, tout au fond de mon moi,
il y a des paysages d’hiver tristes et silencieux,
de la neige qui recouvre des sentiers encore à tracer,
de la pluie qui tombe sur des ombres à la recherche de leurs corps
des messages qui cherchent leurs destinataires.
Hors de moi, comme en moi, voici l’heure crépusculaire.
1 mars 1937
E. Armand.
the twilight hour
This is the twilight hour:
the sky is gray,
a fine rain falls,
there are traces of snow on the road,
the solitude is tremendous,
the day ends on a dismal note, without grandeur or glory,
and the night is slow to fall,
hardly two or three stars shine faintly.
Somewhere a dog bays gloomily,
Frail shadows,
of little girls sent shopping, hastening their steps,
avoiding the drizzle as best they can.
Skeletal and desolate, bare trees stand out on the horizon,
In me, it is also half-light, chiaroscuro,
half day and half night,
the day of rare desires completely realized,
the night of aspirations unsatisfied,
of appeals unheard,
of waves untamed,
Within me, deep within me,
there are sad and silent winter landscapes,
snow that covers trails yet to be traced,
rain that falls on shadows in search of their bodies,
messages that seek their addressees.
Outside of me, as within me, this is the twilight hour.
March 1, 1937
E. Armand.
E. Armand, “L’heure crépusculaire,” L’en dehors 17 no. 304 (Mars 1937): 118.
[English adaptation by Shawn P. Wilbur]