Anarchisme: Communiste ou Individualiste ?
Notre époque réclame impérativement une solution économique. Aucun mouvement de transformation sociale n’atteindra immenses proportions s’il ne satisfait pas d abord à cette exigence. C’est pourquoi l’« immense mouvement vraiment anarchiste de sentiment » que Max Nettlau proclame comme « absolument indispensable bien avant que se pose la question des remèdes économiques » m’apparaît comme absolument impossible.
L’anarchisme et le communisme échouent justement faute de cette « immensité » — non point parce que les solutions économiques qu’ils préconisent sont prématurées, mais parce qu’ils ne réussissent pas à convaincre. L’Anarchisme trouve la solution dont s’agit dans la négation du privilège légal — soit donc dans la liberté. Le Communisme découvre cette même solution dans la négation de la propriété, — soit donc dans une limitation de la liberté. Cette dernière solution n’a pas convaincu parce que, doctrinalement, elle est fondamentalement fausse. La solution anarchiste n’a pas eu davantage de succès parce que l’espèce humaine est désespérément stupide. D’ailleurs, peu importe la raison, on ne saurait nier l’insuccès. Voilà pourquoi, au lieu de devenir « immenses », les deux mouvements demeurent une « petite chapelle », chacune s’opposant diamétralement à l’autre. S’attendre à ce qu’ils fusionnent ou même coopèrent, c’est vouloir l’impossible ou le ridicule. Pour ma part, j’aimerais tout autant frapper à la porte du Socialisme unifié, pour y solliciter mon admission, qu’à celle du Communisme. Que les communistes se rencontrent en un Congrès à Londres ou ailleurs, à leur guise. En tant qu’anarchiste, je reste chez moi.
Benjamin R. TUCKER
Anarchism: Communist or Individualist?
Our era demands imperatively an economic solution. No movement of social transformation will gain immense proportions if it does not first satisfy that demand. That is why the “immense movement, truly anarchist in sentiment” that Max Nettlau proclaims as “absolutely indispensable well before the question of economic remedies arises” appears to me absolutely impossible.
Anarchism and communism fail precisely because of this “immensity” — not because the economic solutions they advocate are premature, but because they fail to convince. Anarchism finds the solution that is involved in the negation of the legal privilege — so in freedom. Communism discovers this same solution in the negation of property, — thus in a limitation of liberty. This last solution did not convince because, doctrinally, it is fundamentally false. The anarchist solution has been no more successful because the human species is desperately stupid. In any event, whatever the reason, we can not deny the failure. This is why, instead of becoming “immense,” the two movements remain minor schools of thought, each diametrically opposing the other. To expect them to merge or even cooperate is to want the impossible or the ridiculous. For my part, I would like to knock on the door of Unified Socialism, to request admission, as much as that of Communism. Let the communists meet in a Congress in London or elsewhere, as they please. As an anarchist, I remain at home.
Benjamin R. TUCKER
A copy of Tucker’s reply to Max Nettlau’s 1914 article, “Anarchism: Communist or Individualist? Both,” appears the correspondence preserved in the Max Nettlau papers. It is dated 1919, but is reported elsewhere as appearing in Les Refractaires, where E. Armand had published a French translation of Nettlau’s essay. Some research already underway should clarify the date of it appearance fairly soon. In any event, Tucker left very little doubt about his position regarding the sorts of projects for entente or mutual toleration that Armand and Nettlau were pursuing, each in their rather different ways.
[Working translation by Shawn. P. Wilbur]