SOLUTION DU PROBLÈME DE LA CERTITUDE
en preuve de la puissance de la méthode sérielle.
SOLUTION OF THE PROBLEM OF CERTAINTY
as proof of the power of the serial method.
« Nous aurions voulu offrir au lecteur un résumé, aussi succinct soit-il, de la solution du problème de la certitude, procurée par M. Proudhon, à l’aide de la méthode sérielle : mais cette grave question, qui tend à légitimer nos connaissances d’une façon absolue, qui ne prétend à rien moins qu’à démontrer la certitude de nos jugements, qui a été déclarée inabordable par la philosophie, qui a été attaquée sur toutes les faces par les plus grands génies qui aient illuminé l’humanité, et qui a été abandonnée après avoir vu se succéder en vain, pendant des siècles, les plus profondes intelligences qui sont mortes à la tâche ;ne peut être acceptée comme résolue dans une quintessence. »
« Il est impossible de la présenter à l’adhésion future sans les considérants, les expositions, les conclusions dont M. Proudhon a cru devoir, et avec raison, l’entourer, Elle est trop importante pour la priver d’une de ses démonstrations.
« Donc ceux que cela intéresse, ceux qui en plus veulent s’assurer de la supériorité indiscutable de ce dont cette puissante organisation a doté le monde, n’ont qu’à se donner la peine d’étudier ce chapitre dans l’œuvre du maître. Création de l’ordre dans l’humanité. »
« Nous allons seulement donner un aperçu de la façon dont il étudie et résoud le problème, pour en donner l’idée et susciter le désir d’en suivre le développement fait par lui. »
“We would have liked to offer the reader a summary, however succinct, of the solution to the problem of certainty provided by M. Proudhon using the serial method; but this serious question—which offers to legitimize our knowledge in an absolute way, which claims nothing less than to demonstrate the certainty of our judgments, which has been declared unapproachable by philosophy, which has been attacked on all sides by the greatest geniuses who have elightened humanity, and which has been abandoned after having watched the most profound intelligences follow one after another in vain, for centuries, and die at the task—cannot be accepted as resolved in a quintessence.”
“It is impossible to present it for future accession without the recitals, expositions and conclusions that M. Proudhon believed, and with good reason, that he had to surround it with. It is too important to deprive it of one of its demonstrations.
“So those who are interested, those who also want to be sure of the indisputable superiority of that with which this powerful organization has endowed the world, only have to take the trouble to study the chapter in the work of the master: The Creation of Order in Humanity.”
“We are only going to give an outline of the way in which he studies and solves the problem, to give an idea of it and to arouse the desire to follow the arguments made by him.”
Le problème de la certitude se divise en deux :
1° Le problème de l’origine de nos idées.
2° Le problème de la conformité de la connaissance avec la réalité.
Suivant Platon les idées viennent de Dieu ; elles sont préformées dans les âmes avant leur sortie de l’Élysée et leur union a des corps. Les sensations ne font qu’en provoquer, dans l’esprit, la réminiscence.
Donc nous n’acquérons pas nos idées, nous nous souvenons.
L’école, qui prit pour chef Aristote, faisait dépendre toutes les idées de la sensation.
D’où rien n’est dans l’entendement qui n’ait été dans les sens.
Mais tout cela n’apprenait rien, d’autant plus qu’on arriva à distinguer différentes espèces d’idées, donc différentes sources.
Alors certaines idées, représentant des objets sensibles, distincts, particuliers, reçurent le nom de particulières, et furent attribuées à la sensation , d’autres représentant des points de vue généraux, reçurent le nom de générales ; mais à quoi attribuer ces dernières ?
Les réalistes prétendaient que les idées générales avaient, semblablement aux idées particulières, une réalité objective, mais générale, mise en communication avec nous par la sensation.
D’où la différence d’idées ne nécessitait pas des sources diverses.
Puis quelle sont les réalités générales qui représentent les idées du même nom. Et en acceptant comme résolu le problème de l’origine de nos idées, on ne donne pas la certitude de la réalité que représentent les idées générales.
C’est ce que reprirent les spiritualismes qui, à leur tour, prétendirent qu’elles ne sont que de purs mots, sans réalité.
Cependant on ne parle que ce que l’on pense, on ne nomme que ce que l’on aperçoit, on ne crée des mots que pour des représentations.
Les idées générales ne représentent rien, répondirent les conceptualismes, représentants d’une opinion intermédiaire; ce ne sont pas des réalités, ce ne sont pas des mots, ce sont des conceptions de l’esprit.
Autre origine de nos idées. Quelle soit comme la précédente admise comme vraie, on n’en acquière pas plus de certitude sur la conformité des idées générales avec la réalité objective, et, cependant, nous sentons le besoin de ne pas rester dans le doute à cet égard.
Kant, plus tard, distingua entre les idées générales, nées de l’abstraction ou généralisation et reposant sur une donnée sensible, et les conceptions, sans réalité objective. Abeilard pour une part et les réalistes pour l’autre avaient déjà exprimé ces opinions. Beauté, bonté, force, vie, grandeur, désignait des choses réelles, espace, temps, substance, cause, etc., n’étaient que des déterminations de formes propres à l’entendement, manifestées à la conscience, non par la sensation, mais à l’occasion de la sensation des phénomènes extérieurs.
Alors on peut en dire autant des intuitions ou idées particulières.
Les idées-concepts ont donc une origine subjective : cependant il ne faut pas une tendance sans objet, une vérité toute humaine et qui n’ait rien d’absolu.
Il résultera donc de cette manière de raisonner que le problème de la certitude est inabordable , indémontrable ; mais si changeant de point de départ, on se sert de la théorie sérielle pour prouver la conformité de nos idées avec la réalité, le problème est résolu.
The problem of certainty is divided into two parts:
1° The problem of the origin of our ideas.
2. The problem of the conformity of knowledge with reality.
According to Plato, ideas come from God; they are preformed in souls before their exit from Elysium and their union with bodies. Sensations only provoke their reminiscence in the mind.
Thus, we don’t acquire our ideas; we remember.
The school that took Aristotle as its leader believed that all ideas depend on sensation.
Hence nothing is in the understanding that has not first been in the senses.
But all this taught nothing, especially since we managed to distinguish different kinds of ideas, and therefore different sources.
Then certain ideas, representing sensible, distinct, particular objects, received the name of particular, and were attributed to sensation. Others, representing general points of view, received the name of general. But to what should these latter ideas be attributed?
The realists claimed that general ideas had, like particular ideas, an objective but general reality, communicated to us by sensation.
Hence the differences among ideas did not require diverse sources.
Then what are the general realities that represent the ideas of the same name? And by accepting as solved the problem of the origin of our ideas, do we not give the certainty of the reality represented by general ideas?
This question was taken up by the spiritualisms, which, in turn, claimed that general ideas are only pure words, without reality.
However, we only speak what we think, we only name what we see, and we only create words for representations.
General ideas represent nothing, replied the conceptualisms, representatives of an intermediate opinion. They are not realities, nor are they words; they are conceptions of the mind.
Another origin for our ideas. Whatever may be accepted as true, like the preceding, we do not acquire any more certainty about the conformity of general ideas with objective reality—and yet we feel the need not to remain in doubt in this respect.
Kant, later, distinguished between general ideas, born of abstraction or generalization and based on a sensible datum, and conceptions, without objective reality. Abelard on the one hand and the realists on the other had already expressed these opinions. Beauty, goodness, force, life, greatness, designated real things, space, time, substance, cause, etc., were only determinations of forms proper to the understanding, manifested in consciousness, not by sensation, but on the occasion of the sensation of external phenomena.
Thus, the same can be said of particular intuitions or ideas.
The idea-concepts therefore have a subjective origin. However, there must not be a tendency without an object: a wholly human truth which has nothing absolute about it.
It will therefore result from this way of reasoning that the problem of certainty is unapproachable, undemonstrable; but if, changing the point of departure, we use the serial theory to prove the conformity of our ideas with reality, the problem is solved.
Les molécules organiques qui composent un corps, sont séparées les unes des autres et forment un tout organisé, sérié ; l’un, le particulier, l’individuel apparaît dans les choses, non par le fait d’une matérialisation grossière, mais par le rapport qui groupe les unités sérielles, et en forme des organismes, des agrégats, qui à leur tour deviennent unités organiques de séries supérieures.
L’unité n’est percevable que là, il n’est pas donné à l’homme de la dé- couvrir ailleurs, pas plus que le chimiste n’est arrivé à découvrir un élément; car tous ceux qu’il a voulu reconnaître comme tels, ce sont trouvés décomposables, conséquemment composés, seriés non unités.
Donc le particulier, les idées particulières n’existent pas.
Donc les idées générales ne sont que la totalisation d’unités sérielles.
Donc les conceptions ne sont que les modes particuliers de la série.
Il ressort maintenant que l’un, le genre, l’espèce existe bien dans la nature, mais en plus les genres, les espèces, les collections, conséquemment aussi, et qu’alors ce qui était distingué en idées générales et particulières, a bien sa réalité objective, de même que leurs lois, leurs formes, leur mobilité, leur fixité, leurs successions, leurs divisions, leurs différenciations ou conceptions.
Ces dernières n’existent donc pas, au point de vue d’une création de l’entendement; mais évidemment pour se former, il faut qu’elles s’unissent synthétiquement dans l’entendement d’un être, d’une unité non sériée, subjective, opposée à ce qu’il est appelé à unir, sérier, sans quoi il ne pourrait exécuter l’opération, néanmoins cela ne retire rien à à la certitude objective des conceptions, au contraire : l’entendement ne crée rien, il reconnaît la loi des séries, qui, elles, ne représentent que l’objet.
Le problème logique ou problème de la certitude de la connaissance, est ainsi résolu. L’origine de nos idées est prouvée par la série, qui sans cesse nous offres des unités, des particularités objectives, divisibles à leur tour et totalisables, procurant des généralisations certainement objectives aussi; puis ces séries nous apparaissant sous mille rapports, sous mille formes, donnent une troisième image produite par les transmutations, les transpositions de ou des objets, réelle enfin et qui non comprises avait fait déclarer des conceptions. La certitude de la conformité de la connaissance avec la réalité est ainsi prouvée.
The organic molecules that compose a body are separated from each other and form an organized, seriated whole; the one, the particular, the individual appears in things, not through the fact of a gross materialization, but through the relation that groups the serial units, and in the form of organisms, aggregates, which in their turn become the organic units of a higher series.
The unity is perceptible only there; it is not given to man to discover it elsewhere, any more than the chemist has succeeded in discovering an element; for all those he hoped to recognize as such were found to be decomposable, consequently composites, series not units.
Thus, the particular, the particular ideas do not exist.
Thus, the general ideas are only the totalization of serial units.
Thus, the conceptions are just the particular modes of the series.
It now emerges that the one, the genus, the species does indeed exist in nature, but in addition the genera, the species, the collections as well, as a consequence, and then that what was distinguished into general and particular ideas, has indeed its objective reality, as well as its laws, its forms, its mobility, its fixity, its successions, its divisions, its differentiations or conceptions.
These last therefore do not exist, from the point of view of a creation of the understanding; but obviously in order to be formed, they must unite synthetically in the understanding of a being, in a non-serial, subjective unity, opposed to what it is called upon to unite, to seriate, without which it could not carry out that operation. Nevertheless, that takes nothing away from the objective certainty of the conceptions. On the contrary, the understanding creates nothing; it recognizes the law of the series, and they alone represent the object.
The logical problem, or problem of the certainty of knowledge, is thus solved. The origin of our ideas is proven by the series, which unceasingly offers us unities, objective particularities, divisible in their turn and totalizable, while also certainly providing objective generalizations. Then these series, appearing to us in a thousand relations, in a thousand forms, provide a third image produced by the transmutations, the transpositions of the objects, which, real finally, but not understood, had caused conceptions to be identified. The certainty of the conformity of knowledge with reality is thus proven.
from Auguste Beauchery, Économie sociale de P. J. Proudhon (1867)
Working translation by Shawn P. Wilbur
[NOTE: The final paragraph appears to suffer from a proofreading or typesetting error, so the translation is approximate. I’ll do my best to follow up and revise as necessary.