DE LA CÉLÉBRATION DU DIMANCHE
PAGES RETROUVÉES
Nous n’avions pas manqué, quand nous avons eu à préparer la réédition des premières œuvres de Proudhon, de rechercher s’il était encore possible de lire les manuscrits, les premières éditions, les lettres adressées aux Ministres, etc. Bibliothèque nationale, Bibliothèque de Besançon, Archives nationales, Archives du Ministère de la Justice ne nous avaient pas donné ce que nous espérions.
Ainsi avions-nous été amené à dire que le manuscrit et la première édition, tirée à 200 exemplaires, du Discours sur le Dimanche n’avaient pas été conservés. C’était inexact. M. G. Gazier, conservateur de la Bibliothèque publique de Besançon, qui nous avait aidé dans notre enquête bibliographique avec une bienveillance dont nous sommes heureux de lui dire à nouveau ici notre gratitude, a pu, le 18 novembre 1926, faire connaître à l’Académie bisontine qu’au cours d’un nouveau classement des manuscrits, l’archiviste, M. Dornier, avait mis la main sur le manuscrit de Proudhon.
De la comparaison des textes faite par M. Gazier, il résulte qu’à part deux passages supprimés dans l’édition de 1841 et que nous allons reproduire, les changements sont peu nombreux et en général ne portent que sur une ou deux phrases. L’alinéa, au bas de la page 43 de notre réédition (« On a dit que les vệpres du dimanche étaient la comédie des servantes… »), ne se trouvait pas dans le manuscrit.
A la page 66, après la citation extraite d’un rapport de Robespierre, on lit dans le manuscrit:
« La pensée exprimée dans ce passage est ingénieuse et belle, et de plus elle est parfaitement vraie. Mais je n’oserais en nommer l’auteur ; d’infâmes scélérats l’ont couvert de leurs propres crimes, la calomnie en a fait un monstre ; un demi-siècle d’exécration pèse sur sa tombe. »
La deuxième phrase ne figure pas dans le texte imprimé, mais Proudhon, en note, a bien osé nommer l’auteur. Il est intéressant de savoir qu’il considérait Robespierre comme victime de la calomnie.
M. G. Gazier a eu soin de noter dans sa communication que les juges du concours, où deux concurrents ont été préférés à Proudhon, avaient bien reconnu chez lui « un talent vraiment supérieur ». L’un d’eux avait écrit : « On ne peut trop mûrement, ce me semble, examiner si ce n’est pas à lui que la palme doit être décernée. » Ce n’est pas cet avis qui prévalut (1).
Le mémoire manuscrit (47 pages de format in-4° d’une écriture serrée) débute par les deux pages suivantes :
« Oui, Messieurs, de nobles inspirations dictent chaque année les sujets de vos concours : amour de l’humanité, enthousiasme du juste et du beau, pitié profonde des misères sociales et pressentiment d’une régénération universelle, tel est le symbole de votre foi, telles sont les passions qui vous animent et que vous cherchez à exalter dans les cours. Jetez les yeux autour de vous, considérez ces illustres corporations qui, comme d’immortelles pléiades, brillent par le savoir et le talent sur chacune de nos provinces ; nulle, mieux que l’Académie de Franche-Comté, ne comprend les devoirs de sa mission et les besoins de son siècle ; nulle ne sait mériter comme elle par ses travaux et son heureuse influence l’approbation des sages et les applaudissements des gens de bien. J’oserais même dire qu’un si bel exemple serait peut-être bon à citer dans une haute sphère, d’où les grandes pensées semblent avoir cessé de descendre et de venir féconder le génie. Tandis que dans votre dernière réunion, à une grave question de morale publique, vous faisiez succéder une question plus grave encore de philosophie religieuse, hygiénique, politique et familiale, la première société littéraire du royaume, l’Elysée de nos beaux esprits, le foyer duquel doivent jaillir pour tous la vie et la lumière, l’Académie française proposait à l’éloquence généreuse, aux méditations profondes de nos jeunes écrivains, quoi ? l’éloge d’une belle marquise, de Mme de Sévigné !… Non, ce n’est point ainsi qu’on apaise la fièvre d’une nation en ébullition, ce n’est point avec de tels spécifiques qu’on revivifie un corps qui se dissout, mais c’est ainsi qu’on l’endort d’un funeste sommeil, qu’on le tue par l’hébétude et la futilité. La classe des belles-lettres, renfermée dans ses exercices littéraires, n’empiète pas sur le terrain des sciences morales, mais borne-t-elle donc ses attributions à de stériles éloges ? Ou bien aurait-elle épuisé la liste des écrivains français et parmi tant d’orateurs, de philosophes et de publicistes, n’en est-il point que réclame encore l’honneur du solennel panegyrique et dont la vie et les ouvrages puissent nous offrir une instruction salutaire ? Si la raison des sages est à ce point obscurcie, que faut-il espérer du bon sens public ? Qu’attendre du malade, lorsque la vie s’étant réfugiée tout entière dans les organes, l’esprit annonce une telle décrépitude ?
« Cependant une voix s’est élevée de l’Orient de la France, voix puissante et comme inspirée : « Que signifient toutes ces « ambitions, ces désespoirs, ces suicides ? Pourquoi les enfants de notre peuple se précipitent-ils dans les bras de la mort, maudissent l’existence et invoquent le néant ?… C’est qu’ils ont abandonné le Dieu de leurs pères, c’est qu’ils ont rejeté son culte, profané ses solennités, méprisé ses commandements. Infortunés ! ils fuyaient la superstition et le fanatisme, et ils sont tombés dans l’idôlatrie des sens et de la raison. »
« Ces paroles ne sont pas perdues. Déjà une première lice s’est ouverte, plus pleine et plus brillante que vous ne la vîtes jamais ; vingt-six mémoires ont témoigné que votre pensée avait été comprise, qu’elle retentissait au fond des consciences. Ah ! c’est quand les élus de la Science et des Arts sont ainsi pénétrés de l’excellence de leur tâche ; c’est lorsque d’un seul mot, ils savent comme vous, Messieurs, agiter les intelligences et commander la méditation, c’est alors qu’ils peuvent, sans témérité et sans flatterie, prophétiser à une société en décadence de plus belles destinées et qu’ils méritent de la guider à une glorieuse transfiguration. Que l’on oublie ailleurs et la postérité qui s’avance et notre civilisation qui s’efface ; que l’on s’imagine être toujours au temps des jeux floraux et qu’on dédaigne, pour les tournois du bel esprit, les problèmes brûlants dont la solution contient les germes de l’avenir : il sera beau à vous, Messieurs de Besançon, de vous écarter de cette ligne funeste, de marcher à la tête de la génération nouvelle et de protester chaque année, par le choix de vos discours, contre le vieil enfantillage des Institutions de Toulouse.
« Souvenez-vous, Messieurs, qu’une simple question de philosophie jetée il y a bientôt un siècle par l’Académie de Dijon, fit tout à coup éclore le génie puissant dont les écrits influèrent le plus sur les destinées de l’Europe. Qui sait ce que vous réserve votre génie tutélaire ? La philosophie de la pure nature a passé ; les spéculations d’Emile et du Contrat social ont ressorti tout leur effet ; de nouveaux besoins ont pu naître de nouvelles idées et ces idées attendent encore leur représentant. Poursuivez, Messieurs, la série de vos ferventes interrogations, obéissez au souffle qui vous inspire, ne vous lassez pas de solliciter les jeunes âmes, de forcer, pour ainsi dire, quelque heureuse vocation qui s’ignore. Peut-être un jour, à l’apparition inattendue d’une clarté nouvelle, entendrez-vous la France étonnée vous en rendre toute la gloire et s’écrier, à l’imitation du prophète dont j’ai pris les paroles pour devise : Quia de montibus vestris exibit lex, et judicabit gentes et arguet populos multos.
« C’est de l’Est aujourd’hui que nous vient la lumière. »
Le manuscrit se termine par ces lignes d’un ton bien provincial :
« Messieurs,
« Une académie peut, quand elle voudra, réformer toute une province : une province réformerait l’Univers. Partout les populations sont prêtes et n’attendent que des hérauts et des guides. Osez commander la marche, osez donner l’élan à votre pays. Et puissé-je, simple soldat dans votre armée, crier un jour avec vous : Vivat Sequania ! »
Les notes et références étaient rassemblées à la fin du manuscrit. Quelques-unes ont été modifiées. La première, qui se trouve à la page 35 de notre réédition, était ainsi rédigée :
« Dans nos catéchismes, le Décalogue est divisé autrement qu’il ne doit être et que je le donne ici : on a réuni en un seul commandement le 2e et le 3e et l’on a divisé en deux le 10e. Cette différence du Décalogue juif au décalogue chrétien paraît venir de ce que, depuis l’entière abolition du paganisme, la défense de faire des statues a cessé d’être regardée comme fondamentale. Alors, pour conserver le nombre de 10, on a distingué entre la concupiscence charnelle et toutes les autres concupiscences ; de sorte qu’aujourd’hui le 6e et le ge précepte roulent sur le même objet, avec la différence que l’un ne parle que des actions tandis que l’autre s’étend jusqu’aux désirs.
Deux notes assez longues ont été supprimées dans l’édition de 1841. Après la déclaration : « Abolissons la royauté sans haine et sans vengeance » (p. 93), Proudhon avait jugé utile de s’expliquer ainsi devant ses juges et devant l’Académie :
« Abolissons la royauté ! Pourquoi faut-il que j’aie ici besoin de donner une explication ? La Commission de l’Académie, en suivant le fil de mon discours, discernera facilement entre le métaphysicien raisonnant a priori et ne reculant devant aucune conséquence, et l’anarchiste fanatique et aveugle qui dit : Détruisons le gouvernement parce qu’il est mauvais ; tuons le roi parce que nous ne sommes pas rois. Je prie mes lecteurs de bien considérer qu’il m’eût été facile d’adoucir, de déguiser ou de supprimer ma pensée sans que, comme l’on dit, le diable y perdît rien, mais de pareils ménagements me répugnent. L’homme honnête et convaincu doit marcher à front découvert et dire d’abord toute sa pensée afin que, s’il se trompe, il soit plus promptement redressé. Je me croirais un conspirateur, un citoyen brouillon et digne de blâme si j’osais jamais surprendre la religion d’une société savante par des artifices qui seraient aussi honteux pour moi qu’offensants pour elle. Dans ma manière d’entendre les choses, la liberté de penser et d’écrire doit être employée non pas à rendre impossible un gouvernement, mais à chercher la vérité en toute chose, sincèrement et de bonne foi. S’il y a des vérités qu’il soit dangereux de répandre, c’est dans les corps savants, c’est dans les conseils du roi qu’elles doivent être dites ; c’est à la multitude qu’elles doivent être épargnées. Je serais peut-être coupable aujourd’hui d’imprimer de semblables paroles : je me crois digne d’éloge de les avoir réservées pour un concours académique (2). Rien de plus vulgaire que d’entendre dire : « La République « est une belle chose, mais nous ne sommes point assez sages « pour elle. » Assurément j’ai bien le droit d’en dire autant. Et que fais-je de plus quand à côté de ces mots : Abolissons la royauté, je dis qu’il faut restaurer la religion, les mœurs, le désintéressement, la modestie ; qu’il faut rechercher les vraies bases de l’ordre social, etc.? Enfin, si l’on y prend garde, on ne me rangera même pas parmi les républicains modernes, puisque je condamne aussi bien tout gouvernement démocratique ou oligarchique que la royauté et l’absolutisme, et cela parce que, ni plus ni moins que celui-ci, la République ainsi constituée est contraire au droit naturel, à ce que j’appelle l’ordre de Dieu. Au reste, la royauté telle que je l’ai dépeinte, n’existe pour ainsi dire plus en France, et ce qui en reste vivra plus longtemps par la faute du peuple que par la mauvaise volonté des rois.
Je le répète, je pouvais tout conserver sans rien dire ; je ne l’ai pas voulu, non par bravade, mais par bonne foi. Que tous les controversistes agissent de même ; la vérité s’établira plus vite : on ne se haïra pas, on ne se battra plus et la science marchera. En donnant à mon argumentation toute la vivacité et l’énergie dont j’étais capable, j’ai résisté, je puis le dire, aux représentations d’amis éclairés et peut-être plus prudents que moi : il appartient à une académie franc-comtoise d’apprécier tout ce qu’a de loyal la ligne de conduite que j’ai cru devoir suivre. »
Une note sur la religion, insérée, dit M. Gazier, dans l’édition de 1839 et supprimée dans celle de 1841, est ainsi conçue :
« J’ai lu peu d’ouvrages aussi médiocres d’intelligence, aussi dépourvus d’idées saines, aussi faibles d’invention, de raisonnement et de génie que la compilation de Benjamin Constant sur La Religion considérée dans sa source, ses formes, etc.; j’en ai peu lu dont la lecture m’ait autant profité. Je n’avais presque jamais à faire autre chose qu’à renverser des syllogismes et tirer la majeure de la conclusion. Voici, entre autres, quelques-unes des vérités qui me semblent démontrées par l’ouvrage de B. Constant et que cet auteur n’a jamais soupçonnées :
« Le monothéisme est la forme primitive de la religion.
« Du monothéisme au panthéisme, il n’y a qu’un pas que les disputes philosophiques et les équivoques de langage franchissent toujours facilement.
« Le panthéisme, culte du Dieu _Tout_, entraîne nécessairement chez des hommes grossiers et paresseux la division du Tout en ses parties. Si le grand Esprit est partout, il est dans l’arbre, dans la pierre, dans la flèche, dans le feu, etc. Le polythéisme n’est qu’un fétichisme raffiné, à l’usage d’hommes délicats et polis. C’est le fétichisme restreint à des hommes et à des femmes.
« La genèse des religions est donc : monothéisme, panthéisme, polythéisme, idolâtrie, fétichisme : justement l’inverse de celle qu’a assignée B. Constant qui fait partir l’homme du culte le plus grossier pour l’élever successivement jusqu’au plus parfait, tout en avouant néanmoins qu’on ne saurait expliquer comment l’homme passe de l’adoration des fétiches à celles des idoles.
« J’ai donc pu dire qu’une nation, dans laquelle règne le panthéisme doit, en suivant le cours naturel des choses, arriver nécessairement à l’adoration des marmousets et des amulettes. Déjà nous sommes à la seconde période de notre progression : le panthéisme menace de tout engloutir; et si je cherchais bien, je n’aurais pas de peine à découvrir déjà plus d’un trait de fétichisme.
« Le sabéisme, ou culte des astres, est encore le fétichisme, mais c’est le fétichisme des étoiles. Quant aux rapports si singuliers découverts par Dupuis entre les calculs astronomiques et les fables de la mythologie, il y en a, ce me semble, une explication bien simple à laquelle personne n’a pensé : c’est que les astronomes, venus certainement après les fabricateurs des mythes, déguisèrent leurs découvertes sous les noms des héros fabuleux, comme plus tard les chimistes appelèrent Vénus, le cuivre; Mars, le fer; Lune, l’argent; Soleil, l’or; Mercure, le vif argent; etc., etc. A la fin tout se mêla, et il en est résulté un chaos qu’il sera difficile de débrouiller. »
Sans doute la plupart de ces textes ressuscités ne nous enrichissent pas beaucoup. Ce n’est pas du meilleur Proudhon. Les flatteries adressées à l’Académie surprendraient par leur excès si elles ne témoignaient pas de la timidité et de la maladresse d’un jeune homme qui débute tard dans le monde académique. Pour se présenter, Proudhon a soigné sa mise et il en est un peu gêné au moment d’entrer et de sortir. Mais, dès qu’il s’échauffe en écrivant son Discours, on sent battre son grand cœur généreux.
Quelle que soit la valeur de cette récolte supplémentaire, nous sommes heureux de pouvoir, grâce à la collaboration de M. Gazier (3), en faire profiter les lecteurs de la réédition des Œuvres de Proudhon.
(1) A propos des relations de Proudhon avec l’Académie de Besançon, M. Gazier note que l’architecte académicien que Proudhon n’aimait pas s’appelait Marnotte et non Marmotte, comme l’a imprimé l’éditeur de la Correspondance. Peut-être, dit-il, est-ce Proudhon qui a voulu ridiculiser ce nom en changeant une consonne ? Peut-être est-ce tout simplement une faute d’impression comme on en trouve même dans les éditions les plus soignées ?
(2) Proudhon a imprimé le passage sur la royauté dans l’édition de 1841.
(3) G. GAZIER, Pages inédites de P.-J. Proudhon, Bulletin de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts, de Besançon, 4e trimestre 1926.
THE CELEBRATION OF SUNDAY
PAGES FOUND
We had not neglected, when we had to prepare the republication of the first works of Proudhon, to find out if it was still possible to read the manuscripts, the first editions, the letters addressed to the Ministers, etc. The National Library, Library of Besançon, National Archives, Archives of the Ministry of Justice had not given us what we hoped for.
Thus we were led to say that the manuscript and the first edition, printed in 200 copies, of the Discours sur le Dimanche had not been preserved. This was incorrect. Mr. G. Gazier, curator of the Bibliothèque publique de Besançon, who had helped us in our bibliographical survey with a benevolence for which we are happy to express our gratitude to him again here, was able, on November 18, 1926, to inform the Bisontine Academy that during a new classification of the manuscripts, the archivist, M. Dornier, had uncovered Proudhon’s manuscript.
From the comparison of the texts made by M. Gazier, it results that apart from two passages deleted in the 1841 edition, which we are going to reproduce, the changes are few in number and generally concern only one or two sentences. The paragraph at the bottom of page 43 of our reissue (“It was said that Sunday vespers were the comedy of servants…”), was not in the manuscript.
On page 66, after the quotation taken from a report by Robespierre, we read in the manuscript: “The thought expressed in this passage is ingenious and beautiful, and moreover it is perfectly true. But I would not dare to name the author; infamous scoundrels have covered him with their own crimes, calumny has made a monster of him; half a century of execration hangs over his grave.”
The second sentence does not appear in the printed text, but Proudhon, in a note, has dared to name the author. It is interesting to know that he considered Robespierre a victim of calumny.
Mr. G. Gazier took care to note in his communication that the judges of the competition, where two competitors were preferred to Proudhon, had indeed recognized in him “a truly superior talent”. One of them had written: “It seems to me that one cannot consider too carefully whether it is not to him that the palm should be awarded.” It was not this opinion that prevailed. (1)
The manuscript memoir (47 pages of in-4° format in tight handwriting) begins with the following two pages:
Yes, Gentlemen, noble inspirations dictate the subjects of your competitions each year: love of humanity, enthusiasm for the just and the beautiful, deep pity for social miseries and presentiment of universal regeneration, such is the symbol of your faith, such are the passions that animate you and which you seek to exalt in the courses. Cast your eyes around you, consider these illustrious corporations that, like immortal pleiades, shine with knowledge and talent over each of our provinces; no one, better than the Academy of Franche-Comté, understands the duties of its mission and the needs of its age; no one can deserve like her, by her work and her happy influence, the approval of the wise and the applause of good people. I would even dare to say that such a fine example would perhaps be good to cite in a high sphere, from which great thoughts seem to have ceased to descend and come to fertilize genius. While in your last meeting, to a serious question of public morality, you made succeed an even more serious question of religious, hygienic, political and family, the first literary society of the kingdom, the Elysée of our beautiful minds, the hearth from which must spring for all life and the light, the French Academy proposed to the generous eloquence, to the deep meditations of our young writers, what? the praise of a beautiful Marquise, of Madame de Sévigné!… No, this is not how one appeases the fever of a nation in turmoil, it is not with such specifics that one revivifies a dissolving body, but it is thus that it is lulled into a fatal slumber, that it is killed by stupor and futility. The class of belles-lettres, confined in its literary exercises, does not encroach on the terrain of the moral sciences, but does it therefore limit its attributions to sterile praise? Or would it have exhausted the list of French writers and among so many orators, philosophers and publicists, is there not one who still claims the honor of the solemn panegyric and whose life and works can to offer a salutary instruction? If the reason of the sages is so obscured, what can we expect from public good sense? What to expect from the patient, when life having taken refuge entirely in the organs, the mind announces such decrepitude?
However, a voice rose from the East of France, a powerful and as if inspired voice: “What do all these ambitions, these despairs, these suicides signify? Why do the children of our people rush into the arms of death, curse existence and invoke nothingness?… It is because they have abandoned the God of their fathers, they have rejected his worship, profaned his solemnities, despised his commandments. Wretches! they shunned superstition and fanaticism, and they fell into the idolatry of the senses and of reason.”
These words are not lost. Already a first list has opened, fuller and more brilliant than you have ever seen it; twenty-six memoirs testified that your thought had been understood, that it resounded in the depths of consciences. Ah! it is when the elect of Science and the Arts are thus imbued with the excellence of their task; it is when with a single word, they know how, like you, gentlemen, to agitate minds and command meditation, it is then that they can, without temerity and without flattery, prophesy to a decadent society more beautiful destinies. and that they deserve to guide her to a glorious transfiguration. Let them forget elsewhere the posterity that advances and our civilization that is erased; let them imagine that we are still in the time of floral games and that we disdain, for the tournaments of the beautiful spirit, the burning problems whose solution contains the seeds of the future: it will be fine for you, Gentlemen of Besançon, to deviate from this disastrous line, to march at the head of the new generation and to protest each year, by the choice of your speeches, against the old childishness of the Institutions of Toulouse.
Remember, Gentlemen, that a simple question of philosophy raised almost a century ago by the Academy of Dijon, suddenly gave birth to the powerful genius whose writings had the greatest influence on the destinies of Europe. Who knows what your tutelary genius has in store for you? The philosophy of pure nature has passed away; the speculations of Emile and of the Social Contract brought out their full effect; new needs may have arisen from new ideas and these ideas still await their representative. Pursue, Gentlemen, the series of your fervent interrogations, obey the inspiration that inspires you, do not tire of appealing to young souls, of forcing, so to speak, some happy vocation which is unaware of it. Perhaps one day, at the unexpected appearance of a new light, you will hear astonished France return all the glory to you and exclaim, in imitation of the prophet whose words I have taken as my motto: Quia de montibus vestris exibit lex, et judicabit gentes et arguet populos multos.
It is from the East today that the light comes to us.
The manuscript ends with these lines in a very provincial tone:
Gentlemen,
An academy can, when it wishes, reform an entire province: a province would reform the Universe. People everywhere are ready and only waiting for heralds and guides. Dare to command the march, dare to give impetus to your country. And may I, a simple soldier in your army, one day shout with you: Vivat Sequania!
The notes and references were collected at the end of the manuscript. A few have been changed. The first, which is on page 35 of our reissue, read as follows:
In our catechisms, the Decalogue is divided differently than it should be and I give it here: the 2nd and 3rd are united in a single commandment and the 10th is divided into two. This difference between the Jewish Decalogue and the Christian Decalogue seems to come from the fact that, since the entire abolition of paganism, the prohibition against making statues has ceased to be regarded as fundamental. So, to keep the number of 10, we have distinguished between carnal lust and all the other lusts; so that today the 6th and the 9th precept revolve around the same object, with the difference that one speaks only of actions while the other extends to desires.
Two rather long notes were deleted in the 1841 edition. After the declaration: “Let us abolish royalty without hatred and without revenge” (p. 93), Proudhon had deemed it useful to explain himself thus before his judges and before the Academy:
Let us abolish royalty! Why do I need to give an explanation here? The Commission of the Academy, following the thread of my discourse, will easily discern between the metaphysician reasoning a priori and shrinking from no consequence, and the fanatical and blind anarchist who says: Let us destroy the government because it is bad; kill the king because we are not kings. I beg my readers to consider carefully that it would have been easy for me to soften, to disguise or to suppress my thought without, as they say, the devil losing anything, but such considerations are repugnant to me. The honest and convinced man must walk openly and first speak his mind so that, if he is wrong, he can be straightened out more quickly. I would think myself a conspirator, a citizen rough and blameworthy if I ever dared surprise the religion of a learned society by artifices that would be as shameful to me as they would be offensive to it. In my way of understanding things, freedom of thought and of writing must be employed not to make government impossible, but to seek the truth in all things, sincerely and in good faith. If there are truths that it is dangerous to to spread, it is in learned bodies, it is in the councils of the king that they must be said; it is to the multitude that they must be spared. I would perhaps be guilty today of printing such words: I believe myself worthy of praise for having reserved them for an academic competition. (2. Nothing is more vulgar than to hear it said: “The Republic is a beautiful thing, but we are not wise enough for it.” Assuredly I have the right to say the same. And what more am I doing when, alongside these words “Let us abolish royalty,” I say that we must restore religion, morals, disinterestedness, modesty; that it is necessary to seek the true bases of the social order, etc.? Finally, if you are careful, you will not even rank me among the modern republicans, since I condemn any democratic or oligarchic government as much as royalty and absolutism, and this because, neither more nor less than that here, the Republic thus constituted is contrary to natural law, to what I call the order of God. For the rest, royalty as I have depicted it, so to speak, no longer exists in France, and what remains of it will live longer through the fault of the people than through the bad will of kings.
I repeat, I could keep everything without saying anything; I didn’t want it, not out of bravado, but out of good faith. Let all controversialists do the same; the truth will be established more quickly: we won’t hate each other, we won’t fight anymore and science will work. By giving to my argument all the vivacity and energy of which I was capable, I resisted, I may say, the representations of enlightened friends, perhaps more prudent than myself: it is up to a Franche-Comtoise academy to appreciate all that is loyal in the line of conduct that I thought I had to follow.
A note on religion, inserted, says M. Gazier, in the edition of 1839 and suppressed in that of 1841, runs as follows:
I have read few works so mediocre in intelligence, so devoid of sound ideas, so feeble in invention, reasoning and genius as Benjamin Constant’s compilation on La Religion considérée dans sa source, ses formes, etc.; I have read few whose reading has benefited me so much. I hardly ever had to do anything but knock down syllogisms and draw the major conclusion. Here, among others, are some of the truths that seem to me to be demonstrated by the work of B. Constant and which this author never suspected:
Monotheism is the primitive form of religion.
From monotheism to pantheism, there is only one step that philosophical disputes and ambiguities of language always take easily.
Pantheism, the cult of the God All, necessarily entails in coarse and lazy men the division of the All into its parts. If the great Spirit is everywhere, it is in the tree, in the stone, in the arrow, in the fire, etc. Polytheism is only a refined fetishism, for the use of delicate and polite men. It is fetishism restricted to men and women.
The genesis of religions is therefore: monotheism, pantheism, polytheism, idolatry, fetishism: precisely the opposite of that assigned by B. Constant, who makes man start from the coarsest worship to raise him successively to the more perfect, while nevertheless admitting that it is impossible to explain how man passes from the adoration of fetishes to that of idols.
I was therefore able to say that a nation in which pantheism reigns must, following the natural course of things, necessarily arrive at the adoration of marmosets and amulets. Already we are in the second period of our progress: pantheism threatens to swallow up everything; and if I looked carefully, I should have no difficulty in discovering more than one trait of fetishism.
Sabéisme, or worship of the stars, is still fetishism, but it is the fetishism of the stars. As for the singular relationships discovered by Dupuis between astronomical calculations and the fables of mythology, there is, it seems to me, a very simple explanation that no one has thought of: it is that astronomers, who certainly came after the fabricators of the myths, disguised their discoveries under the names of the fabulous heroes, as later the chemists called copper Venus, iron Mars, silver Moon, gold Sun, quicksilver Mercury, etc., etc. In the end everything got mixed up, and the result was a chaos that will be difficult to sort out.
Undoubtedly most of these resuscitated texts do not enrich us much. It is not the best of Proudhon. The flatteries addressed to the Academy would surprise by their excess if they did not bear witness to the shyness and awkwardness of a young man who started late in the academic world. To present himself, Proudhon has taken care of his appearance and he is a little embarrassed about it when entering and leaving. But, as soon as he warms up while writing his Discourse, we feel his great generous heart beating.
Whatever the value of this additional harvest, we are happy to be able, thanks to the collaboration of M. Gazier (3), to share it with readers of the republication of the Works of Proudhon.
(1) About Proudhon’s relations with the Academy of Besançon, M. Gazier notes that the academician architect whom Proudhon did not like was called Marnotte and not Marmotte, as printed by the publisher of the Correspondance. Perhaps, he says, is it Proudhon who wanted to ridicule this name by changing a consonant? Perhaps it is simply a misprint such as one finds in even the most polished editions?
(2) Proudhon printed the passage on royalty in the 1841 edition.
(3) G. Gazier, Unpublished pages of P.-J. Proudhon, Bulletin of the Academy of Sciences, Belles-Lettres and Arts, Besançon, 4th quarter 1926.
The “Appendix” appeared in the tenth volume of the Rivière edition of the Œuvres complètes de P.-J. Proudhon.