P.-J. Proudhon, “The Miserere” (1845)

[These draft translations are part of on ongoing effort to translate both editions of Proudhon’s Justice in the Revolution and in the Church into English, together with some related works, as the first step toward establishing an edition of Proudhon’s works in English. They are very much a first step, as there are lots of decisions about how best to render the texts which can only be answered in the course of the translation process. It seems important to share the work as it is completed, even in rough form, but the drafts are not suitable for scholarly work or publication elsewhere in their present state. — Shawn P. Wilbur, translator]

LE MISERERE

OU

LA PÉNITENCE D’UN ROI

LETTRE AU A. P. LACORDAIRE SUR SON CARÈME DE 1845.

. . . . . . . . . . . . . . . .  On convient généralement, hors de l’Église catholique, que la plupart des monuments littéraires des Hébreux sont d’une rédaction postérieure à la dispersion de ce peuple; les preuves de cette nouveauté d’origine sont écrites à chaque page desdits monuments. Le reste forme une collection de pièces détachées, déclassées, quelques-unes encadrées dans des histoires étrangères à leur objet, d’autres ne portant ni inscription, ni date qui les puisse faire reconnaître; presque toutes, enfin, composées à des époques éloignées l’une de l’autre et par des auteurs inconnus. L’ordre, tout à fait arbitraire, mais non pas fortuit ni dépourvu de motif, que mit Esdras dans cette partie des manuscrits hébreux, ajoutant, retranchant, transposant, interposant, a été la grande, je dirai presque l’unique cause des aberrations des interprètes, qui s’obstinèrent à découvrir, dans cet arrangement factice, imaginé pour le besoin d’une époque, une suite et une authenticité tout à fait illusoires.

La première chose à faire, en étudiant les différentes parties de la Bible, est donc de se débarrasser de toute opinion préconçue, de tout préjugé catholique, protestant ou juif; ici surtout le doute méthodique est de rigueur; puis de rechercher le sujet, l’occasion, la date de la pièce qu’on examine. Quelquefois le texte lui-même fournit des indications précieuses. Le premier chapitre d’Habacuc, par exemple, parle en termes comminatoires de la translation des Juifs à Babylone, tandis que tout le troisième est une ode sur la prise de Babylone par Cyrus.

Or, entre la translation des Juifs et la conquête de Cyrus, il s’est écoulé soixante-dix ans. On concluera donc, en dépit de l’ancien éditeur Esdras, qui attribue l’une et l’autre pièce au même écrivain, que ces deux chapitres ne sont ni de la même main, ni de la même époque; conséquemment, qu’ils n’ont d’autre rapport entre eux que la rubrique d’Habacuc, et que l’un des deux au moins n’est plus à sa place.

Dans l’Église, on procède autrement. Habacuc, dit-on, vivait au plus tard sous les derniers rois de Juda, puisqu’il prophétise leur défaite et qu’on ne prophétise pas le passé. Or, Habacuc prophétise en même temps l’arrivée de Cyrus ; donc, à l’égard de ce dernier événement au moins, il est sûr que Habacuc est prophète.

Les théologiens ressemblent aux Juifs à qui s’adressait Esdras : ils admettent de confiance l’authenticité de l’écrit pour en déduire la prédiction; nous, au contraire, nous partons de la prédiction pour conclure la non-authenticité. En lisant la Bible, il faut toujours avoir présent à la pensée le mot d’Horace : « Un Juif le croirait, mais pas moi » : Credat Judœus, non ego.

Du temps de Voltaire, qu’on prétend n’être pas mort et vouloir sortir de son tombeau, la critique n’était pas arrivée à des principes aussi simples. On s’évertuait à soutenir que les prophéties n’étaient pas claires; qu’on pouvait les appliquer à tout événement; que c’étaient des chants sibyllins où l’enthousiasme, le génie oriental, le tour pindarique ne permettaient de saisir aucun sens raisonnable. Cette idée domine dans les objections de Rousseau relatives à l’interprétation des Écritures, et il faut avouer que les traductions, même les plus récentes, de la Bible, ne sont pas de nature à faire changer d’opinion.

De cet insuccès de la critique appliquée aux livres hébreux, il résulte que la Bible a été déclarée, dans son ensemble et dans chacune de ses parties, une apocalypse impénétrable, dont il est défendu à tout honnête homme de s’occuper. C’est ainsi que les préjugés judaïco-chrétiens, étendant leur influence sur l’incrédulité même, ont fait pendant trop longtemps de la Bible le livre fermé des sept sceaux. Ce n’a pas été la moindre cause de la prolongation de son règne.

La manie de trouver partout des prophéties a causé quelquefois des méprises singulières. Joel, un pamphlétaire du temps d’Osée, décrivant les ravages des sauterelles qui, vers l’an 794 avant Jésus-Christ, se jetèrent sur la Judée et dévorèrent les récoltes, les compare à des escadrons cuirassés, portant le fer et le feu dans les villes et les campagnes. Il décrit leur marche, leurs assauts, leur aspect horrible, le bruit de leurs ailes, qu’il compare au mugissement de l’incendie. La piété chrétienne a vu, dans ces sauterelles, une invasion des Assyriens ; et, la métaphore aidant, les docteurs ont déterminé l’année où cette invasion eut lieu, et jusqu’au chef qui les commandait.

Un exemple plus curieux encore est celui de Jonas. L’aventure de ce prophète, de qui il est fait mention au quatrième livre des Rois comme ayant donné à Jéroboam le conseil de reprendre la frontière de la mer Rouge, n’est, d’un bout à l’autre, qu’un apologue sur la miséricorde divine, dans lequel un moraliste juif des derniers temps donne à ses contemporains une leçon de tolérance. Jonas, qui paraît en son temps avoir joui d’une grande vogue, et dont la légende est devenue si populaire, Jonas est le personnage adopté par le narrateur pour mettre en relief l’idée abstraite qu’il s’agissait de faire passer dans les esprits. Or, il est arrivé ici, comme partout, que la fable a été prise au pied de la lettre, et qu’on a négligé précisément l’essentiel, à savoir l’affabulation.

THE MISERERE

OR

THE PENITENCE OF A KING

LETTRE TO A. P. LACORDAIRE ON HIS LENTEN MESSAGE FOR 1845.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . It is generally agreed, outside of the Catholic church, that the majority of the literary monuments of the Hebrews were written prior to the dispersion of that people; the proofs of that novelty of origin are written on each page of those monuments. The rest form a collection of disconnected, disordered pieces, some framed in accounts foreign to their object, others carrying neither inscription, nor date to allow us to identify them; nearly all, finally, composed at periods at a great distance from one another and by authors unknown. The order, quite arbitrary, but not accidental or devoid of motive, that put Esdras in that part of the Hebrew manuscripts, adding, subtracting, transposing, interposing, has been the great, I would nearly say the only cause of the aberrations of the interpreters, who persist in finding, in that contrived arrangement, cooked up for the needs of one era, a succession and an authenticity that is entirely illusory.

Thus, the first thing to do, in studying the different parts of the Bible, is to rid ourselves of all preconceived opinion, of all prejudice, whether Catholic, Protestant or Jewish; here especially methodical doubt is de rigueur; then to research the subject, the occasion, and the date of the piece we are examining. Sometimes the text itself furnishes some valuable indications. The first chapter of Habakkuk, for example, speaks in comminatory terms of the transfer of the Jews to Babylon, while all of the third chapter is an ode on the taking of Babylon by Cyrus.

Now, between the translation of the Jews and the conquest of Cyrus, seventy years passed. We would conclude then, despite the editor Esdras, who attributes both pieces to the same writer, that these two chapters are neither from the same hand, nor from the same era; consequently, that they have no other relation between them than the rubric of Habakkuk, and that at least one of the two is no longer in its place.

In the Church, one proceeds otherwise. Habakkuk, it is said, lived at the latest under the last kings of Judah, since he prophesied their defeat, and one does not prophesy the past. Now, Habakkuk prophesied at the same time the arrival of Cyrus; thus, with regard to this last event at least, it is certain that Habakkuk was a prophet.

The theologians resemble the Jews to whom Esdras addressed himself: they confidently accept the authenticity of the writing in order to deduce the prediction; we, on the contrary, begin from the prediction in order to arrive at its non-authenticity. In reading the Bible, we must always keep in mind the words of Horace: “A Jew may believe it, but not me:” Credat Judœus, non ego.

From the times of Voltaire, whom we pretend is not dead and want to rise from his grave, critique has not arrived at such simple principles. There was a great deal of arguing that the prophecies were unclear; that they could be applied to any event; that they were sibylline songs in which enthusiasm, oriental genius, the Pindaric twist did not allow us to grasp any reasonable meaning. This idea dominates in Rousseau’s objections relating to the interpretation of the Scriptures, and it must be admitted that even the most recent translations of the Bible are not of a nature to change one’s opinion.

From that failure of the critique applied to the Hebrew books, it results that the Bible has been declared, in its ensemble and in each of its parts, an impenetrable apocalypse, with which every honest man is prohibited from concerning himself. It is thus that the Judeo-Christian prejudices, extending their influence over skepticism itself, have for too long made the Bible the closed Book of the Seven Seals. There has not been the least cause for the prolongation of its reign.

The mania to find prophecies everywhere has sometimes caused singular mistakes. Joel, a pamphleteer from the times of Hosea, describing the ravages of the locusts that, around 794 BC, descended on the kingdom of Judah and devoured the harvests, compares them to armored companies, carrying iron and fire into the towns and the country. He describes their march, their assaults, their horrible appearance, the noise of their wings, which he compares to the roar of fire. Christian piety has seen in these locusts an invasion of Assyrians; and, aided by the metaphor, the doctors have determined the year when that invasion took place, and even the chief who commanded them.

A more curious example still is that of Jonas. The adventure of that prophet, who is mentioned in the fourth book of Kings as having given to Jeroboam the advice to take back the border of the Red Sea, is, from beginning to end, only an apologue on divine mercy, in which a recent Jewish moralist gives his contemporaries a lesson on tolerance. Jonas, who appeared in his own time to have enjoyed a great vogue, and whose legend has become so popular, Jonas is the character adopted by the narrator to highlight the abstract idea that was to be conveyed in the minds. Now, it has happened here, as everywhere, that the fable has been taken at face value and that it is precisely the essential, namely the storytelling, that has been neglected.

La chronologie d’Ussérius, suivie par Bossuet, indique l’année précise où Jonas fut englouti par un poisson et rendu vivant au bout de trois jours; quel souverain régnait à Ninive quand il alla prophétiser, etc. C’est juste comme si messieurs de l’Académie des inscriptions cherchaient dans la géographie et dans l’histoire quels furent le prince de l’Oiseau bleu, le pays de Peau d’âne et la généalogie de Cendrillon. Leur fureur prophétique est allée si loin, que les rédacteurs de l’Évangile, façonnés de longue main à ce système d’accommodation, ont vu dans Jonas le type, réalisé huit cents ans avant l’événement, de la sépulture et de la résurrection du Christ..Jl n’est pas même sûr si Jésus-Christ n’est point ressuscité précisément parce que Jonas avait été vomi par un requin.

Et pourtant quoi de plus facile à saisir que cette magnifique parabole?

Le dieu Jehouh, que les amateurs prononcent emphatiquement Jehovah, ordonne à Jonas d’aller dire à Ninive que dans quarante jours cette ville sera détruite. Jonas, au lieu d’obéir, prend la fuite devant Jehouh, parce que, pense-t-il en lui-même, les Ninivites se repentiront et feront pénitence, que Jehouh leur pardonnera, et que lui, Jonas, passerait pour faux prophète. On voit comment Jonas, s’étant embarqué pour ne point aller à Ninive, attira la tempête sur le vaisseau qui le portait, comment il fut jeté à la mer et avalé par un poisson; et comment, rendu à la lumière, il fut accomplir sa mission. Mais ce qu’avait prévu le prophète arriva : les Ninivites se convertirent, jeunèrent sous le sac et le cilice, et le terrible Jehouh leur fit grâce. Alors Jonas, déshonoré, se résolut à mourir.

Dans les idées juives, le prophète était plus que l’organe de la parole divine, il entrait pour quelque chose dans le succès comme dans Ja fabrication des oracles; on n’accusait pas de mensonge celui dont les prophéties étaient trouvées fausses; on disait seulement qu’il n’était pas lucide. C’était une grande affaire que de rencontrer un véritable voyant : aussi toute prédiction inaccomplie compromettait la réputation du prophète, mais nullement sa moralité. Il est inutile d’ajouter que la foi aux prophéties n’en recevait pas la moindre atteinte. Jonas se plaignant que Dieu le trahit, parce qu’il refuse de sacrifier à l’honneur de son ministre toute une capitale, serait une conception digne de Sganarelle, si le ton du récit ne prouvait que cette idée tient à la théologie judaïque. Mais, dans cette théologie, Jehouh et ses prophètes étaient, pour ainsi dire, associés solidaires, et tout ce que la dieu faisait arbitrairement, pour sa propre gloire et contre les intérêts du voyant, était considéré par celui-ci comme une infidélité. Aussi rien n’est plus sacré que la personne, le caractère et les paroles des prophètes. Qu’on relise les histoires de Balaam, Élie, Élisée et autres.

Dans l’apologue de Jonas, le prophète, c’est-à-dire tout ce qu’il y a de plus saint, de plus inviolable aux yeux d’un Juif, est le jouet du capricieux Jehouh. Sur le rocher qu’il avait choisi pour lit de mort, il était brûlé par le soleil : Jehoub fait naître un palmier qui le couvre de son large feuillage et rend à son âme quelque rafraîchissement. Mais tout à coup Jehouh fait sécher le palmier; furieux, désespéré, Jonas appelle la mort; peu s’en faut qu’il ne blasphème. C’est alors que Dieu lui apparaissant lui tient ce discours sévère : « Tu pleures pour un arbuste qui ne t’appartenait pas, car ce n’est pas toi qui l’avais produit; et moi je ferais périr Ninive où j’ai plus de cent vingt mille créatures qui ne savent pas même distinguer leur main droite d’avec leur main gauche? » — L’histoire, comme on voit, part de loin et suit une longue péripétie : la morale est courte et sublime. Pour entendre Jonas comme pour expliquer toute la Bible, il ne fallait que du bons sens; mais l’esprit de l’homme ne va pas à la vérité par un chemin si court, et voilà pourquoi, depuis deux mille ans, la Bible est tantôt une collection d’oracles, tantôt un amphigouri de platitudes.

Je ne cite plus qu’un exemple :

Le psaume _lxxi_ a pour objet de célébrer la magnificence de Salomon et la prospérité de son règne. Dans ce psaume, il est question des Éthiopiens soumis ; de la reine de Saba qui vient, dit le troisième livre des Rois, avec de l’or, de l’encens et de la myrrhe, visiter le sage de l’Orient; des rois de Tharsis et d’Arabie tributaires, de la sagesse du‘ monarque, et de cette paix longue et fortunée qui le fit surnommer le Pacifique, en hébreu Salomon. Un critique philosophe rapportera donc cette pièce à quelque poète courtisan, si mieux il n’aime l’attribuer au vieux roi lui-même, qui fut, comme son père, grand troubadour, grand joueur de proverbes et le premier à célébrer ses triomphes. Mais en théologie on y apporte plus de profondeur. Selon les interprètes, le psaume _lxxi_ qui, dans la forme, est une invocation à Dieu, a pour auteur David implorant l’Éternel pour son successeur, et prophétisant, avant de mourir, les splendeurs de son règne. Et comme rien n’est plus facile que de prophétiser, au lieu d’une prophétie qu’on avait trouvée d’abord dans le psaume LXXI, on en a vu deux, la première concernant Salomon et l’autre Jésus-Christ, que David aurait eu principalement en vue dans la personne de son fils, type du Messie véritable.

Si du moins, en cherchant un sens typique et allégorique à des écrits dont l’objet est presque toujours positif et immédiat, on avait respecté le sens littéral; si, surtout, on n’avait pas abusé des prétendus types pour faire violence aux faits et forger des histoires, ce système d’exégèse serait resté sans danger; le lecteur, pouvant toujours revenir de l’allégorie à la réalité, n’aurait subi d’illusions que celles qu’il se serait faites volontairement. Mais, après avoir posé en principe que des faits naturels et présents n’ont été que des allégories de l’avenir, et que l’histoire ou la description poétique de ces mêmes faits était la prédiction circonstanciée d’événements subséquents, il a bien fallu, de gré ou de force, faire concorder l’histoire ancienne avec la fable nouvelle, et quand les caractères ont paru faire défaut, on les a imaginés.

The chronology of Ussérius, followed by Bossuet, indicates the precise year in which Jonah was swallowed up by a fish and returned alive after three days; what ruler reigned in Nineveh when he went to prophesy, etc. It is just as if the gentlemen of the Académie des Inscriptions were looking in geography and in history to find the prince of The Blue Bird, the country of Donkeyskin and the genealogy of Cinderella. Their prophetic fury went so far that the writers of the Gospel, long trained in this system of accommodation, saw in Jonah the type, realized eight hundred years before the event, of the burial and the resurrection of Christ. I am not even sure if Jesus Christ was not resurrected precisely because Jonah had been vomited up by a shark.

And yet what could be easier to grasp than this magnificent parable?

The god Jehouh, whom amateurs emphatically pronounce Jehovah, orders Jonah to go and tell Nineveh that in forty days that city will be destroyed. Jonah, instead of obeying, flees before Jehouh, because, he thinks to himself, the Ninevites will repent and do penance, that Jehouh will forgive them, and that he, Jonah, would be considered a false prophet  We see how Jonah, having embarked, not going to Nineveh, drew the storm on the ship that carried him, how he was thrown into the sea and swallowed by a fish; and how, brought to light, he was to accomplish his mission. But what the prophet had foreseen happened: the Ninevites were converted, fasted under sackcloth and hair-shirt, and the terrible Jehouh pardoned them. So Jonah, dishonored, resolved to die.

In Jewish ideas, the prophet was more than the organ of the divine word, he had something to do with the success as well as the fabrication of oracles; he was not accused of a lie whose prophecies were found to be false; it was only said that he was not lucid. It was a big deal to meet a real seer: so any unfulfilled prediction compromised the reputation of the prophet, but not his morality. It is needless to add that faith in the prophecies received not the slightest attack from them. Jonas complaining that God betrays him, because he refuses to sacrifice an entire capital to his minister’s honor, would be a conception worthy of Sganarelle, if the tone of the story did not prove that this idea stems from Judaic theology. But, in this theology, Jehouh and his prophets were, so to speak, joint and several partners, and all that god did arbitrarily, for his own glory and against the interests of the seer, was considered by him as infidelity. Hence nothing is more sacred than the person, character, and words of the prophets. Read the stories of Balaam, Elijah, Elisha and others.

In the apologue of Jonah, the prophet, that is to say all that is holiest, most inviolable in the eyes of a Jew, is the plaything of the capricious Jehouh. On the rock he had chosen for his deathbed, he was scorched by the sun: Jehouh gave birth to a palm tree that covered him with its broad foliage and gave his soul some refreshment. But suddenly Jehouh causes the palm tree to dry up; furious, desperate, Jonah calls for death; he is nearly blasphemous. It was then that God, appearing to him, gave him this severe speech: “You are crying for a shrub that did not belong to you, because it was not you who produced it; and I would destroy Nineveh where I have more than a hundred and twenty thousand creatures who do not even know how to distinguish their right hand from their left?” — History, as we see, starts from afar and follows a long adventure: the moral is short and sublime. To understand Jonah, as to explain the entire Bible, all that was needed was common sense; but the mind of man does not go to the truth by such a short road, and that is why, for two thousand years, the Bible has been sometimes a collection of oracles, sometimes an amphigory of platitudes.

I will cite just one example:

The object of the Psalm lxxi is to celebrate the magnificence of Solomon and the prosperity of his reign. In this psalm, it is about the submissive Ethiopians; of the Queen of Sheba who comes, says the Third Book of Kings, with gold, frankincense, and myrrh, to visit the sage of the East; of the tributary kings of Tharsis and Arabia, of the wisdom of the monarch, and of that long and fortunate peace that caused him to be nicknamed the Peaceful, in Hebrew, Solomon. A philosophical critic will therefore refer this play to some court poet, if he does not prefer to attribute it to the old king himself, who was, like his father, a great troubadour, a great player in proverbs and the first to celebrate his triumphs. But in theology we bring more depth to it. According to the interpreters, the Psalm lxxi, which, in form, is an invocation to God, has as its author David imploring the Lord for his successor, and prophesying, before dying, the splendours of his reign. And as nothing is easier than to prophesy, instead of a prophecy that we first found in Psalm lxxi, we have seen two, the first concerning Solomon and the other Jesus Christ, that David would have had in view principally in the person of his son, a type of the true Messiah.

If at least, in seeking a typical and allegorical meaning in writings whose object is almost always positive and immediate, we had respected the literal meaning; if, above all, the so-called types had not been abused to do violence to facts and forge stories, this system of exegesis would have remained without danger; the reader, always being able to return from allegory to reality, would have suffered no illusions except those that he would have formed voluntarily. But, after having posited in principle that natural and present facts were only allegories of the future, and that the history or the poetic description of these same facts was the circumstantial prediction of subsequent events, It was necessary, willingly or by force, to reconcile the old story with the new fable, and when the characters seemed to be lacking, we imagined them.

C’est ainsi, pour en citer un seul cas entre mille, que la légende évangélique des trois mages venus d’Orient pour adorer l’enfant Jésus, avec de l’or, de l’encens et de la myrrhe, a été calquée sur la prétendue allégorie des rois de Tharsis, d’Arabie et de Saba, dont il est parlé au psaume _lxxi_.

De tous les livres de la Bible, aucun n’a plus souffert des visions théologiques que celui des Psaumes. Juifs et chrétiens à l’envi, les premiers dès le cinquième siècle avant JésusChrist, les seconds principalement à l’époque de la composition des Évangiles, se sont évertués à y chercher des oracles, des mystères, des décisions. C’était le livre des destinées messianiques : il fallait être aveugle. Bossuet a réfuté sérieusement cette hyperbole, pour ne point y voir, en caractères de sang et de feu, les détails de la naissance, de la passion et de la résurrection du Sauveur ; le règne de l’Église, ses combats et ses victoires contre les hérétiques et les Mahométans. Aussi, à part un très-petit nombre d’odes morales, et, comme dit M. de Lamartine, de méditations poétiques, dont il était impossible aux allégoristes de tirer parti, n’est-il aucun psaume dont le caractère, le sujet et le véritable esprit n’aient été plus ou moins dénaturés dans les commentaires des Christicoles.

Et, chose singulière, mais facile à concevoir après ce qui vient d’être dit, la cause de ces aberrations ne vient pas, comme on l’a faussement supposé, de l’ignorance des langues originales : la Vulgate est aussi fidèle, grammaticalement parlant, qu’on pouvait l’espérer du siècle où elle parut; la version des Septante avait été l’œuvre de savants juifs : ces deux traductions ont servi fréquemment et avec avantage à restituer le texte hébreu mutilé ou corrompu par les ravages des copistes et du temps; le mal, je le répète, ne tenait pas à l’inintelligence de la langue, mais à la funeste préoccupation des esprits, laquelle, en produisant une nouvelle religion, pervertit les jugements et engendra tous les vices de la critique.

Je voudrais qu’au lieu de discourir sur l’insuffisance de la raison, la nécessité de la foi, et la métaphysique de la Trinité, nos modernes sermonnaires reprissent à nouveau l’exégèse biblique; car, en dernière analyse, la question est là. Si, comme je le disais tout à l’heure, on peut montrer dans le Vieux Testament un seul mot qui ait rapport au Nouveau, cette préexistence du catholicisme dans la pensée judaïque est le plus grand des miracles. Mais si le Nouveau Testament n’est qu’un pastiche de l’Ancien, une sorte de centon, compilé par des fanatiques sur la vie et la mort de Jésus; s’il est vrai, dis-je, que les Écritures juives n’aient aucun rapport aux missions de l’Homme-Dieu, ni aux voyages de saint Paul, ni aux persécutions des empereurs, ni aux institutions chrétiennes; alors il faudra bien reconnaître que l’explication de toutes ces choses doit être cherchée ailleurs, et la filiation qu’on prétend établir entre le catholicisme et le judaïsme, entre le sacerdoce chrétien et les lévites, entre les papes successeurs de Pierre et les pontifes successeurs d’Aaron, entre ceux-ci et les patriarches, ne sera plus qu’une hallucination de critique, un faux exposé de l’histoire.

On n’attend pas sans doute qu’à propos des excentricités d’un prédicateur, après avoir replacé la question religieuse sous son véritable jour, j’entame la critique de la Bible; je veux seulement, par un exemple, montrer comment les rationalistes étudient les livres hébreux, et les observations qu’on vient de lire étaient nécessaires pour justifier l’esprit de la discussion dans laquelle j’entreral tout à l’heure. Puisse cet échantillon de philologie sacrée convaincre les prêtres que nous sommes moins ignorants de notre religion qu’ils ne supposent, et apprendre aux démocrates quasi-chrétiens à se tenir en garde contre les fantaisies religieuses!

It is thus, to cite a single case among a thousand, that the Gospel legend of the three Magi who came from the East to worship the child Jesus, with gold, frankincense and myrrh, was copied from the pretended allegory of the kings of Tharsis, of Arabia and of Sheba, of which it is spoken in Psalm lxxi.

Of all the books of the Bible, none has suffered more from theological visions than that of the Psalms. Jews and Christians alike, the former from the fifth century BC, the latter mainly at the time of the composition of the Gospels, strove to seek there oracles, mysteries, decisions. It was the book of messianic destinies: you had to be blind. Bossuet has seriously refuted this hyperbole, so as not to see in it, in characters of blood and fire, the details of the birth, passion and resurrection of the Saviour; the reign of the Church, its combats and its victories against the heretics and the Mahometans. Also, apart from a very small number of moral odes, and, as M. de Lamartine says, of poetic meditations, of which it was impossible for the allegorists to take advantage, Is there any psalm whose character, subject and true spirit have not been more or less distorted in the commentaries of the worshippers of Jesus Christ?

And, a singular thing, but easy to conceive after what has just been said, the cause of these aberrations does not come, as has been falsely supposed, from ignorance of the original languages: the Vulgate is as faithful, grammatically speaking, as one might expect from the century in which it appeared; the version of the Septuagint had been the work of Jewish scholars: these two translations have served frequently and with advantage to restore the Hebrew text mutilated or corrupted by the ravages of copyists and time; the evil, I repeat, was not due to the lack of understanding of the language, but to the disastrous preoccupation of minds, which, by producing a new religion, perverted judgments and engendered all the vices of criticism.

I wish that instead of discoursing on the insufficiency of reason, the necessity of faith, and the metaphysics of the Trinity, our modern sermonaries would once again take up biblical exegesis; for, in the final analysis, that is the question. If, as I was saying earlier, one can show in the Old Testament a single word that relates to the New, this pre-existence of Catholicism in Judaic thought is the greatest of miracles. But if the New Testament is only a pastiche of the Old, a sort of cento, compiled by fanatics on the life and death of Jesus; if it is true, I say, that the Jewish Scriptures have no relation to the missions of the Man-God, nor to the journeys of Saint Paul, nor to the persecutions of the emperors, nor to Christian institutions; then it will be necessary to recognize that the explanation of all these things must be sought elsewhere, and the filiation that one claims to establish between Catholicism and Judaism, between the Christian priesthood and the Levites, between the popes, successors of Peter, and the pontiffs, Aaron’s successors, between them and the patriarchs, will be no more than a critical hallucination, a false exposition of history.

One doubtless does not expect that, apropos of the eccentricities of a preacher, after having placed the religious question in its true light, I begin the criticism of the Bible; I only want, by an example, to show how the rationalists study the Hebrew books, and the observations that we have just read were necessary to justify the spirit of the discussion into which I will enter presently. May this sample of sacred philology convince priests that we are less ignorant of our religion than they suppose, and teach quasi-Christian democrats to be on their guard against religious fantasies!

Jamais homme n’exerça sur ses contemporains une séduction plus profonde que David, ou plutôt Daoud, fils d’Isaï, second roi d’Israël. Usurpateur, en dépit de son sacre qui ne put jamais faire oublier au peuple les droits de Saül, il commanda pour ainsi dire la fortune. A part les perturbations que lui causa dans les commencements la jalousie de son rival, tout le sert, tout lui réussit, tout concourt à son élévation. Il excite l’admiration par sa vertu guerrière, la reconnaissance par ses services, l’engouement par une fine et hypocrite douceur, la terreur par des vengeances qu’il a l’art de couvrir de la volonté du ciel, l’enthousiasme par des poésies, le fanatisme par des démonstrations religieuses. Nul ne représenta mieux son siècle, ne fut plus fécond en ressources, et, dans la mesure de son époque, n’eut une connaissance plus profonde des hommes et des choses. Son règne fut une série de succès. On peut dire qu’il créa l’état politique des Hébreux. Les splendeurs de Salomon ne furent que le fruit de ses travaux. Le fond de son caractère est un mélange de ruse et d’audace, d’esprit national et de froid égoïsme, déguisé sous les apparences de la candeur et de la justice. Comme tous lea despotes de fortune, au talent de caresser les instincts populaires, il joignait un sentiment profond des convenances politiques et l’empire absolu sur ses passions. Pour tout dire enfin, l’objet constant de sa vie fut d’assurer le trône à sa race, et l’on peut dire que ce problème fut par lui parfaitement résolu.

Il se trouvait en présence des Philistins, dans la vallée des Géants; mourant de soif, il s’écrie : « Oh! si quelqu’un me donnait de l’eau de la citerne qui est près de la porte de Bethléem!… » Bethléem en ce moment était occupée par une garnison ennemie. Trois des compagnons de Daoud se dévouent, traversent le camp des Philistins, pénètrent jusqu’à la porte de la ville et apportent au roi l’eau qu’il avait souhaitée. Daoud refusa de la boire et en fit une libation à Jehouh. « A Dieu ne plaise, dit-il, que je boive le sang de mes guerriers! » Ce trait de Daoud parut si beau à Quinte-Curce, que cet historien se l’est approprié pour sa vie d’Alexandre. Mais qu’il est triste de ne pouvoir admirer sans réserves l’humanité des conquérants! Daoud, Alexandre, César, Louis XIV, Napoléon, tous les généraux qui ont su leur métier, se sont fait adorer de leurs soldats par des traits de noble familiarité, de justice et de grandeur d’âme; mais ces belles actions étaient accompagnées de tant de cruautés et de perfidies, qu’on finit, malgré soi, par ne voir dans la vertu d’un tyran qu’une plus haute perfection dans le crime.

Saül, élu par la volonté du peuple et malgré la corporation des prêtres, s’était vu constamment en butte à la malveillance du sacerdoce : Daoud s’attacha à mettre le clergé dans ses intérêts. Dès ce moment la partie fut perdue pour la famille de Saül ; il fut avéré que Daoud était l’oint du Seigneur. L’héritier présomptif de Saül, fasciné comme tout le monde, renonça publiquement à ses droits et se mit à rechercher la protection de l’ennemi de son père. Les prêtres fomentaient partout la guerre civile, fournissaient à Daoud des vivres et des armes, revêtaient pour lui l’éphod, c’est-à-dire consultaient l’oracle à son intention, et lui promettaient la victoire. Trahi de toutes parts, Saül manqua de prudence ; au lieu d’élever autel contre autel, en jetant la division parmi les prêtres, un jour, dans un mouvement de juste indignation, il en fit massacrer quatre-vingts. Daoud recueillit le seul qui échappa et qui se trouvait devenu, par une catastrophe, souverain pontife. « Je suis responsable, lui dit-il, de tous les meurtres commis sur ta famille; quiconque en veut à ta vie en veut à la mienne; nous périrons ou nous vivrons ensemble. » Ainsi fut scellée au profit de Daoud l’alliance de l’autel et du trône. Saül n’eut plus pour lui que les indépendants. « Dieu, dit la Bible, le rejeta. »

Puisque j’ai parlé de la dévotion de Daoud et de ses talents poétiques, deux mots d’explication sont ici nécessaires.

On serait dans une étrange erreur si on se figurait Daoud ouvrier, poète et dévot, tantôt comme un saint Louis, rendant la justice sous les palmiers de Jéricho, ou ne faisant la guerre qu’aux ennemis de Dieu et de la patrie, et dirigé dans toute sa conduite par des principes d’une morale et d’une religion élevées; tantôt comme un Frédéric II, mêlant les lettres à la politique et à la guerre, et se reposant des soucis de la royauté dans la culture de la poésie et de la musique.

Les auteurs chrétiens ont généralement traité l’histoire et les mœurs des Hébreux comme le père Loriquet a fait la Révolution française; il n’a pas tenu à Bossuet autant qu’au jésuite Berruyer, que nous ne vissions tout à la fois en Daoud un majestueux souverain à la façon de Théodose et de Louis XIV, un prophète constamment inspiré de Dieu, et le plus profond des théologiens : mais on peut affirmer que ni Daoud, ni aucun homme de son temps, n’eut la moindre idée de ce que nous entendons aujourd’hui par piété, morale et littérature. Quant aux exhibitions monarchiques, elles sont encore les mêmes chez les populations syro-chaldéennes et arabes qu’elles étaient mille ans avant Jésus-Christ. Entre Daoud, Aaron-Raschid et le roi actuel de Maroc, il n’existe, relativement à la qualité, aucune différence.

La religion, à cette époque primitive, n’était qu’un composé de coutumes superstitieuses, accomplies dans une intention toujours intéressée, et sans le moindre retour philosophique. La morale n’existait pas plus que de nos jours. Le nom même en était inconnu, aussi bien qu’aux Latins et aux Grecs : un homme était réputé bon, juste et saint, selon qu’il accomplissait avec plus ou moins de scrupule certains devoirs de cité, avec quelques pratiques de miséricorde, et qu’il se conformait dans sa vie aux usages établis; mais cette justice, pour parler comme la Bible, tout extérieure, n’était pour les habiles que le texte ou la taxe de toutes les noirceurs. Daoud, ayant résolu de faire venir l’Arche d’alliance à Jérusalem, convoqua pour cette solennité une fédération des tribus : trente mille hommes se rendirent à son appel.

Pendant la marche du cortège, Daoud, qui s’était ménagé cette occasion de faire sa cour aux prêtres et de faire éclater sa piété devant le peuple, dansait, jouait et gesticulait de toutes ses forces. Cette danse, dont le caractère n’avait assurément rien d’héroïque, scandalisa si fort la fille de Saül, Michol, l’une des épouses de Daoud, à laquelle il était redevable de la vie et peut-être du diadème, qu’elle ne put se défendre de lui en exprimer son mépris. Daoud, humilié, se vengea en sultan : il se garda de répudier Michol : il importait à sa politique de conserver le titre de gendre de Saül. Mais, dit la Bible, La dédaigneuse Michol ne fit plus d’enfant le reste de sa vie, par la permission de Dieu. On sourit en voyant les graves théologiens rappeler, sans la moindre malice, ce détail de harem comme une preuve de la protection dont Jehouh entourait son favori.

Pour ce qui concerne la poésie, elle était, dans les circonstances importantes et les événements extraordinaires, l’expression que chacun donnait à ses pensées et à ses sentiments. On ne savait ce que c’était que chanter, si j’ose ainsi dire, par passe-temps, et sur un sujet arbitraire, et, chose étonnante, mais pourtant vraie, dans cet Age du merveilleux la poésie n’est point chargée de fictions, elle est toute réelle. Pour se faire une juste idée de ces mœurs, il faut se reporter aux scènes et aux héros de l’Iliade. Qu’on se rappelle Achille, se plaignant sur sa Iyre à Jupiter, à Minerve et à Thétis, des violences d’Agamemnon, pleurant la mort de Patrocle, puis s’attendrissant avec Priam, et faisant intervenir les dieux à chaque instant dans ses discours. Qu’on songe que ces mœurs, toutes de convention pour nous, ont été des réalités, et l’on aura une idée de ce que fut Daoud. Daoud, à cause de la multitude de ses affaires, en conversation perpétuelle avec Dieu, chantant Jehouh, tantôt une plainte, tantôt une imprécation, ici une oraison funèbre, là un épithalame; faisant au peuple des paraboles et des dithyrambes en guise de proclamations et d’adresses; parlant un langage mesuré dans un temps où la prose, oratio soluta, n’existait pas (cette nouveauté fut inventée la première fois en Grèce, un siècle avant Hérodote); modulant une mélopée qu’on décorait du nom de chant, parce qu’une élocution tout unie, chose qui nous semble aujourd’hui la plus naturelle, eût été impossible; Daoud, contemporain d’Ulysse et d’Achille, presque d’Orphée, nous offre un des types les plus complets de la société héroïque; type d’autant plus intéressant à étudier, que l’histoire nous le montre entièrement dégagé des accessoires mythologiques et des traditions légendaires qui offusquent les personnages d’Homère. Otez la différence des lieux, des idiomes, et des races; ôlez l’intervalle climatérique qui sépare la vallée de Tempé et les îles gracieuses de la Grèce, des rochers de Syrie et des déserts brûlants de l’Idumée, et vous avez en Daoud la reproduction fidèle de cette nature antique que le chantre de l’Iliade n’avait pas vue, et que déjà il altérait en l’embellissant.

Je ne puis résister au plaisir de rapporter le chant guerrier que composa Daoud sur la mort de Saül, et qui courut toute la Palestine. Ce sera donner tout à la fois une idée de ses talents lyriques et une preuve nouvelle de son habileté. Daoud, en apprenant la déroute de l’armée israélite et la mort de son compétiteur, se garde bien de triompher d’un désastre qui le fait roi; il prend le deuil, célèbre les vertus de Saul, attend que la nation vienne à lui, et ne fait rien que par le conseil des prêtres. Le Chant de l’Arc, qu’on va lire, lui conquit plus d’adhérents qu’il n’avait jamais rencontré d’ennemis.

« Tes braves, à Israël, ont péri sur les montagnes; comment sont-ils tombés, les forts?

« Que cette nouvelle ne parvienne pas jusqu’à Geth; qu’elle ne circule point en Ascalon, de peur que les femmes philistines n’en triomphent, qu’elles ne s’en réjouissent, les filles des incirconcis.

« Monts de Gelboé, que la rosée ni la pluie ne tombent plus sur vous; que vos vallées ne donnent plus un épi pour le sacrifice, parce que c’est sur vous que fut perdu le bouclier du brave Saül, sacré par l’huile.

« Jamais la flèche de Jonathas ne revint au carquois, ni le glaive de Saül ne rentra dans le fourreau sans s’être abreuvés du sang des vaincus, de la graisse des héros.

« Qu’ils étaient beaux dans leur vie, qu’ils étaient aimables, Saül et Jonathas! La mort ne les a point séparés : plus rapides que les aigles, plus courageux que les lions.

« Filles d’Israël, pleurez sur Saül, qui vous habillait de pourpre et de soie, qui vous couvrait d’or et de bijoux.

« Comment sont-ils tombés, les forts, dans la bataille, et Jonathas est-il mort sur les hauts lieux?

« Je pleurerai toujours mon frère Jonathas, si beau, et que j’aimais comme on n’aime point une femme. Telle une mère chérit son fils unique, tel je te chérissais, Jonathas.

« Comment sont-ils tombés? Comment se sont brisées les armes invincibles ? »

Quel cœur de marbre eût résisté à l’auteur d’un pareil chant? Daoud fut reconnu roi de tout Israël, et reçut l’hommage des douze tribus. Mais si le peuple est facile à séduire, il est aussi prompt à se retirer : Daoud en fit la redoutable expérience.

Never did a man exert a deeper seduction on his contemporaries than David, or rather Daoud, son of Jesse, second king of Israel. A usurper, in spite of his coronation, which could never make the people forget the rights of Saul, he commanded, so to speak, fortune. Apart from the disturbances caused to him in the beginning by the jealousy of his rival, everything serves him, everything succeeds for him, everything contributes to his elevation. He excites admiration by his warlike virtue, recognition by his services, enthusiasm by a delicate and hypocritical gentleness, terror by the revenge that he has the art of covering with the will of heaven, enthusiasm by poetry, fanaticism by religious demonstrations. No one represented his century better, was more fertile in resources, and, in proportion to his time, had a deeper knowledge of men and things. His reign was a series of successes. We can say that he created the political state of the Hebrews. The splendors of Solomon were only the fruit of his labors. The basis of his character is a mixture of cunning and audacity, of national spirit and cold selfishness, disguised under the guise of candor and justice. Like all despots of fortune, to the talent of caressing popular instincts, he joined a profound feeling for political propriety and absolute dominion over his passions. In short, the constant object of his life was to assure the throne to his race, and it may be said that this problem was perfectly solved by him.

He was in the presence of the Philistines, in the Valley of the Giants; dying of thirst, he exclaims: “Oh! if someone gave me water from the cistern which is near the gate of Bethlehem!…” Bethlehem at this moment was occupied by an enemy garrison. Three of Daoud’s companions devoted themselves, crossed the camp of the Philistines, penetrated as far as the city gate and brought the king the water he had requested. Daoud refused to drink it and made a libation of it to Jehouh. “God forbid,” he said, “that I drink the blood of my warriors! This line of Daoud seemed so beautiful to Quinte-Curce that this historian appropriated it for his life of Alexander. But how sad it is not to be able to admire without reserve the humanity of the conquerors! Daoud, Alexander, Caesar, Louis XIV, Napoleon, all the generals who knew their job, made themselves adored by their soldiers by traits of noble familiarity, justice and greatness of soul; but these fine actions were accompanied by so much cruelty and perfidy, that one ends, in spite of oneself, by seeing in the virtue of a tyrant only a higher perfection of crime.

Saul, elected by the will of the people and despite the corporation of priests, had seen himself constantly exposed to the malevolence of the priesthood: Daoud endeavored to connect the clergy to his interests. From that moment the game was lost for the family of Saul; Daoud was found to be the Lord’s anointed. Saul’s heir apparent, fascinated like everyone else, publicly renounced his rights and began to seek the protection of his father’s enemy. Priests everywhere fomented civil war, furnished Daoud with food and arms, put on the ephod for him, that is to say consulted the oracle for him, and promised him victory. Betrayed on all sides, Saul lacked prudence; instead of raising altar on altar, throwing division among the priests, one day, in a movement of just indignation, he had eighty of them massacred. Daoud took in the only one who escaped and who happened to have become, by a catastrophe, sovereign pontiff. “I am responsible,” he told her, “for all the murders committed on your family; whoever wants your life wants mine; we will perish or we will live together. Thus was sealed for the benefit of Daoud the alliance of the altar and the throne. Saul had only the Independents on his side. “God,” says the Bible, rejected him.”

Since I have spoken of Daoud’s devotion and his poetic talents, a few words of explanation are necessary here.

We would be making a strange mistake if we pictured Daoud as a worker, poet and devotee, sometimes like a Saint Louis, dispensing justice under the palm trees of Jericho, or waging war only against the enemies of God and his country, and directed in all his conduct by principles of high morals and religion; sometimes like Frederick II, mixing literature with politics and war, and resting from the worries of royalty in the culture of poetry and music.

Christian authors have generally treated the history and manners of the Hebrews as Father Loriquet did the French Revolution; it did not depend as much on Bossuet as on the Jesuit Berruyer that we did not see in Daoud a majestic sovereign like Theodosius and Louis XIV, a prophet constantly inspired by God, and the deepest of theologians: but it can be said that neither Daoud, nor any man of his time, had the slightest idea of what we mean today by piety, morals and literature. As for the monarchical displays, they are still the same among the Syro-Chaldean and Arab populations as they were a thousand years before Christ. Between Daoud, Aaron-Raschid and the current king of Morocco, there is, relatively to quality, no difference.

Religion, in that primitive epoch, was only a compound of superstitious customs, carried out with an always interested intention, and without the slightest philosophical return. Morality did not exist any more than in our time. The very name was unknown, to the Latins and the Greeks as well: a man was reputed to be good, just and holy, according to whether he fulfilled with more or less scrupulousness certain duties of the city, with some practices of mercy, and as he conformed in his life to established usages; but this justice, to speak like the Bible, being entirely external, was for the skillful only the text or the tax of all blackness of their natures. Daoud, having resolved to bring the Ark of the Covenant to Jerusalem, summoned for this solemnity a federation of the tribes: thirty thousand men responded to his call.

During the march of the procession, Daoud, who had taken this opportunity to pay his court to the priests and to display his piety before the people, danced, played and gesticulated with all his might. This dance, whose character was certainly not heroic, scandalized Saul’s daughter, Michol, one of Daoud’s wives, to whom he owed his life and perhaps the diadem, so much that she could not refrain from expressing her contempt for it. Daoud, humiliated, took revenge as a sultan: he took care not to repudiate Michol: it was important to his policy to retain the title of son-in-law of Saul. But, says the Bible, The disdainful Michol had no more children the rest of her life, by the permission of God. One smiles to see the grave theologians recall, without the least malice, this detail of the harem as a proof of the protection with which Jehouh surrounded his favorite.

As for poetry, it was, in important circumstances and extraordinary events, the expression that everyone gave to their thoughts and feelings. One did not know what it was to sing, if I dare say so, for a hobby, and on an arbitrary subject, and, an astonishing thing, but nevertheless true, in this age of the marvelous poetry was not loaded with fictions; it was all real. To get a fair idea of these mores, it is necessary to refer to the scenes and heroes of the Iliad. Let one recall Achilles, complaining on his Iyre to Jupiter, Minerva and Thetis, of the violence of Agamemnon, mourning the death of Patroclus, then softening with Priam, and making the gods intervene at every moment in his speech. Consider that these mores, all conventional for us, were realities, and we will have an idea of what Daoud was. Daoud, because of the multitude of his affairs, in perpetual conversation with God, singing Jehouh, sometimes a complaint, sometimes an imprecation, here a funeral oration, there an epithalamium; making parables and dithyrambs to the people by way of proclamations and addresses; speaking a measured language at a time when prose, oratio soluta, did not exist (this novelty was first invented in Greece, a century before Herodotus); modulating a melody that was decorated with the name of song, because a completely unified elocution, something that seems to us most natural today, would have been impossible; Daoud, a contemporary of Ulysses and Achilles, almost of Orpheus, offers us one of the most complete types of heroic society, a type all the more interesting to study because history shows it to us to be entirely freed from the mythological accessories and legendary traditions that offend the characters of Homer. Take away the difference of places, languages, and races; Take away the climatic interval which separates the valley of Tempe and the graceful islands of Greece, from the rocks of Syria and the burning deserts of Idumea, and you have in Daoud the faithful reproduction of that ancient nature which the cantor of the Iliad had not seen, and which he was already altering by embellishing it.

I cannot resist the pleasure of reporting the warrior song that Daoud composed on the death of Saul, which ran throughout Palestine. This will give both an idea of his lyric talents and a new proof of his skill. Daoud, on learning of the rout of the Israelite army and the death of his competitor, is careful not to exult over a disaster that makes him king; he goes into mourning, celebrates the virtues of Saul, waits for the nation to come to him, and does nothing except by the council of the priests. The Song of the Ark, which we are about to read, won him more adherents than he had ever met with enemies.

“Your brave men of Israel have perished on the mountains; how did they fall, the strong?

“Let this news not reach Geth; let it not circulate in Ascalon, lest the Philistine women should exult over it, and rejoice over it, the daughters of the uncircumcised.

“Mountains of Gilboa, let neither dew nor rain fall on you any more; let your valleys no longer yield an ear of wheat for sacrifice, because on you was lost the shield of brave Saul, made sacred with oil.

“Never did Jonathan’s arrow return to the quiver, nor did Saul’s sword return to its scabbard without drinking the blood of the vanquished, the fat of the heroes.

“How beautiful they were in their lives, how lovable they were, Saul and Jonathan! Death did not separate them: swifter than eagles, braver than lions.

“Daughters of Israel, weep over Saul, who clothed you in purple and silk, who covered you with gold and jewels.

“How did the strong fall in battle, and did Jonathan die on the high places?

“I will always mourn my brother Jonathan, so handsome, whom I loved as one does not love a woman. As a mother cherishes her only son, so I cherished you, Jonathan.

“How did they fall? How did the invincible weapons break?”

What heart of marble could have resisted the author of such a song? Daoud was recognized as king of all Israel, and received the homage of the twelve tribes. But if the people are easy to seduce, they are also quick to withdraw: Daoud had the formidable experience of this.

Il était entre sa quarante-cinquième et sa cinquantième année, à cet âge où la conscience, émoussée par les passions et les jouissances, et, il faut le dire encore, par l’expérience des hommes, laisse plus de prise au vice et éveille moins le remords. Victorieux, comblé de richesses, maître d’une armée puissante, Daoud se livrait au plaisir, et jouissant de sa fortune, faisait assiéger par ses généraux Rabba, une ville ammonite. Oisif dans son fort de Sion, il se reposait avant l’heure : Joab et ses compagnons travaillaient pour lui.

Un jour, dit la Bible, qu’il se promenait sur la terrasse de sa maison, il aperçut par hasard une femme qui se baignait. Comme, d’après la Bible, tout ce qui n’est point dit arrivé par la volonté expresse de Dieu, arrive par hasard, et qu’aujourd’hui nous nous méfions des effets sans cause, on me saura gré d’approfondir les détails de cette histoire.

L’Écriture remarque d’abord que la femme en question était fort belle, circonstance qui, plus que la promenade du roi, pouvait être un effet du hasard; mais on accordera du moins que cette belle se connaissait, qu’elle ne s’ignorait pas elle-même, comme il est écrit, au Cantique des Cantiques, de cet idéal de jeune fille appelée la Sulamite, et qui était chez les Hébreux l’analogue de Psyché.

Ceci convenu, on trouvera sûrement singulière cette coïncidence du hasard : un roi qui se promène (c’était son habitude après le chaud du jour), une femme qui se baigne de manière à être vue, la beauté extraordinaire de cette femme. Mais qui était-elle, cette charmante baigneuse ? Ici l’Écriture ne dit rien, sinon qu’elle se nommait Bethsabée, femme d’Urie, héthéen. Or, afin de compléter la série de hasards qui conduisit à si belle fin cette galante aventure, nous ajouterons que Urie, l’Héthéen, était en ce moment au siége de Rabba avec Joab; que cet homme, brave soldat, et un des trente preux de Daoud, paraît avoir été, pour une femme de l’esprit et de la figure de Bethsabée, d’une froideur par trop maritale; tandis que son épouse, jeune, belle, avons-nous dit, poëte et musicienne, intrigante au besoin, et qui se crut faite pour une haute fortune, s’accommodait peu des soins vulgaires et des habitudes monotones du ménage. Disons enfin, anticipant un peu sur l’histoire, que jusqu’à la mort de Daoud, Bethsabée demeura la plus honorée et la plus puissante de ses femmes; qu’elle eut le crédit de faire nommer son fils roi, au préjudice d’Adonias, J’ainé des enfants de Daoud; qu’à elle enfin Salomon fut redevable de cette éducation, j’oserais presque dire philosophique et littéraire, qui fit de lui le prince des sages et le plus glorieux des rois d’Orient. Le portrait de la femme forte en vers acrostiches, qu’on trouve à la fn du livre des Proverbes, est de la composition de Bethsabée. On peut dire que cette femme, douée d’un grand caractère et d’un esprit supérieur, fut pour Daoud une Maintenon, et pour Salomon une Blanche de Castille.

Assurément, il n’entre pas dans ma pensée de dire que Bethsabée préparait de loin le meurtre de son mari par un adultère; mais il est permis de croire qu’elle comptait sur un divorce, chose qui, jusqu’à un certain point, pouvait paraître innocente. Quoi qu’il en soit, le hasard la servit à merveille : elle était sûre d’elle et connaissait Daoud ; aussi celui-ci l’eut-il à peine vue qu’il la fit venir, et… trois jours après Bethsabée lui faisait passer ce laconique billet : Je suis grosse. Grosse ou non, son intérêt était de le dire et de le paraître.

Si l’on pouvait s’étonner qu’un homme entre quarante-cinq et cinquante ans, possesseur d’un sérail richement garni des femmes les plus belles, ait pu s’enflammer si vite pour une inconnue; puis, malgré le crime et le péril, enlever cette femme, qu’il savait mariée à l’un de ses généraux, je répondrais que cette fantaisie lui vint précisément parce qu’il avait un sérail, Le chaste Joseph dédaigna la Putiphar, parce qu’il n’avait jamais touché femme; Salomon, qui avait mille concubines, eût voulu essayer encore de cette Égyptienne. L’abstinence est mère de chasteté ; cet aphorisme est le premier de la médecine anti-aphrodisiaque.

Et qui peut dire ce que l’imprévu de la scène, la pose de la femme, le jeu de la lumière et des ombres, l’effet du paysage, dans l’esprit de Daoud, ajoutèrent de charmes à Bethsabée? Tout, dans cette circonstance, devait transporter une âme d’artiste, blasée, si l’on veut, sur l’amour, mais toujours facile à émouvoir par un certain idéal. Tel était Daoud : l’histoire de sa rencontre avec Abigaïl et du mariage qui s’ensuit en est une preuve. Aussi trouvé-je que le reproche de Dieu à Daoud, Je t’ai comblé de richesses et de femmes, partait d’une mauvaise psychologie et accusait une haute imprudence. Daoud pouvait répondre à Jehouh : « Si, de toutes les femmes que tu m’as données, tu m’en avals fait aimer une, une seule, je n’eusse point enlevé Bethsabée. »

Volet done le roi Daoud dans le plus grand embarras : ne pouvant prendre une femme enceinte de ses œuvres, mais dont l’époux était vivant, et ne sachant comment déguiser cette bâtardise. Il restait un moyen : c’était de faire venir le mari, et de tout cacher sous le manteau. Mais l’homme souvent propose, et fortune autrement dispose ; Urie, traité, caressé, enivré par le roi, passa trois jours en ville et ne mit pas le pied chez lui. « Que je meure, dit-il, si, lorsque Israël est sous la tente, j’entre dans ma maison et me réjouis avec ma femme! » Urie, l’Héthéen, n’avait point de sérail. Jamais respect de la discipline ne vint plus à contre-temps. Plus d’espoir avec un tel homme, et le péril était pressant. Selon les mœurs du pays, il y allait de la vie de Bethsabée et de la couronne de Daoud. Un mot de celui-ci à Joab le délivra d’Urie, qui fut abandonné par trahison dans un assaut, et perdit la vie. Cela fait, Bethsabée prit le deuil, et quelque temps après fut épousée par Daoud.

Ce double erime ne fut pas tenu si secret qu’il ne transpirât blentôt dans le peuple : il y avait trop de monde dans la confidence; d’ailleurs, la grossesse de Bethsabée, qui se déclara peu de temps après ce brusque mariage, la mort inconcevable d’Urie, auraient suffi pour éveiller les soupçons. Daoud, qui avait cru se tirer d’affaire par un assassinat, se vit bientôt plus exposé qu’auparavant. L’opinion se soulevait; le parti, mal éteint, de la dynastie de Saül allait se réveiller : déjà le cri du peuple et, disait-on, la réprobation de Jehouh, par le ministère de Nathan, le prophète, avaient éclaté. Il fallait une vengeance; le sang appelait le sang; et comment se venger d’un roi autrement qu’en lui enlevant la couronne? Les Livres des Rois et les Chroniques, qui nous ont conservé ce récit, rédigés par des prêtres, ne s’arrêtent pas à ces considérations trop profanes pour leur style; mais, pour qui comprend l’antiquité, tout cela résulte de l’ensemble des événements.

Dans cette situation périlleuse, Daoud eut recours à un expédient qui surpasse, à mon avis, tout ce que le machiavélisme royal inventa jamais de plus profond, et qui prouvé combien le melk hébreu connaissait le cœur humain, et surtout le peuple. « Jehouh tonne, dit-il, je l’intéresserai à mon repentir : le peuple crie vengeance, il chantera ma grâce. » Alors il composa et fit répandre cette fameuse complainte, connue dans l’Église sous le nom de Miserere, et dont je vais faire l’analyse.

He was between his forty-fifth and his fiftieth year, at that age when the conscience, blunted by the passions and enjoyments, and, it must be said again, by the experience of men, leaves more room for vice and awakens less remorse. Victorious, full of wealth, master of a powerful army, Daoud gave himself up to pleasure, and enjoying his fortune, had Rabbah, an Ammonite city, besieged by his generals. Idle in his fort at Sion, he rested before his time: Joab and his companions worked for him.

One day, says the Bible, while he was walking on the terrace of his house, he saw by chance a woman who was bathing. Since, according to the Bible, everything that is not said to have happened by the express will of God, happens by chance, and as today we are wary of effects without a cause, it will please me to deepen the details of this story.

The Scripture first remarks that the woman in question was very beautiful, a circumstance that, more than the king’s promenade, could have been an effect of chance; but we will at least grant that this beautiful one knew herself, that she was not ignorant of herself, as it is written, in the Song of Songs, of this ideal of a young girl called the Shulamite, and who was among the Hebrews the analogue of Psyche.

This agreed, one will surely find this coincidence of chance singular: a king taking a walk (it was his habit after the heat of the day), a woman bathing in such a way as to be seen, the extraordinary beauty of this woman. But who was she, this charming bather? Here the Scripture says nothing, except that she was called Bathsheba, wife of Uriah, a Hittite. Now, in order to complete the series of chances that brought this gallant adventure to such a beautiful end, we will add that Uriah, the Hittite, was at this moment at the seige of Rabba with Joab; that this man, a brave soldier, and one of Daoud’s thirty valiant men, seems to have been, for a woman of the spirit and figure of Bathsheba, too cold as a husband; while his wife, young, beautiful, as we have said, a poet and musician, a schemer if need be, who believed herself made for a high fortune, was little suited to the vulgar cares and monotonous habits of the household. Let us say finally, anticipating the story a little, that until the death of Daoud, Bathsheba remained the most honored and the most powerful of his wives; that she had the credit of having her son named king, to the detriment of Adonias, the eldest of the children of Daoud; that to her finally Solomon was indebted for that education, which I would almost dare to call philosophical and literary, that made him the prince of the sages and the most glorious of the kings of the East. The portrait of the strong woman in acrostic verse, found at the end of the book of Proverbs, is of the composition of Bathsheba. We can say that this woman, endowed with a great character and a superior mind, was for Daoud a Maintenon, and for Solomon a Blanche of Castile.

Assuredly, it does not come into my mind to say that Bathsheba was preparing from afar the murder of her husband by adultery; but it is reasonable to believe that she was counting on a divorce, something which, up to a certain point, could appear innocent. Be that as it may, chance served her marvellously: she was sure of herself and knew Daoud; so the latter had hardly seen her when he summoned her, and… three days later Bathsheba gave him this laconic note: I am pregnant. Pregnant or not, it was in her interest to say it and to appear it.

If one could be astonished that a man between forty-five and fifty years old, possessor of a seraglio richly stocked with the most beautiful women, should have been able to catch fire so quickly for a stranger; then, in spite of the crime and the danger, to carry off this woman, whom he knew was married to one of his generals, I would answer that this fancy came to him precisely because he had a seraglio. The chaste Joseph disdained the Potiphar, because he had never touched a woman; Solomon, who had a thousand concubines, would have liked to try that Egyptian again. Abstinence is the mother of chastity; this aphorism is the first in anti-aphrodisiac medicine.

And who can say what charms the unexpectedness of the scene, the pose of the woman, the play of light and shadows, the effect of the landscape, in Daoud’s mind, added to Bathsheba? Everything, in this circumstance, must have transported the soul of an artist, blasé, if you will, on love, but always easily moved by a certain ideal. Such was Daoud: the story of his meeting with Abigail and the marriage that followed is proof of this. So I find that God’s reproach to Daoud, I have showered you with riches and women, stemmed from bad psychology and showed great imprudence. Daoud could answer Jehouh: “If, of all the women you gave me, you made me love one, only one, I would not have carried off Bathsheba.”

Thus he left King Daoud in the greatest embarrassment: unable to take a wife pregnant with his works, but whose husband was alive, and not knowing how to disguise this bastardy. There was still one way: it was to have the husband come, and to hide everything under the cloak. But man often proposes, and fortune otherwise disposes; Uriah, treated, caressed, intoxicated by the king, spent three days in town and never set foot in his house. “Let me die,” he said, “if, when Israel is in the field, I enter my house and rejoice with my wife!” Uriah, the Hittite, had no seraglio. Never was respect for discipline so untimely. No more hope with such a man, and the danger was pressing. According to the customs of the country, the life of Bathsheba and the crown of Daoud depended on it. A word from him to Joab delivered him from Uriah, who was treacherously abandoned in an assault, and lost his life. This done, Bathsheba went into mourning, and some time later was married to Daoud.

This double crime was not kept so secret that it did not soon leak out among the people: there were too many people in the confidence; moreover, the pregnancy of Bathsheba, which declared itself shortly after this sudden marriage, the inconceivable death of Uriah, would have sufficed to arouse suspicion. Daoud, who had thought he could get out of trouble by assassination, soon found himself more exposed than before. Public opinion was rising; the party, badly extinguished, of the dynasty of Saul was about to wake up: already the cry of the people and, it was said, the reprobation of Jehouh, through the ministry of Nathan, the prophet, had burst forth. Revenge was needed; blood called for blood; and how to revenge yourself on a king other than by taking away his crown? The Books of Kings and the Chronicles, which have preserved this story for us, written by priests, do not stop at these too profane considerations for their style; but, for anyone who understands antiquity, all this results from the totality of events.

In this perilous situation, Daoud had recourse to an expedient that surpasses, in my opinion, all that royal Machiavellianism ever invented in the most profound way, and which proved how much the Hebrew king knew the human heart, and especially the people. “Jehouh thunders,” he said, “I will interest him in my repentance. The people cry out for revenge; they will sing my pardon.” So he composed and circulated this famous lament, known in the Church under the name of Miserere, which I am about to analyze.

Le psaume L porte en intitulé : Au maître-chantre, symphonie par Daoud. Ce titre indique que la pièce en question fut envoyée au chef des chantres qui servaient au tabernacle, et que là elle fut exécutée publiquement, et en grande pompe, avant d’être transmise aux synagogues. Dans ce temps-là, celui qui offrait un sacrifice, soit expiatoire, soit votif, pouvait faire chanter sa prière par les lévites musiciens, absolument comme nous faisons célébrer des messes solennelles pour mariage ou décès. Ce qui suit, lorsque vint vers lui Nathan le prophète, quand il s’approcha de Bethsabée, est une édition probablement faite après coup : les contemporains de Daoud n’avaient que faire de cette glose.

Je traduis le plus littéralement qu’il m’est possible, en marquant le parallélisme de chaque distique :

1. Grâcie-moi, ô mon Dieu, selon ta clémence; 

Et selon ta tendresse infinie, efface ma prévarication.

L’auteur de la Vulgate, préoccupé des idées théologiques de pénitence et de miséricorde, a défiguré entièrement ce premier verset. Le mot chanan signifie proprement « être agréable » ou « faire une grâce. » Daoud emploie ce mot à dessein : en toute occasion, il se donne pour le favori de Jehouh, et l’Écriture l’appelle l’homme selon le cœur de Dieu. On sent de quel poids une si haute recommandation devait être pour lui auprès du peuple.

La conception théologique du péché, et notamment du péché originel, qui ne fut complétement élaborée que bien des siècles après Daoud, devient pour la Vulgate une autre cause d’inexactitude. Daoud, pour peindre son crime, emploie tous les synonymes que lui fournit sa langue : phéschâ, « transgression, révolte, prévarication ; action d’un homme qui se met au-dessus dela loi ; » don, « action qui vient d’un cœur perverti; » chattab, « déviation, aberration, écart. » Cette recherche affectée de Daoud a pour objet beaucoup moins de peindre ses remords que de se faire plaindre en se rendant intéressant. C’est Tartufe qui se jette aux pieds d’Orgon et qui s’écrie :

Oui, mon frère, je suis un ingrat, un pervers, 
Le plus grand scélérat qui soit dans l’univers.

La situation est la même dans la Bible et dans Molière. Daoud est ce pénitent hypocrite, plus occupé d’échapper à la vengeance des hommes que de conjurer la colère de Dieu ; sous le mirage de la théologie, les chrétiens ont presque fait de lui un ascète.

2. Sans cesse lave-moi de ma corruption, 

Et de mon erreur purifle-moi.

3. Car ma prévarication je connais, 

Et mon crime est devant moi toujours.

4. A toi seul j’ai failli, et le mal à tes yeux j’ai fait; 

Aussi tu seras justifié dans ton discours, et sanctifié lors du jugement.

Ce dernier verset n’a été parfaitement compris de personne. Bossuet y joint ce commentaire : Nam cæteros homines scilicet celavi peccatum meum. Comme si Daoud eût dit à Dieu : « Je n’ai péché qu’en ta présence, puisque je me cachais à tous les regards; » ce qui produit un sens faux et absurde. Daoud, oint ou messie des Hébreux, mais adultère et meurtrier, exposé par conséquent à la vengeance de la famille d’’Urie, qui, selon l’usage, devait rechercher dans l’assassin le sang de la victime; Daoud se couvre de son inviolabilité royale, et déclare qu’il n’est justiciable que de Dieu. Ainsi la question posée par la Convention lors du jugement de Louis XVI, si l’inviolabilité de la personne royale s’étend au delà des actes politiques, et si elle couvre les crimes privés du roi, cette question est résolue par Daoud affirmativement.

Pendant toute sa vie, sa politique constante fut d’inculquer aux autres le principe de cette absurde inviolabilité. Une fois, pendant ses courses, il rencontre Saül endormi, Saül son rival et son ennemi mortel : il se contente de lui couper le coin de, son manteau, puis il s’effraie d’avoir osé porter la main sur l’oint du Seigneur. Il fait punir de mort celui qui se vante à lui d’avoir tué ce même Saül : mais ne poussant pas aussi loin qu’on j’a fait de nos jours le respect du sang princier, une fois délivré de son compétiteur, il se fait demander par une députation de Gabaonites, et comme mesure de sécurité publique, l’extermination de la famille de Saül. Ce fut tout le fruit de sa tendre amitié pour Jonathas.

La seconde moitié du verset 4 développe le sens que j’attribue à la première : Daoud est coupable devant Jehouh : aussi il n’entreprend pas de contester avec lui. Il sait bien qu’il succomberait dans cette lutte : Être justifié dans son discours et sanctifié dans le jugement, c’est faire adopter ses conclusions par le tribunal et obtenir gain de cause. C’était le moins que le monarque homicide s’humiliât devant un adversaire comme Jehouh.

5. Voilà : dans la mollesse j’ai été engendré,
Et dans la lubricité m’a conçu ma mère.

C’est encore ce que disent les bonnes femmes d’un mauvais garnement maudit dès le ventre de sa mère. Ce verset a toujours été cité en preuve du péché originel, auquel, assurément, Daoud ne songeait pas. Sa pensée est celle d’Ulysse et d’Agamemnon :

Je suis homme, Seigneur, et faible comme un autre;

et c’est en considération de cette Taiblesse de nature que Daoud demande grâce; il ne théologise pas. Aussi la paraphrase du père de Carrières est-elle d’un ridicule achevé : Mais ce péché avec lequel je suis né ne me rend pas excusable de celui que j’ai commis… Eh! sans doute; aussi Daoud n’avait garde de dire une telle platitude.

Le verbe hébreu chotel, que j’ai traduit, avec la Vulgate, « engendrer» signifie, à proprement parler, « percer », et au figuré, « corrompre, gâter, profaner » ; à peu près comme on diten français « percé à jour » d’une chose qui se gâte ou se détruit, ou d’un homme qui se ruine.

Ma mère m’a conçu, en hébreu iechematat, littéralement : concaluit me. Cham, radical du mot, est la chaleur, le rut. Aon, que je traduis lasciveté, est dérivé, suivant Buxtorf, de avah, « se tortiller, se tordre ». Ceux qui ont vula Bacchante de Clésinger comprendront la métaphore. Est-il surprenant, dit Daoud, que je sois libertin ? ma mère était si polissonne!.. Cette énergie de style, que nous ne supporterions pas aujourd’hui, ne choquait pas les hommes de l’âge héroïque. Daoud l’emploie à dessein ; et il faut convenir qu’elle était parfaitement appropriée à la circonstance.

6. Voilà : la vérité tu aimes, dans mes entrailles et ma poitrine 

La sincérité tu as fait descendre.

En d’autres termes : « Puisqu’il faut tout avouer, et que c’est toi qui as formé ma conscience… » Daoud est si humble, si loin de prétendre se justifier, qu’après s’être déclaré pécheur, criminel, corrompu, souillé dès le ventre de sa mère, il ne songe pas même à se faire un mérite de sa sincérité, C’est Dieu qui lui a appris à dire la vérité, comme à discerner le bien et le mal. Il prévoyait que le peuple ne résisterait pas à cet effort d’humilité et de repentance, et connaissait l’efficacité d’un bon peccavi, surtout quand un roi le prononce et que le peuple en est témoin. La Fontaine a rendu la mème pensée dans sa fable des Animaux malades de la peste. Après que le Lion s’est accusé,

Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi…

Quand les grands coupables se confessent, gare les petits!

7. Purifie-moi avec l’hysope, et je serai net; 

Lave-moi, et plus que la neige je blanchirai.

Dans le cérémonial de la purification de la lèpre, on arrosait le malade avec une branche d’hysope, trempée dans une eau où l’on avait fait couler le sang d’un passereau. Cette cérémonie était-elle seulement emblématique, ou bien lui attribuait-on quelque vertu médicale? C’est ce qu’on ne saurait dire : dans tous les temps, on a vu des personnes guérissant par des procédés secrets, et rien n’empêche de croire que cette branche d’industrie ait été exploitée par les lévites. Dans le psaume _cxxxi_, Jéhouh dit formellement : Je communiquerai aux prêtres une vertu curative.

Telle est, du reste, la suite des idées de notre royal pénitent : « Je suis né pollu, j’ai été conçu dans l’impureté ; je suis plus immonde qu’un lépreux, mais que Dieu me pardonne, et, par sous-entendu, que le prêtre me purifie, et je serai pur et innocent, »

8. Rends à ma prière la gaieté et la joie, 

Et tressailliront mes os brisés.

Je demande la permission de faire sur ce verset deux remarques de philologie pure, afin que le lecteur sente combien sont nécessairement triviales et imparfaites les traductions des langues anciennes en langues modernes, quel genre de beautés peut se rencontrer dans les poésies hébraïques, imperceptibles pour nous, et quel tour d’esprit est nécessaire pour bien démêler le sens des écritures juives.

Psalm l is titled: To the master cantor, symphony by Daoud. This title indicates that the piece in question was sent to the chief of the cantors who served at the tabernacle, and that it was performed there publicly, and with great pomp, before being transmitted to the synagogues. In those days, whoever offered a sacrifice, either expiatory or votive, could have his prayer sung by the Levite musicians, just as we have solemn masses celebrated for marriage or death. What follows, when Nathan the prophet came to him, when he approached Bathsheba, is an edition probably made after the fact: Daoud’s contemporaries had no use for this gloss.

I translate as literally as possible, marking the parallelism of each couplet:

1. Pardon me, O my God, according to your mercy; 

And according to your infinite tenderness, erase my prevarication.

The author of the Vulgate, preoccupied with theological ideas of penance and mercy, has entirely defaced this first verse. The word chanan properly means “to be agreeable” or “to do a favor.” Daoud uses this word deliberately: on all occasions he presents himself as the favorite of Jehouh, and Scripture calls him the man after the heart of God. We feel what the weight of such a high recommendation must have been for him in the eyes of the people.

The theological conception of sin, and in particular of original sin, which was not completely elaborated until many centuries after Daoud, becomes for the Vulgate another cause of inaccuracy. Daoud, to depict his crime, uses all the synonyms his language provides him with: pheschâ, “transgression, revolt, prevarication; action of a man who puts himself above the law; don, “action which comes from a perverted heart; » chattab, « deviation, aberration, deviation. This affected quest by Daoud has as its object much less to paint his remorse than to make himself feel sorry for by making himself interesting. It is Tartuffe who throws himself at the feet of Orgon and cries out:

Yes, my brother, I am an ingrate, wicked,
The greatest villain in the universe.

The situation is the same in the Bible and in Molière. Daoud is this hypocritical penitent, more concerned with escaping the vengeance of men than with warding off the wrath of God; under the mirage of theology, the Christians have almost made him an ascetic.

2. Cleanse me unceasingly of my corruption, 

And purify me of my error.

3. For my prevarication I know, 


And my crime is before me always.

4. You alone have I failed, and the evil in your eyes I have done; 
 

So you will be justified in your speech, and sanctified in your judgment.

This last verse has not been fully understood by anyone. Bossuet adds this comment: Nam cæteros homines scilicet celavi peccatum meum. As if Daoud had said to God: “I only sinned in your presence, since I hid myself from all eyes; which produces a false and absurd meaning. Daoud, anointed or messiah of the Hebrews, but an adulterer and murderer, consequently exposed to the vengeance of the family of Uriah, who, according to custom, were to seek in the assassin blood for the victim; Daoud covers himself with his royal inviolability, and declares that he is accountable only to God. Thus the question posed by the Convention during the judgment of Louis XVI, if the inviolability of the royal person extends beyond political acts, and if it covers the private crimes of the king, is answered in the affirmative by Daoud.

Throughout his life, his constant policy was to inculcate in others the principle of this absurd inviolability. Once, in his courses, he meets Saul sleeping, Saul his rival and his mortal enemy: he is content to cut off the corner of his coat, then he is frightened at having dared to lay his hand on the anointed of the Lord. He punished with death anyone who boasted to him of having killed this same Saul: but not pushing the respect of princely blood so far as has been done in our day, once delivered from his competitor, he has a deputation of Gibeonites request, and as a measure of public security, the extermination of the family of Saul. It was all the fruit of his tender friendship for Jonathan.

The second half of verse 4 develops the meaning I attribute to the first: Daoud is guilty before Jehouh: so he does not undertake to dispute with him. He knows well that he would succumb in this struggle. To be justified in his speech and sanctified in the judgment is to have his conclusions adopted by the tribunal and to win his case. It was the least that the homicidal monarch would humble himself before an adversary like Jehouh.

5. Behold: in softness I was begotten,

And in lust my mother conceived me.

This is still what good women say of a bad rascal cursed from his mother’s womb. This verse has always been cited as proof of original sin, of which Daoud was certainly not thinking. His thought is that of Odysseus and Agamemnon:

I am a man, Lord, and weak as any another;

and it is in consideration of this lowliness of nature that Daoud asks for mercy; he does not theologize. Also the paraphrase of Father de Carrières is completely ridiculous: But this sin with which I was born does not make excusable of the one I committed… Eh! Without a doubt; so Daoud was careful not to speak such a platitude.

The Hebrew verb chotel, which I have translated, with the Vulgate , “to beget” means, properly speaking, “to pierce,” and figuratively, “to corrupt, spoil, profane”; more or less as one says in French “percé à jour” [English: “see right through”] of a thing that is spoiled or is destroyed, or of a man who is ruined.

My mother conceived me, in Hebrew iechematat, literally: concaluit me. Cham, the radical of the word, is heat, rut. Aon, which I translate as lasciveté, lasciviousness, is derived, according to Buxtorf, from avah , “to wind, to twist”. Those who have seen Clésinger’s Bacchante will understand the metaphor. Is it surprising, says Daoud, that I am a libertine? My mother was so lewd! This energy of style, which we couldn’t stand today, didn’t shock the men of the heroic age. Daoud uses it purposely; and it must be admitted that it was perfectly appropriate to the circumstances.

6. There you are: the truth you love, in my entrails and my chest 

The sincerity you have brought down.

In other words: “Since everything must be confessed, and it was you who formed my conscience…” Daoud is so humble, so far from claiming to justify himself, that after declaring himself a sinner, a criminal, corrupted, soiled from the womb of his mother, he does not even dream of making a merit of his sincerity. It is God who taught him to speak the truth, as well as to discern between good and evil. He foresaw that the people would not resist this effort of humility and repentance, and knew the efficacy of a good peccavi, especially when a king utters it and the people witness it. La Fontaine conveyed the same thought in his fable Animals Sick with the Plague. After the Lion accused himself,

Sire, said the fox, you are too good a king…

When the big culprits confess, beware the little ones!

7. Purify me with hyssop, and I will be clean; 

Wash me, and more than the snow I will whiten.

In the ceremonial of the purification of leprosy, one sprinkled the patient with a branch of hyssop, soaked in water in which the blood of a sparrow had been made to flow. Was this ceremony merely emblematic, or was some medical virtue attributed to it? This cannot be said: in all times, people have been seen curing by secret processes, and nothing prevents us from believing that this branch of industry was exploited by the Levites. In the psalm cxxxi, Jehouh says formally: I will communicate to the priests a curative virtue.

Such, moreover, is the continuation of the ideas of our royal penitent: “I was born polluted, I was conceived in impurity; I am filthier than a leper, but may God forgive me, and, by implication, may the priest purify me, and I will be pure and innocent.”

8. Bring gaiety and joy to my prayer, 
 

And my broken bones shall tremble.

I ask permission to make two remarks of pure philology on this verse, so that the reader will feel how necessarily trivial and imperfect the translations from ancient languages into modern languages are, what kind of beauties can be found in Hebrew poetry, imperceptible to us, and what a turn of mind is necessary to properly unravel the meaning of the Jewish scriptures.

Le mot schamach, radical de celui que j’ai traduit par « joie», signifie proprement « briller, luire », d’où, par métaphore, « être dans la joie, se réjouir ». Buxtorf, dans son dictionnaire, prend justement le contrepied : selon lui, c’est «réjouir » qui est le sens propre, et «briller» qui est le métaphorique. M. l’abbé Glaire, dans son lexique, compilé tout entier dans celui de Buxtorf, ne parle pas même de cette dernière acception. Ainsi sont faits les vocabulaires : ou ils méconnaissent la filiation des idées ou ils la mutilent. Le sens primitif de schamach apparaît dans ses co-radicaux : schamaïm, « le ciel, l’empyrée » ; scham-scha, d’où Samson, « le soleil »; scham-ach, « luire, éclater, briller ».

Le poëte, passant des idées de souillure et de crime, analogues dans son esprit à celles d’obscurité et de tristesse, aux idées de biancheur et d’innocence, demande que la joie et la sérénité de l’âme, accompagnement ordinaire de ces dernières, lui soient rendues. Toutes ces choses sont exprimées en quelques mots, non par un artifice de convention poétique ou oratoire, mais par le seul fait de la généralité du sens fondée sur l’analogie des idées, en un mot par la pauvreté même de la langue.

L’autre mot, que j’ai traduit par « gaieté », avec aussi peu d’exactitude que j’ai rendu le premier par «joie », est formé de la même manière; mais il peint le bonheur de l’âme sous un autre point de vue. Ce mot est schaschon, le même que schouschan (dont on a fait Suzanne), et signifie « beauté du lis ». Le radical est schesch, « lis », et aussi « lin » ou « byssus». Cettefleur, à cause de ses six pétales, paraît avoir servi de nom de nombre, hébreu schesch, grec hex, latin et allemand sex. En raison de sa blancheur, elle a aussi donné son nom au marbre, schisch. Enfin, l’éclat si pur, la beauté, l’odeur suave du lis ont donné lieu au verbe schousch, « ètre beau comme le lis », d’où dérive schaschon, intraduisible.

Daoud supplie donc Jehouh d’accomplir en sa personne, par le ministère du prêtre, le miracle de la purification. Et qui osera l’attaquer encore, quand il aura repris l’éclat de la neige, et qu’il brillera comme un lis et un soleil? Quel dommage que la confession ne préserve pas aussi du procureur du roi!

9. Détourne ta face de ma faute, 

Et toute mon impureté lave.

10. Un cœur pur forme en moi, ô Dieu, 

Et une conscience droite renouvelle en mon sein.

11. Ne me rejette pas de ta présence, 

Et ton souffle sacré ne m’enlève pas.

12. Rends-moi la joie de ton secours, 

Et soutiens-moi de pensers généreux.

Daoud tourne daus les mêmes idées, ce qui est essentiellement du style de la complainte. Verset 41, ton souffle, en hébreu rouach : c’est l’inspiration poétique. Daoud est désigné dans la Bible comme le plus grand artiste qui fût en Israël, egregius psaltes in Israël. On a vu combien cette précieuse faculté l’avait, en mainte occasion, servi. Elle avait été la source de sa fortune ; Saül l’avait appelé près de lui, dans l’espoir que les chants du jeune pâtre apporteraient du soulagement à sa mélancolie; et les succès qu’obtint cet Apollon-Esculape avaient été le fondement de sa popularité. Rois, peuples, femmes, tout subit l’influence de la poésie et de la musique; et qu’on se souvienne qu’au temps de Daoud la mélopée tenait lieu, en toute occasion, de diplomatie, de philosophie et d’éloquence. De même que, selon le fabuliste grec, c’est la langue ou Ja parole qui gouverne les hommes par les lois et les délibérations, de même, dans les sociétés primitives, elle les gouverne par les vers, la musique et le chant. Or, chez tous les peuples de l’antiquité, le talent poétique a été attribué à une inspiration divine, que les Grecs personnifièrent sous le nom de Muse. Daoud, poëte, prie donc Jehouh de l’inspirer toujours. Ce n’est pas d’aujourd’hui, comme on le voit, que le vice et la bassesse d’âme sont regardés comme la mort du génie. La Vulgate, elle, avec son intelligence ordinaire, n’a vu dans le souffle sacré, rouach kadosch, dont parle Daoud, que le Saint-Esprit.

13. Je stimulerai les mécréants dans tes voies, 

Et les impies vers toi se tourneront.

Effet du transport lyrique! Daoud, encore chaud de meurtre et d’adultère, fait vœu à Dieu de travailler à la conversion des infidèles.

Le sacerdoce, chez les Juifs, rencontra toujours une opposition puissante, qui se manifestait d’ordinaire par la désertion du culte national et l’introduction des cultes étrangers. Le peuple hébreu entendait salarier ses prêtres; mais il voulait qu’ils le servissent à son gré : les prêtres, de leur côté, prétendaient que le salaire qui leur était alloué n’était qu’une indemnité de la portion de territoire dont ils auraient dû jouir, et aspiraient à la direction de l’État. Le là un parti d’indépendants, d’impies, dont la résistance au parti bigot divisa la nation en deux monarchies, et finit par amener la ruine des deux gouvernements. Daoud, soit habileté plus grande de sa part, soit que les circonstances lui fussent moins difficiles, sut toujours, en flattant la caste sacerdotale, la faire servir d’instrument à ses vues. Il comprit que le sacerdoce et le trône étaient solidaires, et, tout en restant maître absolu, travailla de toutes ses forces à consolider l’unité religieuse.

Je conserve son sens propre au verbe alamdah, « j’aiguillonnerai » (que la Vulgate rend par docebo, « j’enseignerai »), à cause de ce qui suit, dans tes voies. Le radical de ce verbe est lamed, « pointe » ou « aiguillon », d’où l’on forme thalmoud, « discipline ».

14. Sauve-mol des sangs, Dieu, mon Dieu, mon Sauveur : 

Ma langue chantera ta bonté.

Des sangs, c’est-à-dire la vendetta,

15. Maître, ouvre mes lèvres, 

Et ma bouche dira ta louange :

16. Car tu ne voudrais pas de victime; 

Et si j’offrais un sacrifice, tu le rejetterais.

17. Le sacrifice de Dieu est un esprit brisés 

Un cœur crevé et broyé, Dieu, ne méprise pas.

La pensée contenue dans ce vers est la seule morale de la pièce. Madame de Sévigné aurait écrit, après le verset 47, _Maxime_. Mais, de la part de Daoud, l’excuse de ne pouvoir offrir de sacrifice à Jehouh, jusqu’à ce qu’il ait obtenu son pardon, était un outrage de plus à la morale publique, et mettait le comble à son hypocrisie. La première chose qu’aurait faite un bomme vraiment repentant eût été de renvoyer Bethsabée, d’honorer la mémoire d’Urie, et de profiter de la loi du Tévirot pour susciter à ce guerrier fidèle un héritier de son nom, en faisant épouser Bethsabée par quelqu’un de sa famille. Daoud, en s’avouant coupable, ne cherche que l’impunité, et, en attendant, jouit de son crime.

The word schamach, root of the one I translated as “joy”, properly means “to shine, to glow”, whence, by metaphor, “to experience joy, to rejoice.” Buxtorf, in his dictionary, takes precisely the opposite view: according to him, it is “to rejoice” that is the proper meaning, and “to shine” that is the metaphorical one. Father Glaire, in his lexicon, compiled entirely from that of Buxtorf, does not even speak of this last meaning. This is how vocabularies are made: either they misunderstand the filiation of ideas or they mutilate it. The primitive meaning of schamach appears in its co-radicals: schamaïm, “the sky, the empyrean”; scham-scha, hence Samson, “the sun”; scham-ach, “glow, burst, shine”.

The poet, passing from the ideas of defilement and crime, analogous in his mind to those of obscurity and sadness, to the ideas of whiteness and innocence, asks that the joy and serenity of the soul, the ordinary accompaniment of these last, be returned to him. All these things are expressed in a few words, not by an artifice of poetic or oratorical convention, but by the sole fact of the generality of the meaning founded on the analogy of ideas, in a word by the very poverty of the language.

The other word, which I have translated “gaiety,” with as little exactness as I have rendered the first “joy,” is formed in the same way; but he paints the happiness of the soul from another point of view. This word is schaschon, the same as schouschan (which we made Suzanne), and means “beauty of the lily.” The stem is schesch, “lis”, lily and also “lin” or “byssus,” flax or linen. This flower, because of its six petals, seems to have served as a name of number, Hebrew schesch, Greek hex, Latin and German sex. Because of its whiteness, it also gave its name to marble, schisch. Finally, the brilliance so pure, the beauty, the sweet smell of the lily gave rise to the verb schousch, “to be beautiful like the lily,” from which derives schaschon, untranslatable.

Daoud therefore begs Jehouh to accomplish in his person, through the ministry of the priest, the miracle of purification. And who will dare to attack it again, when it has resumed the brilliance of the snow, and when it shines like a lily and a sun? What a pity that the confession does not also protect from the king’s prosecutor!

9. Turn your face away from my fault, 
 

And all my impurity washes away.

10. A pure heart forms in me, oh God, 
 

And a righteous conscience renews within me.

11. Do not cast me out of your presence, 
 

And let your sacred breath not take me away.

12. Give me back the joy of your help, 
 

And sustain me in generous thoughts.

Daoud revolves around the same ideas, which is essentially in the style of a lament. Verse 41, your breath, in Hebrew rouach: it is poetic inspiration. Daoud is designated in the Bible as the greatest artist who was in Israel, egregius psaltes in Israel. We have seen how well this precious faculty had served him on many occasions. It had been the source of his fortune; Saul had called him to his side, in the hope that the songs of the young herdsman would bring relief to his melancholy; and the successes obtained by this Apollo-Aesculapius had been the foundation of his popularity. Kings, peoples, women, all are influenced by poetry and music; and let it be remembered that in Daoud’s time the song took the place, on all occasions, of diplomacy, philosophy and eloquence. Just as, according to the Greek fabulist, it is the tongue or the word that governs men by laws and deliberations, so, in primitive societies, it governs them by verse, music and song. Now, among all the peoples of antiquity, the poetic talent was attributed to a divine inspiration, which the Greeks personified under the name of Muse. Daoud, poet, therefore prays to Jehouh to always inspire him. It is not just today, as we see, that vice and baseness of soul are regarded as the death of genius. The Vulgate, with its ordinary intelligence, saw in the sacred breath, rouach kadosch, of which Daoud speaks, only the Holy Spirit.

13. I will stimulate the disbelievers into your ways, 
 

And the ungodly will turn to you.

Effect of lyrical transport! Daoud, still hot with murder and adultery, makes a vow to God to work for the conversion of the infidels.

The priesthood among the Jews always met with powerful opposition, which usually manifested itself in the desertion of the national worship and the introduction of foreign worship. The Hebrew people intended to pay their priests; but they wanted them to serve them as they pleased: the priests, on their side, claimed that the salary allotted to them was only an indemnity for the portion of territory that they should have enjoyed, and aspired to the direction of State. There a party of independents, impious, whose resistance to the bigoted party divided the nation into two monarchies, and ended by bringing about the ruin of the two governments. Daoud, either through greater skill on his part, or because circumstances were less difficult for him, always knew how, by flattering the sacerdotal caste, to make it serve as an instrument for his views.

I retain its proper meaning to the verb alamdah, “I will goad” (which the Vulgate renders as docebo , “I will teach”), because of what follows, in thy ways. The radical of this verb is lamed, “to point” or “to spur”, from which is formed thalmoud, “discipline.”

14. Save me from the bloods, God, my God, my Saviour: 
 

My tongue will sing of your goodness.

From bloods, which is to say of vendetta,

15. Master, open my lips, 
 

And my mouth will speak your praise:

16. For you would not want a victim; 
 

And if I offered a sacrifice, you would reject it.

17. God’s sacrifice is a broken spirit 
 

A broken and crushed heart, God, do not despise.

The thought contained in this verse is the only moral of the piece. Madame de Sévigné would have written, after verse 47, Maxim. But, on the part of Daoud, the excuse of not being able to offer a sacrifice to Jehouh, until he had obtained his pardon, was one more outrage to public morals, and topped off his hypocrisy. The first thing a truly repentant man would have done would have been to dismiss Bathsheba, honor the memory of Uriah, and take advantage of the law of Tevirot to raise up for this faithful warrior an heir of his name, by marrying Bathsheba by someone in his family. Daoud, in confessing his guilt, seeks only impunity, and, in the meantime, enjoys his crime.

Sacrifice de Dieu est une forme de superlatif bien connue, et qui désigne le plus grand, le plus efficace des sacrifices. Cœur crevé : le radical schebz signifie « fracture, dislocation, rupture ». Je rapporte cette étymologie pour montrer combien, à mille lieues et mille ans de distance, la même idée a produit la même métaphore : les Hébreux disaient un cœur crevé au passif, comme nous disons à l’actif un crève-cœur. La Vulgate porte cor contritum, « broyé, moulu » : ce mot confritum est l’original de la contrition et de l’attrition.

18. Rends heureuse, s’il te plaît, Sion; 
 Bâtis les murs de Jérusalem.

Certains commentateurs ont pensé que ce verset, ainsi que le suivant, avaient été ajoutés au psaume L, après le retour de la captivité de Babylone : ils se fondent sur ce qu’à l’époque où Daoud chanta se pénitence, Jérusalem était fortifiée et n’avait pas besoin de murailles. C’est mêler beaucoup d’érudition à peu de jugement. Daoud pouvait-il mieux terminer une ode qui lui était toute personnelle que par une sorte de bénédiction sur la ville et le peuple? D’ailleurs, bien que le mur d’enceinte ait été commencé longtemps avant le meurtre d’Urie, rien ne prouve que ce mur ait été pour lors achevé. On sait ce que coûtent les fortifications d’une capitale. En rappelant cette circonstance de son règne, glorieuse pour lui et agréable au peuple, en priant Jebouh de conduire l’entreprise à bonne fin, Daoud s’engageait par là même indirectement. Car il ne faut pas oublier que, dans les convenances de la Bible, Dieu seul fait tout, l’homme ne parait jamais.

Le psaume cxxxi est une sorte de pétition en vers, présentée à Salomon par les prêtres, pour demander un temple : ce ne sont pas les prêtres qui postulent; c’est Jehoub qui réclame l’exécution d’une promesse de Daoud.

Il convient aux prêtres que ce temple s’élève à Jérusalem ; c’est Jehoub qui a choisi Sion.

Dix tribus se séparent de Judas : c’est Jehoub qui, pour punir l’infidélité de Salomon, a divisé Israël.

Roboam, roi de Juda, oppose son droit de succession aux révoltes d’Épbraïm : c’est Jehouh qui l’a sacré roi, et qui lui commande d’user coutre eux du droit royal.

Ce principe domine toute la Bible : Daoud a commencé à élever des forts, c’est Jehoub qui les achèvara. Jehouh est une entité de convention par laquelle on désigne la cause universelle que chacun croit sentir en lui-même et découvrir dans les mouvements de la société, comme dans les phénomènes de la nature.

19. Alors tu accepterss les sacrifices justes, l’holocauste et le gâteau; 
 Alors on mettra des fruits sur ton autel.

Les sacrifices justes sont les sacrifices selon le rite solennel ; on les trouve énumérés dans le même distique, l’holocauste, le gâteau de farine et de miel, les fruits. La Vulgate porte un sacrifice de justice, ce que le le père de Carrières explique par « les bonnes œuvres », ce qui n’a pas le sens commun.

Ce verset forme le complément des trois qui précèdent. Pour offrir les sacrifices que Dieu agrée, il faut une conscience pure et une âme innocente: c’est ce que Daoud implore , avec le soin de ses jours et la prospérité de l’État. Mais, sa prière exaucée, il reviendra au culte, il offrira des gâteaux et des victimes. Ainsi, après avoir caressé le sentiment national en parlant des remparts de la ville, il flatte l’orgueil du clergé, en promettant de propager le culte de Jehouh et de faire fleurir le sacerdoce lévitique. Un tel homme ne pouvait manquer de rentrer en grâce, et c’est aussi ce qui arriva. Une nouvelle conquête, non moins agréable au peuple, fut le prix dont il racheta son crime. La prise de Rabba, capitale des Ammonites, à laquelle Daoud assiste en personne, fit oublier le fâcheux éclat de sa fringale amoureuse. Ainsi Napoléon rachetait le 18 brumaire en gagnant la bataille de Marengo. Dix ans d’une paix profonde suivirent le mariage de Daoud et de Bethsabée. Paris vaut bien une messe, pensait Henri IV; Daoud disait de même : Une couronne vaut bien un Confiteor.

Cependant la mort d’Urie criait vengeance. Dans les idées de l’époque, rien que du sang ne pouvait payer le sang; et tout sacré, tout confessé qu’il était, Daoud ne se sentait pas en sûreté. Pour apaiser la haine, pour satisfaire à l’opinion et à la morale publique, il fallut un nouveau crime; et cette fois encore, tout fut mis sur le compte de Jehouh.

Un prophète — remarquons ceci — les prophètes, ces saints personnages, ne répugnaient pas à entrer dans de pareilles intrigues ; un prophète, dis-je —ce fut encore Nathan — annonça, de la part de Dieu, que le roi ne périrait pas, mais que sa peine serait transportée à un autre, et que l’enfant qui naîtrait de l’adultère de Bethsabée périrait. Condamné, dès le ventre de sa mère, en expiation du crime de celui qui avait dit de lui-même : « souillé dès le ventre de ma mère » : quelle compensation! Daoud gémit, pleura, jeûna, se couvrit de cendres, cria à Dieu, fit grand bruit de sa douleur : il était dur pour un amant, pour un père, de livrer à la mort l’innocente créature. Jehouh, pour mieux dire, la raison d’État, fut inexorable. Jehouh, dit le texte, frappa l’enfant qui, né viable et vigoureux, mourut au bout de sept jours, d’un mal inconnu.

Le sacrifice consommé, Daoud quitta le deuil, et après tant de gémissements et de pleurs, parut sitôt avoir séché ses larmes, que toute sa maison en fut dans l’ébahissement. C’est alors qu’il laissa échapper ce mot, d’une dissimulation profonde : « J’ai pleuré, j’ai jeûné pendant la vie de l’enfant, espérant que Dieu me le donnerait. A présent qu’il est mort, à quoi me servirait de jeûner ? Je ne le ressusciterai pas! » Puis il prit soin de consoler la mère, la pauvre Bethsabée , de la perte de son premier-né. L’Écriture a soin de rappeler cetie circonstadve : Et consolatus est David Bethsabee uxorem suam, et ingressus ad eam, dormivit cum eâ. L’année suivante, elle mit au monde un second fils, que Daoud nomma Jedidiah, c’est-à-dire « Aimé de Jehouh ». Ce fut Salomon. Quel excellent cœur que ce Daoud!

Sacrifice of God is a well-known form of superlative, which designates the greatest, most effective of sacrifices. Broken heart: the radical schebz means “fracture, dislocation, rupture.” I report this etymology in order to show how, a thousand leagues and a thousand years away, the same idea produced the same metaphor: the Hebrews said a broken heart in the passive, as we say in the active someone is heartbroken. The Vulgate contains cor contritum, “crushed, ground”: this word contritum is the original of contrition and attrition.

18. Make happy, please, Zion;
Build the walls of Jerusalem.

Some commentators have thought that this verse, as well as the following one, had been added to Psalm l after the return from the captivity of Babylon: they are based on the fact that at the time when Daoud sang his penance, Jerusalem was fortified and did not need walls. It is mixing a lot of erudition with little judgment. Could Daoud better end an ode which was entirely personal to him than with a kind of benediction on the city and the people? Besides, although the perimeter wall was started long before Uriah’s murder, there is no evidence that this wall was then completed. We know what the fortifications of a capital cost. By recalling this circumstance of his reign, glorious for him and agreeable to the people, by begging Jebouh to bring the enterprise to a successful conclusion, Daoud thereby committed himself indirectly.

Psalm cxxxi is a kind of petition in verse, presented to Solomon by the priests, to ask for a temple: it is not the priests who apply; it is Jehouh who demands the execution of a promise of Daoud.

It suits the priests that this temple should stand in Jerusalem; Jehouh chose Zion.

Ten tribes separated from Judas: it was Jehouh who, to punish Solomon’s infidelity, divided Israel.

Rehoboam, king of Judah, opposes his right of succession to the revolts of Ephraim: it is Jehouh who crowned him king, and who commands him to use royal right against them.

This principle dominates the entire Bible: Daoud began to build forts, it was Jehouh who completed them. Jehouh is a conventional entity by which we designate the universal cause that everyone believes they feel in themselves and discover in the movements of society, as in the phenomena of nature.

19. Then you will accept the righteous sacrifices, the burnt offering and the cake;
Then we will put fruit on your altar.

The just sacrifices are the sacrifices according to the solemn rite; they are found listed in the same couplet, the holocaust or burnt offering, the cake of flour and honey, the fruits. The Vulgate contains a sacrifice of justice, which Father de Carrières explains by “good works,” which does not conform with common sense.

This verse forms the complement of the three preceding ones. To offer the sacrifices that God accepts, one needs a pure conscience and an innocent soul: this is what Daoud implores, with the care of his days and the prosperity of the State. But, his prayer answered, he will return to worship, he will offer cakes and victims. Thus, after having caressed the national feeling by speaking of the ramparts of the city, he flattered the pride of the clergy, by promising to propagate the cult of Jehouh and to make the Levitical priesthood flourish. Such a man could not fail to return to favor, and this is also what happened. A new conquest, no less agreeable to the people, was the price with which he redeemed his crime. The capture of Rabba, capital of the Ammonites, which Daoud witnessed in person, made them forget the unfortunate outburst of his amorous cravings. Thus was Napoleon redeemed on 18 Brumaire by winning the Battle of Marengo. Ten years of profound peace followed the marriage of Daoud and Bathsheba. Paris is well worth a mass, thought Henri IV; Daoud said the same: A crown is worth a Confiteor.

However, Uriah’s death cried out for vengeance. In the ideas of the time, nothing but blood could pay for blood; and sacred, confessed as he was, Daoud did not feel safe. To appease hatred, to satisfy public opinion and morality, a new crime was necessary; and this time again, everything was blamed on Jehouh.

A prophet—and let us remark this—the prophets, these holy personages, were not averse to entering into such intrigues; a prophet, I say—it was Nathan again—announced, on behalf of God, that the king would not perish, but that his sentence would be transferred to another, and that the child who would be born from the adultery of Bathsheba would perish. Condemned, from his mother’s womb, in expiation of the crime of him who had said of himself: “defiled from my mother’s womb:” what compensation! Daoud groaned, wept, fasted, covered himself with ashes, cried out to God, made a great noise in his pain: it was hard for a lover, for a father, to deliver the innocent creature to death. Jehouh, or to put it better, the reason of state, was inexorable. Jehouh, says the text, struck the child who, born viable and vigorous, died after seven days, of an unknown illness.

The sacrifice consummated, Daoud left off mourning, and after so many groans and tears, seemed as soon as to have dried his tears, that all his household was amazed. It was then that he let out this word, in deep dissimulation: “I wept, I fasted during the child’s life, hoping that God would give it to me.” Now that he is dead, what would be the use of fasting? I will not resuscitate him! Then he took care to console the mother, poor Bathsheba, for the loss of her firstborn. Scripture is careful to recall this circumstance: Et consolatus est David Bethsabee uxorem suam, et ingressus ad eam, dormivit cum eâ. The following year, she gave birth to a second son, whom Daoud named Jedidiah, that is to say “Beloved of Jehouh”. It was Solomon. What an excellent heart that Daoud had!

Le peuple, toutefois, n’oublie pas sitôt cette tragédie. Lorsque Absalom, révolté contre son père, viola publiquement ses concubines, il courut une prophétie qu’on prétendait avoir été faite par Nathan, après l’adultère de Daoud : « Parce que tu as fait cela, aurait dit Jehouh, je susciterai le mal dans ta maison; je prendrai tes femmes et les donnerai à ton rival, et il en jouira à la face du soleil, Tu l’as fait dans le secret, et moi je le ferai aux yeux du peuple. » Et telle était encore la réprobation générale, que Daoud, après la défaite et la mort d’Absalom, qui avait entraîné, dit la Bible, tout le peuple dans sa révolte, crut devoir paraître encore plus affligé de la mort de son fils que satisfait de sa victoire. Enfermé dans sa chambre, pleurant et se lamentant , il ne voulait voir personne. « Absalom, ô mon fils! ô mon fils Absalom! crlait-il, que ne puis-je donner ma vie pour toi! » Cette douleur était peu sincère. Aussi, quand Daoud, préparant au lit de mort ses vengeances posthumes, charges son successeur de punir Joab, meurtrier d’Abner et d’Amoss, il ne parla point de son fils Absalom.

Quelques années plus tard, une peste étant survenue, le peuple, toujours en méfiance de Daoud, l’accuse d’avoir attiré ce fléau. Ce n’est plus, il est vrai, l’assassinat d’Urie qu’on lui reproche, c’est d’avoir opéré le dénombrement du peuple. Les commentateurs sont fort en peine de dire ce que pouvait avoir en soi de si criminel un dénombrement.

A force de s’ingénier, ils découvrent que Daoud s’était conduit en cette circonstance par un mouvement de vanité. On n’a pas vu que ce dénombrement des personnes n’était autre qu’un recensement des biens et des fortunes, et qu’il emportait avec lui la régularité et la perpétuité de l’impôt. C’était l’organisation de ce droit royal, dont Samuel avait menacé le peuple, et pour ainsi dire la prise de possession, par la dynastie, des biens et de la liberté des citoyens.

La peste donc étant survenue à la suite du recensement, le peuple accusa le roi de cette nouvelle calamité, sans doute en vertu du principe qu’un malheur n’arrive jamais seul. Daoud, anticipation de Codrus, de Curtius, d’Eustache de Saint-Pierre, n’hésite pas; il se dévoue pour le salut du peuple, mais à la façon d’Escobar, par une direction d’intention. Voici le bruit qui courut.

Un voyant est venu le trouver, et lui a dit, de la part de Jehouh : « Je te donne le choix de trois choses : la famine pendant sept ans, la guerre avec la défaite pendant trois mois, la peste pendant trois jours. »

David a fait cette réponse magnanime : « Si je demande la famine, ou si je donne la préférence à la guerre, je suis roi, je ne m’expose pas : je choisis la peste, aimant mieux m’abandonner à Dieu qu’aux hommes. » La peste était donc venue; et pendant qu’elle sévissait, Daoud apercevait l’ange exterminateur, tenant le glaive baissé sur la Palestine; et lui, la face contre terre, il criait à Jehouh : « C’est moi qui suis coupable, moi le pasteur du peuple; qu’ont-elles fait ces pauvres brebis? Appesantis ta main sur moi et sur la maison de mon père. » Le peuple d’Israël tint compte à David de sa bonne volonté, et l’Église catholique lit encore aujourd’hui cette histoire, à l’Epître, dans les messes pro evitanda mortalitate.

Éclairé par tant de catastrophes, et sentant combien fragiles encore étaient les fondements de sa dynastie, Daoud saisit la première occasion de prendre sa revanche. Une disette survint dans le canton de Gabaon. Aussitôt des émissaires répandent le bruit que c’est Saül et sa race, cette race de sang, qui attire le fléau , et que la colère céleste demande une expiation. Gabaon ne faisait point partie d’Israël : c’était une ville des Amorrhéens, que Saül avait prise d’assaut, et dont il avait, par représailles, massacré les habitants. Mais on prétendit qu’il l’avait fait malgré la foi jurée; et, bien que la loi de Moïse ordonnât l’extermination de ces peuples, et couvrit par conséquent la vengeance de Saül, une telle perfidie devait être expiée. « Que puis-je faire pour vous? » dit Daoud aux Gabaonites. « Nous voulons, répondirent-ils, que les descendants de Suül soient crucifiés jusqu’au dernier. — J’y consens , reprit Daoud. » Et la postérité de Saül périt sur la croix. On n’épargna qu’un fils de Jonathas, boiteux de naissance, et dont l’infirmité ne faisait qu’ajouter le ridicule à l’épouvantable destruction de l’ancienne famille royale. Joindre l’outrage à la cruauté, c’est le régal des despotes.

Telle fut la pénitence de Daoud, le roi des prêtres, l’homme selon le cœur de Dieu. Quant à son imprudente complice, son repentir fut plus sincère, surtout plus humble. Bethsabée, devenue sultane, eut le temps de méditer le reste de ses jours sur ce que valent les caresses d’un roi voluptueux : témoin des galanteries impuissantes de Daoud décrépit, que de fois elle dut regretter l’amour profond et chaste du héros qu’elle avait trahi! Mais alors, comme aujourd’hui, comme toujours, les femmes, dans l’éclat de la jeunesse, ne pouvaient comprendre que l’amour est une forme du sacrifice, et que celui-là aime le plus qui, par devoir, est capable de s’abstenir davantage. L’exemple de Bethsabée prouve, entre mille, qu’avant d’émanciper la femme, il faut lui donner le sens moral. Douée elle-même des plus riches dons de l’esprit, dans la pièce que la Bible nous a conservée, elle ne célèbre de son sexe que les vertus domestiques, et donne la palme à l’économie, à la vigilance, au travail. Bossuet ne se lassait pas d’admirer le portrait que Bethsabée, désabusée des voluptés et de la mollesse, a tracé de la femme forte. Il observait, avec une haute raison, par cette omission, qu’une femme de cœur ne se fait point un titre de gloire d’une pareille vertu. Attende hic, non memorari, pudicitiam, quâ carere probro, ornari pudens mulier haud magnœ laudi ducit. Il aurait pu dire, avec non moins de raison peutêtre, que Bethsabée avait décrit la chasteté agissante, ne se croyant plus le droit d’en prononcer le nom : et c’est en quoi je trouve que toute femme-auteur devrait limiter.

Jadis on récitait dans les cloîtres, les jours spécialement consacrés à la pénitence, le psaume Miserere. Tous les frères, à genoux, le regard baissé, les épaules découvertes, la main armée de la terrible discipline, répétaient à l’unisson les versets de l’ode pénitencière, et punissaïent dans leur chair les crimes du genre humain. Les coups alternaient avec les paroles et retentissaient dans les sombres salles : le sang ruisselant jusqu’à terre témoignait du zèle des fervents.

Aucune prière venue des Juifs n’est d’un plus fréquent usage que le Miserere. C’est par excellence le chant du carême. On le récite à voix basse, pendant ces lugubres offices de la semaine sainte, que leur tristesse a fait nommer ténèbres; et naguère cette récitation était suivie d’un grand bruit de portes fermées, de chaises renversées, de corps sur les dalles, comme pour rappeler le deuil de la nature au crucifiement de Jésus-Christ. Ainsi s’établissent les institutions religieuses : amalgame de traditions incomprises, de pièces décousues et de sens détournés. Il n’y a pas jusqu’à la durée du carême qui ne se rapporte à une superstition cabalistique sur les nombres. D’après l’Ancien Testament, les pluies du déluge durèrent quarante jours; Moïse resta sur le Sinaï quarante jours ; les Israélites errèrent dans le désert pendant quarante ans; Élie passa dans la solitude quarante jours; les Ninivites firent pénitence durant quarante jours : — donc la retraite de Jésus-Christ devait aussi durer quarante jours, et il devait monter au ciel quarante jours après sa résurrection. L’ancien Orient fournit l’idée d’expiation, David les paroles, la légende le nombre : l’Évangile est le point où viennent se fondre les éléments, et tous les ans nous avons le carême.

Aux dimanches ordinaires, pendant environ les trois quarts de l’année, le Miserere sert d’introït, ou, comme qui dirait, d’entrée à la messe. Le célébrant, avant de faire l’aspersion lustrale, cérémonie conservée du rituel païen (chez les Juifs l’aspersion se faisait avec du sang), entonne le septième verset, Asperges me ; le chœur achève l’antienne, et tout le peuple répond : Miserere. Les uns ni les autres ne savent ce qu’ils disent : n’est-il pas temps de le leur apprendre ?

Que chantions-nous, en 1826, pendant la procession du jubilé, lorsque paroisses, séminaires, collèges, allaient pendant cinq jours adorer la croix ? le Miserere. Ce chef-d’œuvre d’astuce et d’hypocrisie, servant, après vingt-cinq siècles, d’expression au repentir et de chant de pénitence, est la plus grande moquerie de l’histoire. Il semble que la Providence a permis cette odieuse mystification pour confondre la conscience humaine, menteuse et scélérate jusque dans ses expiations et ses remords.

The people, however, do not soon forget this tragedy. When Absalom, in revolt against his father, publicly raped his concubines, a prophecy circulated that was claimed to have been made by Nathan, after Daoud’s adultery: “Because you have done this, Jehouh would have said, I will stir up evil in your house; I will take your wives and give them to your rival, and he will enjoy them under the face of the sun. You did it in secret, and I will do it under the eyes of the people.” And such was still the general reprobation that Daoud, after the defeat and death of Absalom, who had involved, says the Bible, all the people in his revolt, thought he had to appear even more afflicted by the death of his son than satisfied with his victory. Locked in his room, crying and lamenting, he didn’t want to see anyone. “Absalom, O my son! O my son Absalom!” he cried, “why can’t I give my life for you!” This pain was insincere. Also, when Daoud, preparing for his posthumous revenge on his deathbed, charged his successor with punishing Joab, murderer of Abner and Amoss, he did not speak of his son Absalom.

A few years later, a plague having occurred, the people, still suspicious of Daoud, accused him of having attracted this plague. It is no longer, it is true, the assassination of Uriah that he is reproached for, it is for having carried out the enumeration of the people. Commentators are at great pains to say what could have been so criminal in such a count.

By dint of ingenuity, they discover that Daoud had acted in this circumstance out of a movement of vanity. We have not seen that this enumeration of persons was anything other than a census of goods and fortunes, and that it carried with it the regularity and perpetuity of the tax. It was the organization of this royal right, with which Samuel had threatened the people, and, so to speak, the taking possession, by the dynasty, of the property and liberty of the citizens.

The plague therefore having occurred following the census, the people accused the king of this new calamity, no doubt by virtue of the principle that one misfortune never happens alone. Daoud, anticipating Codrus, Curtius, Eustache de Saint-Pierre, does not hesitate; he devoted himself to the salvation of the people, but in the manner of Escobar, by a direction of intention. Here is the rumor that circulated.

A seer came to him, and said to him, from Jehouh: “I give you the choice of three things: famine for seven years, war with defeat for three months, or pestilence for three days.”

David made this magnanimous response: “If I ask for famine, or if I give preference to war, I am king, I do not expose myself: I choose the plague, preferring to abandon myself to God than to men. So the plague had come; and while it was raging, Daoud saw the exterminating angel, holding the sword lowered over Palestine; and he, with his face to the ground, cried out to Jehouh: “It is I who am guilty; I the pastor of the people. What did those poor sheep do? Lay your hand on me and on my father’s house.” The people of Israel took David’s goodwill into account, and the Catholic Church still reads this story today, in the Epistle, in the masses pro evitanda mortalitate.

Enlightened by so many catastrophes, and feeling how fragile still were the foundations of his dynasty, Daoud seized the first opportunity to take his revenge. A famine occurred in the canton of Gibeon. Immediately emissaries spread the rumor that it is Saul and his race, this race of blood, that attracted the scourge, and that celestial wrath demands expiation. Gibeon was not part of Israel: it was a city of the Amorites, which Saul had taken by assault, and whose inhabitants he had, in retaliation, massacred. But it was claimed that he had done so in spite of sworn faith; and though the law of Moses commanded the extermination of these people, and therefore covered Saul’s vengeance, such perfidy had to be atoned for. “What can I do for you?” said Daoud to the Gibeonites. “We want,” they replied, “that the descendants of Saul be crucified to the last.” — “I consent to it,” replided Daoud. And Saul’s seed perished on the cross. Only one son of Jonathan was spared, lame from birth, whose infirmity only added ridicule to the appalling destruction of the ancient royal family. To join outrage to cruelty is the delight of despots.

Such was the penance of Daoud, the king of priests, the man after the heart of God. As for his imprudent accomplice, her repentance was more sincere, and above all more humble. Bathsheba, having become a sultana, had time to meditate the rest of her days on the value of the caresses of a voluptuous king: witness to the impotent gallantries of decrepit Daoud, how many times she had to regret the deep and chaste love of the hero whom she had betrayed! But then, as today, as always, women, in the splendor of youth, could not understand that love is a form of sacrifice, and that he loves most who, out of duty, is able to refrain further. The example of Bathsheba proves, among a thousand, that before emancipating woman, she must be given a moral sense. Endowed herself with the richest gifts of the spirit, in the play that the Bible has preserved for us, she only celebrates the domestic virtues of her sex, and gives the palm to economy, vigilance and work. Bossuet never tired of admiring the portrait that Bathsheba, disenchanted with pleasures and softness, drew of the strong woman. He observed, with great reason, by this omission, that a woman of heart does not make a claim to glory for such a virtue. Attende hic, non memorari, pudicitiam, quâ carere probro, ornari pudens mulier haud magnœ laudi ducit. He could have said, perhaps with no less reason, that Bathsheba had described active chastity, no longer believing herself to have the right to pronounce its name: and this is what I think every woman-author should limit herself to.

Formerly they recited in the cloisters, on the days especially devoted to penance, the psalm Miserere. All the brothers, on their knees, eyes lowered, shoulders uncovered, hands armed with terrible discipline, repeated in unison the verses of the penitentiary ode, and punished in their flesh the crimes of the human race. The blows alternated with the words and resounded in the dark rooms: the blood streaming to the ground testified to the zeal of the devotees.

No prayer from the Jews is more frequently used than the Miserere. It is the song of Lent par excellence. It is recited in a low voice, during those lugubrious services of Holy Week, which their sadness has caused to be called darkness; and formerly this recitation was followed by a great noise of closed doors, of overturned chairs, of bodies on the flagstones, as if to recall nature’s mourning at the crucifixion of Jesus Christ. This is how religious institutions are established: an amalgamation of misunderstood traditions, disjointed pieces and twisted meanings. There is not even the duration of Lent which does not refer to a cabalistic superstition regarding numbers. According to the Old Testament, the rains of the deluge lasted forty days; Moses remained on Sinai forty days; the Israelites wandered in the desert for forty years; Elijah spent forty days in solitude; the Ninevites did penance for forty days:—therefore the retreat of Jesus Christ was also to last forty days, and he was to ascend to heaven forty days after his resurrection. The ancient East furnishes the idea of expiation, David the words and legend the number: the Gospel is the point where the elements come together, and every year we have Lent.

On ordinary Sundays, for about three-quarters of the year, the Miserere serves as the introit, or, as one might say, the entrance to the mass. The celebrant, before making the lustral sprinkling, a ceremony preserved from the pagan ritual (among the Jews the sprinkling was done with blood), intones the seventh verse, Asperges me; the choir finishes the antiphon, and all the people respond: Miserere. Neither of them know what they are saying: isn’t it time to teach them?

What did we sing, in 1826, during the jubilee procession, when parishes, seminaries, colleges went for five days to adore the cross? the Miserere. This masterpiece of cunning and hypocrisy, serving, after twenty-five centuries, as an expression of repentance and a song of penance, is the greatest mockery in history. It seems that Providence allowed this odious mystification to confuse the human conscience, lying and villainous even in its expiations and its remorse.

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