Charles Fourier in the the “Journal de Lyon, Nouvelles de la France et de l’étranger”

VARIÉTÉS

SUR LES EMPIRES QUI ONT DES VAPEURS COMME LES JOLIES FEMMES

Si des gens opulents sont en pleine santé, l’intérêt du médecin est de leur persuader qu’ils sont en danger et que leur état offre des symptômes alarmants. Le docteur trouve son compte à leur inspirer cette terreur. De là viennent tant de maladies amusantes, comme les vapeurs des femmes, vapeurs qui n’attaquent jamais celles qui n’ont pas de quoi payer la Faculté.

Les empires ont aussi leurs maladies imaginaires et leurs médecins, qui sont les diplomates. Ces messieurs seraient perdus si tout restait en paix. Ils seraient comme un procureur sans procès, comme un docteur sans malades. Quand les souverains sont d’accord, un bon diplomate doit brouiller les cartes; c’est une occasion d’échanger des notes et contrenotes, où les ambassadeurs se distinguent de part et d’autre. Âpres bien des tracasseries, les débats se concilient, et chaque ambassadeur a sauvé son pays, si on veut l’en croire.

(Ce paragraphe est marqué d’un trait à l’encre par la police.)

Quand vous voyez des apparences d’une guerre inconcevable, comme celle qui menace d’éclater entre la Bavière et l’Autriche, croyez qu’il y a de la diplomatie sous jeu. Voilà, de part et d’autre, des simulacres d’hostilités. Et pour quoi? Pour le village d’Oberhaus. La belle proie, que ce village, pour exciter une guerre! C’est au sujet de ce village que les savants diplomates lancent des notes et contrenotes! N’est-ce pas là le procès de Figaro entre la conjonction ET et la conjonction ou? Tout cela donne de l’importance aux agents politiques, qui no sauraient que devenir sans ces ruses officielles.

Sur ce, l’on fait marcher des troupes, de 20 à 30 mille hommes. Rassurons-nous; la guerre est politiquement impossible entre ces deux puissances. Le résultat sera que les ambassadeurs respectifs auront fait des prouesses ; chacun d’eux se vantera d’avoir garanti sa patrie d’une guerre, et il obtiendra en récompense des cordons, des pensions, etc.

Pourquoi les subtilités diplomatiques ont-elles tant d’influence? C’est que l’opinion publique est fort étrangère aux affaires de ce genre. Elles reposent entièrement sur les diplomates qui, eux-mêmes, y connaissent très peu de chose. Ils se croient habiles quand ils ont étudié la statistique, le droit public et l’espionnage. Après cela, ils savent, comme celui qui a six mois de salle, se faire tuer en règle. C’en est assez, puisque leurs antagonistes sont de même force! Mais s’ils n’ont pas le génie de leur état, ils ont bien la tactique du barreau, l’art d’envenimer les querelles; c’est pourquoi tant d’empires font marcher fréquemment des armées pour appuyer les notes et contre-notes d’ambassadeurs. Et quand ces messieurs, pour un village insignifiant, mettent en rumeur l’Autriche et la Bavière, on voit fort bien que ces émotions sont provoquées pour faire valoir le médecin diplomatique; ce sont des vapeurs de commande. Il n’en sera rien de plus, et chacune des deux armées s’en retournera comme elle est venue.

Fourrier.

VARIETIES

ON EMPIRES THAT HAVE THE VAPORS LIKE PRETTY LADIES

If wealthy people are in good health, the doctor’s interest is to persuade them that they are in danger and that their condition offers alarming symptoms. The doctor finds it useful to inspire them with this terror. From this come so many amusing diseases, like the vapors of women, vapors that never attack those who do not have enough to pay the Faculty.

Empires also have their imaginary illnesses and their doctors, who are diplomats. These gentlemen would be lost if all remained in peace. They would be like a prosecutor without a trial, like a doctor without patients. When the sovereigns are in agreement, a good diplomat must shuffle the cards; it is an opportunity to exchange notes and counternotes, where the ambassadors stand out on both sides. After much chicanery, the debates are reconciled, and each ambassador has saved his country, if we are to believe him.

(This paragraph is marked with an ink line by the police.)

When you see the appearances of an inconceivable war, like the one that threatens to break out between Bavaria and Austria, believe that there is diplomacy at stake. Here, on both sides, are mock hostilities. And why? For the village of Oberhaus. A fine prey, this village, to stir up a war! It is about this village that learned diplomats launch notes and counternotes! Isn’t this the trial of Figaro between the conjunction _and_ and the conjunction _or_? All this gives importance to the political agents, who would not know what to become without these official tricks.

Upon this pretext, troops were marched, from 20 to 30 thousand men. Let’s be reassured; war is politically impossible between these two powers. The result will be that the respective ambassadors will have performed feats; each of them will boast of having protected his country from a war, and he will obtain as a reward cords, pensions, etc.

Why are diplomatic niceties so influential? It is because public opinion is very foreign to affairs of this kind. They rely entirely on diplomats who themselves know very little about them. They believe themselves clever when they have studied statistics, public right and espionage. After that, they know, like the one who has six months of room, how to be killed as a rule. That is enough, since their antagonists are of the same strength! But if they don’t have the genius for their profession, they do have the tactics of the bar, the art of aggravating quarrels; this is why so many empires frequently march armies to support the notes and counter-notes of ambassadors. And when these gentlemen, for an insignificant village, make Austria and Bavaria gossip, we see very well that these emotions are provoked to promote the diplomatic doctor; they are the vapors of command. It will be nothing more, and each of the two armies will return as it came.

Fourrier.

A Monsieur Délyror.

Si tous les fous étaient envoyés à Charenton, ce bourg serait bientot plus peuplé que Paris. Combien de fous en ce monde à commencer par les amoureux, les jaloux, les peintres, les poêtes, les philosophes, voire même beaucoup de jolies femmes. M. Délyror veutm’enrôler dans cette brillante légion ; il a tort de s’en dire membre ; car, en plaisantant sur mon article Triumvirat, il a donné un grand exemple de prudence, il a eu la finesse de ne pas aborder le fond de la question, preuve de bon sens. Il se serait cassé la tête sur un tel sujet, bien au-dessus de sa portée, et c’est alors qu’il aurait été tout de bon Déliror. Il a prévu le danger; il s’est borné à des facéties innocentes et d’un ton modéré ; c’est de quoi je le félicite, et je le propose pour modèle à ces gens pétris d’amertume qui traitent avec importance les articles de journaux, et qui veulent faire pendre un homme avec quatre lignes de son écriture. M. Délyror a évité ce ridicule.

Dans ses railleries, il est prolixe, noyé dans le papillotage. Son accusation de folie est bien rebattue et bien vide de sens : les orgueilleux appellent fous tous ceux qui en savent plus qu’eux. Christophe Colomb fut déclaré fou, il fut la risée de l’Europe pendant sept ans pour avoir proposé la recherche d’un nouveau continent. Galilée et tant d’inventeurs célèbres passaient pour fous dans le principe. L’inventeur du calcul mathématique des destinées doit donc aussi ëlre un fou, selon les rieurs ; mais rira bien qui rira le dernier, et le dénouement n’ira pas à sept ans comme dans l’affaire de Colomb.

Pour en finir, M. Délyror ou Dérysor n’a pour lui que son style décent, mais il est loin de la concision et du raisonnement nécessaire dans une apostrophe personnelle. Cependant, comme les borgnes sont rois chez les aveugles, M. Délyror peut encore servir de guide à tant d’esprits brouillons qui répondent à des raisons par des invectives, et qui n’ayant d’autre talent que celui de railler, ne connaissent aucun frein, soit dans leurs diatribes écrites, soit dans leurs verbiages offensans.

Fourrier.

To Monsieur Delyror.

If all the madmen were sent to Charenton, that town would soon be more populated than Paris. How many crazy people there are in this world, starting with lovers, jealous people, painters, poets, philosophers, and even many pretty ladies. M. Délyror wishes to enroll me in this brilliant legion; he is wrong to call himself a member; because, joking about my article Triumvirat, he gave a great example of prudence, he had the finesse not to address the substance of the question, proof of common sense. He would have racked his brains on such a subject, way beyond his reach, and that’s when he would have gone really Deliror. He foresaw the danger; he confined himself to innocent jokes in a moderate tone; on this I congratulate him, and I propose him as a model to those people steeped in bitterness who treat newspaper articles with importance, and who want to hang a man with four lines of his writing. Mr. Délyror has avoided this ridicule.

In his taunts, he is prolix, drowned in the chatter. His accusation of madness is well-worn and meaningless: the proud call all those who know more than themselves mad. Christopher Columbus was declared mad, he was the laughingstock of Europe for seven years for having proposed the search for a new continent. Galileo and so many famous inventors were considered mad in principle. The inventor of the mathematical calculation of destinies must therefore also be a madman, according to the laughers; but whoever laughs last will have a good laugh, and the outcome will not be in seven years as in the Columbus affair.

To conclude, M. Délyror or Dérysor only has his decent style on his side, but he is far from the conciseness and reasoning necessary in a personal apostrophe. However, as the one-eyed are kings among the blind, M. Délyror can still serve as a guide to so many muddled minds who respond to reasons with invectives, and who, having no other talent than that of mocking, do not know restraint, either in their written diatribes or in their offensive verbiage.

Fourrier.

INVITATION AUX ÉCHOS

Il est amusant pour moi de faire jaser à volonté tant de jeunes muses : si je fais imprimer un article, aussitôt ces messieurs s’escriment contre moi en vers et en prose, dans les deux journaux. Ne sont-ils pas un peu confus d’être vingt contre un? Ne pourriez-vous, Messieurs, parler d’autre chose que de moi ? Où en serait votre esprit sans ma folie? Vous ne le développez que lorsque je l’excite. Je ne suis pas si uniforme ; la satire, l’harmonie, le triumvirat, tout cela est folie pour les uns, bon pour les autres; mais au moins cela est varié. Vous auriez encore bien caqueté sur le problème de la liberté des femmes, si je l’avais donné.

Puisque vous voulez absolument guerroyer avec moi, rendons la lutte récréative pour le public, faisons assaut de nouveautés : voyons qui saura le mieux changer de sujet. Vous êtes une vingtaine ; j’aurai donc vingt fois plus à inventer que chacun de vous pour dire du nouveau. Je serai do plus privé de traiter ma partie familière, qui est la politique extérieure. Il faut bien y renoncer, puisque l’article triumvirat a fait tant de vacarme. Devais-je m’attendre à un tel soulèvement de l’opinion ? Maintes fois j’ai adressé au gouvernement des notes politiques ; j*ai reçu en réponse des lettres flatteuses, signées Carnot, Talleyrand et autres personnages, qui, j’espère» s’entendent à la politique : lorsqu’on a leur suffrage, on peut se consoler de n’être pas en faveur chez les diplomates de la Grand’Côte.

Quant à l’harmonie, comment des gens qui prétendent au bon sens osent-ils s’élever contre un calcul qui leur est inconnu ?

Le public inclinera, ainsi que moi, à mettre fin à ce déluge de brocards, qui deviennent de plus en plus fades. J’invite donc ces nombreux critiques, tous occupés de moi, à dire quelque chose de neuf et à voler de leurs propres ailes, sans attendre que je les stimule.

Le bon esprit dans les journaux, c’est do no pas s’appesantir sur le même chapitre; et j’ose croire que le public préfère mes folies variées à leur esprit monotone, toujours aheurté à chicaner le même individu. Dieu sait comme ils y brillent. Ils sont une compagnie répétant une plaisanterie banale, le sobriquet de folie, que l’ignorance donne à tous les inventeurs dans leur début.

Fourrier.

INVITATION TO THE ECHOES

It is amusing for me to make so many young muses gossip at will: if I have an article printed, these gentlemen immediately fight against me in verse and prose, in the two newspapers. Aren’t they a little confused being twenty to one? Couldn’t you, gentlemen, talk about anything other than me? Where would your mind be without my madness? You only develop it when I excite it. I Am not so uniform; satire, harmony, the triumvirate, all that is madness for some, good for others; but at least it is varied. You would still have cackled about the problem of women’s liberty, if I had given it.

Since you absolutely want to fight with me, let’s make the fight recreational for the public, let’s make an assault on novelties: let’s see who will be able to change the subject best. You are in your twenties; I will therefore have twenty times more to invent than each of you to say anything new. I shall be more deprived of dealing with my familiar part, which is foreign policy. We have to give it up, since the triumvirate article has made so much noise. Was I to expect such an uprising of public opinion? Many times I have sent political notes to the government; I have received flattering letters in response, signed by Carnot, Talleyrand and other personages, who, I hope, understand politics: when one has their vote, one can console oneself for not being in favor with the diplomats of the Grand’Côte.

As for harmony, how dare people who pretend to common sense rise up against a calculation that is unknown to them?

The public will incline, as well as me, to put an end to this deluge of brocades, which are becoming more and more insipid. I therefore invite these numerous critics, all occupied with me, to say something new and fly on their own, without waiting for me to stimulate them.

The good spirit in the newspapers is not to dwell on the same chapter; and I dare to believe that the public prefers my varied follies to their monotonous spirit, always stunned in quibbling with the same individual. God knows how they shine there. They are a company repeating a banal joke, the sobriquet of madness, which ignorance gives to all inventors in their beginning.

Fourrier.

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Independent scholar, translator and archivist.