E. Armand — Biographical Sources

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Jean Maxe, “Les Anarchistes et la psychologie du défaitisme,” Les cahiers de l’anti-France, vol. 7

Mais nous parlerons d’ÉMILE ARMAND (E.-L. Juin) qui, né en 1872, fut d’abord un salutiste mili- tant, puis un tolstoïen tourné à l’anarchisme. En 1901, avec Marie Kugel, il fondait l’Ere nouvelle, organe d’entente libertaire, « revue d’émancipation intégrale, d’idéalisme pratique et de communisme appliqué » (1). Il fut le promoteur de colonies anarchistes : à Vaux, Aiglemont, etc. Très indépendant et ne se livrant pas, ne croyant qu’à l’insoumission individuelle (2) et aux réformes du dedans, sorte de globe-trotter infatigable, il refusa d’adhérer au sectarisme de Libertad et de l’Anarchie. La vie lui apparaît comme « une recherche de sensations sélectionnées » ; il ne croit qu’au fait individuel et sait dire leurs vérités aux humbles, qu’anime moins la volonté de supprimer l’exploitation économique, que la haine envieuse de l’exploiteur : « Il n’est point de meilleurs propriétaires d’esclaves que vous, ô les humbles » (3). Quant à lui, il proclame :

Je ne suis pas citoyen du monde ; je suis citoyen de mon monde, du monde que j’ai construit à mon image et à mon usage.

L’autonomisme de Tucker le hante : vie simple ennemie du communisme autoritaire, antiproprié- tarisme (car pas de propriété sans gendarmes), liberté sexuelle absolue et constante, athéisme (4). Herron (l’Herron de Wilson), Thoreau et Whitman sont ses maîtres. Non seulement il identifie mariage et prostitution, mais il souhaite et préconise l’union libre plurale. (5)

Enfermé à la Santé, il écrivait le 27 décembre 1907 :

Je suis pour le vaincu, l’enchaîné, l’impuissant :
Je suis pour l’accusé, non point pour l’innocent,
Car qui peut distinguer l’innocent du coupable ?…

Il oppose la vie à la production économique. Ne dites pas : « Produire ! Produire encore ! Produire toujours ! » Jouissez plutôt de la vie.

Est-ce cela que vous appelez vivre? Ne pouvoir apprendre, aimer, s’isoler, ni flâner à sa guise. Devoir demeurer renfermé quand le soleil luit ou que les fleurs de la forêt embaument… Rencontrer devant soi, toujours, partout, des lois, des poteaux-frontières, des morales, des conventions, des gardes champêtres… des usines !… Est-ce cela que vous appelez vivre, ô férus de la vie intense, thuriféraires du progrès !… Moi, j’appelle cela végéter, j’appelle cela mourir !…

Vint la guerre. En novembre 1915, il lance Au delà de la Mêlée, qui, à partir du numéro 5, devient Par delà la Mêlée, « acrate, individualiste, éclectique ». Mais l’anarchiste Bouchard, s’étant enfui de l’hôpital Cochin, en septembre 1916, pour l’Es- pagne, fut arrêté à Évian le 1er juin 1917. Une lettre trouvée sur lui indiquait Armand, qui fut arrêté le 16 octobre et condamné, pour complicité de désertion, à Grenoble, le 5 janvier 1918, à cinq ans de prison, maximum de la peine. Le Dr Lépine l’avait dit éthéromane et mythomane. Gérard de Lacaze- Duthiers a écrit : « C’est la plus grande iniquité commise par les conseils de guerre depuis l’affaire Dreyfus. » (6)

Pendant son emprisonnement, il cria sa haine contre tout :

Forces de rébellion, Forces de révolte, Forces d’inadaptation,
Vous dont s’inspirèrent tous ceux qui ne voulurent ni s’humilier, ni ployer le genou devant les hommes ou devant Dieu,
Ensemble, Somme des Forces de transgression,
C’est à vous que j’ai recours dans ma détresse…
Je ne suis plus qu’un pauvre oiseau, s’étiolant en cage…
Dites-moi s’il est encore des fleurs
Étoilant le vert des prairies ?….

Et parfois, c’est l’insulte à la société, la révolte hurlée :

Tout à travers ces jours, l’espoir de la vengeance
Seul a pu ranimer nos cœurs. Tocsin ou glas,
Tu ne saurais tarder après tant de souffrance !
Et cette fois, bourreaux, vous n’échapperez pas (7):

Après cinquante-quatre mois de prison, Armand, qui ne fut pas mobilisé, fonde, le 31 mai 1922, l’En dehors, où collaborent Han Ryner, Lacaze-Duthiers, C. Spiess, Wullens, Hervé-Coatmeur, etc.

(1) Lorulot (Humbles, nov. 1921, p. 7). Ce numéro est con sacré à une étude sur Armand par Lorulot.

(2) Il plaidait cette cause contre Almereyda au Congrès de l’Internationale antimilitariste (Amsterdam, 1904),

(3) Cam. Mauclair rapporte dans Servitude et grandeur littéraires, cette confidence d’un compagnon : «Nous ne tenons pas tellement à ce que les malheureux deviennent heureux ; ce que nous voulons avant tout, c’est que les gens heureux deviennent malheureux. »

(4) Il répète avec Bakounine : « Si Dieu existe, l’homme est esclave; si l’homme est libre, Dieu n’existe pas »; avec Proudhon : « Si Dieu existe, c’est l’ennemi de l’homme. »

(5) En dehors, nos 7, 8. Il est juste de reconnaître que, pendant quinze ans, Armand édita revues et journaux, sans en retirer un sou.

(6) Néo-naturien, janv.-févr. 1922, p. 7. Guilbeaux s’en occupait (Demain, janv. 1918, p. 208).

(7) Humbles, mars 1922, pp. 8-12. Armand est anticommuniste décidé. Il sait que Ludendorff envoya Lénine en Russie (En dehors, mi-nov. 1922).

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