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- Bibliography and Chronology
L’Ère nouvelle (1901-1911)
[Fragments] [Presse Anarchiste] [Bianco]
- E. Armand, “La grève générale,” L’Ère nouvelle 1 no. 1 (Mai 1901): 1.
- E. Armand, “Avis importants: A nos abonnés,” L’Ère nouvelle 1 no. 1 (Mai 1901): 3.
- E. A., “Pages de l’évangile: La vie,” L’Ère nouvelle 1 no. 1 (Mai 1901): 3.
- E. A., “Au cours de la plume,” L’Ère nouvelle 1 no. 1 (Mai 1901): 4.
- E. A., “Une médiation par mois,” L’Ère nouvelle 1 no. 1 (Mai 1901): 4.
- E. A., “La scission de Lyon,” L’Ère nouvelle 1 no. 2 (Juin 1901): 1.
- E. Armand, “Mensonges des Jésuits,” L’Ère nouvelle 1 no. 2 (Juin 1901): 2.
- E. Armand, “La lutte suprème,” L’Ère nouvelle 1 no. 2 (Juin 1901): 4. [verse]
- E. A., “Au cours de la plume,” L’Ère nouvelle 1 no. 2 (Juin 1901): 4.
- E. Armand, “Pour la paix,” L’Ère nouvelle 1 no. 3 (Juillet 1901): 1.
- E. Armand and G. Coulon, [note on Charles Vildieu], L’Ère nouvelle 1 no. 3 (Juillet 1901): 3.
- E. A,, “Simple Question: Guerre à la guerre,” L’Ère nouvelle 1 no. 3 (Juillet 1901): 4.
- E. A., “Au cours de la plume,” L’Ère nouvelle 1 no. 3 (Juillet 1901): 4.
- E. Armand, “L’eau vive,” L’Ère nouvelle 1 no. 3 (Juillet 1901): 4. [verse]
- E. A., “Les retraites ouvrières,” L’Ère nouvelle 1 no. 4 (Août 1901).
- E. A., “Les choses telles qu’elles sont,” L’Ère nouvelle 1 no. 4 (Août 1901).
- E. Armand, “À nos amis, à nos camarades,” L’Ère nouvelle 1 no. 4 (Août 1901).
- E. A., “Le chant des semeurs,” L’Ère nouvelle 1 no. 4 (Août 1901). [verse]
- E. A., “Au cours de la plume,” L’Ère nouvelle 1 no. 4 (Août 1901).
- E. A., “Surproduction,” L’Ère nouvelle 1 no. 5 (Septembre 1901).
- E. A., “Guerre à la guerre,” L’Ère nouvelle 1 no. 5 (Septembre 1901).
- E. Armand, “Les courses de taureaux et les chrétiens sociaux du Nord,” L’Ère nouvelle 1 no. 5 (Septembre 1901).
- E. A., “Le cas Jaurès,” L’Ère nouvelle 1 no. 5 (Septembre 1901).
- E. A., “Le remède,” L’Ère nouvelle 1 no. 5 (Septembre 1901). [verse]
L’Ère nouvelle 1 no. 1 (Mai 1901)
La grève générale
Il y avait assez longtemps que je n’avais eu le plaisir de converser avec mon ami Louis Lepage, quand, samedi dernier, embarrassé que j’étais pour rédiger l’article de fond de notre petite feuille, je me décidai à me rendre chez lui. Autrefois, nous nous voyions plus souvent, mais Louis Lepage habite actuellement dans la banlieue, forcé qu’il a été de s’y réfugier par la cherté des loyers. On construit de belles maisons dans les quartiers excentriques de Paris, de vastes bâtiments avec des pièces parquetées, des cuisines claires, de larges fenêtres par où pénètrent l’air et le soleil, seulement, car il y a un seulement ; seulement, dis-je, les propriétaires oublient de mettre les loyers de ces beaux logements à la portée des ouvriers qui habitent le quartier, de sorte que ceux-ci, chassés de plus en plus vers les fortifications, finissent par les franchir.
Comme c’est son habitude le samedi soir, je trouvai Louis Lepage en manches de chemise, assis devant la table de bois noir qui lui sert de bureau et plongé dans une profonde lecture. J’avais oublié de vous dire que mon ami est un militant du socialisme révolutionnaire. Tout comme moi et depuis bien plus longtemps que moi, il est parfaitement convaincu que le prolétariat n’a rien à attendre de la société telle qu’elle est constituée et que seule une transformation radicale de cette société capitaliste et égoïste peut rendre possible l’avènement d’une humanité meilleure.
Je trouvai Lepage absorbé dans la lecture de plusieurs hebdomadaire du Parti, ou pour mieux dire des Partis, car chacun sait que le socialisme comprend un nombre très grand d’Écoles, qui le plus souvent ne s’entendent pas et qui quelquefois se disputent la direction du mouvement de l’émancipation prolétarienne, de sorte qu’on ne saurait dire parfois si c’est l’émancipation en elle-même ou la direction qu’ils ont le plus à cœur.
Dès qu’il m’aperçut, Lepage leva les yeux :
— Quoi de neuf ? lui dis-je. — Pas grand’chose. La querelle du Petit Sou avec la Petite République, ou la polémique, comme vous voudrez… J’étais en train de lire un article du Socialiste où Jaurès se trouve encore pris à parti. — Assez, lui dis-je. Il y a d’autres questions plus sérieuses que ces querelles de boutiques dont se réjouit la bourgeoisie et les tenanciers d’échoppes de toute sorte. C’est de la Grève Générale dont je voudrais vous entretenir. — La Grève Générale ? — Certainement, n’est-ce pas dans trois jours, le 1er mai ? ce premier mai qui, entre parenthèses ne la verra pas plus naître cette année que les précédentes. Ne vient-elle pas d’être discutée au Congrès de Lens ? Les travailleurs ont là une arme assez terrible pour qu’ils ne la dédaignent pas… — Vous avez raison, interrompit Lepage, tandis que les yeux noyés dans l’espace, il réfléchissait, vous avez raison, car de son emploi dépendrait, tout au moins pendant de longues années, l’émancipation de notre classe. Si elle réussissait, qui pourrait prévoir ses résultats ? Si elle échouait, la défaite serait peut-être irréparable pour le prolétariat ruiné, saigné à blanc, brisé par les privations et la souffrance ; en admettant que, poussé à bout, il n’eût pas fourni aux Lebels qui, eux, ne chôment pas un facile prétexte pour s’exercer sur terre française. — D’ailleurs continua Lepage, qui me regardait fixement maintenant comme s’il eût voulu que ses arguments se gravassent sur mon cerveau, d’ailleurs, il ne s’agit plus là d’une de ces grèves de peu d’importance, d’un de ces conflits locaux qu’une cotisation minime des travailleurs syndiqués de la même coopération pourrait soutenir de longs mois le cas échéant. Ce dont les promoteurs de la Grève générale des mineurs ne s’imprègnent pas assez, c’est qu’il s’agit par l’étendue et l’importance de la manœuvre d’arrêter ou tout au moins de paralyser le mouvement commercial et industriel de tout un pays pour amener le capital et par suite le gouvernement à capituler.
Ce serait superbe, si les capitalistes consentaient à céder, mais c’est une habitude qui leur fait malheureusement défaut. De plus, est-on bien sûr que ces messieurs ne trouveront pas dans le stock actuellement disponible le combustible qui leur est nécessaire et cela pour longtemps encore. Est-on bien sûr qu’à défaut de ce stock, ils n’auront pas recours aux pays voisins ou à l’Amérique ?
Rien à faire dans ce cas et il a été prévu par les capitalistes. Il faudrait tout d’abord s’assurer de la coopération des mineurs de l’étranger ou tout au moins, des employés affectés aux industries de transport. Est-on certain que les uns ou les autres se solidariseront avec nos mineurs ?
— Tout cela, poursuivit Lepage, de l’air d’un mathématicien qui vient victorieusement de résoudre quelque ardu problème, tout cela sans compter qu’il faut avoir sous la main quelques petits millions en réserves monétaires ou en approvisionnements qui permettraient de faire face aux exigences de la situation, car si, à la rigueur, quelques dizaines de milliers de francs suffisent pour subventionner un petit conflit local, quelle somme faudra-t-il pour soutenir la grève de toute une corporation jusqu’au moment où, le stock mondial s’épuisant, il ne restera plus aux puissantes compagnies qu’à s’incliner ? — Et les jaunes, les non-syndiqués ; les jaunes auxquels les bourses des nationalistes et des antisémites demeurent aussi ouvertes que les portes des usines ou les puits des mines ? A-t-on réfléchi à cela ? Non, non, le prolétariat n’est point mûr pour la Grève Générale, et les travailleurs le comprennent si bien que votée ou non ils se rangeront aux vues de la majorité des Congressistes de Lens.
Tout à coup, Lepage se leva, comme illuminé par une révélation intérieure, secoué par une violente émotion, presque l’air d’un prophète avec son visage de vieux militant.
— Et puis, voulez-vous que je vous dise l’fin mot, jamais une Grève Générale ne réussira tant q’vous verrez les travailleurs débattre leurs intérêts chez l’mastroquet. V’s’entendez, jamais. Rien qu’avant-hier, j’ai carrément refusé d’assister à notr’ réunion syndicale d’quartier, que les amis ont voulu à tout prix avoir chez Faurtrinque, le liquoriste d’la place. Est-ce qu’ils peuvent pas se réunir ici ? Pourquoi faire s’ingurgiter un tas d’liqueurs. d’l’absinthe, du rhum ou autr’ saletés pareilles pour discuter nos revendications ; ça, dans l’arrière boutique, tandis que les patrons ou les ronds-de-cuir font leur manille dans la salle. Tenez, vos statisticiens, y me font tordre. Y en a pas un encore qui nous ait fait le calcul de c’que d’puis dix ans les ouvriers ont englouti en boissons, en tabac, au jeu, en lectures idiotes ou avec les d’moiselles q’ arpentent le trottoir. J’me demande par exemple la masse de coopératives de production qu’on aurait pu établir et soutenir avec ça ?
Je n’avais jamais vu Lepage ainsi transporté. Il était réellement superbe. Je serrai chaleureusement sa forte main de mécanicien et je compris, mieux que jamais en le quittant, que plus vite il se dressera en face du capitalisme tout puissant, un prolétariat conscient de sa force et de sa valeur morale, imprégné de justice et de solidarité, ayant une claire notion de ses droits et de ses devoirs, délivré des vices et des passions qui déshonorent l’individu, plus vite la victoire ne tardera pas à être de son côté, car la justice triomphe toujours de l’injustice.
E. Armand
TRANSLATION
Notre programme
I
Chrétiens et prolétaires, nous avons souvent déploré l’absence d’un journal de propagande populaire, qui, tout en proclamant nos convictions, fit une part équitable à nos revendications et à nos aspirations, sans les séparer de nos espérances, de notre foi et de notre ardent désir d’y amener les autres.
C’est cette lacune que l’Ère Nouvelle essaiera de combler, rédigée qu’elle est en dehors de toute préoccupation ecclésiastique ou politique.
Chrétiens d’avant-garde, disciples de celui qui n’eût pas un lieu où reposer sa tête, nous croyons en l’Évangile qu’il vint apporter à l’humanité, non point en un Évangile tronqué, défiguré, amoindri par les compromissions avec les puissances de ce monde ou les dogmatiques des Facultés, mais en un Évangile absolu, complet, intégral, l’Évangile spirituel, moral et social, l’Évangile du Salut, de la Pureté et de la Justice ; bloc indivisible, tout inséparable.
C’est cet Évangile intégral que l’Ère Nouvelle s’efforcera d’annoncer à ses lecteurs.
II
Nous sommes de ceux qui attendent impatiemment la Terre Nouvelle dont parle l’Évangile. Terre nouvelle, société future, où habitera la justice, où il n’y aura plus ni douleurs, ni larmes, ni deuil [1], car toutes les choses du passé auront disparu [2].
D’où il découle que cette Société future différera totalement de celle où nous vivons actuellement, terre de souffrance où règne, hélas, en maître, l’injustice ; où abondent douleurs, deuils et larmes
Ce monde béni ne connaîtra donc point :
- L’exploitation de l’homme par l’homme, quelque forme qu’elle revête.
- Le paupérisme, quelque prétexte qu’on invoque pour légitimer son existence
- L’aumône, de quelque nom qu’on la décore.
- La guerre ou l’homicide légalement organisé.
- Un petit nombre d’hommes ayant tout le confort désirable : appartements spacieux, bien aérés, magnifiquement meublés, vêtements en abondance, nourriture copieuse, saine, bien cuite, tandis que la multitude, mal vêtue, s’entasse en d’étroits logements malsains, privés d’air, mange peu et se nourrit souvent de mets avariés.
- Une minorité, possédant ou gagnant de grosses sommes, se trouvant de ce fait à l’abri du besoin et faisant le plus souvent étalage d’un luxe insolent, tandis que la majorité, végète, gagne péniblement sa subsistance, à la merci qu’elle est des caprices, du chômage et du capital.
- Les instruments de la production aux mains d’un petit nombre de bandits, tandis que la majorité, sans laquelle leur valeur ou leur utilité serait nulle, doit, dans l’économie actuelle, renoncer à tout espoir de les voir devenir siens.
- Le cléricalisme, autrement dit l’esprit d’intolérance, d’oppression et de fanatisme superstitieux.
Aucun chrétien digne de ce nom ne pourrait sérieusement soutenir que des iniquités de ce genre, et mille autres semblables subsisteront dans la Terre Nouvelle, la Société future. Sinon, ce serait la douleur, les pleurs, le deuil. L’Évangile tout entier, dans son Esprit, s’élève contre le maintien des iniquités sociales dans une humanité régénérée. Voyez l’organisation communiste qui suivit immédiatement la formation de la première Église chrétienne à Jérusalem, dix-huit cents ans avant Babœuf, Cabet, Proudhon, etc. Si cette tentative initiale a échoué, nous ne trouvons nulle part qu’elle soit condamnée. En dehors d’elle, n’avons-nous pas le discours du Christ, sur la montagne, l’Épître de St Jacques, cent autres versets probants. Enfin, l’émancipation intégrale de l’humanité n’est-elle pas contenue dans cette ordonnance type, fondement de toute vraie Société : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Voilà pour l’Évangile social, telle que nous l’envisagerons dans les colonnes de l’Ère Nouvelle ; nous tendons donc une main fraternelle à ceux qui, mus par d’autres mobiles que les nôtres, poursuivent, néanmoins, l’émancipation de l’humanité, persuadés, en effet, que plus le sentiment de la justice et de la solidarité pénétrera les couches profondes de la population, plus le règne de l’Équité et de l’Amour s’approchera rapidement ; ne nous appartient-il pas, en effet, à nous, disciples du Christ, de hâter [3] la venue de ce jour-là.
III
Le côté social de l’Évangile ne nous laissera pas négliger son côté moral. Jamais, des hommes impurs, ou joueurs, ou immoraux, ou ivrognes, ne sauraient prétendre à une émancipation quelconque. Ne sont-ils pas les esclaves de la passion qui les domine : la bouteille, les cartes, la débauche, la pipe peut-être. Ils sont prêts à tout leur sacrifier et ils parlent de réformes sociales !
Donc, parce que nous aimons notre prochain, parce que ce sont des fléaux sociaux, parce que l’Évangile les condamne [4], nous combattons : l’alcool, l’immoralité, l’impureté, le jeu, en un mot tout ce qui dégrade et souille l’homme, tout ce qui flatte ses sens, ses mauvais penchants au détriment de son esprit et de son corps.
IV
Notre tâche serait incomplète si nous n’accordions une place aussi vaste au côté spirituel de l’Évangile ; spirituel, nous le répétons, car le tout, encore une fois, forme un bloc inattaquable. Pas d’économie sociale sans éthique, sans bases sociales. Pas de morale sans bases spirituelles. Nous croyons à l’existence du mal, cause autant que résultat du misérable état social que nous subissons. Disciples du Christ Rédempteur, du Socialiste Parfait, nous croyons qu’il a paru pour détruire, annihiler les causes et les résultats de ce Mal [5]. En nous révélant le Salut personnel, la Vie Éternelle, l’Amour Vrai, le Christ Ressuscité nous a fourni le moyen de vaincre l’Égoïsme et la Mort.
V
L’Ère Nouvelle étant indépendante de toute secte, de toute église, de toute coterie, n’aura donc aucune raison de taire la vérité. Ceux qui la rédigent sont des laïques, simples disciples de l’Évangile qui s’efforcent d’imiter leur maître, le Crucifié du Calvaire.
Ce n’est pas sans une certaine conscience des difficultés que nous lançons notre modeste feuille. Notre seule excuse est que nous la créons avec foi et avec bonne foi.
Ce sont nos uniques ressources, y compris notre intense conviction que le mode d’évangélisation laïque que défend l’Ère Nouvelle est le seul qui puisse atteindre effectivement la foule. Cette foi, cette bonne foi, cette conviction, ne sont-elles pas déjà le gage du succès ? Dieu fasse qu’elles contribuent à la venue de cette ère nouvelle, après laquelle l’humanité qui souffre, qui pense et qui hésite, soupire impatiemment et qu’elle appelle de tous ses vœux.
La rédaction
Notes :
[1] II. Pierre 3/3.
[2] Apocalypse 2/4
[3] II. Pierre 3/12
[4] Cor. 6/9
[5] I. Jean 3/8
TRANSLATION
Avis importants
À nos abonnés
Au lieu de l’UNIVERSEL, nos abonnés recevront le présent journal. Le moment est venu, en effet, d’affirmer nos tendances par la création d’une feuille ayant sa place à part dans la presse évangélique de langue française et qui dégagera nos amis du Hâvre de toute responsabilité. Je n’en entends pas moins remercier l’UNIVERSEL et particulièrement notre frère, M.Huchet, pour les facilités que son vaillant journal et lui-même m’ont généreusement offertes, facilités qui m’ont mis à même, avec l’aide de Dieu, de commencer l’oeuvre dont l’Ère Nouvelle devient désormais l’organe [1].
E. Armand
[1] Il va sans dire que nous continuerons à servir l’Universel à ceux de nos abonnés qui nous en feraient expressément la demande et ce jusqu’à l’expiration de leur abonnement.
TRANSLATION
Pages de l’Évangile
La vie
Nous sommes des chrétiens, c’est entendu, car nous ne cachons pas notre drapeau dans notre poche, mais des chrétiens de l’Évangile. Qu’est-ce être chrétien ? me dites-vous. C’est imiter et suivre le Christ, c’est posséder son Esprit. Et qui était ce Christ ? Il fut celui qui dit de lui-même : Je suis le chemin, la vérité et la vie. La vie, non point une statue en plâtre, ou en or, devant laquelle on fera quelque génuflexion, non point un fondateur de secte, non point un article de foi, mais la Vie, « je suis la Vie. » Il est la vie de l’âme.
Quiconque croit en lui, « naît de nouveau », c’est-à-dire passe par une crise intérieure qui le renouvelle, le régénère lui fait haïr le mal, le presse, le contraint à devenir doux, bon et pur, comme le Christ. La question n’est donc plus de savoir si on doit croire au Christ comme on y croit dans cette Église-ci ou dans celle-là. La question revient à ceci : ai-je la vie réelle ou n’ai-je qu’une apparence de vie ? Ainsi posée, elle devient intéressante à résoudre, car si je ne possède qu’une apparence de vie, autant vaut dire que je suis mort…
Mort, quand il est si facile de suivre celui qui est la vie ! Est-ce que vraiment ça n’en vaut pas la peine ?
E. A.
TRANSLATION
Une méditation par mois
Dans le monde, mais pas du monde
Je leur ai donné la parole et le monde les a haïs, parce qu’ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. Sanctifie-les par ta vérité : ta parole est la vérité. Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde… (Jean, 17, 14-19).
À remarquer que c’est aux disciples, à tous les disciples, par suite que ces paroles sont adressées. Dans le monde, certes, — pour y agir, puisqu’ils y ont été envoyés, — mais non du monde. Rien de commun avec ce monde d’égoïsme et d’oppression Pas du monde, mais dans le monde, pour y être tes imitateurs, ô Christ, car si nous étions du monde, attachant une affection quelconque aux passions qui le font vivre, nous serions aussi éloignés d’être tes disciples que si nous n’étions pas dans le monde, pour te l’amener et pour y établir ton Règne.
E. A.
A Meditation each Month
In the World, but Not of the World
…I have given them the word and the world has hated it, because they are not of the world, as I am not of the world. I do not ask you to take them from the world, but to preserve them from evil. They are not of the world, as I am not of the world. Sanctify them by your truth: your word is the truth. As you have sent me into the world, I have also sent them into the world… (John 17: 14-19).
Note that it is to the disciples, thus to all the disciples, that these words are addressed. In the world, certainly, — in order to act there, because they have been sent, — but not of the world. Nothing in common with this world of selfishness and oppression. Not of the world, but in the world, in order to be your imitators there, Christ, for if we were of the world, attaching any affection whatsoever to the passions that animate it, we would be as far from being your disciples as if we were not in the world, in order to lead it to you and to establish your Kingdom there.
E. Armand.
L’Ère nouvelle 1 no. 2 (Juin 1901)
La scission de Lyon
Le Congrès de Lyon a vu se produire une nouvelle scission dans le Parti Socialiste, déjà bien divisé. Imitant l’exemple donné par les guesdistes à la salle Wagram, le Parti Socialiste Révolutionnaire et l’Alliance Communiste ont abandonné leurs camarades.
Cherchez la raison : la politique. C’est toujours la fameuse question Millerand. Millerand a fait du bien dans le poste qu’il occupe actuellement, c’est incontestable, mais il a compromis un parti qui devait être intangible dans un certain nombre d’aventures fâcheuses.
Voilà ce qu’on gagne à s’occuper de politique. La politique, c’est la grande perturbatrice, la semeuse de discordes, l’envenimeuse de querelles.
Peuple, quand feras-tu tes affaires toi-même ? Vois le champ qui s’ouvre devant toi : Syndicats professionnels, coopératives de production, coopérations de toutes espèces. Qu’il est vaste ? Nous savons que la transformation de cette Société égoïste et injuste ne peut être l’affaire d’un jour, qu’il faut rendre le prolétariat conscient de sa force et ses facultés émancipatrices ; mais il n’atteindra jamais le but en abdiquant entre les mains des meneurs et des politiciens. Camarades, C’est là la solution. Soyez des hommes. Mais pour cela, il vous faut un idéal, un idéal de justice et de solidarité auquel il nous faut sacrifier passions, appétits vils et bas, penchants vulgaires. ― Idéal qui nous permettra de semer les graines de la Délivrance, de planter les jalons de la Société future. — Idéal plus élevé que ce sol pétri de misères et d’iniquités. En route vers cet idéal, celui que proclame l’Ère Nouvelle !
E. A.
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