LA
FEMME AFFRANCHIE
Bruxelles.—Typ. de A. Lacroix, Van Meenen et Cie, imprimeurs-éditeurs.
LA
FEMME AFFRANCHIE
RÉPONSE A MM. MICHELET, PROUDHON, É. DE GIRARDIN, A. COMTE
ET AUX AUTRES NOVATEURS MODERNES
PAR MME JENNY P. D’HÉRICOURT
TOME 1
BRUXELLES
A. LACROIX, VAN MEENEN ET Cie, ÉDITEURS
RUE DE LA PUTTERIE, 33
PARIS
CHEZ TOUS LES LIBRAIRES
1860
Tous droits réservés.
A WOMAN’S PHILOSOPHY OF WOMAN;
OR
WOMAN AFFRANCHISED.
AN ANSWER TO MICHELET, PROUDHON, GIRARDIN, LEGOUVÉ,
COMTE, AND OTHER MODERN INNOVATORS.
By MADAME D’HÉRICOURT.
Translated from the last Paris Edition
NEW YORK:
CARLETON, PUBLISHER, 413 BROADWAY.
M DCCC LXIV.
Entered according to Act of Congress, in the year 1864, by
G. W. CARLETON,
In the Clerk’s Office of the District Court of the Southern District of
New York.
R. CRAIGHEAD,
Printer, Stereotyper, and Electrotyper,
Carton Building,
81, 83, and 85 Centre Street.
A MES LECTEURS, A MES ADVERSAIRES, A MES AMIS
A MES LECTEURS
Lectrices et lecteurs, le but de cet ouvrage et les motifs qui me l’ont fait entreprendre, je vais vous les dire, afin que vous ne perdiez pas votre temps à me lire, si ce que contient ce volume ne convient pas à votre tempérament intellectuel et moral.
Mon but est de prouver que la femme a les mêmes droits que l’homme.
De réclamer, en conséquence son émancipation;
Enfin d’indiquer aux femmes qui partagent ma manière de voir, les principales mesures qu’elles ont à prendre pour obtenir justice.
Le mot émancipation, prêtant à l’équivoque, fixons en d’abord le sens.
Émanciper la femme, ce n’est pas lui reconnaître le droit d’user et d’abuser de l’amour: cette émancipation-là n’est que l’esclavage des passions; l’exploitation de la beauté et de la jeunesse de la femme par l’homme; l’exploitation de l’homme par la femme pour sa fortune ou son crédit.
Émanciper la femme, c’est la reconnaître et la déclarer libre, l’égale de l’homme, devant la loi sociale et morale et devant le travail.
A l’heure qu’il est, sur toute la surface du globe, la femme, sous certains rapports, n’est pas soumise à la même loi morale que l’homme: sa chasteté est livrée presque sans défense aux passions brutales de l’autre sexe, et elle subit souvent seule les conséquences d’une faute commise à deux.
Dans le mariage, la femme est serve;
Devant l’instruction nationale, elle est sacrifiée;
Devant le travail, elle est infériorisée;
Civilement, elle est mineure;
Politiquement, elle n’existe pas;
Elle n’est l’égale de l’homme que quand il s’agit d’être punie et de payer les impôts.
Je revendique le droit de la femme, parce qu’il est temps de faire honte au XIXe siècle de son coupable déni de justice envers la moitié de l’espèce humaine;
Parce que l’état d’infériorité dans lequel nous sommes maintenues, corrompt les mœurs, dissout la société, enlaidit et affaiblit la race;
Parce que le progrès des lumières, auquel participe la femme, l’a transformée en force sociale, et que cette force nouvelle produit le mal, à défaut du bien qu’on ne lui laisse pas faire;
Parce que le temps d’accorder des réformes est arrivé, puisque les femmes protestent contre l’ordre qui les opprime, les unes par le dédain des lois, des préjugés; les autres en s’emparent des positions contestées, en s’organisant en sociétés pour revendiquer leur part de droit humain, comme cela se fait en Amérique.
Enfin parce qu’il me semble utile de répondre vertement, non plus avec de la sentimentalité, aux hommes qui, effrayés du mouvement émancipateur, appellent à leur aide je ne sais quelle fausse science pour prouver que la femme est hors du droit; et poussent l’inconvenance et….. le contraire du courage, jusqu’à l’insulte, jusqu’aux outrages les plus révoltants.
J’ai dit le but et les motifs de cet ouvrage qui sera divisé en quatre parties.
Dans la première, nous passerons en revue les doctrines des principaux novateurs en ce qui touche la femme, ses fonctions, ses droits, et nous réfuterons les contre-émancipateurs, P. J. Proudhon, J. Michelet et A. Comte.
Dans la deuxième, nous donnerons une théorie philosophique du droit; nous comparerons, d’après les principes établis dans cette théorie, ce qu’est la femme devant la loi, la moralité, le travail, avec ce qu’elle devrait être; enfin nous réfuterons les principales objections des adversaires de l’égalité des sexes.
Dans la troisième nous traiterons de l’amour et du mariage, et donnerons les principaux motifs de nos formules d’émancipation.
Enfin la quatrième partie, spécialement destinée aux femmes, effleurera les grandes questions théoriques et pratiques qui ont rapport à la période militante: profession de foi servant de drapeau, formation d’un apostolat, ébauche d’éducation rationnelle, formation d’une école normale, création d’un journal, organisation d’ateliers, etc.
Lectrices et lecteurs, plusieurs des adversaires de la cause que je défends, ont porté la discussion sur le terrain scientifique, et n’ont pas reculé devant la nudité des lois biologiques et des détails anatomiques: je les en loue: le corps étant respectable, il n’y point d’indécence à parler des lois qui le régissent; mais comme ce serait de ma part une inconséquence 9 que de croire blâmable en moi ce que j’approuve en eux, vous voudrez bien ne pas vous étonner que je les suive sur le terrain qu’ils ont choisi, persuadée que la science, chaste fille de la pensée, ne saurait perdre sa chasteté sous la plume d’une honnête femme, pas plus que sous celle d’un honnête homme.
Lectrices et lecteurs, je n’ai qu’une prière à vous faire: c’est de me pardonner la simplicité de mon style. Il m’aurait fallu prendre trop de peine pour écrire comme tout le monde; encore est-il probable que je n’y eusse pas réussi. Je fais œuvre de conscience: si j’éclaire les uns, si je fais réfléchir les autres, si j’éveille dans le cœur des hommes le sentiment de la justice, dans celui des femmes le sentiment de leur dignité; si je suis claire pour tous, bien comprise de tous, utile à tous, même à mes adversaires, cela me suffira, et me consolera d’avoir déplu à ceux qui n’aiment les idées que comme ils aiment les femmes: en grande toilette.
AUTHOR’S PREFACE.
TO MY READERS.
Readers, male and female, I am about to tell you the end of this book, and the motives which caused me to undertake it, that you may not waste your time in reading it, if its contents are not suited to your intellectual and moral temperament.
My end is to prove that woman has the same rights as man.
To claim, in consequence, her emancipation;
Lastly, to point out to the women who share my views, the principal measures that they must take to obtain justice.
The word emancipation giving room for equivocation, let us in the first place establish its meaning.
To emancipate woman is not to acknowledge her right to use and abuse love; such an emancipation is only the slavery of the passions; the use of the beauty and youth of woman by man; the use of man by woman for his fortune or credit.
To emancipate woman is to acknowledge and declare her free, the equal of man in the social and the moral law, and in labor.
At present, over the whole surface of the globe, woman, in certain respects, is not subjected to the same moral law as man; her chastity is given over almost without restriction to the brutal passions of the other sex, and she often endures alone the consequences of a fault committed by both.
In marriage, woman is a serf.
In public instruction, she is sacrificed.
In labor, she is made inferior.
Civilly, she is a minor.
Politically, she has no existence.
She is the equal of man only when punishment and the payment of taxes are in question.
I claim the rights of woman, because it is time to make the nineteenth century ashamed of its culpable denial of justice to half the human species;
Because the state of inferiority in which we are held corrupts morals, dissolves society, deteriorates and enfeebles the race;
Because the progress of enlightenment, in which woman participates, has transformed her in social power, and because this new power produces evil in default of the good which it is not permitted to do;
Because the time for according reforms has come, since women are protesting against the order which oppresses them; some by disdain of laws and prejudices; others by taking possession of contested positions, and by organizing themselves into societies to claim their share of human rights, as is done in America;
Lastly, because it seems to me useful to reply, no longer with sentimentality, but with vigor, to those men who, terrified by the emancipating movement, call to their aid false science to prove that woman is outside the pale of right; and carry indecorum and the opposite of courage, even to insult, even to the most revolting outrages.
Readers, male and female, several of the adversaries of the cause which I defend, have carried the discussion into the domain of science, and have not shrunk before the nudity of biological laws and anatomical details. I praise them for it; the body being respectable, there is no indecency in speaking of the laws which govern it; but as it would be an inconsistency on my part to believe that blamable in myself which I approve in them, you will not be surprised that I follow them on the ground which they have chosen, persuaded that Science, the chaste daughter of Thought, can no more lose XI her chastity under the pen of a pure woman than under that of a pure man.
Readers, male and female, I have but one request to make; namely, that you will pardon my simplicity of style. It would have cost me too much pains to write in the approved fashion; it is probable, besides, that I should not have succeeded. My work is one of conscience. If I enlighten some, if I make others reflect; if I awaken in the heart of men the sentiment of justice, in that of women the sentiment of their dignity; if I am clear to all, fully comprehended by all, useful to all, even to my adversaries, it will satisfy me and will console me for displeasing those who love ideas only as they love women: in full dress.
A MES ADVERSAIRES.
Plusieurs d’entre vous, messieurs les adversaires de la grande et sainte cause que je défends, m’ont citée, très évidemment sans m’avoir lue, ne 10 sachant même pas écrire mon nom. A ceux-là je n’ai rien à dire, sinon que leur opinion m’importe fort peu. D’autres, qui se sont donné la peine de lire mes précédents travaux dans la Revue philosophique et dans la Ragione, m’accusent de ne pas écrire comme une femme, d’être brutale, sans ménagement pour mes adversaires, de n’être qu’une machine à raisonnement et de manquer de cœur.
Messieurs, je ne puis pas écrire autrement qu’une femme, puisque j’ai l’honneur d’être femme.
Si je suis brutale et ne ménage pas mes adversaires, c’est parce qu’ils me paraissent ceux de la raison et de la justice; c’est parce qu’eux, les forts, les bien armés, attaquent brutalement, sans ménagement un sexe qu’ils ont eu le soin de rendre timide et de désarmer; c’est parce qu’enfin je crois très licite de défendre la faiblesse contre la tyrannie qui a l’audace et l’insolence de s’ériger en droit.
Si je vous apparais sous l’aspect peu récréatif d’une machine à raisonnement, c’est d’abord parce que la nature m’a faite ainsi, et que je ne vois aucune bonne raison pour modifier son œuvre; puis parce qu’il n’est pas mauvais qu’une femme majeure vous prouve que son sexe, quand il ne craint pas votre jugement, raisonne aussi bien et souvent mieux que le vôtre.
11 Je n’ai pas de cœur, dites-vous; j’en manque peut-être pour les tyrans, mais la lutte que j’entreprends, prouve au moins que je n’en manque pas pour les victimes: j’en ai donc une dose suffisante, d’autant plus que je ne désire pas du tout vous plaire ni ne me soucie d’être aimée d’aucun d’entre vous.
Croyez-moi, messieurs, déshabituez-vous de confondre le cœur avec les nerfs; ne créez plus un type imaginaire de femme pour en faire la mesure de vos jugements sur les femmes réelles: c’est ainsi que vous faussez votre raison et que, sans parti pris, vous devenez ce qu’il y a de plus haïssable et de moins estimable au monde: des tyrans.
TO MY ADVERSARIES.
Many among you, gentlemen, adversaries of the great and holy cause which I defend, have cited me, evidently without having read me, without even knowing how to write my name. To such as these I have nothing to say, unless that their opinion matters little to me. Others, who have taken the trouble to read my preceding works in the Revue Philosophique and the Ragione, accuse me of not writing like a woman, of being harsh, unsparing to my adversaries, nothing but a reasoning machine, lacking heart.
Gentlemen, I cannot write otherwise than as a woman, since I have the honor to be a woman.
If am I harsh and unsparing to my adversaries, it is because they appear to me to be those of reason and of justice; it is because they, the strong and well armed, attack harshly and unsparingly a sex which they have taken care to render timid and to disarm; it is, in short, because I believe it perfectly lawful to defend weakness against tyranny which has the audacity and insolence to erect itself into right.
If I appear to you in the unattractive aspect of a reasoning XII machine, is, in the first place, because Nature has made me so, and I see no good reason for modifying her work; secondly, because it is not amiss for a woman that has attained majority to prove to you that her sex, when not fearing your judgment, reasons as well, and, often, better than you.
I have no heart, you say. I am lacking in it, perhaps, towards tyrants, but the conflict that I undertake proves that I am not lacking in it towards their victims; I have therefore a sufficient quantity of it, the more, inasmuch as I neither desire to please you, nor care to be loved by any among you.
Be advised by me, gentlemen; break yourselves of the habit of confounding heart with nerves; cease to create an imaginary type of woman to make it the standard of your judgment of real women; it is thus that you pervert your reason and become, without wishing it, the thing of all others the most hateful and least estimable—tyrants.
A MES AMIS.
Maintenant à vous, mes amis connus et inconnus, quelques lignes de remercîments.
Vous avez tous compris que la femme étant une créature humaine, a le droit de se développer et de manifester, comme l’homme, sa spontanéité;
Qu’elle a le droit, comme l’homme, d’employer son activité; qu’elle a le droit, comme l’homme, d’être respectée dans sa dignité, et l’usage qu’elle croit devoir faire de son libre arbitre;
Que, de moitié dans l’ordre social, productrice, 12 contribuable, justiciable des lois, elle a le droit de compter pour moitié dans la société.
Vous avez tous compris que c’est dans la jouissance de ces droits divers que consiste son émancipation; non dans la faculté d’user de l’amour en dehors d’une loi morale basée sur la justice et le respect de soi-même.
Merci d’abord à vous, Ausonio Franchi, représentant de la Philosophie Critique en Italie, homme aussi éminent par la profondeur de vos idées, que par l’impartialité et l’élévation de votre caractère, et qui avez prêté si généreusement et si longtemps les colonnes de votre Ragione à mes premiers travaux.
Merci à vous, mes chers collaborateurs de la Revue philosophique de Paris, Charles Lemonnier, Massol, Guépin, Brothier, etc., qui n’avez pas hésité à remettre à l’ordre du jour la question de l’émancipation de mon sexe; qui avez accueilli, dans vos colonnes, des travaux de femme avec tant d’impartialité, et m’avez en toute occasion, témoigné intérêt et sympathie.
Merci à vous en particulier, mon plus ancien ami, Charles Fauvety, infatigable chercheur de vérité, dont le style élégant, spirituel et limpide, si véritablement français, est seulement et toujours au service des idées de progrès et des aspirations 13 généreuses, comme votre riche bibliothèque, vos conseils, sont au service de ceux qui veulent éclairer l’humanité. Pourquoi, hélas! joignez-vous à tant de talent et de qualités, le défaut de vous effacer toujours pour faire place aux autres!
Merci à vous, Charles Renouvier, le plus savant représentant de la Philosophie Critique en France, qui joignez à une doctrine si profonde, un esprit si fin, un jugement si sûr, j’ajouterais: tant de modestie et de vertu sans faste, si je ne savais que c’est vous mécontenter que d’occuper le public de vous.
C’est dans vos encouragements, dans votre approbation, mes amis et anciens collaborateurs, que j’ai puisé la force nécessaire à l’œuvre que j’entreprends; il est donc juste que je vous en remercie en présence de tous.
Il est juste également que je témoigne publiquement ma reconnaissance aux journaux italiens, anglais, hollandais, américains, allemands qui ont traduit plusieurs de mes articles; aux hommes et aux femmes de ces divers pays et à ceux de ma patrie qui ont bien voulu me témoigner de la sympathie et m’encourager dans la lutte que j’entreprends contre les adversaires du droit de mon sexe.
C’est à vous tous mes amis, Français et étrangers, que je dédie cet ouvrage. Puisse-t-il être utile partout 14 au triomphe de la liberté de la femme et de l’égalité de tous devant la loi: c’est le seul souhait que puisse faire une Française qui croit à l’unité de la famille humaine, aussi bien qu’à la légitimité des autonomies nationales, et qui aime tous les peuples parce que tous sont les organes d’un seul grand corps: l’Humanité.
TO MY FRIENDS.
Now to you, my friends, known and unknown, a few lines of thanks.
You all comprehend that woman, as a human being, has the right to develop herself, and to manifest, like man, her spontaneity;
That she has the right, like man, to employ her activity; that she has the right, like man, to be respected in her dignity and in the use which she sees fit to make of her free will.
That as half in the social order, a producer, a tax-payer, amenable to the laws, she has the right to count as half in society.
You all comprehend that it is in the enjoyment of these various rights that her emancipation consists; not in the faculty of making use of love outside a moral law based on justice and self respect.
Thanks first to you, Ausonio Franchi, the representative of XIII Critical Philosophy in Italy, a man as eminent for the profundity of your ideas as for the impartiality and elevation of your character; and who so generously and so long lent the columns of your Ragione to my first labors.
Thanks to you, my beloved co-laborers of the Revue Philosophique of Paris, Charles Lemonnier, Massol, Guepin, Brothier, etc., who have not hesitated to bring to light the question of the emancipation of my sex; who have welcomed the works of a woman to your columns with so much impartiality, and have on all occasions expressed for me interest and sympathy.
Thanks to you, in particular, my oldest friend, Charles Fauvety, the indefatigable searcher after truth, whose elegant, refined and limpid style is solely and constantly at the service of progressive ideas and generous aspirations, as your rich library and your counsels are at the service of those who are seeking to enlighten humanity. Why, alas! do you join to so many talents and noble qualities the fault of always remaining in the background to give place to others!
Thanks to you, Charles Renouvier, the most learned representative of Critical Philosophy in France, who join to such profound doctrine, such acute perception and such sureness of judgment; I would add, such modesty and unpretending virtue, did I not know that it displeases you to bring you before the public.
It is from your encouragement and approbation, my friends and former co-laborers, that I have drawn the strength necessary to the work I am undertaking; it is just, therefore, that I should thank you in the presence of all.
It is equally just that I should publicly express my gratitude to the Italian, English, Dutch, American and German journals that have translated many of my articles; and to the men and women of these different countries as well as of France, who have kindly expressed sympathy for me, and encouraged me in the struggle which I have undertaken against the adversaries of the rights of my sex.
XIV To you all, my friends, both Frenchmen and foreigners, I dedicate this work. May it be useful everywhere in the triumph of the liberty of woman, and of the equality of all before the law; this is the sole wish that a Frenchwoman can make who believes in the unity of the human family, as well as in the legitimacy of national autonomies, and who loves all nations, since all are the organs of a single great body,—Humanity.
PREMIÈRE PARTIE
Examen des principales doctrines modernes concernant la Femme et ses Droits.
COMMUNISTES MODERNES
Les Communistes ont pour principe d’organisation sociale, non pas, comme on les en accuse par ignorance ou mauvaise foi, la loi agraire, mais la jouissance en commun de la terre, des instruments de travail et des produits: De chacun selon ses forces, à chacun selon ses besoins, telle est la formule de la plupart d’entre eux.
Nous n’avons pas à examiner dans cet ouvrage la valeur sociale de cette doctrine, mais seulement à constater ce que le Communisme pense de la Femme et de ses Droits.
Les Communistes modernes peuvent se classer en Religieux et en Politiques.
Parmi les premiers, sont les Saint-Simoniens, les Fusioniens et les Philadelphes.
Parmi seconds, sont les Égalitaires, les Unitaires, les Icariens, etc.
Les premiers considèrent la Femme comme l’égale de 18 l’Homme. Pour les autres elle est libre, chez quelques-uns avec une nuance de subordination.
Les Unitaires, qui ont largement puisé dans Fourier, proclament la Femme libre et leur égale.
Nous ne parlerons ici que de quelques sectes communistes, réservant pour deux articles séparés ce qui concerne les Saint-Simoniens et les Fusioniens.
Les Philadelphes, admettant Dieu et l’âme immortelle, posent ces deux principes: Dieu est le chef de l’Ordre social; la Fraternité est la loi qui régit les rapports humains.
La Religion, pour les Philadelphes, est la pratique de la Fraternité; le Progrès est un dogme, la Communauté est la loi de l’individu devant Dieu et la conscience.
En ce qui concerne les rapports des sexes et les droits de la Femme, M. Pecqueur s’exprime ainsi dans son ouvrage: La République de Dieu, aux pages 194 et 195:
«Égalité complète de l’homme et de la femme;
«Mariage monogame, intentionnellement indissoluble comme état normal; telle est la seconde conséquence pratique du dogme de la fraternité religieuse.
«1o Égalité.
«Nous ne venons pas apporter des preuves à l’évidence; celui qui n’est pas frappé de l’égalité des sexes, a la raison oblitérée par le préjugé, ou le cœur refroidi par l’égoïsme.
«Dans le milieu créé par la religion de fraternité et d’égalité, les femmes trouveront, dès leurs jeunes années, les mêmes moyens et les mêmes conditions de développement de fonction et 19 de rémunération, enfin les MÊMES DROITS, le même but social à poursuivre, que les hommes; et à mesure que les mœurs correspondront aux fins religieuses et morales de l’union, la loi vivante déduira les conséquences pratiques de tout ordre, contenues en germe dans le dogme de l’égalité complète des sexes.
«4o Monogamie et Indissolubilité.
«Pour comprendre la légitimité du mariage monogame illimité ou indéfini, il suffit de considérer: 1o les exigences de notre nature intime, c’est à dire les caractères de l’amour; son aspiration instinctive à l’union et à la fusion des deux êtres, à la durée et à la perpétuité; le besoin de se posséder réciproquement, et d’en avoir la foi pour s’aimer; enfin l’instinct, le désir, les affections irrésistibles, universelles, et les joies de la paternité et de la famille; 2o les conditions physiologiques de la génération, qui exigent la monogamie, pour que la reproduction et la conservation bonne et progressive de l’espèce soit assurée; 3o les exigences sociales et religieuses qui veulent que les rapports de tous genres soient prédéterminés et régularisés, afin que chacun ait sécurité dans son attente et dans sa possession, et que les penchants fondamentaux de notre nature aient la possibilité de se satisfaire….. Prétendre importer la Polygamie, la promiscuité, ou le bail légal dans un tel milieu (la Société Philadelphe), c’est évidemment décréter l’égoïsme et le bon plaisir de la chair dans le même temps qu’on proclame le devoir et la dignité. On ne conçoit pas que deux être moraux, liés une fois d’un 20 amour pur, cessent de s’aimer, de se complaire, au moins de se supporter, lorsque déjà ils sont supposés aimer indistinctement leurs frères et sœurs avec dévouement et sacrifice.
«Encore moins conçoit-on que leurs frères et sœurs songent à détourner cet amour réciproque de deux d’entre la famille à leur avantage personnel; car on appelle cela infamie.»
M. Pecqueur admet cependant que, dans des cas fort rares, le divorce puisse être prononcé pour cause d’incompatibilité d’humeur. Dans ce cas, l’époux qui aurait tort serait exclu de la république et l’autre pourrait se remarier.
Selon M. Pecqueur l’indissolubilité du mariage ne regarde pas nos sociétés antagoniques; car l’auteur dit à la page 197:
«Le Divorce est un grand malheur, non seulement pour les époux, mais pour la religion; toutefois dans le monde de César où il s’agit de pure justice, c’est encore le moindre des maux, lorsque les individus sont résolus à la séparation de fait, et à la convoitise d’autres liens. On fait clandestinement le mal; on est cause ou occasion de tentation et de chute pour les autres. Le scandale est connu quoiqu’on fasse; de telle sorte que ni la société, ni les époux, ni les enfants, ni la morale ne trouvent leur bien à la consécration de la perpétuité absolue.
«Il n’est point charitable, il est impie de forcer à rester côte à côte, deux êtres dont l’un au moins maltraite, hait, exploite ou maîtrise l’autre. Il est également odieux de leur permettre la séparation de corps sans leur permettre en même temps de se livrer à des affections chastes, lorsqu’on y répond en honnêteté et liberté.»
21 Ainsi donc pour les Philadelphes, expliqués par M. Pecqueur, le Mariage est monogame, indissoluble intentionnellement; le divorce est une triste nécessité du monde actuel, tandis que la séparation est une chose immorale. Enfin la femme est libre et l’égale de l’homme.
Une autre secte communiste, celle des Icariens, ne s’occupe ni de la nature, ni des droits de la Femme. Son chef, M. Cabet, ancien procureur général, était trop imbu des doctrines du Code Civil, peu élégante paraphrase de l’apôtre Paul, pour ne pas être persuadé que la femme doit rester en dehors du droit politique, et qu’elle doit se subordonner à l’homme en général, et à son mari, bon ou mauvais, en particulier.
Rendons toutefois justice aux disciples de M. Cabet: je n’en ai pas trouvé un seul de son avis sur cette grande question.
Un soir, qu’en 1848, M. Cabet présidait un club très nombreux, il fut prié par une femme de mettre aux voix cette question: La femme est-elle l’égale de l’homme devant le droit social et politique? Presque toutes les mains se levèrent pour l’affirmative; à la contre-épreuve aucune main ne se leva; aucun homme ne protesta contre cette affirmation. Une salve d’applaudissements partit des tribunes remplies de femmes; et M. Cabet fut assez déconcerté du résultat. Il semblait ignorer que le peuple, éminemment logique, n’argutie point pour éluder ou restreindre les applications du principe qu’il adopte.
Ce vote du club Cabet s’est renouvelé devant moi dans trois autres: les porteurs de paletots riaient des réclamations de la brave Jeanne Duroin, mais les porteurs de blouses n’en riaient pas
M. Dezamy, représentant d’une autre nuance communiste, s’exprime ainsi dans le Code de la Communauté, page 132: «Plus de domination maritale! Liberté des alliances! égalité parfaite entre les deux sexes! Libre divorce!»
Et à la page 266, sous ce titre: Lois de l’union des sexes, qui auront pour effet de prévenir toute discorde et toute débauche, l’auteur ajoute:
«Art. 1er. L’amour mutuel, la sympathie intime, la parité de cœur de deux êtres, forment et légitiment leur union.
Art. 2. Il y aura entre les deux sexes égalité parfaite.
Art. 3. Aucun lien que l’amour mutuel ne pourra enchaîner l’un à l’autre l’homme et la femme.
Art. 4. Rien n’empêchera les amants qui se sont séparés de s’unir de nouveau, et aussi souvent qu’ils aspireront l’un vers l’autre.»
La morale de M. Dezamy n’est pas de notre goût, nous préférons celle du communiste Pecqueur; mais nous sommes heureuse de constater que le Communisme moderne, divisé sur la question du mariage, de la famille et de la morale dans les relations des sexes, n’a qu’une voix lorsqu’il s’agit de la liberté de la femme et de l’égalité des sexes devant la loi et la Société.
En cela, le Communisme moderne est très supérieur à l’ancien; pratiqué chez plusieurs peuples, enseigné par Platon, Morelly, etc. C’est un signe des temps, que cette plus juste appréciation de la femme et l’introduction du principe de son droit dans des doctrines qui, autrefois, n’en tenaient aucun compte.
La plupart des Communistes appartiennent à la classe des 23 travailleurs: ce qui prouve que le peuple surtout sent cette grande vérité: que la liberté de la femme est identique à celle des masses. Et ce ne sont pas MM. Proudhon, Comte, Michelet et leurs adeptes qui auront puissance de lui faire rebrousser chemin, et de jeter de la glace sur ses sentiments.
MODERN COMMUNISTS.
The Communists hold as the principle of social organization, not the agrarian law, as has been charged on them through ignorance or bad faith, but the enjoyment in common of the soil, of implements of labor, and of products. From each one according to his strength, to each one according to his needs, is the formula of most among them.
It is not our business to examine the social value of this doctrine, but only to show what Communism thinks of woman and her rights.
The modern communists may be divided into two classes: the religious and the political.
Among the first are the Saint Simonians, the Fusionists and the Philadelphians.
Among the second, are the Equalitarians, the Unitarians, the Icarians, etc.
The first consider woman as the equal of man. To the others, she is free; among some, with a shade of subordination.
The Unitarians, who have drawn largely from Fourier, proclaim woman free, and equal with man.
We shall speak here of only a few of the communistic 168 sects, reserving for separate articles what relates to the Saint Simonians and the Fusionists.
The Philadelphians, admitting God and the immortality of the soul, lay down these two principles: God is the chief of the social order; Fraternity is the law that governs human relations.
Religion, to the Philadelphians, is the practice of Fraternity; Progress is a dogma, Community is the law of the individual before God and conscience.
Touching the relations of the sexes and the rights of woman, M. Pecqueur thus expresses himself in his work La République de Dieu, pp. 194, 195:
“Complete equality of the man and the woman.”
The Monogamic marriage, intentionally indissoluble as a normal condition; such is the second practical consequence of the dogma of religious fraternity.
1. EQUALITY.
“We bring no proofs in evidence of this; his reason is blotted out by prejudice and his heart chilled by egotism, who is not impressed at once with the truth of equality.
“In the state of society created by the religion of fraternity and equality, women will find, from their earliest years, the same means and the same conditions of development of function and of remuneration, in short, THE SAME RIGHTS, the same social aim to pursue as men; and in proportion as custom shall correspond with the religious and moral ends of the union, will the living law deduce the practical consequences of all order, contained in the germ in the dogma of the complete equality of the sexes.
“4. MONOGAMY AND INDISSOLUBILITY.
“To comprehend the lawfulness of the unlimited or indefinite monogamic marriage, it suffices to consider: 1st. the exigencies of our inmost nature, that is, the characteristics of love; its instinctive aspiration to the union and the fusion of two beings, to duration and to perpetuity; the necessity of possessing each other reciprocally and of having faith in this possession in order to love each other; in short, instinct, desire; the irresistible and universal affections, and the joys of paternity and of the family; 2d. the physiological conditions of generation, which exact monogamy in order to assure the reproduction and the good and progressive conservation of the species; 3d. social and religious exigencies, which require relations of all kinds to be predetermined and regulated, that each one may be secure in his expectation and his possession, and that there may be a possibility of satisfying the fundamental propensities of our natures…. To claim to introduce polygamy, promiscuousness, or union for a term of years into such surroundings, (the Philadelphian society,) is evidently to decree selfishness and mere carnal pleasure, while proclaiming duty and dignity. It is inconceivable that two moral beings, once united by pure love, should ever cease to love each other, to delight in each other, or at least to endure each other, when they are presumed already to be devoted and sacrificing without distinction in their love to their brothers and sisters.
“Still less is it conceivable that their brothers and sisters would dream of diverting this reciprocal love of two members of the family to their personal advantage; for this would be infamy.”
170 M. Pecqueur admits, notwithstanding, that in very rare cases, divorce may be granted on account of incompatibility of temper. In such case the offending party would be excluded from the republic, and the other would be at liberty to remarry.
According to M. Pecqueur, indissolubility of marriage does not relate to the present antagonistic state of society, as he says:
“Divorce is a great misfortune, not only to the parties concerned, but to religion; notwithstanding, in the kingdom of Cæsar in which pure justice is the question, it is the lesser evil, when the individuals are determined on a separation in fact, and are lusting after other ties. They do evil clandestinely; they are the cause or the occasion of the temptation or the fall of others. Do what they will, the scandal is known; so that neither society, nor the spouses, nor the children, nor morality derive benefit from the consecration of absolute perpetuity.
“It is not charitable, it is impious to force two beings to remain together, one of which, to say the least, maltreats, detests, takes advantage of, or domineers over the other. It is equally wrong to grant them a separation from bed and board without at the same time permitting them to yield to chaste affections when they acknowledge these in purity and liberty.”
So then, to the Philadelphians, expounded by M. Pecqueur, marriage is monogamous, indissoluble by intention; divorce is a sad necessity of the existing state of society, whilst separation is immorality. In short, woman is free and the equal of man.
Another communist sect, that of the Icarians, takes no notice either of the nature or the rights of women. 171 Its chief, M. Cabet, an ex-attorney-general, was too fully imbued with the doctrines of the Civil Code, that inelegant paraphrase of the Apostle Paul, not to be persuaded that woman ought to remain outside the pale of political right, and that she ought to be subordinate to man in general, and to her husband, good or bad, in particular.
Let us do justice however to M. Cabet’s disciples; I have never found a single one of them of his opinion on this great question.
One evening in 1848, as M. Cabet was presiding over a well attended club, he was requested by a woman to put the question: Is woman the equal of man before social and political rights? Almost every hand was raised in the affirmative; in the negative, not a hand was raised, not a man protested against the affirmation. A round of applause followed from the galleries filled with women; and M. Cabet was somewhat disconcerted by the result. He seemed to be ignorant that the people, always eminently logical, are never guilty of quibbling to elude or to limit the principles that they have adopted.
This vote of the Cabet club was repeated in three others, in my presence. The men in paletots laughed at the demands of brave Jeanne Deroin; the men in blouses did not even smile at them.
M. Dezamy representing another shade of communism, thus expresses himself in the code of the Community; “Away with marital dominion! Freedom of alliance! perfect equality of both sexes! Freedom of divorce!”
He adds, under the heading; Laws for the union of the sexes, designed to prevent all discord and debauchery, page 266:
“Art. I. Mutual love, inmost sympathy, purity of heart between two beings, form and legalize their union.
“Art. II. There should be perfect equality between the two sexes.
“Art. III. No bond except that of mutual love can link the man and the woman together.
“Art. IV. Nothing shall prevent lovers who have separated from forming new ties as often as they shall be attracted to another person.”
The ethics of M. Dezamy are not to our taste; we prefer those of the Communist, Pecqueur; but we are glad to prove that modern communism, divided on the questions of marriage, the family, and morals in relations of the sexes, is unanimous with respect to the liberty of woman and the equality of the sexes before the law and society.
In this, modern communism is greatly superior to that of the ancient school, practised among several nations, and taught by Plato, Morelly, etc. We recognize a sign of the times in this juster appreciation of woman, with the introduction of the principle of her rights into doctrines which formerly never took them into account.
The greater part of the Communists belong to the working class; which proves that the people most of all feel the great truth, that the liberty of woman is identical with that of the masses; and it will take more than MM. Proudhon, Comte, Michelet and their adepts, to throw cold water on their feelings and to make them retrace their steps.
SAINT-SIMONIENS
Ma mère, zélée protestante et d’une grande sévérité de mœurs, réprouvait le Saint Simonisme, et ne permettait jamais qu’on en parlât devant moi autrement que pour le condamner: elle prenait grand soin que pas une ligne de la doctrine nouvelle ne tombât sous mes yeux.
Était-ce naturel esprit d’opposition? était-ce instinct de justice? Je l’ignore; mais je ne m’associais point au blâme que j’entendais exprimer autour de moi; une seule chose en était résultée: la curiosité de connaître ce qu’on nommait des dogmes immoraux.
J’étais dans ces dispositions, lorsqu’un jour, me trouvant avec ma mère non loin du Palais de Justice, je vis avancer une réunion d’hommes portant un gracieux costume: c’étaient les Saint-Simoniens allant en corps défendre, contre les poursuites du parquet, leur Église naissante. J’en fus très émue; je me sentis en communion avec ces jeunes gens qui allaient confesser 25 leur foi: il me semblait qu’ils ne m’étaient point étrangers, qu’ils luttaient pour une cause qui était mienne ou méritait ma sympathie, et les larmes me vinrent aux yeux. De grand cœur, j’aurais embrassé ceux que j’entendais les défendre, et d’aussi grand cœur battu ceux qui prétendaient que leur condamnation serait juste. Ma mère étant trop généreuse pour s’associer à ces derniers, nous nous éloignâmes sans rien dire. Je sus, sans connaître aucun détail, que l’Église Saint-Simonienne avait été dispersée.
Ce ne fut que quelques années après, qu’ayant fait la connaissance d’une dame Saint-Simonienne, je pus lire les écrits de la doctrine, et me former une idée des aspirations et des dogmes de l’École de Saint-Simon. Si la nature de cet ouvrage m’en interdit l’analyse, il ne peut m’être reproché de témoigner mes sympathies pour ceux qui ont eu de grandes et généreuses aspirations; pour ceux qui, au point de vue critique, ont rendu des services réels à la cause du Progrès; pour ceux qui ont mis à l’ordre du jour la solution des deux problèmes capitaux de notre époque: l’émancipation de la femme et du travailleur. Les Saint-Simoniens ont été assez attaqués, assez calomniés pour qu’une femme, qui n’est pas Saint-Simonienne, puisse considérer comme un devoir de leur rendre justice, en reconnaissant le bien qu’ils ont fait.
Oui, vous avez le droit d’être fiers de votre nom de Saint-Simoniens, vous qui avez proclamé l’obligation de travailler sans relâche à l’amélioration physique, morale et intellectuelle de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre;
Vous qui avez proclamé la sainteté de la science, de l’art, de l’industrie, du travail sous toutes ses formes;
26 Vous qui avez proclamé l’égalité des sexes dans la famille, dans le temple et dans l’État;
Vous qui avez parlé de paix et de fraternité à ce monde livré à la guerre du canon et de la concurrence;
Vous qui avez critiqué l’ancien dogme et toutes les institutions mauvaises qui en sont sorties;
Oui, je le répète, vous avez bien mérité du Progrès, bien mérité de l’Humanité; et vous avez le droit de porter avec orgueil votre grand nom d’École; car il est beau d’avoir voulu l’émancipation de la femme, du travail et du travailleur; il est généreux, comme tant d’entre vous l’ont fait, d’y avoir consacré sa jeunesse et sa fortune.
Par vos aspirations, vous avez été les continuateurs de 89, puisque vous songiez à réaliser ce qui était en germe dans la Déclaration des Droits: voilà les titres de votre grandeur; voilà pourquoi votre nom ne périra pas.
Mais si, par vos sentiments, vous apparteniez à la grande ère de 89, la forme sociale dans laquelle vous prétendiez incarner vos principes, appartenant au Moyen Age, le siècle a dû s’éloigner de vous. Séduits par le mysticisme trinitaire, illusionnés par un faux point de vue historique, vous prétendiez ressusciter la hiérarchie et la théocratie dans une humanité travaillée par le principe contraire: le triomphe de la liberté individuelle dans l’Égalité sociale. Voilà pourquoi le siècle ne pouvait pas vous suivre. Les femmes non plus ne pouvaient pas vous suivre, car elles sentent qu’elles ne peuvent être affranchies que par le travail et la pureté des mœurs; qu’en maîtrisant, non pas en imitant les passions masculines. Elles sentent 27 que leur puissance de moralisation tient autant à leur chasteté qu’à leur intelligence; elles savent que celles qui usent le plus de la liberté en amour, n’aiment ni n’estiment l’autre sexe; qu’en général, elles emploient leur ascendant sur lui pour le pervertir, le ruiner et désoler leurs compagnes, dissoudre la famille et la civilisation; qu’en conséquence, elles sont les plus dangereuses ennemies de l’émancipation de leur sexe: car l’homme, dégrisé de sa passion, ne peut avoir le désir d’émanciper celles qui l’ont trompé, ruiné, démoralisé.
L’orthodoxie Saint-Simonienne s’est donc, à mon avis, grandement trompée sur les voies et moyens de réalisation. Lui en ferons-nous un crime? Non, certes: les problèmes sociaux ne sont pas des problèmes mathématiques; il y a mérite à les poser, dévouement et courage à en poursuivre la solution, lors même qu’on la manquerait complétement.
Nous savons tous que ce sont les Saint-Simoniens qui ont mis à l’ordre du jour de l’époque la question de l’émancipation féminine: il y aurait ingratitude aux femmes qui réclament la liberté et l’égalité, de méconnaître la dette de reconnaissance qu’elles ont contractée envers eux. C’est un devoir pour elles que de dire à leurs compagnes: le cachet du Saint-Simonisme est la défense de la liberté de la femme; partout donc où vous rencontrez un Saint-Simonien, vous pouvez lui presser la main fraternellement; en lui vous avez un défenseur de votre droit.
Esquissons maintenant l’ensemble de la doctrine Saint-Simonienne en ce qui concerne la femme et ses droits.
Tous les Saint-Simoniens admettent que les deux sexes sont égaux;
28 Que le couple forme l’individu social;
Que le mariage est le lien sacré des générations; l’association d’un homme et d’une femme pour l’accomplissement d’une œuvre sacerdotale, scientifique, artistique ou industrielle;
Tous admettent le divorce et le passage à un autre lien; seulement les uns sont plus sévères que les autres sur les conditions du divorce.
Entre eux, il y a dissidence sur la question des mœurs. Olinde Rodrigues et Bazard n’admettaient pas de liaison d’amour en dehors du mariage. M. Enfantin professait, au contraire, la plus grande liberté en amour.
Nous devons ajouter qu’il ne donnait à son opinion qu’une valeur relative et provisoire, puisqu’il disait que la loi des relations des sexes ne pouvait être fixée d’une manière sûre et définitive que par le concours de la femme, et que, d’autre part, il prescrivait la continence à ses disciples les plus rapprochés, jusqu’à l’avènement de la Femme dont il se regardait comme le précurseur.
Au reste, pour donner à nos lecteurs une idée plus précise des sentiments des Saint-Simoniens sur ce qui touche la femme, citons quelques passages de leurs écrits:
«L’exploitation de la femme par l’homme existe encore, dit M. Enfantin; c’est ce qui constitue la nécessité de notre apostolat. Cette exploitation, cette subalternité contre nature, par rapport à l’avenir, a pour effet, d’un côté, le mensonge, la fraude, et d’autre part, la violence, les passions brutales: tels sont les vices qu’il faut faire cesser.» (Religion Saint-Simonienne, 1832, page 5.)
29 «La femme, avons-nous dit, est l’égale de l’homme; elle est aujourd’hui esclave; c’est son maître qui doit l’affranchir.» (Id., page 12.)
«Il n’y aura de loi et de morale définitives qu’alors que la femme aura parlé.» (Id., page 18.)
«Au nom de Dieu, s’écrie M. Enfantin dans son Appel à la Femme, au nom de Dieu et de toutes les souffrances que l’humanité, sa fille chérie, ressent aujourd’hui dans sa chair; au nom de la classe la plus pauvre et la plus nombreuse dont les filles sont vendues à l’oisiveté et les fils livrés à la guerre; au nom de tous ces hommes et de toutes ces femmes qui jettent le voile brillant du mensonge ou les sales haillons de la débauche sur leur secrète ou publique prostitution; au nom de Saint-Simon qui est venu annoncer à l’homme et à la femme leur égalité morale, sociale et religieuse, je conjure la femme de me répondre.» (Entretien du 7 décembre 1831.)
De son côté, Bazard termine une brochure, publiée en janvier 1832, par ces paroles:
«Et nous aussi, nous avons hâte de l’avènement de la femme; et nous aussi, nous l’appelons de toute notre puissance; mais c’est au nom de l’amour pur qu’elle a fait pénétrer dans le cœur de l’homme et que l’homme aujourd’hui est prêt à lui rendre; c’est au nom de la dignité qui lui est promise dans le mariage; c’est, enfin et par dessus tout, au nom de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre, dont jusqu’ici elle a partagé la servitude et les humiliations, et que sa voix entraînante peut seule aujourd’hui achever de soustraire à la dure 30 exploitation que les débris du passé font encore peser sur elle.»
Ah! vous avez grandement raison, Enfantin et Bazard! Tant que la femme ne sera pas libre et l’égale de l’homme; tant qu’elle ne sera pas partout à ses côtés, les douleurs, les désordres, la guerre, l’exploitation du faible seront le triste lot de l’humanité.
Pierre Leroux, l’homme le plus doux, le meilleur et le plus simple que je connaisse, écrit à son tour dans son 4e volume de l’Encyclopédie Nouvelle, article Égalité, les pages remarquables suivantes:
«Il n’y a pas deux êtres différents, l’homme et la femme, il n’y a qu’un être humain sous deux faces qui correspondent et se réunissent par l’amour.
«L’homme et la femme sont pour former le couple; ils en sont les deux parties. Hors du couple, en dehors de l’amour et du mariage, il n’y a plus de sexe; il y a des êtres humains d’origine commune, de facultés semblables. L’homme est à tous les moments de sa vie, sensation, sentiment, connaissance, la femme aussi. La définition est donc la même.»
Après avoir établi, d’après ses idées, que les femmes ont un type différent de celui de l’homme, il continue:
«Mais ce type ne les sépare pas du reste de l’humanité, et n’en fait pas une race à part qu’il faille distinguer philosophiquement de l’homme… L’amour absent, elles se manifestent à l’homme comme personnes humaines, et se rangent, comme l’homme, sous les diverses catégories de la société civile.»
Après avoir fait observer que quelque divers que soient les hommes, ils n’en sont pas moins égaux, parce qu’ils sont tous 31 sensation, sentiment, connaissance, Pierre Leroux, appliquant ce principe à la question du droit de la femme, ajoute:
«De quelque manière qu’on envisage cette question, on est conduit à proclamer l’égalité de l’homme et de la femme. Car, si nous considérons la femme dans le couple, la femme est l’égale de l’homme, puisque le couple même est fondé sur l’égalité, puisque l’amour même est l’égalité, et que là où ne règne pas la justice, c’est à dire l’égalité, là ne peut régner l’amour, mais le contraire de l’amour.
«Et si nous considérons la femme hors du couple, c’est un être semblable à l’homme, doué des mêmes facultés à des degrés divers; une de ces variétés dans l’unité qui constituent le monde et la société humaine.»
L’auteur dit que la femme ne doit revendiquer l’égalité que comme épouse et personne humaine; que la reconnaître libre parce qu’elle a un sexe, c’est la déclarer maîtresse non seulement d’user, mais d’abuser de l’amour; qu’il ne faut pas que l’abus de l’amour soit l’apanage et le signe de la liberté.
Il dit que la femme n’a de sexe que pour celui qu’elle aime, dont elle est aimée; que pour tout autre elle ne peut être qu’une personne humaine.
«En se plaçant à ce point de vue, continue-t-il, il faut dire aux femmes: vous avez droit à l’égalité à deux titres distincts, comme personnes humaines et comme épouses. Comme épouses vous êtes nos égales, car l’amour même, c’est l’égalité. Comme personnes humaines, votre cause est celle de tous, elle est la même que celle du peuple; elle se lie à la grande 32 cause révolutionnaire, c’est à dire au progrès général du genre humain. Vous êtes nos égales non parce que vous êtes femmes, mais parce qu’il n’y a plus ni esclaves ni serfs.
«Voilà la vérité qu’il faut dire aux hommes et aux femmes; mais c’est fausser cette vérité et la transformer en erreur que de dire aux femmes vous êtes un sexe à part, un sexe en possession de l’amour. Émancipez-vous, c’est à dire usez et abusez de l’amour. La femme ainsi transformée en Vénus impudique, perd à la fois sa dignité comme personne humaine, et sa dignité comme femme, c’est à dire comme être capable de former un couple humain sous la sainte loi de l’amour.»
L’excellent P. Leroux demande qui ne sent pas, qui n’avoue pas aujourd’hui l’égalité des sexes?
Qui oserait soutenir que la femme est un être inférieur dont l’homme est le guide et le fanal?
Que la femme relève de l’homme qui ne relève que de lui-même et de Dieu?
Qui oserait aujourd’hui soutenir de telles absurdités, brave et honnête Pierre Leroux? C’est P. J. Proudhon, l’homme qui vous appelait Theopompe et Pâtissier; c’est M. Michelet qui prétend que la femme est créée pour être une très ennuyeuse poupée de son cher mari.
Mais revenons à vous.
Vous prétendez que Dieu est androgyne; qu’en lui coexistent les deux principes mâle et femelle sur le pied d’égalité; que conséquemment en Dieu l’homme et la femme sont égaux. J’y consens volontiers, quoique je n’en sache absolument rien. Mais lorsque vous ajoutez que la femme a mérité tout autant que 33 l’homme, parce qu’elle a partagé toutes les crises douloureuses de l’éducation successive du genre humain;
Que c’est l’amour, qui ne peut exister sans la femme, qui nous a conduits de la loi d’esclavage à celle d’égalité;
Que conséquemment la femme est de moitié dans le travail des siècles;
Là, il n’y a plus de mystère; je m’associe donc à vous de tout mon cœur pour répéter aux hommes les invitations et les leçons que vous donnez à ces mâles ingrats et récalcitrants:
«Si nous sommes libres c’est en partie par la femme: qu’elle soit libre par nous.
«Mais l’est-elle? Est-elle par nous traitée en égale?
«Épouse, trouve-t-elle l’égalité dans l’amour et le mariage?
«Personne humaine trouve-t-elle l’égalité dans la cité?
«Voilà la question………….
«Notre loi civile est, au sujet de la femme, un modèle d’absurdes contradictions. Suivant la loi romaine, la femme vivait perpétuellement en tutelle: au moins dans cette législation tout était en parfait accord; la femme y était toujours mineure. Nous, nous la déclarons, dans une multitude de cas, aussi libre que l’homme. Pour elle plus de tutelle générale ou de fiction de tutelle; son âge de majorité est fixé; elle est apte par elle-même à hériter; elle hérite par parties égales; elle possède et dispose de sa propriété; il y a même plus, dans la communauté entre époux, nous admettons la séparation de bien. Mais est-il question du lien même du mariage, où ce ne sont plus des richesses qui sont en jeu, mais où il s’agit de nous et de nos mères, de nous et nos sœurs, de nous et de nos 34 filles, oh! alors nous sommes intraitables dans nos lois, nous n’admettons plus d’égalité; nous voulons que la femme se déclare notre inférieure, notre servante, qu’elle nous jure obéissance.
«Vraiment nous tenons plus à l’argent qu’à l’amour; nous avons plus de considération pour des sacs d’écus que pour la dignité humaine: car nous émancipons les femmes en tant que propriétaires; mais en tant que nos femmes, notre loi les déclare inférieures à nous. Il s’agit pourtant du lien où l’égalité de l’homme et de la femme est la plus évidente, du lien pour ainsi dire où éclate cette égalité, où elle est si nécessaire à proclamer que sans elle ce lien n’existe pas. Mais par une absurde contradiction, notre loi civile choisit ce moment pour proclamer l’infériorité de la femme; elle la condamne à l’obéissance, lui fait prêter un faux serment, et abuse de l’amour pour lui faire outrager l’amour.
«Ce sera, je n’en doute pas, pour les âges futurs, le signe caractéristique de notre état moral que cet article de nos lois qui consacre en termes si formels l’inégalité dans l’amour. On dira de nous: ils comprenaient si peu la justice, qu’ils ne comprenaient pas même l’amour, qui est la justice à son degré le plus divin; ils comprenaient si peu l’amour, qu’ils n’y faisaient pas même entrer la justice, et que dans leur livre de la justice, dans leur Code, la formule du mariage, le seul sacrement dont ils eussent encore quelque idée, au lieu de consacrer l’égalité, consacrait l’inégalité; au lieu de l’union, la désunion; au lieu de l’amour qui égalise et qui identifie, je ne sais quel rapport contradictoire et monstrueux, fondé à la fois 35 sur l’identité et sur l’infériorité et l’esclavage. Oui, comme ces formules de la loi des Douze Tables que nous citons aujourd’hui, quand nous voulons prouver la barbarie des anciens romains, et leur ignorance de la justice; cet article de nos codes sera cité un jour pour caractériser notre grossièreté et notre ignorance, car l’absence d’une notion élevée de la justice y est aussi marquée que l’absence d’une notion élevée de l’amour.
«Tout suit de là relativement à la condition des femmes, ou plutôt tout se rattache à ce point: car respecterons-nous l’égalité de la femme comme personne humaine, quand nous sommes assez insensés pour lui nier cette qualité comme épouse? La femme aujourd’hui est-elle vraiment, en tant que personne humaine, traitée en égale de l’homme? Je ne veux pas entrer dans ce vaste sujet. Je me borne à une seule question: quelle éducation reçoivent les femmes? Vous les traitez comme vous traitez le peuple. A elles aussi vous laissez la vieille religion qui ne nous convient plus. Ce sont des enfants à qui l’on conserve le plus longtemps possible le maillot, comme si ce n’était pas là le bon moyen pour les déformer, pour détruire à la fois la rectitude de leur esprit et la candeur de leur âme. Que fait d’ailleurs la société pour elles? De quelles carrières leur ouvre-t-elle l’accès? Et pourtant il est évident pour qui y réfléchit, que nos arts, nos sciences, nos industries, feront autant de progrès nouveaux quand les femmes seront appelées, qu’ils en ont fait, il y a quelques siècles, quand les serfs ont été appelés. Tous vous plaignez de la misère et du malheur qui pèsent sur vos tristes sociétés, 36 abolissez les castes qui subsistent encore; abolissez la caste où vous tenez renfermée la moitié du genre humain.»
Ces quelques pages, lecteurs, vous donnent la mesure des sentiments des Saint-Simoniens orthodoxes et dissidents, et justifient la sympathie qu’éprouvent les femmes majeures, pour ceux qui ont si chaleureusement plaidé leur cause.
SAINT SIMONIANS.
My mother, a zealous Protestant and very austere in morals, disapproved of St. Simonianism, and never permitted 173 any one to speak of it in my presence except to condemn it; she took great care that not a line of the new doctrine should fall under my eyes.
Whether from a natural spirit of opposition or from instinctive justice, I know not, but I by no means shared in the censure that I heard expressed about me; one thing alone resulted from it—curiosity to become acquainted with what were called immoral dogmas.
I was in this frame of mind when one day while with my mother in the neighborhood of the Palais du Justice, I saw a company of men advancing, clad in a graceful costume; they were the Saint Simonians going in a body to defend their infant church against prosecution at the bar. I was greatly moved by the sight; I felt in communion with these youth who were about to bear testimony to their faith; they did not seem like strangers, but as struggling for my own cause or for one that deserved my sympathy, and tears sprang to my eyes. I could have heartily embraced those whom I heard defending them, and as heartily have assailed those who claimed that it would be just to condemn them. My mother being too generous to join with the latter, we departed in silence. I knew, without having any knowledge of the details, that the church of St. Simon had been dispersed.
It was not until some years after that, having made the acquaintance of a St. Simonian lady, I was enabled to read the doctrinal writings and to form an idea of the aspirations and the dogmas of the school of St. Simon. If the nature of this work forbids me their analysis, it cannot reproach me for expressing my sympathies for those who have had great and generous aspirations; for those who, in a critical point of view, 174 have rendered real services to the cause of Progress; for those who have brought to light the solution of the two capital problems of our epoch; the emancipation of woman and of the workman. The St. Simonians have been enough assailed, enough calumniated to justify a woman who is not a St. Simonian in considering it a duty to render them justice, by acknowledging the good which they have done.
Yes, you have a right to be proud of your name of St. Simonians, you who have proclaimed the obligation of laboring without respite for the physical, moral and intellectual amelioration of the most numerous and the poorest class;
You who have proclaimed the sanctity of science, art, manufactures, and labor in every form;
You who have proclaimed the equality of the sexes in the family, the church, and the state;
You who have preached of peace and fraternity to a world given over to wars of cannon and competition.
You who have criticised the ancient dogma, and all the evil institutions that have thence arisen;
Yes, I repeat, you have deserved well of Progress, you have deserved well of Humanity; and you have a right to bear with pride your great scholastic name; for it was noble to desire the emancipation of woman, of labor, and of the laborer; it was generous to consecrate youth and fortune to it, as so many among you have done.
Through your aspirations, you have been the continuers of ’89, since you dreamed of realizing what was contained in the germ in the Declaration of Rights: these are your titles of greatness; this is why your name will not perish. But if, through your sentiments, 175 you belonged to the great era of ’89, the social form in which you claimed to incarnate your principles, belonged to the Middle Ages; the age therefore has done right to leave you behind. Seduced by trinitarian mysticism, deluded by an erroneous historical point of view, you claimed to resuscitate hierarchy and theocracy in a system of humanity fashioned in conformity with the opposing principle; the triumph of individual liberty in social equality. This is the reason that the age could not follow you. No more could women follow you, for they felt that they could only be affranchised through labor and through purity of morals; by ruling over, not imitating masculine passions. They felt that their power of moralization was due as much to their chastity as to their intellect; they knew that those who make use of the most liberty in love, neither love nor esteem the other sex; that, in general, they employ their ascendancy over it to pervert it to ruin and afflict their companions, and to dissolve the family and civilization; that, in consequence, they are the most dangerous enemies of the emancipation of their sex; for man, sobered of his passion, can never desire to emancipate those by whom he has been deceived, ruined and demoralized.
The St. Simonian orthodoxy is therefore, in my opinion, greatly mistaken with respect to the ways and means of realization. Shall we impute this to it as a crime? No, indeed! social problems are not mathematical problems; there is merit in propounding them; courage and devotion in pursuing their solution, even when we fail completely to attain it.
We all know the spirit of the St. Simonians who first brought before the public mind of the age the question of female emancipation; it would be ungrateful in 176 the women who demand liberty and equality not to recognize the debt of gratitude which they have contracted toward them. It is their duty to say to their companions: the seal of St. Simonianism is the safeguard of the liberty of woman; wherever therefore you meet a St. Simonian, you may press his hand fraternally; you have in him a defender of your right.
Let us sketch the general outline of the St. Simonian doctrine, touching woman and her rights.
All of the St. Simonians admit that the sexes are equal;
That the couple forms the social individual;
That marriage is the sacred bond of generations; the association of a man and a woman for the accomplishment of a sacerdotal, scientific, artistic, or industrial work;
All admit divorce, and transition to another union; but some are more severe than others with respect to the conditions of divorce.
There is a division among them on the question of morals. Olinde Rodrigues and Bazard do not admit any liaison of love outside of marriage. M. Enfantine, on the contrary, claims the greatest liberty in love.
We should add that he gives to this opinion a fixed and provisional value only, since he says that the law of the relations of sexes can only be established in a sure and definitive manner by the concurrence of the woman; and since, on the other hand, he prescribes continence to his closest followers, until the coming of the Woman, of which he regards himself the precursor.
In addition, to give our readers a more precise idea of the sentiments of the St. Simonians concerning woman, we will cite some passages of their writings.
177 “The use of woman by man still exists,” says M. Enfantin; “this it is that constitutes the necessity of our apostleship. This use, this subalternation contrary to nature, with respect to the future, results on the one hand, in falsehood and fraud; on the other, in violence and animal passions; it is necessary to put an end to these vices.”—(Religion St. Simonienne, 1832, p. 5.)
“Woman, as we have said, is the equal of man; She is now a slave; it belongs to her master to affranchise her.” (Id. p. 12.)
“There will be no definitive law and morality until woman shall have spoken.” (Id. p. 18.)
“In the name of God,” exclaims M. Enfantin in his Appel à la Femme, “in the name of God and of all the sufferings which Humanity, his loved child, endures to-day in her flesh; in the name of the poorest and most numerous class whose daughters are sold to Indolence and whose sons are given up to War; in the name of all those men and of all those women, who cast the glittering veil of falsehood or the filthy rays of debauchery over their secret or public prostitution; in the name of St. Simon who came to announce to man and woman their moral, social and religious equality, I conjure woman to answer me!” (Entretien du 7 Décembre, 1831.)
On his side, Bazard concludes a pamphlet, published in January, 1832, with these words:
“And we too have hastened the coming of woman; we too summon her with all our might; but it is in the name of the pure love with which she has imbued the heart of man, and which man is now ready to give her in return; it is in the name of the dignity which is promised her in marriage; it is lastly and above all, in 178 the name of the most numerous and poorest class, whose servitudes and humiliations she has hitherto shared, and whom her enchanting voice can alone to-day have power finally to release from the harsh imposition with which it is still weighed down by the wrecks of the past.”
Ah! you are to a great extent right, Enfantin and Bazard! So long as woman is not free and the equal of man; so long as she is not everywhere at his side, sorrows, disorders, war, the exploitation of the weak, will be the sad lot of humanity.
Pierre Leroux, the gentlest, best and most simple man that I know, writes in turn in the fourth volume of his Encyclopédie Nouvelle, article Egalité, the following remarkable paragraphs:
“There are not two different beings, man and woman, there is but a single human being with two phases, which correspond and are united by love.
“Man and woman exist to form the couple; they are the two parts of it. Outside of the couple, outside of love and marriage, there is no longer any sex; there are human beings of a common origin and of like faculties. Man at every moment of his life is sensation, sentiment, knowledge; so is woman. The definition is therefore the same.”
After having proved, according to his idea, that the type of woman differs from that of man, he continues:
“But this type does not separate them from the rest of humanity, and does not make of them a separate race which must be distinguished philosophically from man…. Love being absent, they manifest themselves to man as human beings, and are ranked, like man, under the various categories of civil society.”
179 After having observed that, however different men may be, they are therefore none the less equal, since they all are sensation, sentiment and knowledge, Pierre Leroux, applying this principle to the question of the right of woman, adds:
“From whatever side we look at this question, we are led to proclaim the equality of man and woman. For, if we consider woman in the couple, woman is the equal of man, since the couple itself is founded on equality, since love is equality in itself, and since where justice, that is, equality, does not reign, there love cannot reign, but the contrary of love.
“And if we consider woman outside of the couple, she is a being like unto man, endowed with the same faculties in various degrees; one of those varieties in unity which constitute the world and human society.”
The author says that woman should lay claim to equality only as a spouse and a human being; that to acknowledge her as free because she has sex, is to declare her at liberty not only to use but also to abuse love; and that the abuse of love must not be the appanage and sign of liberty.
He says that woman has sex only for him whom she loves and by whom she is loved; that to all others she can be merely a human being.
“From this point of view,” continues he, “we must say to women: you have a right to equality by two distinct titles; as human beings and as wives. As wives, you are our equals, for love in itself is equality. As human beings, your cause is that of all, it is the same as that of the people; it is allied to the great revolutionary cause; that is, to the general progress of the human kind. You are our equals, not because you are women but because there are no longer either slaves or serfs.
180 “This is the truth that must be spoken to men and women; but it would be to pervert this truth and to transform it into error to say to women: You are a sex apart, a sex in the possession of love. Emancipate yourselves; that is, use and abuse love. Woman thus transformed into an unchaste Venus, loses at once her dignity as a human being and as a woman; that is, as a being capable of forming a human couple under the sacred law of love.”
The excellent Leroux asks who does not feel, who does not admit at the present day the equality of the sexes?
Who would dare maintain that woman is an inferior being, of whom man is the guide and beacon light?
That woman is elevated by man, who is elevated only by himself and by God?
Who would dare maintain such absurdities to-day, brave and upright Leroux? P. J. Proudhon, the man who called you Theopompe and Pâlissier—M. Michelet, who claims that woman was created to be the most tiresome doll of her loving husband.
But to return to yourself.
You affirm that God is androgynous; that in him coexist the male and female principles on the footing of equality: that consequently, man and woman are equal in God. I assent to this willingly, although I know absolutely nothing about it. But when you add that woman is deserving of quite as much as man, because she has shared in all the agonizing crises of the progressive education of the human race;
That love, which cannot exist without the woman, has led us from the law of slavery to that of equality;
That consequently woman represents half in the work of the ages;
181 In this there is no mystery; I join you therefore with all my heart in repeating to men the invitations and the lessons which you give to these ungrateful and stubborn males:
“If we are free, it is in part by woman; let her then be made free by us.
“But is she so? Is she treated by us as an equal?
“A wife—does she find equality in love and marriage?
“A human being, does she find equality in the State?
“This is the question.
“On the subject of woman, our civil law is a model of absurd contradictions. According to the Roman law, woman lived perpetually under tutelage; in this system of legislation, everything was at least in perfect harmony; woman was always a minor. We, on our part, declare her in a multitude of cases to be free as man. She is no longer under general or fictitious tutelage; her age of majority is fixed; she is competent to inherit in her own right; she inherits in equal proportion; she controls and disposes of her property; more than this, in the system of communion of goods between husband and wife, we admit the separation of property. But let the marriage bond itself be in question, in which wealth is no longer at stake, but ourselves and our mothers, ourselves and our sisters, ourselves and our daughters; then we are found intractable in our laws; we no longer admit equality; we require woman to declare herself our inferior and servant, and to swear obedience to us.
“Truly we cling more to money than to love; we have more consideration for money-bags than for human dignity; for we emancipate women as soon as they become freeholders; but as soon as they become wives 182 the law declares them our inferiors. Here notwithstanding, that bond is in question in which the equality of man and woman is most evident; that bond in which this equality breaks forth, as it were; that bond in which it is so necessary to proclaim that without equality, the bond itself exists no longer. Yet, by an absurd contradiction, our civil law chooses this moment to proclaim the inferiority of woman; it condemns her to obedience, makes her take a false oath, and takes advantage of love to make it outrage itself.
“I have no doubt that, to future ages, the characteristic symbol of our moral condition will be that article of our laws which sanctions in set terms inequality in love. It will be said of us: they had so little comprehension of justice, that they did not comprehend love which is justice in even its holiest type; they had so little comprehension of love, that they did not even admit justice in it; and that in their written law, their Code, the form of marriage, the only sacrament of which they yet had any idea, instead of sanctioning equality, sanctions inequality; instead of union, disunion; instead of the love that equalizes and identifies its objects, some contradictory and monstrous relation, founded at the same time upon identity, and upon inferiority and slavery. Yes, like those forms of the law of the Twelve Tables, that we quote now to prove the barbarity of the ancient Romans and their ignorance of justice, this article of our Code will be some day cited to characterize our grossness and ignorance, for the absence of an elevated notion of justice is as marked in it as is the absence of an elevated notion of love.
“Thence follows everything relative to the condition of woman; or rather, everything is connected with this 183 point; for will we respect the equality of woman as a human being when we are senseless enough to deny her this quality as a wife? Is woman to-day, in so far as a human being, really treated as the equal of man? I will not enter upon this broad subject. I confine myself to a single question; what education do women receive? You treat them as you treat the people. To these too you leave the old religion that fits us no longer. They are children kept as long as possible in swaddling clothes, as though this were not the true way to deform them, to destroy at once the rectitude of their mind and the candor of their soul. Besides, what does Society do for them? To what new careers does she give them access? Yet, notwithstanding, it is evident to every thinking mind that our arts, our sciences, our manufactures will make as much new progress when women are called to take a part in them, as they did a few years ago, when they were opened to the serfs. You complain of the want and wretchedness that weighs down your systems of society; abolish the castes that are still subsisting; abolish the caste in which you hold immured the half of the human race.”
These few pages, my readers, give you the compass of the sentiments of the St. Simonians, both orthodox and dissenters, and justify the sympathy entertained by women who have attained majority for those who have so ardently pleaded their cause.a
FUSIONIENS
M. Louis de Tourreil, révélateur du Fusionisme, est un homme qu’on ne peut voir sans sympathie, ni entendre sans plaisir, parce qu’il est bienveillant, parle bien, et que ses idées sont très logiquement enchaînées: une fois ses principes admis, on est contraint de le suivre jusqu’au bout.
M. de Tourreil s’exprime ainsi dans la Revue philosophique de mai 1856, au sujet de la femme et de ses droits:
«La nature se réduit à trois grands principes co-éternels ou agents producteurs de toutes choses. Ces principes sont:
«Le principe femelle ou passif,
«Le principe mâle ou actif,
«Et le principe mixte ou unificatif, participant des deux, que l’on appelle Amour.
«Dieu est donc Femelle, Mâle et Androgyne dans son unité trinaire.
«Il est simultanément de toute éternité Mère, Père et Amour, au lieu d’être, comme les théologiens le disent, 38 Père, Fils et Saint-Esprit, trois agents de même séve, incapables de rien produire…..
«Vous concevrez facilement, mon cher frère, que si dans la trinité divine, le sexe féminin et le sexe masculin sont sur la même ligne, ils se trouveront également sur la même ligne dans l’humanité. Le rôle que la femme divine joue au Ciel, la femme humaine le jouera sur la terre…..
«Est-il (Dieu) seulement du sexe masculin, les hommes diront que le sexe masculin est le seul noble, et que la femme n’a été créée que pour le service de l’homme, comme l’homme est créé pour Dieu. L’on mettra même en doute si elle a une âme, et l’on croira lui faire une grâce en l’admettant dans la vie comme quelque chose.»
Suivent dans le texte les enseignements de l’apôtre Paul sur la femme et le mariage; puis l’auteur continue:
«Voilà, mon cher frère, le rôle que le christianisme assigne à la femme. Si cette doctrine était donc suivie de point en point, et si elle ne devait pas être remplacée par une autre supérieure, la femme se trouverait à perpétuité condamnée à une subalternisation humiliante pour elle.
«Mais le Fusionisme qui est la doctrine du salut pour tous, ne permet à aucun d’être sacrifié, c’est pourquoi la femme est l’égale de l’homme, et l’homme est l’égal de la femme, comme en Dieu, la Mère éternelle est l’égale du Père éternel, et le Père éternel est l’égal de la Mère éternelle.»
M. de Tourreil croit que la Mère donne la forme, et le Père, la vie, deux choses aussi nécessaires l’une que l’autre pour constituer l’être.
39 «Puisque la femme est l’égale de l’homme en principe absolu, continue-t-il, et qu’elle lui est co-éternelle, il y a injustice à la subalterniser à l’homme dans le relatif, et la Genèse commet une erreur grossière en la faisant procéder de l’homme.
«Si l’un des deux pouvait être avant l’autre, ce serait la femme; car à la rigueur on pourrait concevoir l’être sans la vie, mais il serait bien impossible de concevoir la vie sans l’être.
«L’être sans la vie serait un être mort, mais que serait la vie sans l’être? Ce serait une vie qui n’existerait pas, la négation, l’absence de la vie, le néant. Donc, dans l’ordre logique, la femme est la première…..
«Non seulement la femme doit être l’égale de l’homme, d’après ce que nous avons vu, mais dans l’énonciation et le classement, elle doit être nommée et classée la première.
«La femme est le moule qui perfectionne ou déprave l’espèce, selon que ce moule est bien ou mal. Le sort de l’humanité dépend donc de la femme, puisqu’elle a une action toute puissante sur le fruit qu’elle porte dans son sein.
«Pure, bonne, intelligente, elle produira des êtres sains, intelligents et bons.
«Impure, bornée et méchante, elle produira des êtres malsains, inintelligents et méchants.
«En un mot, l’enfant sera ce que sera sa mère, parce que nul ne peut donner que ce qu’il a.
«Il importe donc que la femme soit développée comme l’homme, que son éducation soit universelle, que sa personne 40 soit honorée, respectée, entourée de sollicitude, afin que rien dans le milieu social ne vienne la modifier en mal.
«Destinée par l’Être Suprême à former de sa chair, de son sang et de son âme l’être humain, destinée à le nourrir de son lait et à faire sa première éducation, deux actes qui ont la plus grande influence sur la vie individuelle, la femme doit être considérée comme l’agent principal de perfectionnement. Ce rôle la classe naturellement à un rang très élevé dans la société, et exige d’elle des perfections supérieures.
«Aussi sera-t-elle dans l’avenir l’image de la sagesse divine sur la terre, comme l’homme en représentera la puissance.
«A l’homme reviendra plus particulièrement l’action; à la femme, le conseil.
«L’homme aura l’initiative des entreprises difficiles; la femme en modérera ou en excitera l’ardeur.
«L’homme domptera la planète; la femme l’embellira.
«L’homme symbolisera la science et l’industrie; la femme symbolisera la poésie et l’art.
«Toujours l’un aura besoin de l’autre; ils marcheront parallèlement ensemble, et se compléteront réciproquement l’un par l’autre.
«Voilà, mon cher frère, d’une façon raccourcie, l’idée que l’on doit se faire de la femme. L’homme et la femme ne sont pas deux êtres radicalement séparés; ils ne font à eux deux qu’un seul être. Subalterniser la femme à l’homme, ou l’homme à la femme, c’est donc mutiler l’être humain et mal comprendre son intérêt. Pour que l’humanité soit heureuse, il ne faut pas que l’une de ses deux moitiés souffre. Et comment 41 ne souffrirait-elle pas si elle est asservie, opprimée par l’autre!
«Notre destinée sur la terre, c’est de constituer l’être collectif dans sa conscience propre. Pour cela, il faut réaliser l’androgyne humanitaire. Or, l’androgyne humanitaire nécessite auparavant l’androgyne individuel, lequel ne peut être constitué que par le mariage harmonique.
«Le mariage est donc la grande loi formatrice ou déformatrice de l’être collectif, selon qu’il est conçu par le législateur d’une manière conforme ou contraire à la destinée humaine.
«C’est dans le mariage que se trouve la source du bien et du mal; savez-vous pourquoi?
«C’est parce que dans l’acte qui unit l’homme à la femme, et où le couple ne forme plus qu’un corps, les deux âmes se fusionnent par une donation réciproque, qui fait que l’âme de l’homme et l’âme de la femme s’unissent l’une à l’autre pour l’éternité.
«En sorte que, après la conjonction, l’âme de la femme adhère à l’âme de l’homme et l’accompagne partout, pendant que l’âme de l’homme adhère à l’âme de la femme et ne la quitte plus.
«D’où il suit que si l’âme de l’homme est dépravée, elle déprave la femme à laquelle elle est unie, en exerçant sur elle une action continue, même à distance. Comme aussi, la dépravation de la femme unie à un homme, déprave celui-ci à son insu, par une action occulte et permanente.
«Les âmes de deux êtres dépravés peuvent donc être conjointes inséparablement, sans pour cela constituer l’androgyne 42 individuel, qui est le but divin du mariage ou de l’union des sexes.
«L’androgyne individuel n’est possible qu’à la condition de l’unité. Mais l’unité ne saurait être constituée par le mal.
«Il n’y a que le bien, le vrai, le parfait, qui réunissent les conditions de l’unité. Le mal, le faux, l’imparfait, sont essentiellement divers de leur nature.
«Deux êtres méchants, sans sincérité, pleins de vices, ne produiront par leur conjonction qu’une division de plus en plus grande. Ils seront unis; mais pour se tourmenter réciproquement. Jamais l’unité ne sera constituée par eux; et sans la constitution de l’unité ou de l’androgyne individuel, il ne serait pas possible de réaliser la destinée humaine.
«Pour que l’androgyne individuel existe dans le couple, il faut la communion spirituelle parfaite, c’est à dire la communauté de pensée, de sentiment et de volonté. Mais comment deux individus qui, au lieu d’être régis par la vérité, ne sont régis que par leurs passions dévoyées, pourraient-ils à eux deux n’en faire qu’un? Cela est impossible.
«Vous pouvez comprendre, mon cher frère, d’après ce peu de paroles, combien le mariage est saint, et combien il importe de ne contracter que des unions harmoniques, car souvent le malheur de la vie dépend d’une conjonction irréfléchie.»
Ayant eu occasion de me rencontrer plusieurs fois avec l’honorable M. de Tourreil, je lui demandai quelques détails précis sur la liberté de la femme et le mariage.
Voici le résumé de ceux qu’il a bien voulu me donner:
L’éducation est la même pour les deux sexes;
43 La femme suit librement la vocation qui lui vient de Dieu; seule elle en est juge;
Dans tous les grades et emplois de la république de Dieu, la femme est à côté de l’homme;
Depuis l’âge de cinquante ans, tout individu des deux sexes est gouvernant et prêtre;
La reproduction de l’espèce, devant être l’œuvre de l’amour de personnes saines d’esprit et de corps, avant d’y procéder, l’épouse sera engagée à se confesser à la prêtresse et l’époux au prêtre, afin d’être éclairés sur l’opportunité ou les inconvénients d’un rapprochement.
Il n’y a qu’un seul cas de dissolution du mariage: c’est quand les époux sont arrivés à la fusion complète, c’est à dire à se sentir, à se savoir réciproquement, à ne plus rien avoir à échanger. Alors il devient nécessaire de changer de liens, et de travailler chacun de son côté à se fusionner avec un autre conjoint. Dans l’état actuel de l’humanité, cette fusion ne peut avoir lieu; mais plus tard, quand nous serons plus parfaits, elle deviendra possible plusieurs fois dans la vie.
Le Fusionisme est, comme on le voit, un socialisme mystique.
Ses sectateurs sont des gens doux et bons, et très tolérants envers ceux qui ne pensent pas comme eux.
FUSIONISTS.
Louis de Tourreil, the revealer of Fusionism, is a man whom it is impossible to behold without sympathy or to hear without pleasure; he is kindly, he speaks 184 well, and his ideas are most logically deduced; his principles once admitted, one is constrained to follow him to the end.
Tourreil expresses himself in the Revue Philosophique of May, 1856, on the subject of woman and her rights, as follows:
“Nature is reduced to three great co-eternal principles or productive agents of all things. These principles are:
“The female or passive principle,
“The male or active principle,
“And the mixed or unificative principle, participating in both, which is called Love.
“God is therefore Female, Male and Androgynous, in his trinary unity.
“He is simultaneously from all eternity Mother, Father and Love, instead of being, as the theologians say, Father, Son, and Holy Spirit; three agents of like sex, incapable of producing anything.
“You will easily conceive, my dear brother, that if the masculine and the feminine sex hold the same rank in the Divine Trinity, they will be also found in the same rank in humanity. The part which the divine woman plays in Heaven, the human woman will play on Earth….
“Were he (God) only of the masculine sex, men would say that the masculine sex alone is noble, and that woman is created merely for the service of man, as man is created for that of God. They would even question whether she had a soul, and would think that they were doing her a favor in admitting her as something in life.”
After quoting the teachings of the apostle Paul with respect to woman and marriage, the author continues:
185 “Behold, my dear brother, the part which Christianity assigns to woman. If this doctrine therefore were followed in every point, and if it ought to be replaced by no higher one, woman would find herself condemned in perpetuity to a subalternization humiliating to her nature.
“But Fusionism, which is the doctrine of Salvation for all, does not permit any one to be sacrificed; for this reason, woman is the equal of man and man the equal of woman, as in God, the eternal Mother is the equal of the eternal Father, and the eternal Father is the equal of the eternal Mother.”
De Tourreil believes that the Mother gives form and the Father life, two things equally necessary to constitute the being.
“Since woman is the equal of man in absolute principle,” continues he, “and since she is co-eternal with him, there is injustice in subordinating her to man in the relative; and the book of Genesis commits a gross error in making her proceed from man:
“If either of the two could be before the other, it would be the woman, for strictly speaking, we could conceive of the being without the life, but it would be quite impossible to conceive of the life without the being: The being without the life would be a dead being, but what would the life be without the being? It would be a life without existence, negation, the absence of life, nothingness. Therefore, in logical order, woman is first….
“Not only ought woman to be the equal of man, as we have seen, but in enunciation and classification, she should be named and classed first.
“Woman is the mould by which the species is perfected 186 or depraved, according as the mould is good or bad. The fate of humanity depends therefore on woman, since she has all powerful influence on the fruit that she bears in her bosom.
“Pure, good, intelligent, she will produce healthy, intelligent and good beings.
“Impure, narrow, and wicked, she will produce unhealthy, unintelligent and wicked beings.
“In a word, the child will be what its mother is, for nothing can give what it has not.
“It is important therefore that woman should be developed like man, that her education should be comprehensive, that her person should be honored, respected, and tenderly cared for, in order that nothing in the social surroundings may shape it to evil.
“Destined by the Supreme Being to form the human being from her flesh, her blood and her soul, destined to nourish it with her milk and to give it its earliest education, the two acts which have the greatest influence over the individual life, woman should be considered as the chief agent of perfection. This rôle classes her naturally in a very elevated rank in society, and exacts of her superior perfections.
“Thus in the future she will be the image of Divine Wisdom on earth, as man will represent Divine Power.
“To man more especially will belong action; to woman, counsel.
“Man will take the initiative in difficult enterprises; woman will moderate or excite ardor therein.
“Man will rule the planet; woman will embellish it.
“Man will symbolize science and manufactures; woman will symbolize poetry and art.
“The one will always have need of the other; they 187 will walk together side by side, and will find completeness reciprocally in each other.
“Such, my dear friend, after a brief fashion, is the idea which should be formed of woman. Man and woman are not two beings radically separated; both together make but a single being. To subordinate woman to man or man to woman is therefore to mutilate the human being, or to fail to comprehend its interests. That humanity may be happy, neither of its halves must suffer. And how can it help suffering if it is reduced to servitude and oppressed by the other?
“Our destiny on earth is to constitute the collective being in his own consciousness. For this, it is necessary to realize the humanitary androgynus. Now the humanitary androgynus necessitates first the individual androgynus which can only be constituted by harmonious marriage.
“Marriage is therefore the great formative or deformative law of the collective being, according as it is expressed by the legislator in a manner conformably or contrary to human destiny.
“It is in marriage that the sources of good and evil are found; would you know why?
“Because in the act that joins the man to the woman, and by which the couple are made to form but one body, the two souls are fused by means of a reciprocal donation, which unites the souls of the two for eternity.
“So that, after the conjunction, the soul of the woman adheres to the soul of the man and accompanies it everywhere, while the soul of the man adheres to the woman and never more quits it.
“Whence it follows that if the soul of the man be depraved, it depraves the woman to whom it is united, by exercising over her a continued action, even at a distance. 188 So also does the depravity of the woman united to the man deprave him without his knowing it by an occult and permanent action.
“The souls of two depraved beings may be therefore inseparably conjoined, without thus constituting the individual androgynus, which is the divine end of marriage or the union of the sexes.
“The individual androgynus is only possible to the condition of unity. But unity cannot be constituted by evil.
“The good, the true and the perfect alone can combine the conditions of unity. The evil, the false and the imperfect are essentially inharmonious in their nature.
“Two wicked, insincere and vicious beings will only produce by their conjunction a still greater difference. They will be united, but only reciprocally to torment each other. Unity will never be constituted by them; and without the constitution of unity or the individual androgynus, it will be impossible to realize the human destiny.
“In order that the individual androgynus may exist in the couple, there must be perfect spiritual communion between them; that is, communion of thought, of feeling, and of will. But how can two individuals who, instead of being ruled by truth, are ruled only by their misdirected passions,—how can these two make but one? It is impossible.
“You will comprehend, my dear brother, from these few words, how sacred is marriage, and how important it is to contract none but harmonious unions, for the unhappiness of a lifetime often depends on an inconsiderate conjunction.”
Having had several opportunities of meeting M. de 189 Tourreil, I asked him for some exact details in respect to the liberty of woman and marriage.
The following is an abstract of those that he has kindly given me;
Education should be the same for both sexes;
Woman should be at liberty to follow the vocation which comes to her from God; and of which she alone is judge;
“In all grades and employments in the republic of God, woman should be at the side of man;
After the age of fifty, all individuals of both sexes should be rulers and priests;
The reproduction of the species being the work of the love of persons healthy in mind and in body, before marriage, the bride should be required to make confession to a priestess and the bridegroom to a priest, in order to be enlightened with respect to the opportuneness or unsuitableness of the union.
Dissolution of marriage should take place but in a single case,—when the husband and wife have attained to complete fusion; that is, to feeling and knowing reciprocally that they have no longer anything to exchange. It then becomes necessary to form new ties, and, each one to labor to fuse with a new consort. In the existing condition of humanity, this fusion cannot take place; but in the future, when we shall be nearer perfection, it will become possible several times in life.
Fusionism is, as is evident, mystical socialism.
Its votaries are gentle and good, and very tolerant towards those who do not think like them.
PHALANSTÉRIENS
Le cachet de l’École Fouriériste, Sociétaire ou Phalanstérienne est le respect de la liberté individuelle, basé sur les notions suivantes:
Toute nature est bonne; elle ne se pervertit qu’en fonctionnant dans un mauvais milieu.
Personne ne ressemblant exactement aux autres, chacun doit être seul juge de ses aptitudes, et ne doit recevoir loi que de lui-même.
Les attractions sont proportionnelles aux destinées.
Si les disciples de mon compatriote Charles Fourier, ne s’expriment pas exactement ainsi, tout ce qu’ils ont écrit est empreint de ces pensées.
Fourier et ses disciples ont-ils raison de croire que la loi d’attraction passionnelle soit appelée seule à organiser le monde industriel, moral et social?
45 Que l’élément primordial d’une société doive être la commune Sociétaire ou Phalanstère?
Que les passions les plus opposées, les plus diverses, soient les conditions sine qua non de l’harmonie?
Que la rétribution des œuvres et du concours doive se faire selon le Travail, le Capital et le Talent?
C’est ce que nous n’avons pas à examiner ici.
La seule chose qui doive nous occuper dans cette rapide revue des opinions contemporaines, est de rechercher quels sont les sentiments et les idées de Fourier et de son école en ce qui concerne l’objet principal de ce livre. Quelques pages du chef et une analyse sommaire y suffiront.
Voici ce qu’écrit Fourier dans la Théorie des quatre Mouvements, édition de 1848, pages 146, 147 et suivantes:
«Que les anciens philosophes de la Grèce et de Rome aient dédaigné les intérêts des femmes, il n’y a rien d’étonnant à cela, puisque ces rhéteurs étaient tous des partisans outrés de la pédérastie qu’ils avaient mise en grand honneur dans la belle antiquité. Ils jetaient le ridicule sur la fréquentation des femmes: cette passion était considérée comme déshonorante…. Ces mœurs obtenaient le suffrage unanime des philosophes qui, depuis le vertueux Socrate jusqu’au délicat Anacréon, n’affichaient que l’amour sodomite et le mépris des femmes, qu’on reléguait au deuxième étage, fermées comme dans un sérail, et bannies de la société des hommes.
«Ces goûts bizarres n’ayant pas pris faveur chez les modernes, on a lieu de s’étonner que nos philosophes aient hérité de la haine que les anciens savants portaient aux femmes, et qu’ils 46 aient continué à ravaler le sexe, au sujet de quelques astuces auxquelles la femme est forcée par l’oppression qui pèse sur elle, car on lui fait un crime de toute parole ou pensée conforme au vœu de la nature ……. (p. 146).
«Quoi de plus inconséquent que l’opinion de Diderot, qui prétend que pour écrire aux femmes, il faut tremper sa plume dans l’arc en ciel et saupoudrer l’écriture avec la poussière des ailes du papillon? Les femmes peuvent répliquer aux philosophes: votre civilisation nous persécute dès que nous obéissons à la nature; on nous oblige de prendre un caractère factice, à n’écouter que des impulsions contraires à nos désirs. Pour nous faire goûter cette doctrine, il faut bien que vous mettiez en jeu les illusions et le langage mensonger, comme vous faites à l’égard du soldat que vous bercez dans les lauriers et l’immortalité pour l’étourdir sur sa misérable condition. S’il était vraiment heureux, il pourrait accueillir un langage simple et véridique qu’on se garde bien de lui adresser. Il en est de même des femmes; si elles étaient libres et heureuses, elles seraient moins avides d’illusions et de cajoleries, et il ne serait plus nécessaire pour leur écrire, de mettre à contribution l’arc en ciel et les papillons … (p. 146 et 147).
«Lorsqu’elle (la Philosophie) raille sur les vices des femmes, elle fait sa propre critique; c’est elle qui produit ces vices par un système social qui, comprimant leurs facultés dès l’enfance et pendant tout le cours de leur vie, les force à recourir à la fraude pour se livrer à la nature.
«Vouloir juger les femmes sur le caractère vicieux qu’elles déploient en civilisation, c’est comme si l’on voulait juger la 47 nature de l’homme sur le caractère du paysan russe, qui n’a aucune idée d’honneur et de liberté, ou comme si l’on jugeait les castors sur l’hébêtement qu’ils montrent dans l’état domestique, tandis que dans l’état de liberté et de travail combiné ils deviennent les plus intelligents de tous les quadrupèdes. Même contraste règnera entre les femmes esclaves de la civilisation et les femmes libres de l’ordre combiné; elles surpasseront les hommes en dévouement industriel, en loyauté, en noblesse; mais hors de l’état libre et combiné, la femme devient, comme le castor domestique ou le paysan russe, un être tellement inférieur à sa destinée et à ses moyens, qu’on incline à la mépriser quand on la juge superficiellement et sur les apparences (p. 147).
«Une chose surprenante c’est que les femmes se soient montrées toujours supérieures aux hommes quand elles ont pu déployer sur le trône leurs moyens naturels, dont le diadème leur assure un libre usage. N’est-il pas certain que sur huit souveraines, libres et sans époux, il en est sept qui ont régné avec gloire, tandis que sur huit rois, on compte habituellement sept souverains faibles…. Les Élisabeth, les Catherine ne faisaient pas la guerre, mais elles savaient choisir leurs généraux, et c’est assez pour les avoir bons. Dans toute autre branche d’administration, les femmes n’ont-elles pas donné des leçons à l’homme? Quel prince a surpassé en fermeté Marie-Thérèse qui, dans un moment de désastre où la fidélité de ses sujets est chancelante, où ses ministres sont frappés de stupeur, entreprend à elle seule de retremper tous les courages? Elle sait intimider par son abord la diète de Hongrie mal disposée en 48 sa faveur; elle harangue les Magnats en langue latine, et amène ses propres ennemis à jurer sur leurs sabres de mourir pour elle. Voilà un indice des prodiges qu’opérerait l’émulation féminine dans un ordre social qui laisserait un libre essor à ses facultés (p. 148).
«Et vous, sexe oppresseur, ne surpasseriez-vous pas les défauts reprochés aux femmes, si une éducation servile vous formait comme elles à vous croire des automates faits pour obéir aux préjugés, et pour ramper devant un maître que le hasard vous donnerait? N’a-t-on pas vu vos prétentions de supériorité confondues par Catherine qui a foulé aux pieds le sexe masculin? En instituant des favoris titrés, elle a traîné l’homme dans la boue, et prouvé qu’il peut, dans la pleine liberté, se ravaler lui-même au dessous de la femme dont l’avilissement est forcé, et par conséquent excusable. Il faudrait, pour confondre la tyrannie des hommes, qu’il existât pendant un siècle un troisième sexe, mâle et femelle et plus fort que l’homme. Ce nouveau sexe prouverait à coups de gaules que les hommes sont faits pour ses plaisirs aussi bien que les femmes; alors on entendrait les hommes réclamer contre la tyrannie du sexe hermaphrodite, et confesser que la force ne doit pas être l’unique règle du droit. Or ces priviléges, cette indépendance qu’ils réclameraient contre le troisième sexe, pourquoi refusent-ils de les accorder aux femmes (p. 148)?
«En signalant ces femmes qui ont su prendre leur essor, depuis la Virago, comme Marie-Thérèse, jusqu’à celles de nuances plus radoucies, comme les Ninon et les Sévigné, je suis fondé à dire que la femme, en état de liberté, surpassera 49 l’homme dans toutes les fonctions de l’esprit ou du corps qui ne sont pas l’attribut de la force physique (p. 148).
«Déjà l’homme semble le pressentir; il s’indigne et s’alarme lorsque les femmes démentent le préjugé qui les accuse d’infériorité. La jalousie masculine a surtout éclaté contre les femmes auteurs; la philosophie les a écartées des honneurs académiques, et renvoyées ignominieusement au ménage ….. (p. 148).
«Quelle est aujourd’hui leur existence (celle des femmes)? Elles ne vivent que de privations, même dans l’industrie où l’homme a tout envahi, jusqu’aux minutieuses occupations de la couture et de la plume, tandis qu’on voit des femmes s’escrimer aux pénibles travaux de la campagne. N’est-il pas scandaleux de voir des athlètes de trente ans accroupis devant un bureau, et voiturant avec des bras velus une tasse de café, comme s’il manquait de femmes et d’enfants pour vaquer aux vétilleuses occupations des bureaux et du ménage (p. 159)?
«Quels sont donc les moyens de subsistance pour les femmes privées de fortune? La quenouille ou bien leurs charmes, quand elles en ont. Oui, la prostitution plus ou moins gazée, voilà leur unique ressource, que la philosophie leur conteste encore; voilà le sort abject auquel les réduit cette civilisation, cet esclavage conjugal qu’elles n’ont pas même songé à attaquer (p. 150).»
Fourier reproche amèrement aux femmes auteurs de n’avoir pas cherché les moyens de faire cesser un tel état de choses; et il ajoute avec grande raison:
«Leur indolence à cet égard est une des causes qui ont accru le mépris de l’homme. L’esclave n’est jamais plus méprisable 50 que par une aveugle soumission qui persuade à l’oppresseur que sa victime est née pour l’esclavage (p. 150).»
Fourier a raison mais… élever les autres, c’est risquer de se perdre dans la foule; et tout le monde n’est pas capable de ce degré d’abnégation.
Mais combattre pour le droit des faibles, quand les hommes vous ont admise dans leurs rangs, c’est se préparer un rude chemin et une lourde croix.
D’abord on s’expose à la haine et à la raillerie des hommes; puis les femmes d’une demi-culture, corrodées par la jalousie, inventent mille calomnies pour vous perdre; elles feignent de se scandaliser qu’une femme ose protester contre l’infériorité et l’exploitation de son sexe; elles se liguent avec les maîtres, crient plus fort qu’eux, et pour peu que vous soyez crédules, elles vous affirmeront qu’elles ont surpris l’ennemie, un nombre incalculable de fois, en conversation….. peu édifiante avec le malin esprit.
Or, toute femme n’est pas trempée pour hausser les épaules devant cette cohue d’esprits malsains….. on aime trop la paix, on manque de courage, et l’on n’aime pas assez la justice, n’est-ce pas, mesdames?
Revenons à Fourier. On sait qu’il admet plusieurs périodes sociales. Le pivot de chacune d’elles est, selon lui, tiré de l’amour et du degré de liberté de la femme.
«En thèse générale, dit-il, les progrès sociaux et changements de période s’opèrent en raison du progrès des femmes vers la liberté, et les décadences d’ordre social s’opèrent en raison du décroissement de la liberté des femmes (p. 132).»
51 Dans un autre endroit il ajoute en parlant des philosophes:
«S’ils traitent de morale, ils oublient de reconnaître et de réclamer les droits du sexe faible dont l’oppression détruit la justice dans sa base.»
Autre part il dit encore:
«Or, Dieu ne reconnaît pour liberté que celle qui s’étend aux deux sexes et non pas à un seul; aussi voulut-il que tous les germes des horreurs sociales, comme la sauvagerie, la barbarie, la civilisation, n’eussent d’autre pivot que l’asservissement des femmes; et que tous les germes du bien social, comme les sixième, septième, huitième période n’eussent d’autre pivot, d’autre boussole, que l’affranchissement progressif du sexe faible.»
On a reproché à Fourier d’avoir voulu l’émancipation amoureuse des femmes: rien n’est plus vrai. Mais pour le lui reprocher comme une immoralité, il faudrait que les hommes blâmassent leurs propres mœurs. Or ces messieurs se considérant comme très purs, quoique possédés de la papillonne en amour, l’infidélité et la possession simultanée de plusieurs femmes n’étant qu’un jeu pour eux, je ne vois vraiment pas ce qu’ils peuvent blâmer dans Fourier.
Ou ce qu’ils font est bien, et alors ce ne peut être un mal pour la femme.
Ou ce qu’ils font est mal: alors pourquoi le font-ils?
Fourier croyait à l’unité de la loi morale et à l’égalité des sexes; il croyait à la légitimité des mœurs de ces messieurs, moins la perfidie et l’hypocrisie; voilà pourquoi il prétend émanciper la femme en amour: il est logique.
52 Du reste il a toujours répété que les mœurs qu’il peignait, seraient du désordre en période civilisée; qu’elles ne pourraient s’établir que progressivement dans les périodes subséquentes. Parmi les phalanstériens beaucoup repoussent aussi bien les mœurs amoureuses de Fourier que sa Théodicée, et j’ai entendu moi-même plusieurs leçons dans lesquelles l’orateur condamnait, non seulement la fausseté dans les rapports conjugaux, mais encore la légèreté des mœurs.
Fourier et l’orthodoxie Saint-Simonienne ont commis la même erreur au sujet de l’émancipation de la femme; mais les hommes, je le répète, seraient bien audacieux de leur en faire un crime, puisqu’ils se permettent pis; quant aux femmes, soutenues et aimées par ces réformateurs, qu’elles imitent la pieuse conduite de Sem et de Japhet: on doit des égards à son père, que ce soit l’idée ou le vin qui l’ait mis en état d’ivresse.
Maintenant que nous avons cité le maître, énumérons les principaux points de la doctrine Fouriériste, en ce qui touche la liberté de la femme et l’égalité des sexes:
1o L’homme et la femme se composent des mêmes éléments physiques, intellectuels et moraux: il y a donc entre les sexes identité de nature.
2o La proportion de ces éléments diffère chez les deux sexes, et constitue la différence qui existe entre eux.
3o Cette différence est équilibrée de manière à ce que la valeur soit égale. Où l’homme est le plus fort, il prend le pas sur la femme, où celle-ci est la plus forte, elle prend le pas sur l’homme.
4o L’homme appartient au mode majeur: il l’emporte sur la 53 femme en intellect, en logique, en grande industrie, en amitié; à lui donc de créer les sciences positives, d’enchaîner les faits, de régir les relations commerciales, de relier tous les intérêts, d’organiser les groupes et les séries. La femme apporte à toutes ces choses son aide indispensable; mais par le fait de ses aptitudes, elle n’y rend que des services secondaires.
5o La femme appartient au mode mineur: elle l’emporte sur l’homme dans l’intelligence qui applique, approprie; dans l’intuition qui met l’homme sur la piste des biens que doit atteindre la logique masculine; dans la sphère de la maternité où elle préside à l’éducation, car elle comprend mieux que l’homme les moyens à employer pour améliorer l’espèce sous tous les rapports; enfin dans la sphère de l’amour où elle a droit et pouvoir de policer, de raffiner les rapports des deux sexes, de stimuler les hommes aux conquêtes de l’intelligence, à l’amélioration des conditions physiques du globe, de l’industrie, de l’art, des relations sociales, etc.
De même que la femme intervient jusqu’à certain point dans le mode majeur, l’homme entre dans le mode mineur où son concours est indispensable.
Ainsi en général, chez l’homme prédomine la tête, chez la femme, le cœur; mais comme tous deux ont un cœur et une tête, l’homme, par son cœur, devient un aide dans le mode mineur, et la femme, par sa tête, en devient un dans le mode majeur.
6o Il y a des hommes qui sont femmes par le cœur et la tête; des femmes qui sont hommes par la tête et le cœur; dans l’humanité, ils forment 1/8 d’exception. Toute liberté et tout droit leur sont reconnus.
54 7o Chaque membre du phalanstère suit sa vocation, obéit à ses attractions, car les attractions sont proportionnelles aux destinées. Donc le 1/8 d’exception dans les deux sexes, ayant attraction pour des travaux qui sont plus spécialement du ressort du sexe différent, est parfaitement libre de s’y livrer.
8o Tout homme et toute femme majeurs ont un vote égal.
9o Tout est réglé par les chefs des deux sexes, choisis par le libre vote des deux sexes.
10o Toutes les charges, depuis la présidence du groupe à celle du globe, sont conjointement remplies par un homme et une femme qui divisent entre eux les détails de leur commune fonction.
11o La mère est tutrice de ses enfants: ils appartiennent à elle seule; le père n’a de droits sur eux que si la mère veut bien lui en conférer.
Tel est le sommaire de la doctrine Fouriériste sur le sujet qui nous occupe.
Si l’École Sociétaire n’est pas dans la vérité complète, au moins faut-il reconnaître qu’elle a pris le vrai chemin pour y arriver. Que sa théorie du classement et de la prédominance des facultés selon les sexes soit exacte ou non, l’erreur n’aurait pas de fâcheux résultats dans la pratique. La femme étant libre de suivre ses aptitudes, étant de moitié dans les droits et les fonctions, pourrait toujours se placer dans le 8e exceptionnel, sans craindre de rencontrer, pour la renvoyer aux soins du ménage, tels jaloux mieux organisés qu’elle pour moduler en mineur.
Je me rappelle, à ce propos, certain avocat, point du tout femmelin, professant un dédain magnifique pour le sexe auquel 55 appartenait sa mère, digne, en un mot, d’être disciple de P. J. Proudhon. Savez-vous ce que ce monsieur avait retenu de ses leçons de droit? L’art de balayer proprement une chambre, de faire reluire les meubles, d’ourler gentiment des serviettes et des mouchoirs et de confectionner des sauces. Ne trouvez-vous pas, illustre Proudhon, qu’il eût été plus légitimement conseillé d’aller repasser des colerettes, que certaines femmes qui écrivent de bons articles de Philosophie?
Mais revenons à Fourier.
Parmi les Écoles socialistes, celle de Fourier occupe une place distinguée; elle est une de celles qui méritent le plus la reconnaissance des femmes, par les principes d’émancipation qu’elle a posés. Nous séparons ici, bien entendu, ces principes de Liberté et d’Égalité, de tout ce qui se rapporte à la question des mœurs, que nous ne pouvons résoudre de la même manière que Fourier, pas plus pour la femme que pour l’homme.
PHALANSTERIANS.
The motto of the Fourieristic, Societary or Phalansterian 190 school is respect for individual liberty, based on the following notions:
All nature is good; it becomes perverted only when performing its functions in evil surroundings.
No person exactly resembling the rest, each one should be the sole judge of his capacities, and should receive laws only from himself.
Attractions are proportional to destinies.
If the disciples of my compatriot, Charles Fourier, do not express themselves exactly in this wise, all that have written bears the imprint of these thoughts.
Are Fourier and his disciples right in believing that the law of passional attraction alone is required to organize the industrial, moral and social world?
That the primordial element of a system of society should be the Societary or Phalansterian association?
That the most opposite, the most diverse passions are the conditions sine quâ non of harmony?
That the compensation of labor and of competition should be regulated according to Labor, Capital and Talent?
We are not called on to examine this here.
The only thing that need occupy us in this rapid review of contemporaneous opinions is the investigation of the sentiments and ideas of Fourier and his school in that which concerns the principal object of this book. A few pages from the chief of the order, and a summary analysis will suffice for this.
In the Théorie des quatre Mouvements, M. Fourier writes;
“That the ancient philosophers of Greece and Rome should have disdained the interests of women is by no means surprising, since these rhetoricians were all ultra 191 partisans of the pederasty which they had brought in high honor in la belle antiquité. They cast ridicule upon the associating with women; this passion was considered dishonorable…. These manners obtained the unanimous suffrage of the philosophers who, from the virtuous Socrates to the delicate Anacreon, affected Sodomitish love alone and contempt for women, who were banished to the upper apartments, immured as in a seraglio, and exiled from the society of men.
“These fantastic tastes not having found favor among the moderns, there is reason for surprise that our philosophers should have inherited the hatred that the ancient scholars bore to women, and that they should continue to disparage the sex on account of a few wiles to which woman is forced by the oppression which weighs upon her; for every word or thought in conformity with the voice of nature is made in her a crime.
“What can be more inconsistent than the opinion of Diderot, who pretends that, to write to woman, one has only to dip his pen in the rainbow, and sprinkle the writing with dust from butterflies’ wings? Women might reply to the philosopher: Your civilization persecutes us as soon as we obey nature; we are obliged to assume a fictitious character and to listen to impulses contrary to our desires. To give us a relish for this doctrine, you are forced to bring in play deceitful illusions and language, as you do with respect to the soldier whom you cradle in laurels and immortality to divert his thoughts from his wretched condition. If he were truly happy, he would welcome the plain and truthful language which you take care not to address to him. It is the same with women; if they were free and happy, they would be less eager for illusions 192 and cajoleries, and it would no longer be necessary in writing to them to place rainbows and butterflies’ wings under contribution.
“When it (Philosophy) rails at the vices of women, it criticises itself; this it is that produces these vices by a social system which, repressing their faculties from their infancy and through the whole course of their life, forces them to have recourse to fraud in order to yield to nature.
“To attempt to judge of women by the vicious character which they display in civilization is like attempting to judge of human nature by the character of the Russian peasant, who is destitute of all ideas of honor and liberty; or like judging the beaver by the stupidity which they show when domesticated, whilst in a condition of liberty combined with labor, they become the most intelligent of all quadrupeds. The same contrast will reign between the women who are slaves of civilization and those who are free in the combined order; they will surpass men in industrial devotion, in loyalty, in nobleness; but outside of the free and combined state, woman, like the domesticated beaver or the Russian peasant, becomes a being so inferior to her destiny and talents that we are inclined to despise her when judging her superficially according to appearances.
“It is a surprising thing that women should have always shown themselves superior to men when they have had it in their power to display on the throne their natural talents, of which the diadem assured them a free use. Is it not certain that of eight queens, independent and unmarried, seven will be found to have reigned with glory, while of eight kings, we count habitually seven feeble sovereigns.
193 … The Elizabeths and Catherines did not make war in person, but they knew how to choose their generals; and it is enough that these are good. In every other branch of administration, has not woman given lessons to man? What prince has surpassed in firmness Maria Theresa who, in a disastrous moment, when the fidelity of her subjects was tottering and her ministers were struck with terror, undertook herself alone to inspire all with new courage? She intimidated by her presence, the disaffected Diet of Hungary; she harangued the Magnates in the Latin tongue, and brought her very enemies to swear on their sabres to die for her. This is an indication of the prodigies that would be wrought by feminine emulation in a social order which would permit free scope to her faculties.
“And you, the oppressing sex,—would you not go beyond the faults imputed to women if you, like them, had been moulded by a servile education to believe yourselves automatons created to obey prejudices and to cringe before the master whom chance had given you? Have we not seen your pretensions to superiority confounded by Catharine, who trampled under foot the masculine sex? In creating titled favorites, she trailed man in the dust, and proved that it is possible for him in full liberty to abase himself beneath woman, whose degradation is forced, and consequently, excusable. It would be necessary, to confound the tyranny of man that, for the space of a century, a third sex should exist, which should be both male and female, and stronger than man. This new sex would prove by dint of blows that men as well as women were made for its pleasures; then we should hear men protest against the tyranny of the hermaphrodite sex, and confess that force ought not 194 to be the sole law of right. Now why are these privileges, this independence, which they would reclaim from this third sex, refused by them to women.
“In singling out those women who have had power to soar, from the virago, like Maria Theresia, to those of a gentler type, like the Ninons and the Sévignés, I am authorized in saying that woman, in a state of liberty, will surpass man in all functions of the mind and body which are not the attributes of physical strength.
“Man seems already to foresee this; he becomes indignant and alarmed when women give the lie to the prejudice that accuses them of inferiority. Masculine jealousy has especially broken out against women authors; philosophy has kept them out of academic honors, and has sent them back ignominiously to the household.“… (p. 148.)
“What is their existence to-day (that of women)? They exist in privations alone, even in the trades, in which man has encroached on everything, even to the minutest occupations of the needle and the pen, while women are seen employed in the toilsome labors of the field. Is it not scandalous to see athletes thirty years old squatted before a desk, or carrying a cup of coffee with muscular arms, as if there were not women and children enough to attend to the minor details of the counting-room and the household.
“What then are the means of subsistence for women destitute of fortune? The distaff, or else their charms if they have any. Yes, prostitution more or less glossed over is their only resource, which philosophy again contests to them; this is the abject fate to which they are reduced by this civilization, this conjugal slavery which they have not even thought of attacking.” (p. 150.)
195 Fourier bitterly reproaches women authors for having neglected to seek the means whereby to put an end to such a state of affairs, and adds with great reason:
“Their indolence in this respect is one of the causes that have accrued from the contempt of man. The slave is never more contemptible than by a blind submission which persuades the oppressor that his victim was born for slavery., (p. 150).”
Fourier is right, but … to elevate others is to risk being lost one’s self in the crowd; and every one is not capable of this degree of abnegation.
To combat for the right of the weak when men have admitted you to their ranks, is to prepare for yourself a rough way and a heavy cross.
In the first place, you are exposed to the hatred and raillery of men, then half-cultured women corroded by jealousy, invent a thousand calumnies for your destruction; they feign to be scandalized that a woman dare protest against the inferiority and use of her sex; they enter into league with the masters, clamor louder than they and satirize you without mercy.
Now all women are not made to shrug their shoulders in the face of this cohort of morbid minds … they love peace too well, they lack courage, and they do not care enough for justice; is it not so, ladies?
Let us return to Fourier. It is known that he admits several social periods. According to him, the pivot of each of them hinges on love and the degree of liberty of woman.
“As a general rule,” he says, “social progress and changes of the period will be wrought in proportion to the progress of women towards liberty, and the decay of the social order will be wrought in proportion to the decline of the liberty of women.”
196 In another place, he adds in speaking of philosophers:
“If they treat of morals, they forget to recognize and to claim the rights of the weaker sex, the oppression of which destroys the basis of justice.”
He says again, elsewhere:
“Now, God recognizes as liberty only that which is extended to both sexes, and not to one alone; so he has prescribed that all the germs of social evils, as the savage state, barbarism, civilization, should have no other pivot than the enthrallment of women; and that all the germs of social good, as the sixth, seventh and eighth period, should have no other pivot, no other compass, than the progressive affranchisement of the weaker sex.”
Fourier is reproached with having desired the emancipation of woman in love; nothing is more true. But to impute this to him as immorality, men must censure their own morals. Now, these gentlemen considering themselves as wholly pure, though themselves representing the butterfly in love, infidelity and the simultaneous possession of several women being only a pastime to them, I do not really see what they can blame in Fourier.
Either what they do is right, and therefore cannot be wrong in woman;
Or what they do is wrong; then why do they do it?
Fourier believed in the unity of the moral law and in the equality of the sexes; he believed in the lawfulness of the morals of these gentlemen, minus perfidy and hypocrisy; this is the reason that he claims emancipation in love for woman: he is logical.
Besides, he repeats continually that the ethics that he depicts would cause disorder in the civilized period; 197 and that they can only be established progressively in subsequent periods. Many among the Phalansterians reject Fourier’s ethics with respect to love as well as his Theodicy, and I myself have heard several discourses in which the orator condemned, not only falsity in conjugal relations, but also looseness of morals.
Fourier and the Saint Simonian orthodoxy have both been guilty of the same error with regard to the emancipation of woman; but, men, I repeat, must be very audacious to impute it to them as a crime, since they indulge themselves in worse; as to women, sustained and loved by these reformers, let them imitate the pious conduct of Shem and Japhet; one owes respect to his father, whatever may be the idea or the wine with which he is drunken.
Now that we have cited the master, let us enumerate the principal points of the Fourierist doctrine, touching the liberty of woman and the equality of the sexes:
1. Man and woman are composed of the same physical, moral and intellectual elements; there is, therefore, between the sexes, identity of nature.
2. The proportion of these elements differs in the two sexes, and constitutes the difference that exists between them.
3. This difference is so equalized that the value shall be equal. Where man is the stronger, he takes precedence of woman; where woman is stronger, she takes precedence of man.
4. Man belongs to the major mode: he has the ascendency over woman in intellect, in logic, in the larger manufactures, in friendship; it belongs to him therefore to create positive science, to connect facts, to regulate commercial relations, to bind together interests, and 198 to organize groups and series. To all these things, woman brings her indispensable aid, but by reason of her aptitudes, her services are only secondary therein.
5. Woman belongs to the minor mode; she has the ascendency over man in the kind of intellect that applies and adapts, in the intuition that puts man on the track of the good to which masculine logic should attain; in the sphere of maternity in which she presides over education, for she comprehends the means to be employed to ameliorate the species in every respect better than man; in the sphere of love in which she has the right and the power to civilize and refine the relations of the sexes; and to stimulate man to conquest of the intellect, to the amelioration of the physical conditions of the globe, of industry, of art, of social relations, etc.
Woman intervenes to a certain point in the major mode, so does man enter into the minor mode, in which his coöperation is indispensable.
Thus, in general, in man the head predominates, in woman, the heart; but as both have a heart and a head, man, through his heart, becomes an aid in the minor mode, and woman, through her head, becomes an aid in the major mode.
6. There are men who are women both in head and in heart; women who are men both in heart and in head; in humanity they form the eighth of an exception. Full liberty and right are granted to them.
7. Each member of the Phalanstery follows his vocation, obeys his attractions, for attractions are proportional to destinies. Therefore the eighth of an exception in both sexes, having an attraction towards labors that belong more especially to the other sex, is at liberty to yield to them.
199 8. All major men and women have an equal vote.
9. All matters are regulated by chiefs of both sexes, chosen by the free vote of both sexes.
10. All offices, from the presidency of the group to that of the globe, are filled jointly by men and women, who divide between them the details of this common function.
11. The mother is the instructress of her children; they belong to her alone; the father has no rights over them unless the mother chooses to confer these on him.
Such is the summary of the Fourierist doctrine on the subject of which we treat.
If the Societary School has not reached perfect truth, it must be at least acknowledged that it has taken the right way to attain it. Whether its theory of the classification and the predominance of faculties in conformity with the sexes be exact or not, the error will not be productive of mischievous results in practice. Woman being free to follow her aptitudes, being half in rights and functions, could always place herself in the exceptional eighth, without fear of encountering jealous individuals, better fitted than herself to warble in the minor key, who would send her back to the duties of the household.
I remember, in this connection, a certain advocate, by no means feminine, professing a superb disdain of the sex to which his mother belonged, worthy in a word, to be the disciple of P. J. Proudhon; would you know what this man had retained of all his lessons in law? The art of sweeping a room properly, of polishing furniture, of hemming napkins and pocket handkerchiefs neatly, and of compounding sauces. Do you not think, illustrious Proudhon, that he might have been 200 advised with more justice to go and iron his collars, than certain women who write good articles on Philosophy.
But let us return to Fourier.
Among the Socialist Schools, that of Fourier occupies a distinguished place; it is the one most deserving of the gratitude of women through the principles that it has laid down. Be it understood, we separate in this connection the principles of Liberty and Equality from all that relates to the question of ethics, which we cannot resolve in the same manner as Fourier, any more for woman than man.
M. ERNEST LEGOUVÉ
Héritier d’un nom qui oblige, M. Ernest Legouvé, écrivain élégant, éloquent, plein de passion, a fait une Histoire morale des femmes, d’où s’exhale un parfum d’honnêteté et d’amour du Progrès qui fait du bien au cœur et rassérène l’esprit.
Dans chacune des pages de ce livre, on surprend l’élan d’un cœur bon, d’un esprit élevé, que révoltent l’injustice, l’oppression, la laideur morale. L’auteur a bien mérité des femmes, et c’est avec bonheur que je saisis l’occasion de le remercier au nom de celles qui, en divers pays, luttent à l’heure qu’il est pour l’émancipation de la moitié du genre humain.
J’ai déjà vulgarisé en Italie les données générales du livre de M. Legouvé. Cet ouvrage est tellement connu parmi nous, qu’une analyse m’en paraîtrait superflue, si je ne croyais que, dans un livre où il est question des droits de la femme, on ne peut légitimement se dispenser de parler de M. Legouvé et de rappeler la sympathie dont nous honorait son père.
57 Voici donc le compte-rendu que j’ai fait de l’Histoire morale des femmes dans la Ragione de Turin, numéros du 16 août, du 6 et du 20 septembre 1856.
Quel est l’objet de l’ouvrage de M. Legouvé? Laissons-le lui-même le dire.
«L’objet de ce livre se résume par ces mots: réclamer la liberté féminine au nom des deux principes mêmes des adversaires de cette liberté: la tradition et la différence (des sexes); c’est à dire, montrer dans la tradition le progrès, et dans la différence l’égalité.
«Dieu a créé l’espèce humaine double, nous n’en utilisons que la moitié; la nature dit deux, nous disons un: il faut dire comme la nature. L’unité elle-même, au lieu d’y périr, sera seulement alors l’unité véritable, c’est à dire non pas l’absorption stérile d’un des deux termes au profit de l’autre, mais la fusion vivante de deux individualités fraternelles, accroissant la puissance commune de toute la force de leur développement particulier.
«L’esprit féminin est étouffé, mais il n’est pas mort….. Nous ne pouvons pas confisquer à notre gré une force créée par Dieu, éteindre un flambeau allumé de sa main, seulement détourné de son but; cette force, au lieu de créer, détruit; ce flambeau consume au lieu d’éclairer.
«Ouvrons donc à larges portes l’entrée du monde à cet élément nouveau, nous en avons besoin.»
Puis, examinant la situation des femmes, l’auteur ajoute: «Aucune histoire ne présente, nous le croyons, plus de préjugés iniques à combattre, plus de blessures secrètes à guérir.
58 «Parlerons-nous du présent? Filles, pas d’éducation publique pour elles, pas d’enseignement professionnel, pas de vie possible sans mariage, pas de mariage sans dot. Épouses, elles ne possèdent pas légalement leurs biens, elles ne possèdent pas leurs personnes, elles ne peuvent pas donner, elles ne peuvent pas recevoir, elles sont sous le coup d’un interdit éternel. Mères, elles n’ont pas le droit légal de diriger l’éducation de leurs enfants, elles ne peuvent ni les marier ni les empêcher de se marier, ni les éloigner de la maison paternelle, ni les y retenir. Membres de la cité, elles ne peuvent ni être tutrices d’un orphelin, autre que leur fils ou leur petit-fils, ni faire partie d’un conseil de famille, ni témoigner dans un testament; elles n’ont pas le droit d’attester à l’état civil la naissance d’un enfant! Parmi les ouvriers, quelle classe est la plus misérable? Les femmes. Qui est-ce qui gagne seize sous, dix-huit sous pour douze heures de travail? Les femmes. Sur qui tombent toutes les charges des enfants naturels? Sur les femmes. Qui supporte toute la honte des fautes commises par la passion? Les femmes.»
Puis, après avoir montré la position des femmes riches, il continue: «Et ainsi, esclaves partout, esclaves de la misère, esclaves de la richesse, esclaves de l’ignorance, elles ne peuvent se maintenir grandes et pures qu’à force de noblesse native et de vertu presque surhumaine. Une telle domination peut-elle durer? Évidemment non. Elle tombe forcément devant le principe de l’équité naturelle; et le moment est venu de réclamer, pour les femmes, leur part de droits et surtout de devoirs; de faire sentir tout ce que l’assujettissement 59 leur enlève et tout ce qu’une juste liberté leur rendra; de montrer enfin le bien qu’elles ne font pas, et le bien qu’elles peuvent faire.»
Le passé nous montre la femme de plus en plus opprimée à mesure que l’on remonte le cours des siècles: «La révolution française (elle-même), qui a tout renouvelé afin d’affranchir les hommes, n’a, pour ainsi dire, rien fait pour l’émancipation des femmes….. 91 a respecté presque toutes les servitudes féminines de 88, et le Consulat les a consacrées dans le Code civil.»
Ce fut, selon M. Legouvé, la faute de la philosophie du XVIIIe siècle, car: «La femme est, selon Diderot, une courtisane; selon Montesquieu, un enfant agréable; selon Rousseau, un objet de plaisir pour l’homme; selon Voltaire, rien….. Condorcet et Sieyès demandaient même l’émancipation politique des femmes; mais leurs protestations furent étouffées par les voix puissantes des trois grands continuateurs du XVIIIe siècle, Mirabeau, Danton, Robespierre.»
Sous le Consulat, «la liberté féminine n’eut pas d’adversaire plus décidé (que Bonaparte): homme du Midi, le spiritualisme de la femme lui échappe; homme de guerre, il voit dans la famille un camp, et y veut avant tout la discipline; despote, il y voit un état, et y veut avant tout l’obéissance. C’est lui qui termina une discussion au Conseil par ces mots: il y a une chose qui n’est pas française, c’est qu’une femme puisse faire ce qui lui plaît….. Toujours l’homme (dans la pensée de Bonaparte); toujours l’honneur de l’homme! Quant au bonheur de la femme, il n’en est pas question une seule fois (dans le Code civil).»
60 C’est au nom de la faiblesse des femmes, au nom de la tradition, qui les montre toujours subalternes, c’est au nom de leurs fonctions ménagères, que les adversaires de l’émancipation des femmes s’y opposent: «Les instruire c’est les déparer, dit ironiquement M. Legouvé; et ils ne veulent pas qu’on leur gâte leurs jouets.» Puis il continue sérieusement: «Que nous importe la tradition? Que nous importe l’histoire? Il est une autorité plus forte, que le consentement du genre humain, c’est le droit. Quand mille autres siècles de servitude viendraient s’ajouter à tous ceux qui sont déjà passés, leur accord ne pourrait abolir le droit primordial qui domine tout, le droit absolu de perfectionnement que chaque être a reçu, par cela seul qu’il a été créé.»
A ceux qui basent leur opposition sur les fonctions domestiques de la femme, il répond: «Si là (dans le ménage) est leur royaume, elles doivent donc y être reines; leurs facultés propres leur y assurent l’autorité, et leurs adversaires sont forcés, par leurs propres principes, de les émanciper comme filles, comme épouses, comme mères. Ou, au contraire, on veut étendre leur sphère d’influence, leur donner un rôle dans l’État; et nous croyons qu’il leur en faut un; eh bien! c’est, encore dans cette dissemblance (entre les deux sexes) qu’il convient de le chercher. Lorsque deux êtres se valent, c’est presque toujours parce qu’ils diffèrent, non parce qu’ils se ressemblent. Loin de déposséder les hommes, la mission des femmes sera donc de faire ce que les hommes ne font pas, d’aspirer aux places vides, de représenter enfin dans la cité l’esprit de la femme.»
61 Comme on le voit, M. Legouvé réclame l’émancipation civile des femmes au nom du droit éternel, au nom du bonheur de la famille, au nom de la cité; leur oppression séculaire est un fait inique, et il jette une parole de blâme à tous ceux qui l’ont perpétuée. Cette parole d’homme de cœur et de justice aura peut-être quelque poids auprès des femmes, qui se sont accoutumées si bien à l’esclavage qu’elles n’en rougissent pas, qu’elles ne le sentent même plus!
Dans son premier livre, La Fille, divisé en sept chapitres, M. Legouvé prend l’enfant à sa naissance; il la montre infériorisée dans les religions et les législations anciennes par Manou, par Moïse, à Rome, à Sparte, à Athènes, sous le régime féodal; et il se demande pourquoi, de nos jours encore, une sorte de défaveur est jetée sur la naissance de la fille? C’est, dit-il, parce qu’elle ne continuera ni l’œuvre ni le nom de son père; c’est parce que son avenir fait naître mille inquiétudes. «La vie est si rude et si incertaine pour une fille! Pauvre, que de chances de misère! Riche, que de chances de douleurs morales! Si elle ne doit avoir que son travail pour soutien, comment lui donner un état qui la nourrisse, dans une société où les femmes gagnent à peine de quoi ne pas mourir? Si elle n’a pas de dot, comment la marier, dans ce monde où la femme, ne représentant jamais qu’un passif, est forcée d’acheter son mari?….. Dès ce début, et dans ce berceau d’enfant….. nous avons trouvé et entrevu toutes les chaînes qui attendent les femmes: insuffisance de l’éducation pour la fille riche; insuffisance du salaire pour la fille pauvre; exclusion de la plupart des professions; subalternité dans la maison conjugale.»
62 Dans le chapitre 2me l’auteur montre par quelles phases la fille, privée du droit d’hériter, est arrivée de nos jours à partager également avec ses frères; puis, passant au droit d’éducation (chap. 3me), il répond à ceux qui prétendent, que donner une forte éducation à la femme, ce serait la gâter et porter atteinte à la famille: «La diversité de leur nature (de l’homme et de la femme) se développant par l’identité de leurs objets d’études, on peut dire, que les femmes seront d’autant plus femmes, qu’elles seront plus virilement élevées.
«Eh bien, c’est au nom de la famille, au nom du salut de la famille, au nom de la maternité, du mariage, du ménage, qu’il faut réclamer pour les filles une forte et sérieuse éducation… Sans savoir, pas de mère complétement mère; sans savoir, pas d’épouse vraiment épouse. Il ne s’agit pas, en découvrant à l’intelligence féminine les lois de la nature, de faire de toutes nos filles des astronomes et des physiciennes: voit-on, que les hommes deviennent des latinistes pour avoir employé dix ans de leur vie à l’étude du latin? Il s’agit de tremper vigoureusement leur pensée par le commerce de la science; et de les préparer à entrer en partage de toutes les idées de leurs maris, de toutes les études de leurs enfants… L’ignorance amène mille défauts, mille égarements pour l’épouse….. Tel mari qui se moque de la science, eût été sauvé par elle du déshonneur.»
Insistant sur le droit de la femme, l’auteur ajoute: «Eh bien! comme telle (comme créature de Dieu), elle a le droit au développement le plus complet de son esprit et de son cœur. Loin donc de nous ces vaines objections tirées de nos lois 63 d’un jour! C’est au nom de l’éternité que vous lui devez la lumière.» Et plus loin s’indignant il s’écrie: «Quoi! l’état paie une université pour les hommes, une école polytechnique pour les hommes, des conservatoires d’arts et métiers pour les hommes, des écoles d’agriculture pour les hommes….. et pour les femmes, que fonde-t-il: Des écoles primaires! Encore n’est-ce pas même lui qui les a créées, c’est la commune…. Aucune inégalité n’est plus blessante. Il y a des tribunaux et des prisons pour les femmes, il doit y avoir une éducation publique pour les femmes; vous n’avez pas le droit de punir celles que vous n’instruisez pas!» M. Legouvé demande, en conséquence, l’éducation publique pour les filles dans des athénées «qui, par un enseignement approfondi de la France, de ses lois, de ses annales, de sa poésie, feront de nos femmes des françaises. La patrie seule peut enseigner l’amour de la patrie.»
Les religions et les législations anciennes punissaient gravement les délits et les crimes contre la pureté des femmes (établit M. Legouvé dans son 4me chapitre). Notre code, profondément immoral, ne punit pas la séduction, ne punit que dérisoirement la corruption, et qu’insuffisamment le viol. Déclarer nulle la promesse de mariage est une effrayante immoralité; ne point permettre la recherche de la paternité, et admettre celle de la maternité, est aussi cruel qu’immoral. Si l’on compare la sollicitude du législateur pour la propriété avec sa sollicitude pour la pureté, on reconnaîtra combien la loi se soucie peu de cette dernière. «La loi n’admet comme coupable qu’un seul rapt d’honneur, le viol, mais elle définit, poursuit et châtie deux manières de 64 dérober l’argent: le vol et le dol; il y a des filous d’écus, il n’y a pas de filous de chasteté.»
Qu’un homme ait séduit une fille de 15 ans par une promesse de mariage, il a «le droit de venir dire à la justice: voici ma signature, cela est vrai; mais je la renie; une dette de cœur est nulle devant la loi.»
L’auteur indigné s’écrie plus loin: «Ainsi donc de toutes parts, dans la pratique et dans la théorie, dans le monde et dans la loi, pour les classes riches comme pour les classes pauvres, abandon de la pureté publique, bride sur le cou à tous les désirs effrénés ou dépravateurs… Des manufacturiers séduisent leurs travailleuses, des chefs d’atelier chassent les jeunes filles qui ne veulent pas s’abandonner à eux, des maîtres corrompent leurs servantes. Sur 5083 filles perdues que comptait le grave Parent-Duchâtelet, à Paris, en 1830, il y avait 285 domestiques séduites par leurs maîtres et renvoyées. Des commis marchands, des officiers, des étudiants dépravent de pauvres filles de province ou de campagne, les entraînent à Paris où ils les abandonnent, et où la prostitution les recueille….. Dans tous les grands centres d’industrie, à Rheims, à Lille, il se trouve des compagnies organisées pour le recrutement des maisons de débauche de Paris.»
M. Legouvé dans son indignation d’honnête homme, ajoute: «Qu’on châtie la jeune fille coupable, soit; mais châtiez aussi l’homme. Elle est déjà punie, elle, punie par l’abandon, punie par le déshonneur, punie par les remords, punie par neuf mois de souffrances, punie par la charge d’un enfant à élever: qu’il soit donc frappé à son tour; si non, ce n’est pas la 65 pudeur publique que vous défendez, ainsi que vous le dites, c’est la suzeraineté masculine dans ce qu’elle a de plus vil, le droit du Seigneur!
«L’impunité assurée aux hommes double le nombre des enfants naturels. L’impunité nourrit le libertinage; or le libertinage énerve la race, bouleverse les fortunes, et flétrit les enfants. L’impunité alimente la prostitution; or la prostitution détruit la santé publique, et fait un métier de la paresse et de la licence. L’impunité, enfin, livre la moitié de la nation en proie aux vices de l’autre: sa condamnation est dans ce seul mot.»
Dans le chapitre 5me l’auteur trouvant, avec raison, qu’on marie les filles trop jeunes, voudrait ne les voir entrer en ménage qu’à 22 ans; les œuvres de charité, les études solides, les plaisirs innocents, et la notion du véritable amour, suffiraient à les conserver pures jusqu’à cet âge. «Si donc, dit-il, la jeune fille apprend, que rien n’est plus mortel à ce sentiment divin (l’amour) que les caprices éphémères qui osent s’appeler de son nom; si elle l’entrevoit tel qu’un de ces rares trésors qu’on n’acquiert qu’en les conquérant, qu’on ne garde qu’en les méritant; si elle sait que le cœur, qui veut être digne de le recevoir, doit se purifier comme un sanctuaire, et s’agrandir comme un temple; alors, soyez en sûr, cet idéal sublime, gravé en elle, la dégoûtera par sa seule beauté des vaines images qui le profanent ou le parodient; on n’adore pas les idoles quand on connaît Dieu.»
«Qu’est-ce que le mariage?» se demande M. Legouvé. (Chap. 6.)
«C’est l’union de deux créatures libres, s’associant pour se 66 perfectionner par l’amour.» L’antiquité, ni le moyen âge ne le considéraient ainsi. Le père de l’antiquité transmettait au mari le droit de propriété qu’il avait sur sa fille moyennant une somme de….. A Athènes la fille, même mariée, faisait partie de la succession paternelle, et devait quitter son mari pour épouser l’héritier. A Rome le père, après avoir marié sa fille, pouvait la reprendre et la faire épouser à un autre. Chez les barbares elle appartenait à celui qui payait le mundium à son père. Sous la féodalité l’on disposait également de la fille sans son consentement. La révolution française l’a émancipée sous ce rapport: il faut qu’elle consente à son mariage; mais les mœurs lui ôtent le bénéfice de cette émancipation; on la marie trop jeune, elle ne sait pas ce qu’elle fait; c’est l’intérêt, presque toujours, qui détermine les parents à la marier. Pour que la femme profite de son émancipation légale, il faut qu’elle ait au moins vingt-deux ans, qu’elle choisisse librement, que les parents se contentent d’éloigner d’elle ceux qu’elle ne doit pas choisir, qu’ils se bornent à l’éclairer, à la conseiller; car de l’amour des époux dépend le bonheur et la vertu de la femme. L’auteur voudrait aussi la suppression des actes respectueux, qui sont un attentat à la majesté paternelle.
Examinant ensuite (chap. 7) l’origine du douaire, la transformation de la dot, les fiançailles et le mariage, M. Legouvé montre le mundium payé d’abord au père ou au frère; puis, plus tard, à la jeune fille, devenir, avec les autres dons nuptiaux, l’origine du douaire, qu’il voudrait voir obligatoire de nos jours. Passant à la dot, il établit que, lentement constituée dans le monde romain, elle fut d’abord la propriété du mari; puis, par 67 le progrès, devint la propriété de la femme. Notre code a parfaitement protégé la dot; mais la loi devrait contraindre les parents riches à doter leurs filles pour qu’elles puissent se marier. Autrefois une jeune fille était fiancée par l’engagement de son père et de l’homme qui la demandait; plus tard les arrhes données au père le furent à la fille, et les lois intervinrent pour rendre obligatoires les promesses de mariage. Aujourd’hui, en France, il n’y a plus de fiancés, il n’y a que des futurs.
Dans le livre 2e l’auteur distingue l’amante de la maîtresse, le culte de l’amour pur de celui de l’amour sensuel; le premier produit l’amour du bien, le patriotisme, le respect pour la femme; le second ne la considère que comme un objet de plaisir et de dédain. L’antiquité n’a pas connu l’amour pur; le moyen âge, qui le connaissait, s’est partagé entre lui et l’amour sensuel; aujourd’hui l’on comprend que les deux amours doivent être réunis; que l’amante et la maîtresse ne doivent faire qu’une dans la personne de l’épouse.
Le troisième livre, l’Épouse, est divisé en sept chapitres.
La subordination de la femme dans le mariage (chap. 1er), le dédain pour la mère venaient de deux idées fausses: l’infériorité de sa nature; sa passivité dans la reproduction de l’espèce, où elle remplissait le rôle de la terre, à l’égard d’un germe quelconque. La science moderne est venue détruire ces bases d’infériorisation, en démontrant: 1o Que le germe humain, avant d’avoir sa forme définitive, passe, dans le sein de sa mère, par des degrés progressifs d’animalité; 2o que dans toutes les espèces, animales et végétales, les femelles sont conservatrices de la race et la ramènent à leur type propre.
68 Chez les Romains (chap. 2) deux sortes de mariages mettaient la femme, âme, corps et biens, dans la main de son mari; une troisième espèce, la laissant dans la famille de son père, elle recevait une dot, héritait, administrait son bien. Les barbares et la féodalité firent de la femme une pupille, du mari un administrateur, et l’on fit un pas vers l’égalité des époux par l’institution des acquêts. Aujourd’hui la jeune fille se marie sous le régime dotal, sous celui de la séparation de biens rarement, et sous celui de la communauté principalement. Ce dernier, qui est la règle, permet au mari de disposer des biens de sa conjointe, de vendre le mobilier, de s’emparer même des bijoux de sa femme pour en parer sa maîtresse. «Ainsi, délicatesse, dignité, cette loi ne respecte rien,» dit M. Legouvé. L’omnipotence du mari est un crime de la loi à tous les points de vue: elle viole manifestement le principe moderne, qui exige que toute autorité soit bornée et surveillée. «Livrer au mari la fortune de la femme, c’est la condamner elle-même à une éternelle minorité morale, c’est le créer, lui, maître absolu des actions et presque de l’âme de sa compagne.» Puis l’auteur, s’adressant à ceux qui prétendent justifier l’omnipotence maritale au nom de l’incapacité de la femme: «En vain les faits protestent-ils contre cette prétendue incapacité; en vain la réalité dit-elle: A qui est due la prospérité de la plupart des maisons de commerce? Aux femmes. Qui établit, qui gouverne les mille magasins de modes et d’objets de goût? Les femmes. Par qui se soutiennent les maisons d’éducation, les fermes, souvent même les manufactures? Par les femmes. N’importe, le code refuse à l’épouse la prévoyance qui conserve, l’intelligence qui administre, jusqu’à 69 la tendresse maternelle qui économise, et la charte conjugale devient l’expression de cette phrase dédaigneuse: la femme la plus raisonnable n’atteint jamais au bon sens d’un garçon de quatorze ans.» Comment faudrait-il s’y prendre pour remédier à cet état de choses inique et honteux? Il faudrait faire trois parts des biens des conjoints: une pour la femme; elle lui serait remise après cinq ans de mariage: une pour le mari: une troisième commune, qui serait administrée par l’homme sous surveillance d’un conseil de famille, lequel conseil, en cas d’incapacité ou de dilapidation, aurait droit de lui enlever provisoirement cette gestion pour la confier à la femme.
S’il est une chose inique (chap. 3), révoltante, c’est le pouvoir du mari sur la personne, les actions de sa femme; c’est le droit de correction sur elle, encore toléré de nos jours. Il faut un pouvoir directeur dans le ménage, il faut que le mari soit dépositaire de ce pouvoir, qui doit être limité, contrôlé par le conseil de famille. L’omnipotence légale démoralise le mari, qui finit par croire à la légitimité de son despotisme. On dit que les mœurs établissent précisément le contraire de ce que prescrivent les lois: c’est généralement vrai; mais c’est aux dépens du caractère de la femme, obligée d’avoir recours à la ruse. «Rendons aux femmes la liberté, dit M. Legouvé, puisque la liberté est la vérité! Ce sera du même coup affranchir les hommes. Une servitude crée toujours deux esclaves: celui qui tient la chaîne et celui qui la porte.»
L’antiquité (chap. 4), le moyen âge, des siècles plus près de nous ont puni sévèrement, cruellement même l’adultère de la femme, et n’ont pas admis que l’homme pût se rendre coupable 70 de ce délit à l’égard de sa conjointe. Notre code actuel reconnaît bien que le mari peut commettre l’adultère, mais seulement dans le cas où il entretient sa maîtresse sous le toit conjugal; la femme est adultère partout, et elle est sévèrement punie; quant au mari, la peine dont on le frappe est dérisoire. «Une telle impunité, dit M. Legouvé, ne blesse pas seulement l’ordre, c’est une insulte à la morale publique, c’est une leçon de débauche donnée par la loi elle-même.» Si, par l’adultère, la femme blesse le cœur d’un honnête homme, introduit de faux héritiers dans la famille, au moins elle ne peut rien distraire de la fortune, tandis que le mari, dans le même cas, étant maître de tout, peut ruiner la maison, tout en augmentant le nombre des enfants naturels, et en provoquant les torts de sa femme par son abandon et sa brutalité. Le mari d’ailleurs est plus coupable que la femme, car il va au devant de l’adultère, tandis qu’au contraire il vient à la femme sous mille formes attrayantes. Cependant l’adultère de la femme mérite une plus grande punition que celui de l’homme….. Ah! M. Legouvé, est-ce logique!…..
L’épouse orientale (chap. 5) était et est encore une esclave, une génératrice; l’épouse romaine était quelque peu de plus; celle du moyen âge devait son corps à son mari, mais les cours d’amour avaient décidé que ses affections pouvaient, devaient même appartenir à un autre. Aujourd’hui l’idéal du mariage a grandi: on comprend qu’il est la fusion de deux âmes, une école de perfectionnement mutuel, et que les deux époux doivent être tout entiers l’un à l’autre.
Ce qui nous a conduit à cet idéal nouveau de l’union conjugale (chap. 6) ce sont les luttes civilisatrices de l’Église contre 71 le divorce et la répudiation. De sa nature le mariage est indissoluble; mais dans l’état actuel des choses, où l’idéal ne se réalise que très exceptionnellement, le législateur a dû rendre possible la séparation des époux: cette mesure est immorale et malheureuse autant pour les conjoints que pour leurs enfants. Le seul remède aux désordres des ménages, c’est le divorce, question dans laquelle l’Église n’a pas à intervenir.
Tout le dernier chapitre de ce troisième livre est une condamnation du changement en amour, une affirmation de l’indissolubilité du mariage et de la sainteté du lien conjugal.
Le quatrième livre, la mère, comprend six chapitres.
Jusqu’à ces derniers temps (chap. 1er) on a cru que la femme n’était qu’une terre, où l’homme, créateur de l’espèce, déposait le germe humain. La science moderne est venue renverser cette fausse doctrine et relever la femme en démontrant ces trois faits incontestables: 1o Qu’à partir du moment de la conception le germe humain passe par des degrés successifs d’animalité jusqu’à ce qu’il acquière sa forme propre; 2o que le sexe féminin est conservateur des races, puisqu’il les ramène toujours à son type, aussi bien dans notre espèce que dans les espèces animales et végétales; 3o que la femme est physiologiquement d’une nature supérieure à l’homme, parce qu’il est aujourd’hui démontré que plus l’appareil respiratoire est placé haut dans l’organisme, plus l’espèce est élevée dans l’échelle des êtres; et que la femme respire par la partie supérieure, et l’homme par la partie inférieure des poumons.
La maternité (chap. 2) ne donna pas aux femmes des droits sur leurs enfants, mais contribua cependant à leur émancipation; 72 ainsi dans l’Inde on ne pouvait répudier une femme qui avait des fils, et à Rome ce fut à la maternité que les femmes durent leur sortie de tutelle.
C’est une iniquité (chap. 3) que de donner au père seul l’autorité paternelle; la mère doit avoir un droit égal à lui sur ses enfants. La direction suprême appartient bien au père, mais il faut qu’un conseil de famille limite, surveille cette direction et la puisse transporter à la mère en cas d’indignité de son conjoint.
L’éducation des enfants (chap. 4) appartient de droit à la mère, parce qu’elle les connaît mieux, et qu’il faut qu’elle puisse acquérir sur ses fils toute l’influence dont elle aura besoin plus tard pour les conseiller et les consoler. L’éducation publique ne peut convenir aux garçons que quand ils ont atteint leur douzième année; lorsqu’ils sont plus jeunes elle a de mauvais résultats pour leur caractère. L’auteur demande qu’on n’infériorise pas le grand-père et la grand’mère maternels dans la tutelle, comme la loi le fait aujourd’hui; et il considère comme une impiété de ne point donner à la mère un droit égal à celui du père au sujet de leur consentement au mariage de leurs enfants.
La maternité légitime (chap. 5) est un bonheur pour la femme riche; la misère, souvent le chagrin pour la femme pauvre. La maternité illégitime est pour les femmes de tous les rangs une source de douleurs, de honte et de crimes. Pour la fille riche, c’est le déshonneur, un empêchement éternel au mariage; pour la fille pauvre, c’est la misère, la honte, si elle garde son enfant; c’est le crime, si elle le détruit. Et la loi ose prononcer l’impunité contre le corrupteur, contre le séducteur, contre l’homme 73 qui n’a pas hésité de sacrifier à un moment de passion tout l’avenir d’une femme, tout l’avenir d’un enfant! L’État doit venir en aide à toutes les mères pauvres, parce qu’il est dans son intérêt que la génération soit forte, vigoureuse, et que ce sont les mères qui sont conservatrices de la race. Que le génie des femmes se mette à l’œuvre; que l’on fonde sur tous les points de la France des crèches et des salles d’asile.
La veuve indienne (chap. 6) se brûlait, la veuve juive était tenue de se remarier à certains hommes désignés par la loi; la veuve grecque et la veuve barbare passaient sous la tutelle de leurs fils, et cette dernière même ne pouvait se remarier sans sa permission; la veuve chrétienne était condamnée à la réclusion: aucune de ces femmes n’avait de droit sur ses enfants. Le code français rend à la veuve sa liberté tout entière, la fait rentrer dans son droit de majorité, la nomme tutrice et directrice de ses enfants; c’est un acheminement à la liberté dans le mariage.
Le cinquième livre, la Femme, se divise en 5 chapitres.
L’antiquité tout entière a opprimé la femme, quoiqu’elle reconnût en elle quelque chose de supérieur, et en fît une prophétesse et une prêtresse. La femme chrétienne des premiers siècles, qui seule put détrôner la femme païenne, non seulement savait subir le martyre aussi courageusement que l’homme, mais se distinguait par son immense charité, par la pureté et la lucidité de doctrine qui la rendait conseillère des docteurs. On ne sait en réalité jusqu’où peut aller la femme; on ne peut la juger d’après ce qu’elle est aujourd’hui, puisqu’elle est l’œuvre de l’éternelle oppression de l’homme: «Qui nous dit qu’un grand nombre des maux qui déchirent notre monde, et des problèmes 74 insolubles qui le travaillent, n’ont pas en partie pour cause l’annihilation d’une des deux forces de la création, la mise en interdit du génie féminin? Avons-nous le droit de dire à la moitié du genre humain: vous n’aurez pas votre part dans la vie et dans l’état? N’est-ce pas leur dénier (aux femmes) leur titre de créatures humaines? N’est-ce pas déshériter l’état même? Oui, la femme doit avoir sa place dans la vie civile,» conclut M. Legouvé.
La femme et l’homme sont égaux (chap. 2), mais différents. A l’homme la synthèse, la supériorité dans tout ce qui demande des vues d’ensemble, le génie, la force musculaire; à la femme l’esprit d’analyse, la connaissance de l’individuel, l’imagination, la tendresse, la grâce. L’homme a plus de force de raison et de corps, la femme a plus de force de cœur, et une merveilleuse perspicacité à laquelle l’homme n’atteindra jamais. Le partage ainsi fixé, que doit faire la femme?
Dans la famille, la tâche de la femme (chap. 3) est le gouvernement de l’intérieur, l’éducation des enfants, la consolation du mari dont elle doit être l’inspiratrice. A côté de l’homme éminent, et dans l’ombre, il y a toujours une femme; cette carrière d’utilité cachée, et de dévouement modeste, est ce qui convient le mieux aux femmes. Dans la vie civile elles peuvent parcourir avec succès plusieurs carrières: l’art, la littérature, l’enseignement, l’administration, la médecine. «La pudeur même exige qu’on appelle les femmes comme médecins, non pas auprès des hommes, mais auprès des femmes; car il y a un outrage éternel à toute pureté, c’est que leur ignorance livre forcément à l’inquisition masculine, le mystère des 75 souffrances de leurs sœurs….. Les maladies nerveuses surtout, trouveraient dans le génie féminin le seul adversaire, qui puisse les saisir et les combattre.» L’auteur dit qu’il est du devoir de la société de veiller à ce que les femmes pauvres n’aient pas un salaire de deux tiers ou de trois quarts plus faible que celui des hommes; à ce que dans les manufactures, elles n’aient pas les travaux les plus dangereux et les moins rétribués.» Parent-Duchâtelet, dit-il, atteste que sur trois mille créatures perdues, 35 seulement avaient un état qui pouvait les nourrir, et que 1,400 avaient été précipitées dans cette horrible vie par la misère! Une d’elles, quand elle s’y résolut, n’avait pas mangé depuis trois jours.» M. Legouvé trouve honteux que les hommes fassent concurrence aux femmes dans les industries qui ont pour objet les choses de toilette et de goût.
Dans son dernier chapitre (chap. 5) l’auteur reconnaît la capacité remarquable des femmes dans l’administration, et en cite de nombreux exemples. Il demande qu’elles aient celles des prisons de femmes, des hospices, des bureaux de bienfaisance, la tutelle légale des enfants trouvés, enfin le maniement de tout ce qui concerne la charité sociale, parce qu’elles s’en acquitteront infiniment mieux que les hommes. Mais il leur refuse toute participation aux actes politiques et à ce qui touche au gouvernement, parce qu’elles n’ont pas d’aptitude pour ces choses. Enfin il termine ainsi: «Notre tâche est achevée; nous avons examiné les principales phases de la vie des femmes dans leurs rôles de filles, d’épouses, de mères, de femmes, en comparant le présent au passé, et en cherchant à indiquer l’avenir, 76 c’est à dire en signalant le mal, constatant le mieux, cherchant le bien.
«Quel principe nous a servi de guide? L’égalité dans la différence.
«Au nom de ce principe, quelles améliorations avons-nous demandées dans les lois et dans les mœurs?
«Pour les filles:
«Réforme de l’éducation.
«Loi sur la séduction.
«Éloignement de l’âge du mariage.
«Intervention réelle des fiancés dans la rédaction de leur contrat.
«Abolition des sommations respectueuses, qui pèsent sur les pères comme une injure, sur les enfants comme une injustice.
«Pour les épouses:
«Une majorité.
«Administration et droit de disposer d’une partie de leurs biens particuliers.
«Droit de paraître en justice sans le consentement de leur mari.
«Limitation du pouvoir du mari sur la personne de la femme.
«Création d’un conseil de famille, chargé de contrôler cette part de pouvoir.
«Pour les mères:
«Droit de direction.
«Droit d’éducation.
77 «Droit de consentement au mariage de leurs enfants.
«Loi sur la recherche de la paternité.
«Création d’un conseil de famille pour juger les dissentiments graves entre le père et la mère.
«Pour les femmes:
«Admission à la tutelle et au conseil de famille.
«Admission aux professions privées.
«Admission, dans les limites de leurs qualités et de leurs devoirs, aux professions sociales.»
On le voit, M. Legouvé n’a qu’un but, celui de faire avancer d’un pas l’émancipation des femmes; il ne demande pas tout ce qu’il croit juste, mais tout ce qui lui paraît mûr et possible.
Nous devons le remercier de sa prudence: il a ramené bien des hommes à notre cause, et les a préparés à entendre la voix de la femme, parlant haut et ferme de son droit comme épouse et comme créature humaine; comme travailleuse et comme membre du corps social.
A côté de M. Legouvé, en dehors des écoles sociales, se place une phalange d’hommes justes et généreux qui ont écrit en notre faveur. Nous les remercions tous de leur bonne parole.
LEGOUVÉ.
The inheritor of a name which commands respect, Ernest Legouvé, an elegant, eloquent, and impassioned author, has written a Moral History of Women, whence exhales a perfume of purity and love which refreshes the heart and calms the soul.
In every page of this book, we detect the impulse of an upright heart and lofty mind, indignant at injustice, oppression, and moral deformity. The author has deserved well of women, and it is with pleasure that I seize the opportunity of thanking him in the name of those who, at the present time, are struggling in various countries for the emancipation of half the human race.
What is the object of Legouvé’s work? We will let him tell it himself.
“The object of this book is summed up in these words: to lay claim to feminine liberty in the name of the two very principles of the adversaries of this liberty: tradition and difference (of the sexes), that is to say, to show in tradition progress, and in difference equality.
God created the human species double, we utilize but half of it; Nature says two, we say one; we must agree with Nature. Unity itself, instead of perishing 135 thereby, would only then be true unity; that is, not the sterile absorption of one of two terms for the benefit of the other, but the living fusion of two fraternal individualities, increasing the common power with all the force of their individual development.
“The feminine spirit is stifled, but not dead…. We cannot annihilate at our pleasure a force created by God, or extinguish a torch lighted by his hand; but turned aside from its purpose, this force, instead of creating, destroys; this torch consumes instead of giving light.
“Let us then open wide the gates of the world to this new element: we have need of it.”
Then, examining the position of women, the author adds: “No history presents, we believe, more iniquitous prejudices to combat, more secret wounds to heal.
“Shall we speak of the present? As daughters, no public education for them, no professional instruction, no possible life without marriage, no marriage without a dowry. Wives—they do not legally possess their property, they do not possess their persons, they cannot give, they cannot receive, they are under the ban of an eternal interdict. Mothers—they have not the legal right to direct the education of their children, they can neither marry them, nor prevent them from marrying, nor banish them from the paternal house nor retain them there. Members of the commonwealth, they can neither be the guardians of other orphans than their sons or their grand-sons, nor take part in a family council, nor witness a will; they have not the right of testifying in the state to the birth of a child! Among the working people, what class is most wretched? Women. Who are they that earn from sixteen to 136 eighteen sous for twelve hours of labor? Women. Upon whom falls all the expense of illegitimate children? Upon women. Who bear all the disgrace of faults committed through passion? Women.”
Then, after showing the position of rich women, he continues: “And thus, slaves everywhere, slaves of want, slaves of wealth, slaves of ignorance, they can only maintain themselves great and pure by force of native nobleness and almost superhuman virtue. Can such domination endure? Evidently not. It necessarily falls before the principle of natural equity; and the moment has come to claim for women their share of rights and, above all, of duties; to demonstrate what subjection takes away from them, and what true liberty will restore to them; to show, in short, the good that they do not and the good they might do.”
The history of the past shows us woman more and more oppressed in proportion as we trace back the course of centuries. “The French Revolution (itself), which renewed the whole order of things in order to affranchise men, did nothing, we may say, for the affranchisement of women…. ’91 respected almost all of the feminine disabilities of ’88, and the Consulate confirmed them in the civil code.”
This, in Legouvé’s opinion was the fault of the philosophy of the eighteenth century, for “woman is, according to Diderot, a courtesan; according to Montesquieu, an attractive child; according to Rousseau, an object of pleasure to man; according to Voltaire, nothing…. Condorcet and Sieyès demanded even the political emancipation of woman; but their protests were stifled by the powerful voices of the three great continuers of the eighteenth century, Mirabeau, Danton, and Robespierre.”
137 Under the Consulate, “feminine liberty had no more decided enemy (than Bonaparte:) a southerner, the spirituality of woman was lost on him; a warrior, he saw in the family a camp, and there required, before all else, discipline; a despot, he saw in it a state, and there required, before all else, obedience. He it was who concluded a discussion in council with these words: There is one thing that is not French; that a woman can do as she pleases…. Always man (in the thought of Bonaparte), always the honor of man! As to the happiness of woman, it is not a single time in question (in the civil code.)”
It is in behalf of the weakness of women, it is in behalf of tradition which shows them constantly subordinate, it is in behalf of their household functions, that the adversaries of the emancipation of women oppose it. “To educate them is to deform them; and they do not want their playthings spoiled,” says M. Legouvé, ironically. He then continues in a serious strain: “What matters tradition to us? What matters history to us? There is an authority more powerful than the consent of the human race: it is the Right. Though a thousand more centuries of servitude should be added to those which have already passed, their accord could not banish the primordial right which rules over everything, the absolute right of perfecting one’s self which every being has received from the sole fact that he has been created.”
To those who base their opposition on the domestic functions of woman, he answers: “If there (in the household) is their kingdom, then there they should be queens; their own faculties assure them there of authority, and their adversaries are forced, by their own principles, 138 to emancipate them as daughters, as wives, as mothers. Or, on the contrary, it is sought to extend their influence, to give them a rôle in the state, and we believe that they should have one: well; it is also in this dissimilarity (between the two sexes), that it is fitting to seek it. When two beings are of value to each other, it is almost always because they differ from, not because they resemble each other. Far from dispossessing men, the mission of women therefore would be to do what men leave undone, to aspire to empty places, in short, to represent in the commonwealth the spirit of woman.”
As is evident, Legouvé demands the civil emancipation of woman in the name of the eternal Right, in the name of the happiness of the family, in the name of the commonwealth; their long standing oppression is an iniquitous fact, and he casts blame on all who have perpetuated it. This blame from a man of heart and justice may perhaps have some weight with those women who are so much accustomed to bondage that they do not blush at it—that they even no longer feel it!
In his first book, “The Daughter,” which is divided into seven chapters, Legouvé takes the child from her birth; he shows her made inferior in the ancient religions and systems of legislation by Menu, by Moses, at Rome, at Sparta, at Athens, and under the feudal régime; and he asks why, even in our days, the birth of a daughter is received with a sort of disfavor. It is because she will neither continue the name nor the works of her father, says he; it is because her future gives rise to a thousand anxieties. “Life is so rude and so uncertain for a girl! Poor, how many chances of misery! Rich, how many chances of moral suffering! 139 If she is to have only her labor for a maintenance, how shall we give her an occupation that will support her in a state of society in which women scarcely earn wherewith not to die? If she has no dowry, how can she marry in this world in which woman, never representing anything but a passive being, is forced to buy a husband?… From this début, and in this child’s cradle, we have found and caught a glimpse of all the chains that await women: insufficiency of education for the rich girl; insufficiency of wages for the poor girl; exclusion from the greater part of the professions; subordination in the conjugal abode.”
In the second chapter, the author shows by what gradations the daughter, deprived of the right of inheritance, has come in our times to share equally with her brothers; then, passing to the right of education, he answers those who pretend that to give a solid education to woman would be to corrupt her and to injure the family: “The diversity of their nature (man and woman) being developed by the identity of their studies, it may be said that women would become so much the more fully women in proportion as they received a masculine education.
“Well! it is in the name of the family, in the name of the salvation of the family, in the name of maternity, of marriage, of the household, that a solid and earnest education must be demanded for girls…. Without knowledge, no mother is completely a mother, without knowledge no wife is truly a wife. The question is not, in revealing to the feminine intellect the laws of nature, to make all our girls astronomers or physicians; do we see all men become Latinists by spending ten years of their life in the study of Latin? The question is to 140 strengthen their minds by acquaintance with science; and to prepare them to participate in all the thoughts of their husbands, all the studies of their children…. Ignorance leads to a thousand faults, a thousand errors in the wife. The husband who scoffs at science might have been saved by it from dishonor.”
Insisting upon the rights of woman, the author adds: “As such (the work of God) she has the right to the most complete development of her mind and heart. Away then with these vain objections, drawn from the laws of a day! It is in the name of eternity that you owe her enlightenment.” Further on, he exclaims indignantly: “What! the state maintains a university for men, a polytechnic school for men, academies of art and trades for men, agricultural schools for men—and for woman, what has it established? Primary schools! And even these were not founded by the State, but by the Commune. No inequality could be more humiliating. There are courts and prisons for women, there should be public education for women; you have not the right to punish those whom you do not instruct!” M. Legouvé demands, in consequence, public education for girls in athenæums, “which, by thorough instruction with respect to France, her laws, her annals, and her poetry, shall make her women French women in truth. The country alone can teach love of country.”
Ancient religions and systems of legislation punished misdemeanors and crimes against the purity of women severely (says M. Legouvé in his fourth chapter). Our code, profoundly immoral, does not punish seduction, and punishes corruption only derisively, and violation insufficiently. To declare void the promise of marriage is fearful immorality; to permit no investigation of paternity 141 and to admit that of maternity, is as cruel as it is immoral. If the solicitude of the legislator for property be compared with his solicitude for purity, we shall soon see how little the law cares for the latter. “The law recognizes as criminal only a single kind of robbery of honor, violation, but it defines, pursues and punishes two kinds of robbery of money, larceny and fraud; there are thieves of coin, there are no sharpers in chastity.”
When a man has seduced a girl fifteen years old under promise of marriage, he has “a right to come before a magistrate and say: This is my signature, it is true; but I refuse to acknowledge it; a debt of love is void in law.”
The indignant author exclaims, further on: “Thus, therefore, on every side, in practice and in theory, in the world and in the law, for the rich as for the poor, we see abandonment of public purity, and a loose rein to all ungoverned or depraved desires…. Manufacturers seduce their workwomen, foremen of workshops discharge young girls who will not yield to them, masters corrupt their servant maids. Of 5083 lost women, enumerated by the grave Parent-Duchâtelet at Paris in 1830, 285 were servants, seduced by their masters, and discarded. Clerks, merchants, officers, students deprave poor country girls and bring them to Paris, where they abandon them, and prostitution gathers them up…. At Rheims, at Lille, in all the great centres of industry, are found organized companies for the recruital of the houses of debauchery of Paris.”
With the indignation of an upright man, M. Legouvé adds: “Punish the guilty woman if you will, but punish also the man! She is already punished; punished 142 by abandonment, punished by dishonor, punished by remorse, punished by nine months of suffering, punished by the burden of rearing a child: let him then be smitten in turn; or else, it is not public decency that you are protecting, as you say, it is masculine sovereignty, in its vilest form: seigniorial right!
“Impunity assured to men doubles the number of illegitimate children. Impunity fosters libertinism; libertinism enervates the race, wastes fortunes and blights offspring. Impunity fosters prostitution; prostitution destroys the public health, and makes a profession of idleness and license. Impunity, in short, surrenders half the human race as a prey to the vices of the other half: behold its condemnation in a single word.”
In the fifth chapter, the author finding, with reason, that girls are married too young, desires that they should not enter upon family duties until twenty-two years old; works of charity, solid studies, innocent pleasures, and the ideal of pure love will suffice to keep them pure till this age. “If the young maiden learns that nothing is more fatal to this divine sentiment (love) than the ephemeral fancies which dare call themselves by its name; if she perceives in it one of those rare treasures which we win only by conquering them, which we keep only by deserving them; if she knows that the heart which would be worthy to receive it must be purified like a sanctuary and enlarged like a temple; then be sure that this sublime ideal, engraven within her, will disgust her, by its beauty alone, with the vain images that profane or parody it; idols are not worshipped when God is known.”
“What is marriage?” asks M. Legouvé.
143 “The union of two free beings, forming an alliance in order to perfect themselves through love.” Neither antiquity nor the Middle Age considered it in this light. The father, in ancient times, transmitted to the husband his right of property in his daughter in consideration of a certain sum. At Athens, the daughter, even when married, formed part of the paternal inheritance, and was bound to leave her husband to espouse the heir. At Rome, the father, after having given his daughter in marriage, had the power to take her back and to espouse her to another. Among the barbarians, she belonged to him who paid the mundium to her father. Under the feudal system, the law disposed also of the daughter without her consent. The French Revolution emancipated her in this respect; she is required now to consent to her marriage; but the customs of the age take from her the benefit of this emancipation; she is married too young to know what she is doing, and interest almost always determines her parents to give her in marriage. For woman to profit by her legal emancipation, she should be at least twenty-two years old when she marries; she should make her choice freely; and her relatives should content themselves with keeping her apart from those whom she ought not to choose, and should only enlighten and counsel her; for on the love between the married couple depends the happiness and virtue of the wife.
Examining next the origin of the dower, the transferral of the dowry, the betrothal and the marriage, he shows the mundium paid at first to the father or the brother; then later, to the maiden, becoming, with the rest of the nuptial gifts, the origin of the dower, which he wishes to see made obligatory in modern times. Passing 144 to the dowry, he proves that, becoming by degrees a custom among the Romans, it was at first the property of the husband; then, as the world progressed, it became the property of the wife. Our code fully protects the dowry; but the law should oblige wealthy parents to endow their daughters so that they can marry. In olden times, a maiden was betrothed by pledges exchanged by the father and the man who asked her in marriage; at a later date the pledge was given to the maiden instead of the father, and the law intervened to render obligatory promises of marriage. At the present day, in France, there are no longer betrothed, but future spouses.
In his second book, the author distinguishes the beloved one from the mistress, the adoration of pure from that of sensual love; the first produces goodness, patriotism, and respect for woman; the second regards her only as an object of pleasure and of disdain. Antiquity had no knowledge of pure love; the Middle Age, which comprehended it, was divided equally between it and sensual love; to-day, we have learned to comprehend that the two loves should be united; that the beloved and the mistress should make one in the person of the wife.
The third book, “The Wife,” is divided into seven chapters.
The subordination of woman in marriage, with contempt for the mother, arose from two erroneous ideas: the inferiority of her nature; her passivity in the reproduction of the species, in which she performed the part of the earth with respect to the reception of germs. Modern science has destroyed these bases of inferiority by demonstrating: 1st, that the human germ, before 145 taking its definitive form, passes, in the bosom of its mother, through progressive degrees of animal life; 2d, that in all species, both animal and vegetable, the females are the conservers of the race, which they bring to their own type.
Among the Romans, two forms of marriage placed the wife, soul, body and estate, in the hands of her husband; in a third form, which left her in her father’s family, she received a dowry, inherited, and administered her property. Barbarism and feudality made the wife a ward, the husband an administrator, and a step was taken towards the equality of the spouses by the institution of acquêts, or property belonging to both, though obtained by but one. To-day, the maiden is married sometimes under the dotal system, occasionally under that of the separation of property, and chiefly under that of communion of goods. This last, which is the rule, permits the husband to dispose of the property of his partner, to sell the household furniture, to take possession of the very jewels of his wife to adorn his mistress. “Thus, this law respects no dignity, no delicacy, nothing whatever,” says M. Legouvé. The omnipotence of the husband is a crime of the law in every point of view; it is in manifest violation of the modern principle, which exacts that all authority shall be limited and placed under surveillance. “To surrender to the husband the fortune of the wife is to condemn her to an eternal moral minority, to create him absolute master of the actions and almost of the soul of his companion.” The author next addresses himself to those who pretend to justify marital omnipotence by the incapacity of woman: “In vain do facts protest against this alleged incapacity; in vain does reality say: To whom is the 146 prosperity of most of our commercial houses due? To women. Who establish, who superintend the thousands of establishments of millinery and objects of taste? Women. By whom are the boarding-schools, the farms, often even, the manufactories, sustained? By women. It matters not, the Code denies to the wife the foresight to preserve, the judgment to administer, even the maternal tenderness to economize, and the marriage certificate becomes the expression of this disdainful phrase: the most reasonable woman never attains the good sense of a boy fourteen years of age.” How shall we set to work to remedy this iniquitous and shameful state of affairs? The property of the partners should be divided into three shares: one for the wife, to be placed at her disposal five years after marriage, one for the husband, and a third common to both, to be administered by the husband under the direction of a family council, which council, in case of incapacity or waste, shall have the right provisionally to take away the management from him, to entrust it to his wife.
If anything is iniquitous and revolting, it is the power of the husband over the person and the actions of his wife; the right over her of correction, still tolerated in our days. There must be a directing power in the household; the husband must be the depositary of this power, which should be limited, and controlled by the family council. Legal omnipotence demoralizes the husband, who believes in the end in the lawfulness of his despotism. It is said that custom establishes precisely the contrary of what the laws prescribe: this is generally true, but it is at the expense of the moral character of the wife, thus forced to have recourse to artifice. “Restore liberty to women, since liberty is truth!” 147 exclaims Legouvé. “This will be, at the same time, to affranchise man. Servitude always creates two slaves: he who holds the chain and he who wears it.”
Antiquity, the Middle Age, and the centuries nearer our own, punished the adultery of the wife severely, even cruelly, yet did not admit that a man could become guilty of this offence with respect to his spouse. Our present code acknowledges, indeed, that the husband can commit adultery, but only in case he maintains his mistress under the conjugal roof; the wife is an adulteress everywhere, and is punished severely; as to the husband, his punishment is a farce. “Such impunity,” says M. Legouvé, “is not only injurious to order, it is an insult to public morals, it is a lesson of debauchery, given by the law itself.” If, by adultery, the wife wounds the heart of an honorable man, introduces false heirs into the family, she at least can abstract nothing from the common fortune; while the husband, in the same case, can ruin the family, while increasing the number of natural children and provoking his wife to wrong by his neglect and brutality. The husband, besides, is more criminal than the wife, for he seeks adultery, while, on the contrary, it comes to the wife under a thousand attractive forms. Notwithstanding, the adultery of the woman deserves greater punishment than that of the man…. Ah! M. Legouvé, is this logic?
The Oriental wife was and is still, a slave, a generatrix; the Roman wife was something more than this; the wife of the Middle Age owed her body to her husband, but the Courts of Love had decided that her affections could, nay, should belong to another. To-day, the ideal of marriage is enlarged; we comprehend that 148 it is the fusion of two souls, a school for mutual perfection, and that the two spouses should belong wholly to each other.
We have been led to this new ideal of the conjugal union by the civilizing struggles of the church against divorce and repudiation. In its nature, marriage is indissoluble, but in the existing state of things in which the ideal is but very exceptionally realized, the legislator has deemed it right to render possible the separation of the spouses: this measure is immoral and unfortunate both for the partners and for their children. The only remedy for family difficulties is divorce, a question with which the church has nothing to do.
The whole of the last chapter of the third book is a condemnation of fickleness in love, and an affirmation of the indissolubility of marriage and of the sanctity of the conjugal tie.
The fourth book, “The Mother,” comprises six chapters.
Until a late day, it was believed that woman was only the soil in which man, the creator of the species, deposited the human germ. Modern science has overthrown this false doctrine, and elevated woman by demonstrating these three incontestable facts: 1st, that, dating from the moment of conception, the human germ passes through successive degrees of animal life until it acquires its proper form; 2d, that the female sex is the conserver of the race, since it always brings them to its own type, as well in the human as in the animal and vegetable species; 3d, that woman is physiologically of a nature superior to man, since it is now demonstrated that the higher the respiratory apparatus is placed in the organism, the more elevated is the species in the scale of beings; 149 and that woman breathes from the upper, and man from the lower part of the lungs.
Maternity does not give to women rights over their children, but contributes, notwithstanding, to their emancipation; thus, in India, a woman who had borne sons could not be repudiated, and at Rome, a woman emerged from tutelage at maternity.
It is iniquitous to give the paternal authority to the father alone; the mother should have an equal right with him over her children. Supremacy of direction belongs indeed to the father, but this direction should be limited and superintended by a family council, and transferred to the mother in case of the unworthiness of her spouse.
The education of the children belongs of right to the mother, because she understands them best, and because it is necessary that she should acquire that entire influence over her sons which she will need afterwards to counsel and to console them. Public education is not fit for boys until they have attained their twelfth year; younger, it is injurious in its results to their character. The author demands that the maternal grand-parents shall not be made inferior in guardianship, as is the case now in the law; and he considers it as sacrilege not to give to the mother an equal right with respect to consent to the marriage of their children.
Legitimate maternity is happiness to the rich woman; want, often grief, to the poor woman. Illegitimate maternity is to women of all ranks a source of sorrow, shame and crime. To the rich girl it is dishonor, an eternal bar to marriage; to the poor girl it is poverty, shame if she keeps her child; crime, if she destroys it. Yet the law dares grant impunity to the corrupter, to 150 the seducer, to the man who has not hesitated to sacrifice to a moment of passion the whole future of a woman, the whole future of a child! The State ought to come to the aid of all poor mothers, because it is for its interest that the race should be strong and vigorous, and because mothers are the preservers of the race. Let the genius of women be set to work; let infant schools and infant asylums be founded in every quarter of France.
The Hindoo widow was burned; the Jewish widow was bound to re-marry certain men designated by the law; the Grecian and the Gothic widow passed under the guardianship of her son, and the latter could not even re-marry without his permission; the Christian widow was condemned to seclusion; none of these women had any rights over their children. The French code restores full liberty to the widow, renders to her the right of majority, appoints her the guardian and directress of her children; it is a preliminary step to liberty in marriage.
The fifth book, Woman, is divided into five chapters.
All antiquity oppressed woman, although it recognized in her something superior, and made her a priestess or a prophetess. The Christian woman of the early ages, who alone could dethrone the Pagan woman, not only endured martyrdom as courageously as man, but was distinguished for her great charity, for the purity and lucidity of doctrine which rendered her the counsellor of learned men. We do not know, in reality, to what heights woman can attain; we cannot judge her by what she is to-day, since she is the work of the eternal oppression of man. “Who can say whether many 151 of the ills that rend society, and of the insoluble problems that trouble it, may not be caused in part by the annihilation of one of the two forces of creation, the ban placed on female genius? Have we a right to say to half the human kind: you shall not have your share in life and in the state? Is it not to deny to them (to women) their title of human beings? Is it not to disinherit the state itself? Yes, woman should have her place in civil life,” concludes Legouvé.
Woman and man are equal, but different. To man, belong synthesis, superiority in all that demands comprehensive views, genius, muscular force; to woman, belong the spirit of analysis, the comprehension of details, imagination, tenderness, grace. Man has more strength of reason and body, woman more strength of heart, with a marvelous perspicacity to which man will never attain. The division thus fixed, what ought woman to do?
In the family, the task of the wife is the management of domestic affairs, the education of the children, and the comfort of the husband, of whom she should be the inspiration. By the side of the eminent man, yet in the shade, there is always a woman; this career of hidden utility and of modest devotion is the one best suited to woman. In civil life there are several fields of occupation which they may enter with success: art, literature, instruction, administration, medicine. “Modesty itself demands that we should call in women as physicians, not to men, but to women; for it is an abiding outrage upon all purity that their ignorance should forcibly expose to masculine curiosity the sufferings of their sisters…. Nervous diseases, especially, would find in feminine genius the only adversary able to understand and combat them.” The author says that it is the duty 152 of society to see that poor women do not work for one-third or one-fourth the wages of men; and that, in manufactures, they have not the most dangerous and least remunerative labors. “Parent-Duchâtelet,” says he, “attests that of three thousand lost women, only thirty-five had an occupation that could support them, and that fourteen hundred had been precipitated into this horrible life by destitution. One of them, when she resolved on this course, had eaten nothing for three days.” M. Legouvé thinks it shameful that men should enter into competition with women in the manufacture of articles of dress and taste.
In the fifth and last chapter, the author recognizes the remarkable capacity of women in administration, of which he cites numerous examples. He demands that they should have the superintendence of prisons for women, hospitals, charitable institutions, the legal guardianship of foundlings, the management, in short, of all that concerns social charity, because they will acquit themselves in it infinitely better than men. But he refuses to them all participation in political acts and in all that concerns the government, because they have no aptitude for things of this nature. Finally, he concludes thus: “Our task is finished; we have examined the principal phases of the life of women, in the character of daughters, wives, mothers, and women, comparing the present with the past, and endeavoring to indicate the future; that is, by pointing out the bad, verifying the better, seeking the best.
“What principle has served us in this as a guide? Equality in difference.
“In the name of this principle, what ameliorations have we demanded in the laws and customs?
“Reform in education.
“Laws against seduction.
“The postponement of the marriageable age.
“The actual participation of the betrothed parties in the execution of their contract.
“Abolition of the formal request to the father of consent to marriage, which is an insult to the father and an injustice to the child.
“For wives:
“An age of legal majority.
“Administration, and the right of disposing of a portion of their private property.
“The right to appear in law without the consent of their husbands.
“The limitation of the power of the husband over the person of the wife.
“The creation of a family council, charged with controlling this part of the power.
“For mothers:
“The right of government.
“The right of direction.
“The right of education.
“The right of consent to the marriage of their children.
“A law requiring the investigation of paternity.
“The creation of a family council to decide on serious disagreements between father and mother.
“For women:
“Admission to guardianship and the family council.
“Admission to all professions.
“Admission within the bounds of their capabilities and duties to public offices.”
154 It is evident that Legouvé has but one end, that of advancing the emancipation of women a single step; he does not demand all that he believes just, but all that seems to him mature and possible.
We should thank him for his prudence: he has brought over many men to our cause, and has prepared them to hear the voice of woman, speaking loudly and firmly by her right as a wife and a human being, as a worker and a member of the social body.
By the side of Legouvé, outside the social schools, are a phalanx of just and generous men who have written in our favor. We thank them all for their good words.
M. E. DE GIRARDIN.
A la page 42 de sa brochure: La liberté dans le Mariage, M. E. de Girardin dit avec beaucoup de raison: «L’homme naît de la femme. Donc tout ce qui profitera à la femme sera profitable à l’homme.
«Combattre et vaincre pour elle, c’est combattre et vaincre pour lui.»
Inspiré par ces excellents sentiments, le célèbre publiciste a recherché les causes de l’esclavage et de la dégradation de la femme, et les moyens de les paralyser.
Tout enfant a pour père le mari de la mère: tel est, selon M. de Girardin, le principe de ces deux grandes injustices: servage de la femme mariée; inégalité des enfants devant la loi qui les divise en légitimes et illégitimes.
Pour que les enfants soient égaux, pour que la femme soit affranchie du joug de l’homme, il faut, dit l’auteur, substituer le régime de la maternité à celui de la paternité; modifier le 79 Mariage, et rendre la femme indépendante par l’institution et l’universalisation du douaire.
Laissons du reste M. de Girardin exposer lui-même sa doctrine. «Il faut, dit-il, choisir entre ces deux régimes:
«Entre le régime de la paternité présumée qui est le régime de la loi, et le régime de la maternité, portant elle-même sa preuve, qui est le régime de la nature; celui-ci conforme à la vérité incontestable, celui-là condamné par la statistique incontestée. Le régime de la paternité, c’est l’inégalité des enfants devant la mère et devant la loi, c’est la femme possédée et ne se possédant pas;….. ce n’est plus l’esclavage légal de la femme, mais c’est encore le servage conjugal.»
(Liberté dans le mariage, p. 66.)
«Sans l’égalité des enfants devant la mère, l’égalité des citoyens devant la loi n’est qu’une imposture, car évidemment et incontestablement, cette égalité n’existe pas pour 2,800,000 enfants, qui arbitrairement qualifiés d’illégitimes, sont mis hors du droit commun en violation de la loi naturelle.» (Id., p. 44.)
Selon M. de Girardin, les conséquences logiques du régime de la maternité seraient:
L’abolition du mariage civil;
Le nom seul de la mère donné à l’enfant;
L’héritage placé seulement dans la ligne maternelle.
«Le mariage, dit-il, est un acte purement individuel et, comme célébration, un acte purement religieux.» (Id. p. 64.)
«Le mariage est un acte de la foi, non de la loi; c’est à la foi à le régir; ce n’est pas à la loi à le régler.
80 «Dès que la loi intervient, elle intervient sans droit, sans nécessité, sans utilité.
«Pour un abus qu’elle a la prétention d’écarter, elle en fait naître d’innombrables qui sont pires, et dont ensuite la société souffre gravement, sans se rendre compte de la cause qui les a produits.» (Id., p. 12.)
«La liberté légale dans le mariage, c’est l’amour durable dans le ménage; l’indissolubilité dans le mariage, c’est l’amour habituel hors du ménage.» (Id., p. 51.)
Au sujet de l’héritage et de la dot, l’auteur s’exprime ainsi:
«Hériter à la mort de sa mère, parce que maternité et certitude sont deux termes équipollents, et recevoir du vivant de son père, parce que paternité et doute sont deux termes inséparables, telle est la loi vraie de la nature.» (Id., p. 52.)
Dans la pensée de M. de Girardin, la femme a les mêmes droits que l’homme à la liberté et à l’égalité; les sexes sont égaux, non par la similitude, mais par l’équivalence des facultés et des fonctions, l’homme produit, acquiert, la femme administre, épargne: c’est donc à l’homme de pourvoir aux frais du ménage. Son devoir, en s’unissant à une femme, est de lui constituer un douaire inaliénable, qui lui permette de remplir convenablement ses fonctions maternelles, et de se soustraire aux vices qui résultent fréquemment de la misère et de l’abandon.
Si l’on objecte à M. de Girardin que le salaire de l’ouvrier est insuffisant pour satisfaire à ce devoir: Eh bien, répond le généreux publiciste, relevez le prix du salaire, en éloignant des travaux industriels les femmes et les enfants qui l’abaissent par 81 la concurrence faite aux hommes. Et si cette mesure ne suffit pas pour équilibrer les recettes et les dépenses, vous augmenterez le salaire, car «il n’y a pas une considération au nom de laquelle j’admette, que pour ne pas diminuer le profit de tels hommes, d’autres hommes seront éternellement condamnés à l’insuffisance du salaire; et que, pour mettre telles femmes à l’abri du viol, d’autres femmes seront nécessairement vouées à la prostitution.» (Id., p. 26.)
M. de Girardin, comparant le sort de l’épouse sous les deux régimes s’exprime ainsi:
«Sous le régime de la paternité, l’épouse comblée des biens de la fortune, fléchit sous le poids d’une oisevité qui, le plus souvent, enfièvre et égare son imagination. Elle ne sait que faire pour employer son temps. La femme ne fait rien, parce que l’homme fait tout.
«L’épouse qui n’a pas apporté de dot et qui n’a pas reçu de douaire, fléchit sous le poids d’un travail contre nature qui l’oblige, par économie, de se séparer de son enfant peu de jours après lui avoir donné la naissance, et de le mettre en nourrice loin d’elle, moyennant cinq ou six francs par mois; d’aller travailler d’un côté lorsque son mari travaille de l’autre; et de ne se rejoindre que le soir, en rentrant chacun de l’atelier qui les a tenus éloignés de leur ménage toute la journée: si c’est là ce qu’on appelle la famille, cela vaut-il en conscience le bruit qu’on en fait?
«Sous le régime de la maternité, au contraire, plus la femme est riche, moins elle est désœuvrée; car non seulement elle a ses enfants à nourrir, à élever, à instruire, à surveiller, 82 mais encore elle a à administrer sa fortune qui sera la leur.
«Conserver cette fortune, l’accroître encore; voilà de quoi occuper ses loisirs, calmer son imagination, la refréner. C’est à tort qu’on suppose que les femmes sont peu aptes à la gestion des affaires; elles y excellent pour si peu qu’elles s’y appliquent, ou qu’elles y aient été exercées. (Id. p. 35 et 36.)
«Assez longtemps l’homme a été la personnification de la guerre, de l’esclavage, de la conquête; c’est au tour de la femme d’être la personnification de la paix, de la liberté, de la civilisation.
«Dans ce régime nouveau (celui de la maternité) chacun des deux a sa part; à l’homme le travail, le génie de l’entreprise; à la femme l’épargne et l’esprit de prévoyance.
«L’homme spécule, la femme administre;
«L’homme acquiert, la femme conserve;
«L’homme apporte, la femme transmet;
«La dot demeure l’attribut du père, l’héritage devient le privilége de la mère;
«Chacun des deux exerce ainsi la fonction qui lui est naturelle, et conformément à l’essence des choses.» (Id. p. 53 et 54.)
Plusieurs femmes se sont demandé si M. de Girardin reconnaît le droit politique aux femmes. Il n’en dit rien dans son ouvrage: La liberté dans le mariage, ni dans sa Politique universelle. Mais quand un homme écrit que:
«La femme, s’appartenant et ne relevant que de sa raison, a les mêmes droits que l’homme à la liberté et à l’égalité;
83 «Que le suffrage universel doit être individuel et direct;
«Que tout porteur d’une assurance générale a droit d’y prendre part;»
Il est clair qu’on peut en induire, sans de grands efforts de logique, que la femme libre et égale à l’homme,
La femme comprise dans l’universalité,
La femme ayant, comme l’homme, sa police d’assurance, a le droit, comme l’homme, d’être électeur, éligible et de voter individuellement et directement.
Or, comme M. de Girardin n’est pas de ceux qui reculent devant les conséquences de leurs principes, nous sommes portée à croire qu’il admet pour la femme l’exercice du droit politique.
On me racontait qu’en 1848, un de ces tristes personnages qui n’ont ni assez d’intelligence pour être conséquents, ni assez de justice pour comprendre les opprimés, pérorait devant M. de Girardin, contre les prétentions qu’avaient certaines femmes d’entrer dans la vie politique. Pourquoi pas? aurait demandé M. de Girardin. Croyez-vous que Mme de Girardin déposerait dans l’urne électorale un vote moins intelligent que celui de son valet de chambre?
Si cette anecdote est vraie, l’opinion du publiciste sur le droit politique de la femme n’est pas douteuse.
La liberté dans le Mariage a soulevé, parmi les collets montés, une tempête d’indignation plus ou moins vraie; pendant quelque temps il a fallu du courage pour se déclarer hautement champion (féminin) de l’auteur.
Abolir le Mariage! s’écriaient les unes en se voilant la face d’un air pudibond.
84 Faire de l’Amour une spéculation! s’écriaient d’autres qui, apparemment, avaient conservé leur sainte innocence et leur sainte ignorance baptismales.
Voyons, Mesdames, leur disait-on, trêve à la délicatesse et à la sentimentalité de convention. Que les hommes se laissent prendre à notre masque, rien de plus simple; mais entre femmes, à quoi bon jouer la comédie?
M. de Girardin ne supprime pas réellement le Mariage; il le transforme sous quelques rapports, et le laisse intact sous le point de vue religieux. Donc, si son système prévalait, vous pourriez vous marier devant les ministres de vos cultes respectifs, absolument comme la chose avait lieu il y a quelque soixante-dix ans, et vous ne seriez pas plus scrupuleuses que vos grand’mères qui se croyaient alors suffisamment mariées.
D’autre part, en supprimant le Mariage civil, l’auteur n’interdit pas telles ou telles stipulations particulières: donc, pour peu que vous ayez la religion du Code, il vous serait loisible de stipuler dans votre contrat notarié:
1o Que vous serez soumises à vos maris;
2o Que vous leur laisserez administrer votre fortune, même contrairement à vos intérêts et à ceux de vos enfants;
3o Que, sans leur autorisation, vous ne pourrez ni plaider, ni rien entreprendre, ni rien vendre, ni rien recevoir, ni rien donner;
4o Que vous renoncez, tant qu’ils vivront, à toute autorité sur vos enfants; qu’ils pourront, s’ils le veulent, vous les enlever; vous reléguer loin d’eux, les faire élever par qui bon 85 leur semblera, même par leur maîtresse; enfin les marier contrairement à votre volonté;
5o Que vous leur reconnaissez le droit de porter ailleurs leur amour, leurs soins, leur fortune et la vôtre, pourvu que la chose ne se passe pas sous votre toit;
6o Qu’enfin vous leur reconnaissez le droit si, délaissées, vous vous attachez à un autre, de vous traîner devant un tribunal, de vous déshonorer, de vous faire emprisonner avec les voleuses et les prostituées; que même, en pareille occurrence, vous les déclarez excusables de vous tuer.
Oui, Mesdames, vous pourriez stipuler tout cela, car M. de Girardin ne conteste à personne le droit de manquer de dignité et d’être imbécile; de quoi donc alors vous plaignez-vous?
Vous reprochez à M. de Girardin de faire de l’amour une spéculation! Voudriez-vous bien me dire ce que sont aujourd’hui la plupart des mariages où l’on a l’impudeur de spéculer même sur la mort! où l’on demande combien une jeune fille a de dot, d’espérances et quel âge ont les parents!
Répondez, femmes:
Est-il vrai que l’immense majorité des filles séduites sont mises, par la honte et la pauvreté, hors d’état d’élever leurs enfants?
Que, ce que vous nommez une première faute, pousse la plupart d’entre elles à faire trafic de leurs charmes?
Que l’immense majorité des hommes oublient, après la passion satisfaite, et la femme qu’ils ont égarée, et l’innocente créature qui leur doit la vie?
Est-il vrai que le hideux et cruel égoïsme des hommes et la 86 confiance insensée des femmes donnent, chaque année, un nombre effrayant d’enfants dits illégitimes, dont une grande partie peupleront les prisons, les bagnes, les maisons de tolérance?
Est-il vrai, enfin, que ce même égoïsme et cette même confiance sont cause que des milliers d’existences humaines sont criminellement étouffées?
Et si toutes ces hontes, toutes ces douleurs, tous ces crimes sont vrais;
S’il y a tant de filles séduites, désolées;
S’il y a tant d’enfants abandonnés;
S’il y a tant d’infanticides;
Si la loi ne protége pas la femme trompée, rendue mère;
Si cette loi n’oblige le séducteur à aucune réparation;
Si l’opinion publique laisse à la victime toute la honte;
Pourquoi reprochez-vous à un homme de rappeler à la jeune fille que de l’amour peut sortir la maternité?
De lui dire que, d’avance, elle doit pourvoir à l’avenir de l’enfant qui peut naître, afin de ne point le jeter à la charité publique, et de ne pas risquer elle-même de descendre dans ces sentines immondes qui sont la honte et la dégradation de notre sexe?
Vous reprochez donc à un homme de prendre notre parti contre les passions égoïstes et brutales de son sexe, et contre l’impunité que leur accordent les lois?
Vous lui reprochez donc de prendre en main le parti de la morale et de la santé, contre la dégradation de l’âme et du corps?
Une jeune fille, dites-vous, stipuler la vente de sa personne! 87 Quelle différence essentielle trouvez-vous entre cette sorte de contrat, et ceux qui se font aujourd’hui devant notaire à l’occasion des mariages?
Est-ce que la plupart d’entre vous, mesdames, n’avez pas acheté vos maris par tant de dot, tant de rentes, tant d’espérances? Et si Messieurs vos maris n’ont pas trouvé honteux de se vendre, et si vous mêmes ne les en estimez pas moins, pourriez-vous bien me dire d’après quel principe vous jugeriez honteux qu’une jeune fille en fit autant pour élever ses enfants et vivre sans se prostituer?
Pour moi, je ne le vois pas du tout.
Mesdames, vous êtes de grandes enfants: les hommes feignent d’avoir du dédain pour la femme qui songe à son intérêt dans l’amour… parce qu’ils veulent, si c’est possible, garder leur argent, voilà tout.
Est-ce à dire que j’admette toutes les idées de M. de Girardin? Non.
J’admets avec lui que la femme ne peut être libre et l’égale de l’homme, en tant qu’épouse, que par la transformation du mariage.
Que, dans l’état d’insécurité où elle se trouve quant au salaire et à la maternité hors du mariage, la femme fait bien de prendre des mesures pour que l’homme ne se décharge pas sur elle des obligations de la paternité.
J’admettrais volontiers que l’enfant ne portât que le nom de sa mère, si les hommes n’y répugnaient pas tant.
L’enfant, appartenant à tous deux, devrait porter les deux noms, et choisir à sa majorité celui des deux qu’il préfère; ou 88 bien les filles devraient porter le nom de la mère et les fils celui du père lors de la majorité.
J’admets volontiers l’égalité des enfants devant la mère et la loi; car la bâtardise est un non-sens devant la nature et une iniquité sociale.
Mais ce que je n’admets pas, c’est l’idéal que M. de Girardin s’est formé des fonctions respectives de chaque sexe;
C’est l’exclusion de la femme des carrières actives;
C’est l’universalisation du douaire;
C’est enfin l’éducation familiale.
Dire que l’homme représente le travail, le génie de l’entreprise, qu’il spécule, acquiert, apporte; que la femme représente l’épargne, l’esprit de prévoyance, qu’elle administre, conserve, transmet, c’est établir une série qui ne me paraît rien moins que conforme à la nature des choses, puisqu’il est notoire qu’un grand nombre de femmes font ce que M. de Girardin attribue à l’autre sexe, et vice versa.
Les fonctions, pour être convenablement remplies, doivent être le résultat des aptitudes: or, la nature, excepté en ce qui touche la reproduction de l’espèce, ne paraît pas les avoir sériées selon les sexes. Depuis l’origine des sociétés, nous avons tenté de le faire; mais l’histoire est là pour nous révéler, qu’en agissant ainsi, nous ne sommes parvenus qu’à tyranniser les minorités vigoureuses qui donnent un démenti à de telles prétentions. Or, M. de Girardin, admettant à priori une série fausse, est conduit, sans s’en apercevoir, à préparer des chaînes pour toutes les femmes que la nature n’a pas faites en vue de l’ordre de convention qu’il voudrait voir se réaliser.
89 Exclure la femme des carrières actives pour la confiner dans les soins de l’intérieur, c’est tenter une chose impossible, fermer la voie au progrès, replacer la femme sous le joug de l’homme. C’est tenter une chose impossible, parce qu’il y a des industries qui ne peuvent être exercées que par les femmes; parce que beaucoup de femmes qui ne se marieraient pas ou seraient sans fortune, veuves et sans ressources, ne pourraient rester honorables qu’en se livrant à une activité qui cependant leur serait interdite. Ne voir la femme que dans le ménage est un point de vue restreint qui retarde l’avènement de sa liberté.
C’est fermer la voie au progrès, parce qu’il y a des fonctions sociales qui ne seront bien remplies que quand les femmes y participeront, et des questions sociales qui ne seront résolues que quand la femme sera placée près de l’homme pour les élaborer. C’est replacer la femme sous le joug de l’homme, parce qu’il est dans la nature humaine de prétendre dominer et maîtriser celui auquel on fournit le pain de chaque jour.
Vouloir faire passer le douaire à l’état d’institution, c’est prétendre restaurer l’un des plus tristes aspects du passé, au moment où l’humanité est en marche vers l’avenir; celui qui nous montre la femme achetée par l’homme. L’universalisation du douaire serait donc un attentat à la liberté et à la dignité morale de la femme. Enfin, prétendre que chaque mère doit elle-même faire l’éducation de ses enfants, nous paraît offrir autant d’impossibilité que de danger social.
Si toute femme bien constituée est apte à mettre au monde des enfants et à les nourrir de son lait, bien peu sont capables de développer leur intelligence et leur cœur, parce que l’éducation 90 est une fonction spéciale qui requiert une aptitude particulière dont ne peuvent être douées toutes les mères.
Ensuite l’éducation de famille perpétue la divergence des opinions, des sentiments, entretient les préjugés, favorise le développement de la vanité, de l’égoïsme, et tend, par ce fait, à paralyser le sentiment le plus noble, le plus civilisateur: celui de la solidarité universelle. Assurément, à l’heure qu’il est, plusieurs motifs peuvent justifier l’éducation de famille, mais, pour le bien de l’humanité, il est à désirer que les parents qui sont en communion sur les idées nouvelles réunissent leurs enfants pour les former à la vie sociale, au lieu de les élever chacun à part.
Je soumets cette ébauche de critique à M. de Girardin dans l’intérêt du principe qu’il a toujours défendu: La dignité individuelle et la liberté humaine.
DE GIRARDIN.
On page 42 of his pamphlet, “Liberty in Marriage,” De Girardin says, with great reason: “Man is born of woman. Everything, therefore, that benefits woman will benefit man.”
“To fight and conquer for her is to fight and conquer for himself.”
Inspired by these excellent sentiments, the celebrated publicist has investigated the causes of the slavery and degradation of woman, and the means of paralyzing them.
Every child has for its father the husband of its mother: this, according to M. de Girardin, is the principle of two great wrongs: the servitude of the married woman; the inequality of children before the law, which classes them as legitimate and illegitimate.
That children may become equal, that woman may be affranchised from the yoke of man, it is necessary, says the author, to substitute the system of maternity for that of paternity; to modify Marriage, and to render woman independent through the institution and universalizing of the dower.
We will let M. de Girardin expound the rest of his 156 doctrine himself. “We must choose,” says he, “between these two systems:
“Between the system of presumed paternity, which is the system of the law, and the system of maternity, bearing its proof within itself, which is the system of Nature; the latter is in conformity with incontestable truth, the former is condemned by undisputed statistics. The system of paternity is inequality of children before the mother and before the law; it is woman possessed and not possessing; … it is no longer the legal slavery of woman, but is still conjugal servitude.”—Liberty in Marriage.
“Without equality of children before the mother, equality of citizens before the law is only an imposture, for evidently and incontestably, this equality does not exist for 2,800,000 children, who, arbitrarily entitled illegitimate, are placed outside of common right in violation of natural law.”—Id.
According to De Girardin, the logical consequences of the system of maternity would be:
The abolition of civil marriage;
The mother’s name alone given to the child;
The inheritance placed solely in the maternal line.
“Marriage,” says he, “is a purely individual act, and, as regards its celebration, a purely religious act.—
“Marriage is an act of faith, not of law: it is for faith to govern it, not for law to make rules for it.
“As soon as the law intervenes, it intervenes without right, without necessity, without utility.
“For one abuse that it pretends to avert, it gives rise to innumerable others which are worse, and from which society afterwards suffers seriously, without taking into account the cause that produced them.
157 “Legal liberty in marriage is durable love in the household; indissolubility of marriage is habitual love outside of the household.”—Id.
With respect to inheritance and dowry, the author expresses himself thus:
“To inherit at the death of the mother, because maternity and certitude are two equipollent terms, and to receive a support from the father, because paternity and doubt are two inseparable terms; such is the true law of Nature.”—Id.
In De Girardin’s opinion, woman has the same rights as man to liberty and equality; the sexes are equal, not through similitude but equivalence of faculties and functions; man produces, acquires, woman administers, economizes; it belongs therefore to man to provide for the expenses of the household. It is his duty, on uniting himself to a woman, to settle on her an inalienable dower that will permit her to perform her maternal functions properly, and to escape from the vices that frequently result from want and abandonment.
To the objection that the wages of the working people are insufficient to satisfy this duty, the generous publicist replies: Well, raise the rate of wages by excluding from industrial occupations the women and children that lower it by competition with men. And if this measure be not sufficient to balance receipts and expenses, increase the wages, for “there is no consideration weighty enough to make me admit that, in order not to diminish the profits of some men, others shall be eternally condemned to insufficient wages; and that to shelter some women from violation, others shall be necessarily devoted to prostitution.”—Id.
In comparing the lot of the wife under the two systems, De Girardin expresses himself thus:
158 “Under the system of paternity, the wife, loaded with the gifts of fortune, sinks under the weight of an idleness which most frequently inflames and disorders her imagination. She does not know what to do to employ her time. Woman does nothing because man does everything.
“The wife who has brought no dowry and received no dower, sinks under the weight of a toil contrary to nature which obliges her, through economy, to separate herself from her child a few days after giving it birth, and to put it away from her to nurse, for the consideration of five or six francs a month; to go to work in one direction while her husband works in the other, and not to rejoin him till evening, when each returns from the workshop which has kept them absent from their household all day: if this is what is called the family, is it indeed worth all the stir that is made about it?
“Under the system of maternity, on the contrary, the richer a woman is, the further she is removed from idleness; for not only has she her children to nurse, to rear, to instruct, and to watch over, but she has also to administer her fortune which will one day be theirs.
“To preserve this fortune, to increase it still more: here is wherewith to occupy her leisure, to calm her imagination, to place her under curb. It is wrong to suppose women not qualified for the management of business; they excel in it, however little may have been their practice or application.
“Long enough has man been the personification of war, of slavery, of conquest; it is the turn of woman to be the personification of peace, of liberty, of civilization.
“In this new system (that of maternity), each of the 159 two has his part: to man labor, the genius of enterprise; to woman economy and the spirit of foresight.
“Man speculates, woman administers;
“Man acquires, woman preserves;
“Man brings in, woman transmits;
“The dowry remains the attribute of the father, the inheritance becomes the privilege of the mother;
“Each of the two thus exercises the function that is natural to him, and in conformity with the essence of things.”—Id.
A number of women have asked whether De Girardin recognizes political right for women. He says nothing about it, either in his work “Liberty in Marriage,” or in his “Universal Politics.” But when a man writes that:
“Woman, belonging to herself, and being dependent only on her reason, has the same rights as man to liberty and equality.”
That “universal suffrage should be individual and direct.”
That “every holder of a general insurance has a right to be a party to it.”
It is evident that we may deduce, without any great stretch of logic, that, woman being free and equal to man,
Woman being comprised in universality,
Woman holding, like man, her policy of insurance, has a right, like man, to be elector, to be eligible to office, and to vote individually and directly.
Now, as M. de Girardin is not one of those who recoil from the consequences of their principles, we are led to believe that he admits to woman the exercise of political right for woman.
160 I have been told that, in 1848, one of those pitiable individuals who have neither intellect enough to be logical, nor justice enough to comprehend the oppressed, was haranguing before M. de Girardin against the claims of certain women to enter political life. “Why not?” asked M. de Girardin. “Do you believe that Madame de Girardin would deposit a less intelligent vote in the electoral urn than that of her footman?”
If this anecdote be true, the opinion of the publicist concerning the political right of woman is not doubtful.
La liberté dans le mariage has raised a tempest of indignation, to a greater or less degree feigned, among the prudes; and for some time it required courage openly to proclaim one’s self the (feminine) champion of the author.
Abolish marriage! cry some, veiling their faces with an air of offended modesty.
Make a speculation of love! exclaim others who, apparently, have preserved their holy innocence and baptismal ignorance.
Come, ladies, we might say,—a truce to conventional delicacy and sentimentality. Let men suffer themselves to be deceived by our mask, nothing is more natural; but what is the use of playing the farce among women?
M. de Girardin does not really suppress marriage; he changes it in some respects, but leaves it intact in a religious point of view. If his system should be adopted, therefore, you might be married in the presence of the clergymen of your respective faiths, precisely as was done some seventy years ago, and you would have no fewer scruples than your grandmothers, who believed themselves then sufficiently married.
161 On the other hand, in suppressing civil marriage, the author does not interdict such and such particular stipulations; if therefore you hold in any degree to the religion of the Code, it will be lawful for you to stipulate in your notarial contract:
1. That you will be submissive to your husbands;
2. That you will permit them to manage your fortune, even contrary to your interests and to those of your children;
3. That without authority from them, you will neither go to law, nor undertake anything, nor sell anything, nor receive anything, nor give anything away;
4. That, so long as they shall live, you renounce all authority over your children; that they can, if they please, take them from you, banish you from them, have them reared by whoever they choose, even by their mistress, finally, give them in marriage contrary to your will;
5. That you recognise their right to carry elsewhere their love, their attentions, their fortune and your own; provided that this does not happen under your roof;
6. That, lastly, you grant their right, if, abandoned by them, you attach yourself to another, to drag you before the bar, to dishonor you, to imprison you with thieves and prostitutes; that even in such case you declare them excusable in killing you.
Yes, ladies, you might stipulate all this, for M. de Girardin disputes no one the rights of lacking dignity and being imbecile; of what then do you complain?
You reproach M. de Girardin with wishing to make a speculation of love! Be good enough to tell me what you call the greater part of the marriages of the 162 present time, in which men have the heartlessness to speculate even on death!—in which they ask how much a young girl has, what are her expectations, and how old are her parents.
Answer, women:
Is it true that the great majority of seduced women are incapacitated, through shame and poverty, from rearing their children?
That what you call a first fault, drives the greater part of them to make a traffic of their charms?
That the great majority of men forget, after satisfying their passion, both the woman whom they have led astray, and the innocent creature that owes its life to them?
Is it true that the horrible and cruel selfishness of men and the insane confidence of women produces annually a fearful number of so called illegitimate children, the greater part of which people the prisons, the galleys, and the public brothels?
Is it true, lastly, that this same selfishness and this same confidence are the cause of thousands of human lives being criminally sacrificed?
And if all this shame, all these griefs, all these crimes are true?
If there are so many women seduced and heartbroken;
If there are so many children abandoned;
If there are so many infanticides;
If the law does not protect the woman deceived and made a mother;
If this law does not compel the seducer to any reparation;
If public opinion leaves to the victim all the shame;
163 Why do you reproach a man for reminding a young girl that from love may proceed maternity?
For telling her that she ought to provide in advance for the child that may be born, in order that it may not be cast upon public charity, and that she herself may not risk falling into those sinks of impurity that are the shame and degradation of our sex?
Do you reproach a man then for taking our part against the selfish and animal passions of his sex, and against the impunity accorded them by the laws?
Do you reproach him for taking in hand the cause of morals and health, in opposition to the degradation of soul and body?
A young girl stipulate the sale of her person! say you? what essential difference do you find between this kind of contract, and those that are made to-day before the notary on the occasion of a marriage?
Did not most among you, ladies, purchase your husbands with so much dowry, so much income, so much expectations? And if these husbands of yours did not think it shameful to be sold, and if you do not esteem them less for it, be good enough to tell me from what principle you judge it shameful for a young girl to do the same in order to rear her children, and to live without prostituting herself?
For my part, I do not see.
Ladies, you are grown-up children: men feign to have contempt for the woman who thinks of her interests in love … because they wish, if possible, to keep their money, that is all.
Is this to say that I admit all the ideas of M. de Girardin? No.
I admit with him, that woman can only be free and 164 the equal of man, in so far as she is a wife, through a change in marriage.
That, in the state of insecurity in which she is placed with respect to wages and to maternity outside of marriages, woman does well to take measures to prevent man from shifting the obligations of paternity from himself to her.
I would willingly admit that the child should bear the mother’s name only, if men did not object so strongly to it. The child, belonging to both, should bear both names, and choose, at majority, the one that he preferred; or else the daughters should bear the name of the mother and the sons that of the father, from the time of majority.
I readily admit the equality of children before the mother and the law; for bastardy is meaningless in nature and is social iniquity. But what I do not admit, is the ideal M. de Girardin has formed with regard to the respective functions of each sex:
The exclusion of woman from active occupations;
The universalizing of the dower;
Lastly, family education.
To say that man represents labor, the genius of enterprise, that he speculates, acquires, brings in,—that woman represents economy, the spirit of foresight,—that she administers, preserves, transmits, is to establish a series which does not appear to me at all in conformity with the nature of things, since it is notorious that a great number of women do what M. de Girardin attributes to the other sex, and vice versâ.
Functions, to be properly performed, should be the result of aptitudes. Now Nature, except in what concerns the reproduction of the species, does not appear to 165 have classed these according to the sexes. Since the origin of society, we have attempted to do it, but history is at hand to reveal to us that, in acting thus, we have only succeeded in tyrannizing over the sturdy minorities that have given the lie to such pretensions. Now, M. de Girardin, admitting a false series, à priori, is led without perceiving it to forge chains for all women whom Nature has not made in conformity with the conventional order which he wishes to see realized.
To exclude woman from active occupations in order to confine her to the cares of the household is to attempt an impossibility, to close the way to progress, and to replace woman beneath the yoke of man. It is to attempt an impossibility, because there are branches of manufactures that can be executed only by women; because many women who would not marry, or who would be left portionless widows without resources, could only remain pure by devoting themselves to some active employment which, notwithstanding, would be interdicted to them. To see woman in the household alone, is to view her from a contracted stand point, which retards the advent of her liberty. It is to close the way to progress, because there are social functions which will never be well performed until woman shall participate in them, and social questions that will never be resolved until woman shall stand by the side of man to elucidate them. It is to replace woman beneath the yoke of man, because it is in human nature to rule and domineer over those whom we provide with their daily bread.
To wish to erect the dower into an institution, is to wish to restore one of the most lamentable phases of the Past at the moment when Humanity is marching towards 166 the Future—that which shows us woman purchased by man. The universalizing of the dower would be therefore a criminal attempt on the liberty and moral dignity of woman. Lastly, to claim that every mother ought to educate her children herself appears to us to propose as great impossibility as social danger.
If every well constituted woman is fit to bring children into the world and to nourish them with her milk, very few are capable of developing their intellect and heart, for education is a special function, requiring a particular aptitude, with which all mothers cannot be endowed.
Next, family education perpetuates divergence of opinions and sentiments, maintains prejudices, favors the development of vanity and selfishness, and tends, by this means, to paralyze the most noble, the most civilizing sentiment—that of universal solidarity. Assuredly, at the present time, many motives may justify family education, but for the good of humanity it is to be desired that parents who sympathize in progressive ideas should assemble their children together to form them for social life, instead of rearing them each by himself.
I submit this critical sketch to M. de Girardin in the name of the principle that he has always defended:—individual dignity and human liberty.
M. MICHELET.
Plusieurs femmes ont vivement critiqué le livre de l’Amour de M. Michelet. Parmi ces critiques, toutes très bonnes, une surtout, celle de Mme Angélique Arnaud, insérée dans la Gazette de Nice, nous a paru particulièrement remarquable par l’élévation des principes, la haute raison, la finesse d’esprit, la délicatesse, le charme et le fini de la forme. C’est une perle de critique.
Pourquoi ce mécontentement des femmes intelligentes contre un aussi honnête homme que M. Michelet?
C’est parce que, pour lui, la femme est une malade perpétuelle qu’on doit enfermer dans un gynécée, en compagnie d’une Jeanneton quelconque, ne trouvant pas au-dessous d’elle la société des poules et des dindons.
Or, nous, femmes de l’Occident, nous avons l’audace de prétendre que nous ne sommes point malades, et que nous avons une sainte horreur du harem et du gynécée.
92 La femme, selon M. Michelet, est un être de nature opposée à celle de l’homme; une créature faible, toujours blessée, très barométrique, en conséquence mauvais ouvrier.
Elle est incapable d’abstraire, de généraliser, de comprendre les œuvres de conscience; elle n’aime pas à s’occuper d’affaires, et elle est dépourvue, en partie, du sens juridique. Mais, en revanche, elle se révèle toute douceur, tout amour, tout charme, tout dévouement.
Créée pour l’homme, elle est l’autel de son cœur, son rafraîchissement, sa consolation. Auprès d’elle, il se retrempe, s’encourage, puise la force nécessaire à l’accomplissement de sa haute mission de travailleur, de créateur, d’organisateur.
Il doit l’aimer, la soigner, la nourrir; être tout à la fois son père, son amant, son instituteur, son prêtre, son médecin, sa garde-malade et sa femme de chambre.
Lorsqu’à dix-huit ans, vierge de raison, de cœur et de corps, elle est donnée à ce mari qui doit en avoir vingt-huit, ni plus ni moins, il la confine à la campagne, dans un charmant réduit, loin du monde, loin de ses parents, de ses amis, avec la rustaude dont nous parlions tout à l’heure; la Georgette de l’École des femmes, par exemple, car Dorine serait dangereuse.
Pourquoi cette séquestration en plein XIXe siècle? demandez-vous.
Parce que le mari ne peut rien sur sa femme quand elle voit le monde, et peut tout sur elle dans la solitude. Or, il faut qu’il puisse tout, puisque c’est à lui de former son cœur, de lui donner des idées, d’ébaucher en elle l’incarnation de lui-même. La femme, sachez-le, lectrices, est destinée à refléter de plus en 93 plus son mari, jusqu’à ce que la différence dernière, celle que maintient la séparation des sexes, soit enfin effacée par la mort qui produira l’unité dans l’amour.
Au bout d’une dizaine d’années de ménage, il est permis à la femme de franchir la clôture du gynécée, et d’entrer dans le monde, qui s’appelle le grand combat de la vie. Elle y rencontrera plus d’un danger; mais elle les évitera tous, si elle tient la promesse qu’elle a jurée de se confesser à son mari….. On voit que M. Michelet respecte les droits de l’âme. Le mari qui, à cette époque, s’est spécialisé, a nécessairement baissé: de là danger pour la femme d’en aimer un autre; de s’éprendre par exemple de son jeune neveu: dans le livre, elle ne succombe pas, parce qu’elle se confesse au mari; mais il peut arriver qu’elle ait succombé, qu’elle se repente et sollicite une correction de son seigneur et maître. Celui-ci doit refuser d’abord, mais, si elle insiste, plutôt que de la désespérer, M. Michelet, qui pour rien au monde ne voudrait désespérer une femme, conseille au mari d’administrer à sa femme le châtiment que les mères font subir à leurs marmots.
Point de séparation entre l’homme et la femme; quand celle-ci s’est donnée, elle ne s’appartient plus… Elle est de plus en plus l’incarnation de l’homme qui l’a épousée; la fécondation la transforme en lui, tellement que les enfants de l’amant ou du second mari ressemblent au premier imprégnateur. L’homme ayant dix années de plus que la femme meurt le premier: l’épouse doit garder le veuvage: son rôle alors jusqu’à la mort est de féconder en elle et autour d’elle les idées qu’a laissées son mari; de rester le centre de ses amitiés; de lui créer des disciples posthumes, 94 et de se faire tellement sienne qu’elle le rejoigne dans la mort.
Quant au mari survivant, ce qui peut arriver, l’auteur ne nous dit pas s’il doit se remarier. Il est probable que non, puisque l’amour n’existe qu’à deux….. à moins que M. Michelet, qui réprouve la polygamie pour ce monde-ci, ne l’admette comme chose morale dans la vie ultra-terrestre.
Vous le voyez, lecteurs, dans le livre de M. Michelet, la femme est créée pour l’homme; sans lui, elle ne serait rien; c’est lui qui prononce le fiat lux dans son intelligence; c’est lui qui la fait à son image comme Dieu a fait l’homme à la sienne.
En acceptant la légende biblique, nous pouvions, nous femmes, en appeler d’Adam à Dieu; car ce n’était pas Adam mais Dieu qui avait créé Ève; en admettant la Genèse selon M. Michelet, point de prétexte, point d’excuse à la désobéissance: il faut que la femme se subordonne à l’homme, qu’elle s’y soumette, car elle lui appartient comme l’œuvre à l’ouvrier, comme le vase au potier.
Le livre de M. Michelet et les deux études de M. Proudhon sur la femme ne sont que deux formes d’une même pensée. La seule différence qui existe entre ces messieurs, c’est que le premier est doux comme miel et le second amer comme absinthe.
Et cependant j’aime mieux le brutal que le poète, parce que les injures et les coups révoltent et font crier: liberté! liberté! tandis que les compliments endorment et font supporter lâchement les chaînes.
Il y aurait quelque cruauté à maltraiter M. Michelet qui se pique d’amour et de poésie, et qui, en conséquence, a l’épiderme sensible; nous ne le battrons donc que sur les épaules de 95 M. Proudhon qu’on peut bombarder à boulet rouge, nous contentant de relever, dans le livre de M. Michelet, ce qui n’est pas dans celui de M. Proudhon.
Les deux principales colonnes du livre de l’Amour sont:
1o Que la femme est un être blessé, faible, barométrique, constamment malade.
2o Que la femme appartient à l’homme qui l’a fécondée et s’incarne en elle; proposition prouvée par la ressemblance des enfants de la femme avec le mari, quel que soit le père des enfants.
M. Michelet et ses admirateurs et disciples ne contesteront pas que la seule bonne méthode pour s’assurer de la vérité d’un principe ou de la légitimité d’une généralisation, c’est la vérification par les faits; ils ne contesteront pas davantage que généraliser des exceptions, créer des lois imaginaires et prendre ces prétendues lois pour base d’argumentation, n’appartient qu’aux aberrations du moyen âge, profondément dédaignées des esprits sérieux et d’une raison sévère. Appliquons sans ménagement ces données aux deux principales affirmations de M. Michelet.
Il est de principe en Biologie qu’aucun état physiologique n’est un état morbide; conséquemment, la crise mensuelle particulière à la femme n’est point une maladie, mais un phénomène normal dont le dérangement amène des perturbations dans la santé générale. La femme n’est donc pas une malade, parce que son sexe est soumis à une loi particulière. Peut-on dire que la femme soit une blessée, parce qu’elle a mensuellement une solution de continuité dont la cicatrisation est de quelques lignes? Pas davantage. Ce serait une dérision que de nommer blessé perpétuel 96 un homme auquel il prendrait fantaisie de s’égratigner chaque mois le bout du doigt.
M. Michelet est trop instruit pour que je lui apprenne que l’hémorragie normale ne provient point de cette blessure de l’ovaire, dont il fait si grand bruit, mais d’une congestion de l’organe gestateur.
La femme est-elle malade à l’occasion de la loi particulière à son sexe?
Très exceptionnellement oui: mais dans les classes oisives, où des écarts de régime, une éducation physique inintelligente et mille causes que je n’ai pas à signaler ici, rendent les femmes valétudinaires.
Généralement, non. Toutes nos vigoureuses paysannes, toutes nos robustes femmes des ports et des buanderies qui ont les pieds dans l’eau en tout temps, toutes nos travailleuses, nos commerçantes, nos professeurs, nos domestiques qui vaquent allègrement à leurs affaires et à leurs plaisirs, n’éprouvent aucun malaise ou n’en éprouvent que fort peu.
Ainsi donc M. Michelet, non seulement s’est trompé en érigeant une loi physiologique en état morbide, mais encore il a péché contre la méthode rationnelle, en généralisant quelques exceptions, et en partant de cette généralisation démentie par l’immense majorité des faits, pour construire un système d’asservissement.
Si c’est de la faculté d’abstraire et de généraliser, comme il l’emploie, que M. Michelet dépouille la femme, nous n’avons qu’à féliciter cette dernière.
Non seulement la femme est malade, dit M. Michelet, par 97 suite d’une loi biologique, mais elle est toujours malade; elle a des affections utérines, des dartres, les affections héréditaires peuvent prendre chez elle plusieurs formes effrayantes, etc.
Nous demandons à M. Michelet s’il considère son sexe comme toujours malade, parce qu’il est rongé par le cancer, défiguré par des dartres; parce que les affections héréditaires le torturent autant que nous et qu’il est bien plus décimé, affaibli que le nôtre, par les honteuses maladies fruits de ses excès.
A quoi donc pense M. Michelet de parler des maladies des femmes, en présence de celles des hommes tout aussi nombreuses?
La femme ne doit ni divorcer ni se remarier parce que l’homme l’a faite sienne. Ce qui le prouve, c’est que les enfants de l’amant ou du second mari ressemblent à l’époux premier.
S’il en est ainsi, monsieur, il n’y a pas d’enfants qui ressemblent à leur mère.
Il n’y a pas d’enfants qui ressemblent à l’un des ascendants ou des collatéraux de l’un des époux.
Tout enfant ressemble au premier qu’a connu sa mère.
Pourriez-vous alors nous expliquer pourquoi, si souvent, il ne lui ressemble pas?
Pourquoi il ressemble à un aïeul, à un oncle, à une tante, à un frère, à une sœur de l’un des conjoints?
Pourquoi dans certaines villes du sud de la France, les habitants ont conservé le type grec, attribué aux femmes, au lieu de prendre celui des pères barbares?
Pourquoi les négresses qui conçoivent d’un blanc, mettent au 98 jour un mulâtre, le plus souvent porteur de grosses lèvres, d’un nez épaté et de cheveux laineux?
Pourquoi beaucoup d’enfants ressemblent à certains portraits qui ont frappé la mère?
Pourquoi enfin des physiologistes, impressionnés par des faits nombreux, ont cru pouvoir prononcer que la femme est conservatrice du type?
En présence de ces faits indéniables, que devient votre prétendue loi, je vous le demande à vous-même?
Elle rentre dans le domaine des chimères.
Il y a des gens qui pensent que chez la femme est une force plastique qui lui fait pétrir son fruit sur le modèle que l’amour, la haine ou la peur ont peint dans son cerveau; que l’enfant ne serait ainsi qu’une sorte de photographie d’une image cérébrale de la mère.
A l’aide de cette théorie, l’on pourrait expliquer la ressemblance de l’enfant avec le père, avec le premier mari, avec des parents ou amis vivants ou aimés et morts, avec des portraits, des statues et même des animaux; mais par elle, il serait impossible d’expliquer comment une femme peut reproduire dans son enfant les traits d’un ascendant de son mari ou d’elle, ascendant qu’elle n’a jamais vu, même en portrait; ni comment, malgré le désir qu’elle en a, l’enfant ne ressemble pas à l’un de ceux qu’elle aime, etc.
Tenons-nous dans une sage réserve: les lois de la génération et de la ressemblance ne sont pas connues. Si l’on parvient à les découvrir, ce ne sera que par de longues et patientes observations, à l’aide d’une sage critique et d’un honorable parti pris 99 d’impartialité. L’on ne crée pas les lois, on les découvre: l’ignorance est plus saine à l’esprit que l’erreur: généraliser quelques faits, sans tenir compte de milliers de faits plus nombreux qui les contredisent, ce n’est pas faire de la science, mais de la métaphysique poétique, et cette métaphysique, quelque gracieusement drapée qu’elle soit, est l’ennemie de la raison, de la science et de la vérité.
M. Michelet me pardonnera cette petite leçon de méthode. Je ne me serais pas permis de la lui donner, si les hommes à sa suite et à celle de M. Proudhon, ne répétaient comme des perroquets bien appris: que la femme est dépouillée des hautes facultés intellectuelles, qu’elle est impropre à la science, qu’elle ne comprend rien à la méthode, et autres billevesées de cette force.
De semblables allégations mettent les femmes, sous le rapport de la politesse et de la modestie, dans une position tout exceptionnelle: elles ne doivent aucun égard à ceux qui les nient; leur plus importante affaire, à l’heure qu’il est, est de prouver aux hommes qu’ils se trompent et qu’on les trompe: qu’une femme est très capable d’apprendre aux premiers d’entre eux comment on trouve une loi, comment on en constate la réalité, comment et à quelle condition il est permis de se croire et de se dire rationnel et rationaliste.
Avant de terminer, arrêtons-nous sur quelques passages du livre de l’Amour. Je serais curieuse de savoir à quelle femme s’adresse M. Michelet lorsqu’il dit:
«Faites-moi grâce de votre grande discussion sur l’égalité des sexes. La femme n’est pas seulement notre égale, mais en 100 bien des points supérieure. Tôt ou tard elle saura tout. Ici la question est de décider si elle doit tout savoir à son premier âge d’amour?…. Oh! qu’elle y perdrait!…. Jeunesse, fraîcheur et poésie, veut-elle, du premier coup, laisser tout cela? Est-elle si pressée d’être vieille?»
Pardon, monsieur; vous oubliez que vous avez décrété qu’il n’y a plus de vieille femme; rien ne peut donc vieillir la femme.
«Il y a savoir et savoir, dites-vous; même à tout âge la femme doit savoir autrement que l’homme. C’est moins la science qu’il lui faut, que la suprême fleur de science et son élixir vivant.»
Qu’est-ce que c’est que cette fleur et cet élixir vivant de la science, monsieur? Pouvez-vous, sans poésie, en termes précis et définis m’expliquer ce que cela veut dire?
Pouvez-vous me prouver à moi, femme, que je veux posséder la science autrement que vous?
Prenez garde! disciple de la liberté, vous n’avez pas le droit de penser et de vouloir à ma place. J’ai comme vous une intelligence et un libre arbitre que vous êtes tenu, d’après vos principes, de respecter souverainement. Or, je vous interdis de parler pour aucune femme; je vous l’interdis au nom de ce que vous appelez les droits de l’âme.
Vous ne niez point, dites-vous, «qu’une jeune femme, à la rigueur, ne puisse lire et connaître tout, traverser toutes les épreuves où passe l’esprit des hommes, et rester pourtant vertueuse. Nous soutenons seulement, ajoutez-vous, que cette âme fanée de lecture, tannée de romans, qui vit habituellement de l’alcool des spectacles, de l’eau forte des cours 101 d’assises, sera, non pas corrompue peut-être, mais vulgarisée, commune, triviale, comme la borne publique. Cette borne est une bonne pierre, il suffirait de la casser pour voir qu’elle est blanche au dedans. Cela n’empêche pas qu’au dehors elle ne soit fort tristement sale, en tout point du même aspect que le ruisseau de la rue dont elle a les éclaboussures.
«Est-ce là, madame, l’idéal que vous réclamez pour celle qui doit rester le temple de l’homme, l’autel de son cœur, où chaque jour il reprendra la flamme de l’amour pur?»
Trève d’images et de mouvements oratoires, M. Michelet; aucune de nous ne réclame pour la femme une dégradation quelconque. Nous n’aurions besoin de rien réclamer de ce que vous blâmez, puisque c’est parfaitement autorisé et pratiqué. Je ne veux point vous accuser de mauvaise foi, d’irréflexion et de trop de tolérance morale, et cependant écartons votre manteau poétique, et traduisons votre pensée en prose: l’habit ne fera plus oublier l’idée.
Lorsqu’on réclame l’instruction pour le peuple, personne s’est-il jamais avisé de croire qu’il était question de lui faire lire des romans, d’agrandir les cours d’assises afin qu’il assistât aux débats et de multiplier les théâtres?
Non, n’est-ce pas: quels motifs vous autorisent alors à penser que ceux et celles qui réclament pour la femme une instruction solide, voulussent ce à quoi vous ne songez pas pour le peuple?
D’autre part, est-ce que vous cultivez l’intelligence de l’homme par les romans, les spectacles de cour d’assises et autres? Est-ce dans ces choses que consiste son savoir? Non, n’est-ce pas. Qu’y a-t-il alors de commun entre ce que vous 102 blâmez et la science que nous voulons pour la femme; et pourquoi nous attribuer de sottes idées pour vous donner le plaisir de férailler contre des fantômes?
Toutes vos grandes dames se nourrissent de romans, de spectacles, d’émotions judiciaires, et elles ne sont ni vulgaires, ni triviales, ni comparables à des bornes salies par la boue: ce que vous leur dites n’est donc pas plus vrai que gracieux.
Mais si vous leur faites de mauvais compliments qu’elles ne méritent pas, en revanche vous les absolvez trop facilement. Écoutez bien, monsieur, quels sont nos principes, afin de ne plus risquer de vous montrer injuste à notre égard.
La corruption, pour nous, n’est pas seulement le défaut de chasteté, la recherche honteuse de la galanterie; mais tout mauvais sentiment habituel, tout affaiblissement du sens moral; et nous condamnons absolument tout ce qui peut diminuer le ressort de l’âme et la détourner de la pratique de la justice, de la vertu, du respect de soi-même.
En conséquence nous professons que les spectacles de cour d’assises habituent le cœur à l’insensibilité, et doivent être évités aussi bien que les exécutions.
Nous professons que la scène moderne est généralement mauvaise, puisqu’on y excite l’intérêt pour des adultères, des voleurs, des séducteurs, des prostituées; que l’âme y est dans une atmosphère malsaine et affaiblissante.
Nous professons enfin que l’on doit être très tempérant dans la lecture des romans, parce qu’en général quand ils ne corrompent pas les mœurs, ils faussent le jugement et font perdre un temps précieux.
103 Si nous aimons et estimons l’art, nous nous indignons du mauvais emploi qu’on en fait, et nous estimons peu ceux qui s’en servent pour égarer le cœur et pervertir le sens moral.
Nous disons aux femmes: instruisez vous, soyez dignes et chastes; la vie est chose sérieuse, employez la sérieusement.
Vous voyez, monsieur, que le femme borne sale n’est pas du tout l’idéal que nous rêvons.
Est-ce que vous, un homme de cœur, vous traiteriez de misérables et de corrompues des femmes, parce qu’elles ne veulent plus être esclaves?
Et vous aussi, penseriez vous que la liberté qui engendre dans l’homme la personnalité et la vertu, produirait dans la femme la dégradation morale?
Ah! laissez les calomnies à ceux qui n’ont pas de cœur; ce n’est pas votre fait à vous, qui pouvez-vous tromper parce que vous êtes un grand poète, mais qui ne pouvez vouloir le mal que parce que vous croirez que c’est le bien.
Les femmes qui demandent à être libres, grand poète fourvoyé, sont celles qui sentent leur dignité, le rôle véritable de leur sexe dans l’humanité; celles là veulent que les femmes qui les suivront dans la carrière du travail ne soient plus obligées de vivre de l’homme, parce que vivre de lui c’est au moins prostituer sa dignité, et presque toujours la personne entière. Elles veulent que la femme soit l’égale de l’homme pour l’aimer saintement, se dévouer sans calcul, ne plus ruser, tromper, et devienne un utile auxiliaire au lieu d’une servante, d’un jouet. Elles connaissent notre influence sur vous; esclaves, nous ne pouvons que vous abaisser; à l’heure qu’il est nous vous rendons lâches, 104 égoïstes, improbes; nous vous lançons chaque matin comme des vautours sur la société pour fournir à nos folles dépenses, ou pour doter nos enfants: nous, femmes de l’émancipation, nous ne voulons plus que notre sexe joue cet odieux rôle et soit, par son esclavage, un instrument de démoralisation et de dissolution sociale: Est-ce vous….. Vous, M. Michelet, qui nous en feriez un crime!
Eh bien! je ne le crois pas; vous me le diriez vous-même, que je ne le croirais pas.
Vous plaçant à un point de vue déplorablement restreint, vous avez cru voir toutes les femmes dans quelques valétudinaires; et votre bon cœur s’est ému pour elles, et vous avez voulu les protéger. Si vous eussiez regardé de haut et de loin, vous auriez vu toutes les travailleuses de la pensée et des bras; vous auriez compris que l’inégalité est pour elles une source de corruption et de souffrance.
Alors de votre beau et chaleureux style, vous auriez écrit, non pas ce livre de l’Amour que repoussent toutes les femmes intelligentes et réfléchies, mais un grand et beau livre pour revendiquer le droit de la moitié du genre humain.
Le malheur, l’irréparable malheur est, qu’au lieu de monter sur les sommets pour regarder tout ce qui se meut sous le vaste horizon, vous vous êtes enfermé dans une étroite vallée où n’apercevant que de pâles violettes, vous en avez induit que toute fleur est violette pâle, tandis que la nature a créé des milliers d’espèces bien autrement fortes et vigoureuses, et qui ont, comme vous, droit à la terre, à l’air, à l’eau et au soleil.
105 Votre livre, quels que soient votre amour, votre bonté et vos bonnes intentions pour la femme, serait un immense danger pour la cause de sa liberté, conséquemment pour celle des grands principes de 89, si les hommes étaient d’humeur à goûter votre morale: mais ils resteront ce qu’ils sont; et la dignité de la femme, tenue en éveil par leur brutalité, leur despotisme, leur abandon, leurs sales mœurs, n’ira pas s’endormir sous l’ombrage verdoyant, frais, coquet et perfidement parfumé de ce mancenillier qu’on appelle: le livre de l’Amour.
Depuis que nous avons écrit ce qui précède, M. Michelet a publié un nouveau livre: La Femme, dans lequel à côté de bien belles pages pleines de cœur et de poésie, s’en trouvent que nous ne voulons pas qualifier pour ne pas contrister l’auteur.
M. Michelet s’est évidemment amendé; nous le montrerons tout à l’heure: les critiques de femmes ne lui ont pas été inutiles; mais pour s’en venger un peu, il prétend que leur langage a été dicté par des directeurs philosophes et autres. Nous connaissons personnellement quelques unes de ces dames, et nous pouvons affirmer à M. Michelet qu’elles n’ont aucun directeur d’aucune sorte: au contraire.
Est-ce aussi par suite de rancune que l’auteur prétend que la femme aime l’homme, non pour ce qu’il vaut, mais parce qu’il lui plaît, et qu’elle fait Dieu à son image, «un Dieu de préférence et de caprice qui sauve celui qui lui a plu?….. En théologie féminine, ajoute M. Michelet, Dieu dirait: je t’aime, car tu es pécheur; car tu n’as pas de mérite; je 106 n’ai nulle raison de t’aimer, mais il m’est doux de faire grâce.»
Très bien, M. Michelet: ainsi votre sexe aime la femme pour ce quelle vaut; on n’entend jamais dire à un homme, épris de quelque indigne créature: que voulez-vous, je l’aime! Votre amour est toujours sage, raisonnablement donné; il n’y a que les femmes méritantes qui plaisent. Je me demande alors pourquoi tant d’honnêtes femmes sont délaissées, malheureuses, et tant de femmes impures, vicieuses, poursuivies, adorées, en possession de l’art de charmer, de ruiner et de pervertir les hommes.
Je ne sais si le Dieu de la théologie féminine serait un Dieu de préférence et de caprice, sauvant sans raison celui qui lui plaît; mais je sais bien que ce n’est pas nous qui avons inventé la grâce et la prédestination, à moins que les pères des conciles et de l’Église, les pères de la Réforme, au lieu d’appartenir au sexe sans caprice, qui aime les gens pour ce qu’ils valent, n’aient appartenu à mon sexe fantaisiste. L’histoire se serait-elle trompée?
Est-ce que saint Paul, saint Augustin, Luther, Calvin, l’auteur de l’Augustinus, les docteurs de Port-Royal etc., étaient des femmes? Je soupçonne fort que le dogme de la grâce et celui de la prédestination seraient restés inconnus de l’humanité, si les femmes eussent fait une religion.
M. Michelet déplore l’état de divorce qui s’établit entre les sexes: nous le déplorons comme lui: mais nos plaintes n’y remédieront pas. Les hommes fuient le mariage par des motifs qui ne leur font pas honneur: ils ont à discrétion les filles pauvres 107 que la misère met à leur merci; ils fuient le mariage parce qu’ils ne veulent pas à leurs côtés une vraie femme, c’est à dire une femme autonome; la liberté, ils la veulent pour eux; pour leur femme, l’esclavage.
De leur côté, les femmes tendent à l’affranchissement, et c’est un bien pour elles, comme c’en est un pour les hommes: elles ne s’en laisseront pas détourner; d’autre part, comme les hommes sont attirés par le luxe de la toilette, qu’ils négligent les femmes simples, celles qui veulent plaire et retenir les hommes, imitent les lorettes: à qui la faute! Est-ce la nôtre qui désirons vous plaire et être aimées, ou la vôtre à qui l’on ne peut plaire que par la toilette? Si vous nous aimiez pour ce que nous valons, et non parce que nos robes et nos bijoux vous plaisent, nous ne vous ruinerions pas.
Signalons en quelques lignes les contradictions et différences qui se trouvent entre le premier et le second ouvrage de M. Michelet.
Dans tous les deux la femme est la flamme d’amour et la flamme du foyer, une religion, une harmonie, une poésie, la gardienne du foyer domestique, une ménagère dont les soins sont anoblis par l’amour: c’est à sa grâce qu’est due la civilisation: elle doit être la grâce sinon la beauté.
Dans les deux livres, le ménage doit être isolé: la femme ne doit avoir aucune amitié particulière; mère, frères et sœurs l’empêchent de s’absorber comme elle le doit dans son mari. On sait ce que nous pensons de cette absorption; nous dirons seulement ici que si les amis et parents de la femme doivent être éliminés, ceux de l’homme ne devraient pas l’être moins: la 108 mère et les amis du mari ont plus de puissance de nuire à la femme, que ceux de cette dernière de nuire au mari: de tristes et nombreux faits le prouvent.
Dans le livre de l’Amour la femme est une réceptivité, incapable de comprendre les œuvres de conscience; elle doit tout recevoir du mari au point de vue intellectuel et moral.
Dans le livre de la Femme, elle est la moitié du couple, a la même raison que l’homme, est capable des plus hautes spéculations et s’entend parfaitement à l’administration; c’est elle qui donne à l’enfant l’éducation qui influera sur tout le reste de sa vie. «Tant que la femme, dit l’auteur, n’est pas l’associée du travail et de l’action, nous sommes serfs, nous ne pouvons rien,» elle peut même être en science médicale l’égale de l’homme: elle est une école, elle est seule éducatrice, etc.
Très bien jusque là; et sans doute M. Michelet serait conséquent, s’il ne s’était mis en tête un idéal masculin et un idéal féminin qui viennent gâter tout: il s’est dit: l’homme est un créateur, la femme une harmonie dont le but et la destination est l’amour, et, en conséquence, il nous trace pour cette dernière un plan d’éducation différant de celui qui doit développer l’homme: ce qui convient à la femme, ce sont les sciences naturelles; l’histoire ne doit lui être enseignée que pour former en elle une ferme foi morale et religieuse. Comme l’amour est sa vocation, à chaque âge de la femme doit correspondre un objet d’amour: les fleurs, la poupée, les enfants pauvres, puis l’amant, puis le mari et les enfants, puis le soin des jeunes orphelines, des prisonnières, etc.
Dans le livre de l’Amour, la femme seule semble tenue de se 109 confesser au mari. Dans le livre de la Femme, l’obligation est réciproque.
La veuve du livre de l’Amour ne doit pas se remarier, celle du livre de la Femme peut épouser un ami de son mari, ou mieux quelqu’un que lui choisit le mourant; si elle est trop âgée, elle peut patronner un jeune homme; mais elle ferait mieux de protéger des jeunes filles, de réconcilier des ménages, de faciliter des mariages, de surveiller des prisonnières, etc.
Nous ne pousserons pas plus loin l’analyse: tout ce que nous pourrions objecter à la doctrine de l’auteur, se trouvera dans l’article Proudhon et la suite de l’ouvrage.
MICHELET.
Several women have sharply criticised Michelet’s “Love.”
Why are intelligent women thus dissatisfied with so upright a man as Michelet?
Because to him woman is a perpetual invalid, who should be shut up in a gynæceum in company with a dairy maid, as fit company only for chickens and turkeys.
Now we, women of the west, have the audacity to contend that we are not invalids, and that we have a holy horror of the harem and the gynæceum.
Woman, according to Michelet, is a being of a nature opposite to that of man; a creature weak, always wounded, exceedingly barometrical, and, consequently, unfit for labor.
She is incapable of abstracting, of generalizing, of comprehending conscientious labors. She does not like to occupy herself with business, and she is destitute, in part, of judicial sense. But, in return, she is revealed all gentleness, all love, all grace, all devotion.
Created for man, she is the altar of his heart, his refreshment, his consolation. In her presence he gains new vigor, becomes inspirited, draws the strength necessary 18 to the accomplishment of his high mission as worker, creator, organizer.
He should love her, watch over her, maintain her; be at once her father, her lover, her instructor, her priest, her physician, her nurse, and her waiting-maid.
When, at eighteen, a virgin in reason, heart and body, she is given to this husband, who should be twenty-eight, neither more nor less, he confines her in the country in a charming cottage, at a distance from her parents and friends, with the rustic maid that we just mentioned.
Why this sequestration in the midst of the nineteenth century, do you ask?
Because the husband can have no power over his wife in society, and can have full power over her in solitude. Now, it is necessary that he should have this full power over her, since it belongs to him to form her heart, to give her ideas, to sketch within her the incarnation of himself. For know, readers, that woman is destined to reflect her husband, more and more, until the last shade of difference, namely, that which is maintained by the separation of the sexes, shall be at last effaced by death, and unity in love be thus effected.
At the end of half a score years of housekeeping, the wife is permitted to cross the threshold of the gynæceum, and to enter the world, or the great Battle of Life. Here she will meet more than one danger; but she will escape them all if she keeps the oath she has taken to make her husband her confessor…. It is evident that Michelet respects the rights of the soul. The husband, who at this epoch has become absorbed in his profession, has necessarily degenerated, hence there is danger that the wife may love another; may become enamored, for instance, of her young nephew. 19 In the book, she does not succumb, because she confesses everything to her husband; still it may happen that she succumbs, then repents, and solicits correction from her lord and master. The latter should at first refuse, but, if she insists, rather than drive her to despair, Michelet—who would on no account drive a woman to despair—counsels the husband to administer to his wife the chastisement that mothers infliction inflict on their darlings.
There must be no separation between the husband and wife; when the latter has given herself away, she is no longer her own property. She becomes more and more the incarnation of the man who has espoused her; fecundation transforms her into him, so that the children of the lover or of the second husband resemble the first impregnator. The husband, being ten years older than the wife, dies first; the woman must preserve her widowhood; her rôle henceforth until death is to fructify within her and about her the ideas which her husband has bequeathed, to remain the center of his friendships, to raise up to him posthumous disciples, and thus remain his property until she rejoins him in death.
In case the husband survives, which may happen, the author does not tell us whether he should re-marry. Probably not, since love exists only between two; unless Michelet, who reproves polygamy in this world, admits it as morality in the life to come.
You see, my readers, that in Michelet’s book, woman is created for man; without him she would be nothing; he it is who pronounces the fiat lux in her intellect; he it is who makes her in his image, as God made man in his own.
Accepting the Biblical Genesis, we women can appeal from Adam to God; for it was not Adam, but God, 20 who created Eve. Admitting the Genesis of Michelet, there is no pretext, no excuse for disobedience; woman must be subordinate to man and must yield to him, for she belongs to him as the work to the workman, as the vessel to the potter.
The book of Michelet and the two studies of Proudhon on woman, are but two forms of the same thought. The sole difference that exists between these gentlemen is, that the first is as sweet as honey, and the second as bitter as wormwood.
Nevertheless, I prefer the rude assailant to the poet; for insults and blows rouse us to rebel and to clamor for liberty, while compliments lull us to sleep and make us weakly endure our chains.
It would be somewhat cruel to be harsh to Michelet, who piques himself on love and poetry, and, consequently, is thin skinned; we will therefore castigate him only over the shoulders of M. Proudhon, who may be cannonaded with red-hot shot; and we will content ourselves with criticising in his book what is not found in that of Proudhon.
The two chief pillars of the book on Love are,
First, that woman is a wounded, weak, barometrical, constantly diseased being;
Second, that the woman belongs to the man who has fructified and incarnated himself in her; a proposition proved by the resemblance of the children of the wife to the husband, whoever may be the father.
Michelet and his admirers and disciples do not dispute that the only good method of proving the truth of a principle, or the legitimateness of a generalization, is verification by facts; neither do they dispute that to make general rules of exceptions, to create imaginary 21 laws, and to take these pretended laws for the basis of argument, belongs only to the aberrations of the Middle Age, profoundly disdained by men of earnest thought and severe reason. Let us apply these data unsparingly to the two principal affirmations of M. Michelet.
It is a principle in biology that no physiological condition is a morbid condition; consequently, the monthly crisis peculiar to woman is not a disease, but a normal phenomenon, the derangement of which causes disturbance in the general health. Woman, therefore, is not an invalid because her sex is subject to a peculiar law. Can it be said that woman is wounded because she is subjected to a periodical fracture, the cicatrice of which is almost imperceptible? By no means. It would be absurd to call a man perpetually wounded who should take a fancy to scratch the end of his finger every month.
Michelet is too well informed to render it necessary for me to tell him that the normal hemorrhage does not proceed from this wound of the ovary, about which he makes so much ado, but from a congestion of the gestative organ.
Are women ill on the recurrence of the law peculiar to their sex?
Very exceptionally, yes; but in the indolent classes, in which transgressions in diet, the lack of an intelligent physical education, and a thousand causes which I need not point out here, render women valetudinarians.
Generally, no. All our vigorous peasant women, our robust laundresses, who stand the whole time with their feet in water, our workwomen, our tradeswomen, our teachers, our servant-maids, who attend with alacrity to their business and pleasures, experience no uncomfortableness, or at most, very little.
22 Michelet, therefore, has not only erred in erecting a physiological law into a morbid condition, but he has also sinned against rational method by making general rules of a few exceptions, and by proceeding from this generalization, contradicted by the great majority of facts, to construct a system of subjection.
If it is of the faculty of abstracting and generalizing that Michelet, as he employs it, robs woman, we can only congratulate her on the deprivation.
Not only is woman diseased, says Michelet, in consequence of a biological law, but she is always diseased; she has uterine affections, hereditary tendencies, which may assume a terrible form in her sex, etc.
We would ask Michelet whether he considers his own sex as always diseased because it is corroded by cancer, disfigured by eruptions, tortured as much as ours by hereditary tendencies; for hereditary tendencies torture it as much as ours, and it is decimated and enfeebled far more fearfully by shameful diseases, the fruits of its excesses.
Of what, then, is Michelet thinking, in laying such stress on the diseases of women in the face of the quite as numerous diseases of men?
The wife should never be divorced or re-marry, because she has become the property of the husband. This is proved by the fact that the children of the lover or of the second husband resemble the first husband.
If this is true, there are no children that resemble their mother.
There are no children that resemble the progenitors or collateral relatives of their parents.
Every child resembles the first that knew his mother.
Can you explain, then, why it is that so often he does not resemble him?
23 Why he resembles a grandfather, an uncle, an aunt, a brother, a sister of one of the parents?
Why, in certain cities in the south of France, the inhabitants have preserved the Greek type, ascribed to the women, instead of that of their barbaric fathers?
Why negresses who conceive from a white, bring into the world a mulatto, oftenest with thick lips, a flat nose, and woolly hair?
Why many children resemble portraits which had attracted the attention of the mother?
Why, in fine, physiologists, impressed by numerous facts, have thought themselves justified in declaring woman the preserver of the type?
In the face of these undeniable facts, I ask you, yourself, what becomes of your theory?
It returns to the domain of chimeras.
Some think that woman possesses a plastic force, which makes her mould her fruit after the model which love, hate, or fear has impressed within her brain; so that the child thus becomes merely a sort of photograph of a cerebral image of the mother.
By the aid of this theory, we might explain the resemblance of the child to the father, to the first husband, to beloved relatives or to friends, either living or dead; but it would be impossible, thereby, to explain how a woman can reproduce in her child the features of a progenitor of her husband or of herself, whose portrait, even, she has never seen; or how, in spite of her wishes, the child resembles no one that she loves, etc. Let us keep a discreet silence; the laws of generation and of resemblance are unknown. If we succeed in discovering them, it will be only by long and patient observation, with the aid of judicious criticism, and an honorable 24 determination to be impartial. Laws are not created, but discovered; ignorance is more healthful for the mind than error; to make general rules of a few facts, without taking into account facts more numerous by thousands which contradict them, is not to form a science, but a system of poetical metaphysics; and these metaphysics, however gracefully draped they may be, are opposed to reason, to science, and to truth.
Michelet will pardon me this short lesson in method. I should not presume to give it to him, were not men repeating, like well-trained parrots, after him and Proudhon, that woman is destitute of high intellectual faculties, that she is unsuited to science, that she has no comprehension of method, and other absurdities of like weight.
Allegations such as these place women in a wholly exceptional position, with respect to courtesy and reserve: they owe no consideration to those who deny them these; their most important business at the present time is to prove to men that they deceive themselves, and that they are deceived; that a woman is fully capable of teaching the chief among them how a law is discovered, how its reality is verified, how, and on what conditions we have a right to believe, and to style ourselves, rational, and rationalists.
Before concluding, let us dwell on a few passages of the book on Love. I am curious to know what woman Michelet addresses when he says:
“Spare me your elaborate discussions on the equality of the sexes. Woman is not only our equal, but in many points our superior. Sooner or later she will know everything. The question to decide here is, whether she should know all in her first season of love.
25 Oh, how much she would lose by it! Youth, freshness, poetry—does she wish, at the first blow, to abandon all these? Is she in such haste to grow old?”
Pardon me, sir; you have already decreed that there are no longer any old women; nothing, therefore, can make woman grow old.
“There is knowledge of all kinds,” you say; “likewise, at all ages, the knowledge of woman should be different from that of man. It is less science that she needs, than the essence of science, and its living elixir.”
What is this essence, and this living elixir of science? Poetry aside, can you, in exact and definite terms, explain to me what they mean?
Can you prove to me, a woman, that I desire to possess knowledge differently from you?
Take care! disciple of liberty, you have not the right to think and to wish in my place. I have, like you, an intellect and a free will, to which you are bound, by your principles, to pay sovereign respect. Now I forbid you to speak for any woman; I forbid you in the name of what you call the rights of the soul.
“You by no means deny,” you say, “that, strictly speaking, a young woman can read everything, and inform herself of everything; can pass through all the ordeals to which the mind of man is subjected, and still remain pure. You only maintain,” you add, “that her soul, withered by reading, palled by novels, living habitually on the stimulus of play-houses, on the aqua-fortis of criminal courts, will become, not corrupted, perhaps, but vulgar, common, trivial, like the curb-stone in the street. This curb-stone is a good stone; you have only to break it to see that it is white within. This does not hinder it from being sadly soiled outside, in 26 every respect as dirty as the street gutter from which it has been splashed.
“Is this, madam, the ideal to which you lay claim for her who should remain the temple of man, the altar of his heart, whence he daily rekindles the flame of pure love?”
A truce to imagery and oratorical outbursts; none of us demand for woman any degradation whatever. There would be no need for us to demand what you censure, since it is thoroughly authorized and practised. I by no means wish to accuse you of bad faith, of want of reflection, and of too much moral tolerance; yet let us strip off your poetic mantle, and translate your thought into prose; the drapery will no longer make us forget the idea.
When instruction has been demanded for the people, has any one ever taken it into his head to fancy that the point in question was to make them read novels, to swell the attendance on criminal courts, and to multiply theatres?
No, you will say.
What authorizes you, then, to believe that those who demand a solid education for woman, are seeking that of of which you, on your part, do not dream for the people?
On the other hand, do you cultivate the intellect of man by novels, theatres, and spectacles of criminal courts? Is it in these things that his knowledge consists? No, you will say. What is there, then, in common between that which you censure, and the knowledge that we desire for woman; and why attribute to us absurd ideas, that you may have the pleasure of wrangling with phantoms?
All your fine ladies are nurtured on novels, plays, and 27 judicial excitements; yet they are neither vulgar, nor trivial, nor comparable to curb-stones sullied by the mud of the streets; what you tell them, therefore, is no more true than kind.
But if you pay them doubtful compliments, which they do not deserve, you absolve them too easily, in turn. Listen to our principles, that you may not run the risk of appearing unjust with respect to us.
Corruption in our eyes, is not merely the want of chastity, or the shameful suit of gallantry, but all habitual improper sentiment, all weakening of the moral sense, and we absolutely condemn everything which has power to lessen the sensibility of the soul, and to turn it aside from the practice of justice, of virtue, and of self-respect.
In consequence, we profess that the spectacles of criminal courts habituate the heart to insensibility, and should be avoided as much as executions.
We profess that the modern drama is generally evil, because it excites interest for adulterers, robbers, seducers and prostitutes; that the intellect is subjected in theatres to an unhealthy and enervating atmosphere.
We profess, lastly, that novels should be read with great moderation, because, in general, when they do not corrupt the morals, they pervert the judgment and waste precious time.
Though we love and esteem Art, we are indignant at the bad use which is made of it, and we have little esteem for those who avail themselves of it to lead the heart astray, and to pervert the moral sense.
We say to woman: Educate yourselves, be worthy and chaste; life is earnest, employ it earnestly.
You see that woman in the image of the stained curb-stone, is by no means the ideal of which we dream.
28 Can you, a man of heart, can you treat women as wretched and corrupt because they are willing no longer to be slaves?
And besides, do you think that liberty, which in man engenders individuality and virtue, would produce in woman moral degradation?
Ah! leave these calumnies to those who have no heart; they ill befit you, who may deceive yourself through the lofty poetry of your soul, but who can wish for evil only because you believe it to be good.
The women who ask to be free, great, mistaken poet, are those who are conscious of their dignity, of the true rôle of their sex in humanity; those who desire that the women who follow them in the career of labor should no longer be obliged to live by man, because to live by him is at least to prostitute their dignity, and almost always, their whole person. They wish that woman should be the equal of man, in order to love him holily, to devote herself without calculation, to cease to deceive him or to rule him by artifice, and to become to him a useful auxiliary, instead of a servant or a toy. They know our influence over you; slaves, we can only debase you; at present, we render you cowardly, selfish, and dishonest; we send you out every morning, like vultures, upon society, to provide for our foolish expenses or to endow our children; we, women of emancipation, are unwilling that our sex should longer play this odious rôle, and be, through its slavery, an instrument of demoralization and of social degradation,—and this you impute to us as a crime!
Ah! I do not believe it; you yourself will say that I ought not to believe it.
Looking from a deplorably narrow stand point, you 29 fancied that you saw all woman-kind in a few valetudinarians, your kind heart was moved for them, and you sought to protect them. Had you looked far and high, you would have seen the workers of thought and muscle; you would have comprehended that inequality is to them a source of corruption and suffering.
Then, in your lofty and glowing style, you would have written, not this book of Love which repels all intelligent and reflective women, but a great and beautiful work to demand the right of half the human race.
The misfortune, the irreparable misfortune, is that instead of climbing to the mountain top to look at every moving thing under the vast horizon, you have shut yourself up in a narrow valley, where, seeing nothing but pale violets, you have concluded that every flower must be also a pale violet; whilst Nature has created a thousand other species, on the contrary, strong and vigorous, with a right, like you, to earth, air, water and sunshine.
Whatever may be your love, your kindness and your good intentions towards woman, your book would be immensely dangerous to the cause of her liberty, if men were in a mood to relish your ethics: but they will remain as they are; and the dignity of woman, kept waking by their brutality, their despotism, their desertion, their foul morals, will not be lulled to sleep under the fresh, verdant, alluring and treacherously perfumed foliage of this manchineel tree, called the book of Love.
In Michelet’s later work, “Woman,” by the side of many beautiful pages full of heart and poetry are found things that we regret to point out, for the sake of the author.
M. Michelet has evidently amended, as we shall press 30 on him; but as a spice of vengeance, he pretends that their language has been dictated by directors, philosophers and others. We know some of these ladies personally, and can assure him that they have had no director of any kind—quite the contrary.
Is it also in consequence of rancor that the author pretends that woman loves man, not for his real worth, but because he pleases her, and that she makes God in her own image, “a God of partiality and caprice, who saves those who please him?” “In feminine theology,” adds Michelet, “God would say: I love thee because thou art a sinner, because thou hast no merit; I have no reason to love thee, but it is sweet to me to forgive.”
Very well, your sex loves woman for her real worth; we never hear a man, enamored of some unworthy creature, say: “What matters it, I love her!” Your love is always wise, and given reasonably; none but deserving women can please you. I ask why so many honest women are abandoned and unhappy, while so many that are impure and vicious, yet sought and adored, are in possession of the art of charming, of ruining and of perverting men?
Michelet deplores the state of divorce which is established between the sexes; we deplore it likewise; but our complaints do not remedy it. Men shun marriage from motives that do them no credit: they have at their pleasure the poor girls whom want places at their mercy; they shun marriage because they do not wish a real, that is, an autonomous wife at their side; for themselves, they wish liberty, for their wife, slavery.
On their side, women tend to enfranchisement, which is well for them as it is for men: they should not suffer 31 themselves to be turned aside from their pursuit; on the other hand, as men are attracted by a costly toilette, and neglect plainly dressed women, if the latter, in the wish to please and retain them, imitate public women, whose is the fault? Is it ours, who desire to please you and to be loved by you, or yours, who can only be attracted by dress? If you loved us for our real worth, and not because our dresses and jewels please your eye, we would not ruin you.
Let us point out in a few lines the contradictions and differences that are found between Michelet’s first and second works.
In both, woman is the flame of love and of the fireside religion, harmony, poetry, the guardian of the domestic hearth, a housewife whose cares are ennobled by love: civilization is due to her grace, she should be the representative of grace if not of beauty.
In both books, the household must be isolated; the wife must have no intimate friendship; mother, brothers and sisters prevent her from becoming absorbed as she ought to be in her husband. What we think of this absorption is already known; we will only say here that if the friends and relatives of the wife should be expelled, those of the husband should be none the less so; the mother and friends of the husband have more power to injure the wife than those of the wife to injure the husband; numerous sad facts prove this.
In “Love,” woman is a receptive power, incapable of comprehending conscientious works; she must receive everything from her husband in the intellectual and moral point of view.
In “Woman,” she is half of the couple, in the same ratio as man is capable of the most lofty speculations, 32 and thoroughly understands administration. She gives the child the education that before all else will influence the rest of his life. “So long as woman is not the partner of labor and of action,” says the author, “we are serfs, we can do nothing—she may even be the equal of man in medical science; she is a school, she is sole educatress, etc.”
Very well, thus far; and doubtless Michelet would have been consistent, had he not got into his head a masculine and a feminine ideal which spoils everything; he reasoned to himself: “Man is a creator, woman a harmony whose end and destination is love;” and, consequently, he marks out for the latter a plan of education different from that by which man should be developed; the natural sciences are suited to woman, history should only be taught her to form in her a firm moral and religious faith. As love is her vocation, to each season of the life of woman should correspond an object of love; flowers, the doll, poor children, next the lover, then the husband and children, then the care of young orphans, prisoners, etc.
In “Love,” the wife alone seems bound to confess to the husband. In “Woman,” the obligation is mutual.
The widow, in “Love,” should not marry again, in “Woman,” she may espouse a friend of the husband, or still better, the one whom he may choose on his deathbed; if she is too old, she may watch over a young man; but she will do better to protect young girls, to make peace in families, to facilitate marriages, to superintend prisons, etc.
We will carry the analysis no further; our objections to the author’s doctrine will be found in the article on Proudhon, and in the sequel of the work.
M. A. COMTE.
Qu’était-ce que M. Auguste Comte, mort en septembre 1857?
Pour résoudre cette question, il faut préalablement partager l’homme en deux, non pas comme l’entendait le sage roi Salomon au sujet de l’enfant contesté par deux mères, mais par la pensée, en en faisant deux hommes distincts: un philosophe et un révélateur.
M. Comte qui a renié et insulté son maître Saint-Simon, n’est que le vulgarisateur de ses travaux, récemment édités: voilà pour l’aspect rationnel.
Ce qu’il a en propre, c’est une organisation socio-religieuse qui ne peut être l’œuvre d’un esprit sain.
Ce qu’il a en propre, c’est un style lourd, sec, insulteur, orgueilleux au point d’en être révoltant; chargé et surchargé d’adjectifs et d’adverbes.
Ce qu’il a en propre, c’est d’avoir noyé quelques idées dans 111 des volumes qui n’ont pas moins de 750 à 800 pages, petit caractère. Je ne vous conseille pas de les lire, lecteurs, à moins que, en votre âme et conscience, vous ne croyiez avoir mérité un grand nombre d’années de purgatoire et que vous ne préfériez les faire sur la terre que….. je ne sais s’il faut dire en haut ou en bas, puisque l’astronomie a bouleversé toutes les situations du monde matériel et spirituel.
Les disciples de M. Comte se divisent en deux écoles: celle des Philosophes Positivistes et celle des Sacerdotes.
Les premiers repoussent l’organisation religieuse de M. Comte, et ne sont en réalité que les enfants de la Philosophie moderne, et de très estimables adversaires de cette chose nébuleuse qu’on nomme la Métaphysique. Nous ne pouvons donc les avoir en vue dans cet article: ainsi, que M. Littré et ses honorables amis ne froncent point le sourcil en nous lisant: nous n’avons maille à partir qu’avec le grand prêtre et ses sacerdotes.
La doctrine de M. Comte sur la femme tenant à l’ensemble de son système social, disons d’abord un mot de ce système.
Il n’y a pas de Dieu; il n’y a pas d’âme: ce que nous devons adorer, c’est l’Humanité, représentée par les meilleurs de notre espèce…..
Il y a trois éléments sociaux: la femme, le prêtre et l’homme.
La femme est la providence morale, la gardienne des mœurs.
Sans l’amour tout mystique, je veux bien le croire, que M. Comte eut pour madame Clotilde de Vaux, il est probable que la femme n’eût pas été la Providence morale; grâce à cet 112 amour, elle n’est rien moins que cela. On va voir qu’elle n’en est pas plus avancée.
De nature supérieure à celle de l’homme (au dire de M. Comte), elle n’en est pas moins soumise à lui, en conséquence d’un paradoxe philosophique que nous n’avons point à réfuter dans cet ouvrage.
La fonction de la femme est de moraliser l’homme, tâche qu’elle ne peut bien remplir que dans la vie privée; donc toutes les fonctions sociales et sacerdotales lui sont interdites.
Elle doit être préservée du travail, renoncer à la dot et à l’héritage; l’homme est chargé de la nourrir; fille, elle est à la charge de son père ou de ses frères; épouse, à celle de son mari; veuve, à celle de ses fils. A défaut de ses soutiens naturels, l’État, sur la demande du sacerdoce, subvient à ses besoins.
Le mariage est institué pour le perfectionnement des époux, surtout pour celui de l’homme: la reproduction de l’espèce en est si peu le but, qu’un jour, le progrès des sciences en permet l’espoir, la femme pourra reproduire seule l’humanité, de manière à réaliser et à généraliser l’hypothèse de la Vierge Mère. Alors on pourra réglementer la production humaine en ne confiant qu’aux plus dignes femmes la tâche de concevoir et de mettre au jour les enfants, surtout les membres du sacerdoce.
Le divorce n’est pas permis et le veuvage est éternel pour les deux sexes.
Tel est, en résumé, la doctrine Comtiste en ce qui concerne la femme, le mariage et la procréation. Comme le lecteur pourrait nous soupçonner d’exagération malicieuse, prions le de lire 113 attentivement les pages suivantes, émanées de la plume de l’inventeur du système.
Selon lui, les femmes n’ont jamais demandé leur émancipation; les hommes qui la réclament pour elles, ne sont, dans le style plein d’aménité de M. Comte, que des utopistes corrompus des rétrogrades. «Tous les âges de transition, dit-il, ont suscité comme le nôtre des aberrations sophistiques sur la condition sociale des femmes. Mais la loi naturelle qui assigne au sexe effectif une existence essentiellement domestique, n’a jamais été gravement altérée….. Les femmes étaient alors (dans l’antiquité) trop abaissées pour repousser dignement, même par leur silence, les doctorales aberrations de leurs prétendus défenseurs….. Mais chez les modernes, l’heureuse liberté des femmes occidentales, leur permet de manifester des répugnances décisives, qui suffisent, à défaut de ratification rationnelle, pour neutraliser ces divagations de l’esprit, inspirées par le déréglement du cœur (Politique positive, t. Ier, p. 244 et 245).
«Sans discuter de vaines utopies rétrogrades, il importe de sentir, pour mieux apprécier l’ordre réel, que si les femmes obtenaient jamais cette égalité temporelle que demandent, sans leur aveu, leurs prétendus défenseurs, leurs garanties sociales en souffriraient autant que leur caractère moral. Car elles se trouveraient ainsi assujéties, dans la plupart des carrières, à une active concurrence journalière qu’elles ne pourraient soutenir, en même temps que la rivalité pratique corromprait les principales sources de l’affection mutuelle….. L’homme doit nourrir la femme, telle est la loi naturelle de notre espèce (Id. p. 248).
114 «Il faut concevoir la juste indépendance du sexe affectif comme fondée sur deux conditions connexes, son affranchissement universel du travail extérieur et sa libre renonciation à toute richesse…..
«(Les femmes) prêtresses domestiques de l’humanité, nées pour modifier par l’affection le règne nécessaire de la force, elles doivent fuir, comme radicalement dégradante, toute participation au commandement (Politique posit., tome IV, p. 69).
«La dégradation morale m’a paru plus grande encore, quand la femme s’enrichit par son propre travail. L’âpreté continue du gain lui fait perdre alors jusqu’à cette bienveillance spontanée que conserve l’autre type au milieu de ses dissipations.
«Il ne peut exister de pires chefs industriels que les femmes (Caté. Pos. p. 286).»
Ainsi, mesdames, qui préférez le travail à la prostitution, qui passez jours et nuits pour subvenir aux besoins de votre famille, il est bien entendu que vous vous dégradez; une femme ne doit rien faire; respect et gloire à la paresse.
Vous, Victoria d’Angleterre, Isabelle d’Espagne, vous commandez, donc vous vous dégradez radicalement.
M. Comte prétend que la supériorité masculine est incontestable en tout ce qui concerne le caractère proprement dit «source du commandement….. que l’intelligence de l’homme est plus forte, plus étendue que celle de la femme (Cat. Pos., p. 277).
«Une saine appréciation de l’ordre universel fera comprendre au sexe affectif combien la soumission importe à la dignité (Id., p. 70).
115 «Le sacerdoce fera sentir aux femmes le mérite de la soumission, en développant cette admirable maxime d’Aristote: la principale force de la femme consiste à surmonter la difficulté d’obéir; leur éducation les aura préparées à comprendre que toute domination, loin de les élever réellement, les dégrade nécessairement, en altérant leur principale valeur, pour attendre de la force l’ascendant qui n’est dû qu’à l’amour (Cat. Pos., p. 287).»
Voici quelques pages du système de Politique Positive, t. IV: elles sont trop curieuses pour ne pas intéresser le lecteur.
«Afin de mieux caractériser l’indépendance féminine, je crois devoir introduire une hypothèse hardie, que le progrès humain réalisera peut-être, quoique je ne doive examiner ni quand ni comment.
«Si l’appareil masculin ne contribue à notre génération que d’après une simple excitation, dérivée de sa destination organique, on conçoit la possibilité de remplacer ce stimulant par un ou plusieurs autres dont la femme disposerait librement. L’absence d’une telle faculté chez les espèces voisines ne saurait suffire pour l’interdire à la race la plus éminente et la plus modifiable…..
«Si l’indépendance féminine peut jamais atteindre cette limite, d’après l’ensemble du progrès moral, intellectuel et même matériel, la fonction sociale du sexe affectif se trouvera notablement perfectionnée. Alors cesserait toute fluctuation entre la brutale appréciation qui prévaut encore, et la noble doctrine systématisée par le positivisme. La production la plus essentielle (celle de notre espèce) deviendrait indépendante 116 des caprices d’un instinct perturbateur, dont la répression normale constitue jusqu’ici le principal écueil de la discipline humaine. Une telle attribution se trouverait naturellement transférée, avec une responsabilité complète, à ses meilleurs organes, seuls capables de s’y préserver d’un vicieux entraînement, afin d’y réaliser toutes les améliorations qu’il comporte» (p. 68 et 69).»
Ce qui veut dire en bon français, lectrices, que viendra peut-être le temps où vous ferez des enfants sans le concours de ces messieurs; que cette fonction sera confiée à celles d’entre vous qui en seront le plus digne, et qu’elles seront rendues responsables de l’imperfection du produit.
«Dès lors, reprend l’auteur, l’utopie de la Vierge-Mère deviendra pour les plus pures et les plus éminentes, une limite idéale, directement propre à résumer le perfectionnement humain, ainsi poussé jusqu’à systématiser la procréation en l’anoblissant….. Le succès devant surtout dépendre du développement général des relations entre l’âme et le corps, sa recherche permanente (celle du problème de la virginité féconde) instituera dignement l’étude systématique de l’harmonie vitale, en lui procurant à la fois le but le plus noble et les meilleurs organes (p. 241).»
Traduisons: l’étude des relations du cerveau avec le corps nous conduira à découvrir le moyen de procréer des enfants sans le concours de l’homme; c’est le but le plus noble de cette étude; comme la faculté d’être vierge-mère, doit être l’idéal que se proposeront d’atteindre les femmes les plus pures et les plus éminentes.
117 «Voilà, poursuit M. Comte, comment je suis conduit à représenter l’utopie de la Vierge-Mère comme le résumé synthétique de la religion positive, dont elle combine tous les aspects (p. 76).»
Traduction: Procréer des enfants sans le concours de l’homme, résume la religion positive et en combine tous les aspects.
Cela peut être fort beau, mais rationnel et positif….. qu’en pensez vous, lecteurs?
«La rationalité du problème, ajoute l’auteur, est fondée sur la détermination du véritable office de l’appareil masculin, destiné surtout à fournir au sang un fluide excitateur, capable de fortifier toutes les opérations vitales, tant animales qu’organiques. Comparativement à ce service général, la stimulation fécondante devient un cas particulier, de plus en plus secondaire, à mesure que l’organisme s’élève. On conçoit ainsi que chez la plus noble espèce, ce liquide cesse d’être indispensable à l’éveil du germe, qui pourrait artificiellement résulter de plusieurs autres sources, même matérielles, surtout d’une meilleure réaction du système nerveux sur le système vasculaire (p. 276).»
Tout cela serait possible, j’en conviens, si le fluide dont vous parlez, Grand-Prêtre, avait surtout la fonction générale que vous lui attribuez;
Si la reproduction de notre espèce par le concours des deux sexes, n’était pas une loi;
Si l’on pouvait conserver une espèce en détruisant sa loi;
Si les faits ne contredisaient pas la possibilité de l’hypothèse.
118 Or mettre un si devant une loi naturelle et les phénomènes qui en sont l’expression, n’est qu’une grosse absurdité: on explique les lois, on ne les réforme pas sans modifier profondément l’être qu’elles régissent; on ne les détruit pas sans détruire cet être: car l’être individuel est la loi en forme.
L’auteur s’arrête ainsi sur les conséquences de l’hypothèse absurde.
«Dès lors on conçoit que la civilisation, non seulement dispose l’homme à mieux apprécier la femme, mais augmente la participation de ce sexe à la reproduction humaine qui doit, à la limite, émaner uniquement de lui.
«Personnellement envisagée, une telle modification doit améliorer la constitution cérébrale et corporelle des deux sexes, en y développant la chasteté continue dont l’importance fut de plus en plus pressentie par l’instinct universel, même pendant les déréglements (p. 277).
«Domestiquement considérée, cette transformation rendrait la constitution de la famille humaine plus conforme à l’esprit général de la sociocratie, en complétant la juste émancipation de la femme, ainsi devenue indépendante de l’homme, même physiquement. L’ascendant normal du sexe affectif ne serait plus contestable envers des enfants exclusivement émanés de lui.
«Mais le principal résultat consisterait à perfectionner l’institution fondamentale du mariage (Amélioration des époux sans motif sexuel) dont la théorie positive deviendrait alors irrécusable. Ainsi purifié, le lien conjugal éprouverait une amélioration aussi prononcée que quand la Monogamie y remplaça 119 la Polygamie; car on généraliserait l’utopie du Moyen Age, où la Maternité se conciliait avec la Virginité.
«Appréciée civiquement, cette institution permet seule de régler la plus importante des productions, qui ne saurait devenir assez systématisable, tant qu’elle s’accomplira dans le délire et sans responsabilité.
«Réservée à ses meilleurs organes, cette fonction perfectionnerait la race humaine en déterminant mieux la transmission des améliorations dues à l’ensemble des influences extérieures tant sociales que personnelles….. La procréation systématique devant demeurer plus ou moins concentrée chez les meilleurs types, la comparaison des deux cas susciterait, outre de précieuses lumières, une importante institution qui procurerait à la Sociocratie le principal avantage de la Théocratie. Car le développement du nouveau mode ferait bientôt surgir une caste sans hérédité, mieux adaptée que la population vulgaire au recrutement des chefs spirituels et même temporels, dont l’autorité reposerait alors sur une origine vraiment supérieure qui ne fuirait pas l’examen.
«L’ensemble de ces indications suffit pour faire apprécier l’utopie de la Vierge-Mère, destinée à procurer au Positivisme un résumé synthétique, équivalant à celui que l’institution de l’Eucharistie fournit au Catholicisme (p. 278 et 279).»
Il est fort à craindre, hélas! que les disciples du grand homme, quelqu’ardents chercheurs d’harmonie vitale qu’ils puissent être, ne trouvent jamais le résumé synthétique du Positivisme, l’équivalent de l’Eucharistie: et ce sera grand dommage: commander des enfants comme on commande des chaussures, et les laisser 120 pour compte aux mères qui les auraient mal réussis, eût été fort commode.
Et que feront, je vous le demande, les futurs conducteurs de l’humanité, s’ils n’obtiennent le respect et l’obéissance qu’à la condition de prouver qu’ils sont fils de vierges?
Mais ne plaisantons pas avec un aussi grave personnage que le Grand-Prêtre de l’Humanité; disons seulement en passant, que jamais on ne vit athée se montrer plus profondément chrétien que lui par le mépris de l’œuvre de chair. Écoutons-le à la page 286 de l’ouvrage précité.
«Inutile à la conservation individuelle, l’instinct sexuel ne concourt que d’une manière accessoire et même équivoque à la propagation de l’espèce. Les philosophes vraiement dégagés de toute superstition, doivent de plus en plus le regarder comme tendant surtout à troubler la destination principale du fluide vivifiant. Mais sans attendre que l’utopie féminine se trouve réalisée, on peut déterminer, sinon l’atrophie, du moins l’inertie de cette superfétation cérébrale, avec plus de facilité que ne l’indiquent les efforts insuffisants du théologisme. Outre que l’éducation positive fera partout sentir les vices d’un tel instinct, et suscitera l’espoir continu de sa désuétude, l’ensemble du régime final doit naturellement instituer à son égard, un traitement révulsif plus efficace que les austérités catholiques. Car l’essor universel de l’existence domestique et de la vie publique développera tellement les affections sympathiques, que le sentiment, l’intelligence et l’activité concourront toujours à flétrir et à réprimer le plus perturbateur des penchants égoïstes.»
121 Malgré tout cet essor et toutes ces flétrissures, défiez-vous, Grand-Prêtre! Croyez-moi, employez le camphre, beaucoup de camphre; mettez-en partout comme certain amphitryon mettait de la muscade.
C’est en prévision des excommunications lancées par vous contre ce vil instinct, cet instinct inutile, que la nature a prodigué du camphre.
En somme vous voyez, lectrices, que si M. Comte nous croit moins fortes que l’homme de corps, d’esprit, de caractère, en revanche il nous croit meilleures que lui.
Nous sommes la providence morale, des anges gardiens: il rêve pour nous l’affranchissement par le renversement d’une loi naturelle.
Mais en attendant il nous place sous le joug de l’homme en nous dispensant du travail;
Il rive nos fers, en nous engageant patelinement à nous dépouiller de notre avoir;
Il nous dit de la plus douce voix du monde: ne commandez jamais: cela vous dégraderait;
Votre grande force est d’obéir à celui que votre destinée est de diriger.
Vous ne serez rien dans le temple, rien dans l’État;
Dans la famille vous êtes prêtresses domestiques, les auxiliaires du sacerdoce.
Trois sacrements sur neuf vous sont refusés: celui de la destination parce que, pour vous, il se confond avec celui du mariage; celui de la retraite, parce que vous n’avez pas de profession; enfin celui de l’incorporation, parce qu’une femme ne 122 peut, par elle-même, mériter une apothéose personnelle et publique.
Si vous avez été de dignes auxiliaires, vous serez enterrées près de ceux que vous aurez influencés, comme leurs autres auxiliaires utiles: le chien, le cheval, le bœuf et l’âne; et l’on fera mention de vous lorsqu’on honorera le membre de l’humanité auquel vous aurez appartenu.
Réfuterons-nous de telles doctrines? Non. Ce que nous aurions à en dire, sera plus utilement placé dans l’article consacré à M. Proudhon qui a largement puisé dans la doctrine de M. Comte.
Quand aux sacerdotes qui continuent les enseignements de leur maître, contentons-nous de les renvoyer à ce que je disais à M. Comte dans la Revue Philosophique de décembre 1855.
Les femmes d’aujourd’hui sont, en général, intelligentes, parce qu’elles reçoivent une éducation supérieure à celle que recevaient leurs mères. La plupart d’entre elles se livrent à l’existence active soit dans les arts, soit dans l’industrie; les hommes les y reconnaissent leurs émules, et avouent même qu’elles leur sont supérieures dans l’administration. Aucun homme, digne de ce nom, n’oserait contester que la femme ne soit son égale, et que bientôt arrivera le jour de son émancipation civile.
Les femmes, de leur côté, plus indépendantes, plus dignes, sans qu’elles aient rien perdu de leur grâce et de leur douceur, ne comprennent plus votre fameux axiome: l’homme doit nourrir la femme; elle comprendraient encore moins votre admirable maxime d’Aristote, bonne pour les esclaves du Gynécée. Soyez 123 bien convaincu que toute vraie femme rira du vêtement de nuages que vous prétendez lui donner, de l’encens dont vous voulez l’asphyxier; car elle ne se soucie plus d’adoration, elle veut du respect, de l’égalité; elle veut porter sans entraves son intelligence et son activité dans les sphères propres à ses aptitudes; elle veut aider l’homme, son frère, à défricher le champ de la théorie, le domaine de la pratique; elle prétend que chaque être humain est juge de ses aptitudes; elle ne reconnaît à aucun homme, à aucune doctrine le droit de fixer sa place et de jalonner sa route. C’est par le travail de la guerre que le patriciat s’est constitué, c’est par le travail pacifique que le servage s’est émancipé, c’est aussi par le travail que la femme prétend conquérir ses droits civils.
Voilà, monsieur, ce que sont, ce que veulent être beaucoup de femmes aujourd’hui: voyez si ce n’est pas folie de vouloir ressusciter le gynécée et l’atrium pour ces femmes imprégnées des idées du XVIIIe siècle, travaillées par les idées de 89 et des réformateurs modernes. Dire à de telles femmes qu’elles ne seront rien ni dans l’État, ni dans le mariage, ni dans la science, ni dans l’art, ni dans l’industrie, ni même dans votre paradis subjectif, est quelque chose de tellement énorme que je ne conçois pas, pour mon compte, que l’aberration puisse aller aussi loin.
Vous ne trouveriez plus une interlocutrice vous disant: «qu’une femme ne peut presque jamais mériter une apothéose personnelle et publique… que des vues qui supposent l’expérience la plus complète et la réflexion la plus profonde sont naturellement interdites au sexe dont les contemplations ne 124 sauraient guère dépasser avec succès l’enceinte de la vie privée… que la dégradation morale de la femme est encore plus grande quand elle s’enrichit par son propre travail… qu’il n’y a pas de pires chefs industriels que les femmes…» Et si quelque femme arriérée avait l’imbécillité et l’impudeur de tenir un semblable langage, les hommes de quelque valeur n’auraient pour elle que du dédain.
Mais vous, monsieur, qui voulez annihiler la femme, de quel principe tirez-vous une semblable conséquence? De ce qu’elle est, dites-vous, puissance affective…. oui, mais à ce compte l’homme l’est aussi; et est-ce que la femme, aussi bien que lui, n’est pas également intelligence et activité? Est-ce sur une prédominance tout accidentelle que l’on peut reléguer une moitié de l’espèce humaine par delà les nuages de la sentimentalité? Et toute discipline sérieuse ne doit-elle pas tendre à développer, non pas une face de l’être, mais la pondération, l’harmonie de toutes ses faces. La désharmonie est la source du désordre, du laid. La femme sentimentale seulement commet d’irréparables écarts, l’homme rationnel seulement est une sorte de monstre, et celui chez lequel prédomine l’activité n’est qu’une brute. Puisque vous croyez en Gall et Spurzheim, vous savez que l’encéphale des deux sexes se ressemble, qu’il est modifiable chez l’un comme chez l’autre, que toute l’éducation est fondée sur cette modificabilité: comment ne vous est-il point venu à l’esprit que si l’homme est en masse plus rationnel que la femme, c’est parce qu’éducation, lois et mœurs développent chez lui les lobes antérieurs du cerveau; tandis que chez la femme l’éducation, les lois, les mœurs développent surtout les lobes postérieurs 125 de cet organe; et comment, ayant constaté ces faits, n’avez-vous pas été conduit à conclure que, puisque les organes ne se développent qu’en conséquence des excitants qui leur sont adressés, il est probable que l’homme et la femme, soumis aux mêmes excitants cérébraux, se développeront de la même manière avec les nuances propres à chaque individualité; et que si la femme se développe harmoniquement sous ses trois aspects, il faut qu’elle se manifeste socialement sous trois aspects. Songez-y, monsieur, votre principe est trois fois faux, trois fois en contradiction avec la science, avec la raison; en présence de la physiologie du cerveau toutes les théories de classement tombent: les femmes sont les égales des hommes devant le système nerveux: elles ne pouvaient leur être inférieures que devant la suprématie musculaire attaquée par l’invention de la poudre et que va réduire en poussière le triomphe de la mécanique.
Que de choses j’aurais encore à vous dire, monsieur, si cette ébauche de critique n’était déjà trop longue; mais, quelque mauvaise qu’elle soit, comme elle n’a dans mon esprit que le sens d’une protestation de femme contre vos doctrines, je crois pouvoir m’en tenir là.
COMTE.
What thought Auguste Comte, who died in September, 1857.
To solve this question, it is necessary first to divide the man into two parts; not as the wise king Solomon designed to divide the child disputed for by two mothers, but in thought, by making of him two distinct men; a philosopher and a revealer.
M. Comte, who denied and insulted his master, Saint Simon, is only the popularizer of his recently edited works: so much for the rational phase.
What belongs to him exclusively is a socio-religious organization, which cannot be the work of a healthy mind.
What belongs to him exclusively, is a heavy, dry, insulting style, arrogant to the point of being revolting, loaded and overloaded with adjectives and adverbs.
What belongs to him exclusively, are a few ideas that he has submerged in volumes, containing not less than from seven hundred and fifty to eight hundred pages, in small type. I do not advise you to peruse them, readers, unless in your heart and soul you believe yourself deserving of many years of purgatory, which you prefer 120 to expiate on the earth … I do not know whether I ought to say above or below, since astronomy has reversed the positions of the material and spiritual worlds.
The disciples of Comte are divided into two schools: that of the Positivist Philosophers, and that of the Priesthood.
The first reject the religious organization of Comte, and are in reality nothing but the children of modern Philosophy, and very estimable adversaries of that nebulous thing which is called Metaphysics. We could not therefore have them in sight in this article; so, let not M. Littré and his honorable friends frown in reading us: we are about to find fault only with the high priest and his priesthood.
The doctrine of Comte concerning woman being connected with the whole of his religious system, let us first say a word about this system.
There is no God; there is no soul: the object of our adoration should be Humanity, represented by the best of our species….
There are three social elements: woman, priest, and man.
Woman is the moral providence, the guardian of morals.
Had it not been for the wholly mystical love, I willingly believe, that Comte had for Madame Clotilde de Vaux, it is probable that woman would not have been the moral Providence; thanks to this love, she is nothing less than this. We will see that neither is she anything more.
Of a nature superior to that of man (in the opinion of Comte), she is nevertheless subject to him, in 121 consequence of a philosophical paradox which we need not refute here.
The function of woman is to render man moral; a task which she can perform well only in private life; all social and sacerdotal functions are therefore interdicted her.
She should be preserved from labor, should renounce dowry and inheritance; man is charged with maintaining her; daughter, she is supported by her father or her brothers; wife, by her husband; widow, by her sons. In default of her natural maintainers, the state, on the requisition of the priesthood, provides for her wants.
Marriage is instituted for the perfecting of the married couple, above all, for that of the man: the reproduction of the species has so little to do with its end, that the progress of science permits us to hope that, some day, woman will be able alone to reproduce humanity, so as to realize and to generalize the hypothesis of the Virgin Mother. Then it will be possible to regulate human production, by entrusting to none but the most deserving women the task of conceiving children and bringing them into the world, especially members of the priesthood.
Divorce is not permitted, and widowhood is eternal for both sexes.
Such, in brief, is the Comtist doctrine concerning woman, marriage and procreation. As the reader might suspect us of malicious exaggeration, we entreat him to read attentively the following pages, emanating from the pen of the originator of the system.
According to him, women have never demanded their emancipation; the men who claim it for them are, after 122 Comte’s usual courteous style, nothing but utopists corrupted by retrogression. “All transitional ages,’ he says, “have given rise, like our own, to sophistical aberrations concerning the social condition of woman. But the natural law which assigns to the effective sex an existence essentially domestic, has never been materially altered…. Women were then (in antiquity) too low to reject worthily, even by their silence, the doctoral aberrations of their pretended defenders…. But among the moderns, the happy liberty of the western women permits them to manifest a decisive repugnance which is sufficient, in default of rational ratification, to neutralize these wanderings of the mind, inspired by the intemperance of the heart.
“Without discussing unreal retrograde utopias, it is of importance to feel, the better to appreciate real order, that if women should ever obtain this temporal equality demanded, without their consent, by their pretended defenders, their social guaranties would suffer thereby as much as their moral character. For they would find themselves thus subjected, in the majority of occupations, to an active daily competition which they could not sustain, while at the same time the practical rivalry would corrupt the principal sources of mutual affection. Man should support woman, such is the natural law of our species.”—Politique Positive, t. I.
“It is necessary to consider the just independence of the affective sex as founded upon two connected conditions, its universal affranchisement from labor outside the household, and its free renunciation of all wealth….
“Domestic priestesses of humanity, born to modify by affection the necessary reign of force, they should shun, as radically degrading, all participation in command.”—Id. t. IV.
123 “The moral degradation appears to me still greater when woman enriches herself by her own labor. The continued eagerness of gain makes her then lose even that spontaneous kindness which preserves the other type in the midst of its dissipations.
“No worse industrial chiefs can exist than women.”—Caté. Pos.
So ladies, ye who prefer labor to prostitution, who pass days and nights in providing for the wants of your family, it is understood of course that you are degraded; a woman ought not to do anything; respect and honor belong to idleness.
You, Victoria of England, Isabella of Spain,—you command, therefore you are radically degraded.
M. Comte pretends that masculine superiority is incontestable in all that concerns the properly called “source of command … that the intellect of man is stronger, more extended than that of woman.
“A healthy appreciation of the universal order will make the affective sex comprehend how important submission is to dignity.
“The priesthood will make women feel the merit of submission, by developing this admirable maxim of Aristotle: the chief strength of woman consists in surmounting the difficulty of obeying; their education will have prepared them to comprehend that all dominion, far from really elevating, necessarily degrades them, by depreciating their chief worth so as to expect from strength the ascendancy which is due to love alone.”—Ibid.
Here are a few pages from the system of Politique Positive, t. IV., which are too curious not to interest the reader.
124 “The better to characterize feminine independence, I think it best to introduce a bold hypothesis, which human progress perhaps will realize, although it is my business neither to examine when nor how.
“If the masculine apparatus contributes to our generation only after a simple excitement, derived from its organic destination, the possibility may be conceived of replacing this stimulant by another or several others, of which the woman would dispose at will. The absence of such a faculty among the neighboring species cannot be sufficient to interdict it to the most eminent and most modifiable race….
“If feminine independence can ever reach this limit, in accordance with the sum total of moral, intellectual, and even material progress, the social function of the affective sex will be found notably improved. Then all fluctuation between the animal appreciation which still prevails, and the noble doctrine systematized by positivism, would cease. The most essential production (that of our species) would become independent of the caprices of a perturbating instinct, the normal repression of which has hitherto constituted the principal obstacle to human discipline. Such a privilege would be naturally found transferred, with full responsibility, to the organs best fitted to its use, alone capable of guarding themselves from vicious impulses, so as to realize all the advantages that it permits.”
Which means in good English, my female readers, that perhaps the time will come when you will create children without the co-operation of these gentlemen; that this function will be confided to those among you who shall be most worthy of it, and that they will be held responsible for the imperfection of the product.
125 “Thenceforth,” resumes the author, “the utopia of the Virgin Mother will become to the purest and most eminent an ideal goal, directly suited to sum up human perfection, thus carried even to systematizing procreation, while ennobling it…. Success depends most of all on the general development of the relations between the soul and the body, its continued search (that of the problem of fruitful virginity) will worthily institute the systematic study of vital harmony, by procuring to it at once the noblest aim and the best organs.”—Ibid.
Translated: the study of the relations of the brain with the body will lead us to discover the means of procreating children without the co-operation of man; this is the noblest aim of this study, as the faculty of being a virgin mother should be the ideal which the purest and most eminent women should seek to attain.
“Thus,” continues M. Comte, “I am led to represent the utopia of the Virgin Mother as the synthetic résume of positive religion, all the phases of which it combines.”—Ibid.
Translation: To procreate children without the concurrence of man, sums up positive religion, and combines all its phases.
This may be very fine, but as to being rational and positive—what do you think, readers?
“The rationality of the problem,” adds the author, “is founded upon the determination of the true office of the masculine apparatus, designed especially to supply to the blood an excitative fluid, capable of strengthening all the vital operations, whether animal or organic. In comparison with this general service, the special use of the fecundative stimulus becomes more and more secondary in proportion as the organism is elevated. It 126 may thus be conceived that in the noblest species, this liquid ceases to be indispensable to the awakening of the germ, which may result artificially from several other, and even from material sources, especially from a better reaction of the nervous upon the vascular system.”—Ibid.
All this would be possible, I grant, if the fluid of which you speak, High Priest, had, above all, the general function which you attribute to it;
If the reproduction of our species by the co-operation of the two sexes were not a law;
If we could preserve a species while destroying its law;
If facts did not contradict the possibility of the hypothesis.
Now, to place an if before a natural law and the phenomena which are its expression, is only a gross absurdity: we explain laws, we do not reform them without profoundly modifying the being that they govern; we do not destroy without destroying this being: for the individual being is the law in form.
The author dwells as follows on the consequences of the absurd hypothesis.
“Thence it may be conceived that civilization not only disposes man better to appreciate woman, but augments the participation of this sex in human reproduction, which ought, finally, to emanate from it alone.
“Regarded individually, such a modification ought to improve the cerebral and corporal constitution of both sexes, by developing therein continued chastity, the importance of which has been felt more and more by universal instinct, even during irregularities.—p. 277.
“Considered domestically, this transformation would render the constitution of the human family more in 127 conformity with the general spirit of sociocracy, by completing the just emancipation of woman, thus made, even physically, independent of man. The normal ascendancy of the affective sex would be no longer contestable with respect to children emanated from it exclusively.
“But the principal result would consist in perfecting the fundamental institution of marriage (the improvement of the married couple without sexual motive), the positive theory of which would then become unexceptionable. Thus purified, the conjugal tie would experience an amelioration as marked as when Polygamy was replaced by Monogamy: for we should generalize the utopia of the Middle Age, in which Maternity was reconciled with Virginity.
“Regarded civilly, this institution alone permits the regulation of the most important of productions, which can never become sufficiently susceptible of systematization, so long as it shall be accomplished in delirium and without responsibility.
“Reserved to its best organs, this function would perfect the human race by better determining the transmission of ameliorations due to external influences, both social and personal…. Systematic procreation coming to remain more or less concentrated among the better types, the comparison of the two cases would give rise not only to valuable enlightenment, but also to an important institution which would procure to sociocracy the principal advantage of theocracy. For the development of the new mode would soon cause a non-hereditary caste to spring up, better adapted than the common populace for the recruital of spiritual and even temporal chiefs, whose 128 authority would then rest on a truly superior origin, which would not shun investigation.
All these indications will suffice to show the value of the utopia of the Virgin Mother, destined to procure to Positivism a synthetic résume, equivalent to that which the institution of the Eucharist furnishes to Catholicism.”—Ibid.
It is much to be feared, alas! that the disciples of this great man, however ardent seekers of vital harmony they may be, will never find the synthetic résume of Positivism, the equivalent of the Eucharist: and it will be a great pity: to order children as we order shoes, and leave them on the mother’s hands when they do not suit, would be very convenient.
And what, I ask you, will the future leaders of humanity do, if they can only obtain respect and obedience on the condition of proving that they are sons of virgins?
But we will not jest with so grave a personage as the High Priest of Humanity: we will only say in passing, that never was atheist seen to show himself more profoundly a Christian through contempt for works of the flesh. Hear what he says on page 286 of the work before cited:
“Useless to individual conservation, the sexual instinct co-operates only in an accessory and even equivocal manner to the propagation of the species. Philosophers truly freed from superstition should regard it more and more as tending above all to disturb the principal design of the vivifying fluid. But without waiting for the feminine utopia to be realized, we may determine, if not the atrophy, at least the inertia of this cerebral superfœtation, with more facility than is indicated by the 129 insufficient efforts of theologism. While positive education will make the vices of such an instinct everywhere felt, and will raise up the continued hope of its desuetude, the whole final system ought naturally to institute a revulsive treatment with respect to it, more efficacious than Catholic austerities. For the universal aspiration of domestic existence and of public life will develop the sympathetic faculties to such a degree, that sentiment, intellect, and activity will always concur to stigmatize and repress the most perturbing of selfish propensities.”
Despite all this aspiration, and all these stigmas, do not trust to it, High Priest! Be advised by me, use camphor, and plenty of it; scatter it everywhere as a certain Amphitryon scattered nutmeg.
It is in prevision of the excommunications hurled by you against this vile, this useless instinct, that Nature has been prodigal of camphor.
Upon the whole, you see, my female readers, that if M. Comte believes us weaker than man in body, mind, and character, in return, he believes us better.
We are moral providence, guardian angels: he dreams of affranchisement for us through the subversion of a natural law.
But meanwhile he places us under the yoke of man by exempting us from labor;
He rivets our chains by persuading us cajolingly to despoil ourselves of our property;
He says to us in the gentlest voice imaginable: never command: it would degrade you;
Your great strength is in obeying him whom it is your destiny to direct.
You will be naught in the temple, naught in the state.
130 In the family, you are domestic priestesses, the auxiliaries of the priesthood.
Three sacraments out of nine are refused you: that of destiny, because, for you, it is confounded with that of marriage; that of retirement, because you have no profession; lastly, that of incorporation, because a woman cannot, in herself, merit a personal and public apotheosis.
If you have been worthy auxiliaries, you shall be interred near those whom you shall have influenced, like their other useful auxiliaries: the horse, the dog, the cow, and the ass; and mention shall be made of you when honors shall be paid to the member of humanity to whom you shall have belonged.
Shall we refute such doctrines? No. Our answer to them finds a fitter place in the article devoted to M. Proudhon, who has drawn largely from the doctrine of M. Comte.
As to the priests who continue the teachings of their master, it suffices to refer them to what I said to M. Comte in the Revue Philosophique of December, 1855.
The women of the present time are in general intelligent, because they receive an education superior to that of their mothers. The majority of them devote themselves to an active life either in the arts or the trades; men acknowledge them as their competitors in these, and even confess that they are superior in management. No man, worthy of the name, would dare contest that woman is his equal, and that the day of her civil emancipation is close at hand.
Women, on their side, more independent and more deserving, without having lost anything of their grace and gentleness, no longer accept the famous axiom: 131 man should support woman; still less do they accept the admirable maxim of Aristotle, fit for the slaves of the gyneceum. Be sure that every true woman will laugh at the raiment of clouds which you pretend to give her, at the incense with which you wish to asphyxiate her; for she cares no longer for adoration. She wishes to carry her intellect and activity unfettered into spheres suited to her aptitudes; she wishes to aid her brother, man, in clearing up the field of theory, the domain of practice; she claims that every human being is the judge of his own aptitudes; she does not recognize in any man or in any doctrine the right of fixing her place, and of marking out her road. Through the labor of war was the patriciate constituted; through peaceful labor was servitude emancipated; through labor, also, does woman claim to conquer her civil rights.
Such is what many women are, what they wish to be to-day; see if it is not madness to seek to revive the gyneceum and the atrium for these women, impregnated with the ideas of the eighteenth century, wrought upon by the ideas of ’89 and of the modern reformers. To say to such women that they shall have no place in the state, nor in marriage, nor in science, nor in art, nor in the trades, nor even in your subjective paradise, is something so monstrous that I cannot conceive, for my part, how aberration could go so far.
You will no longer find an interlocutress to say: “that a woman can scarcely ever deserve a personal and public apotheosis … that views involving the fullest experience and the profoundest reflection are naturally interdicted to the sex whose contemplations can scarcely go beyond the circle of private life with success … that the moral degradation of woman is 132 still greater when she enriches herself by her own labor … that there are no worse industrial chiefs than women….” And if any woman behind the times should be so imbecile and immodest as to hold such language, all men of any worth whatever would regard her only with disdain.
But you, who wish to annihilate woman, from what principle do you draw such a consequence? That she is an affective power, you say … yes, but, as to that, man is such, likewise; and is not woman, as well as he, alike intellect and activity? By reason of a purely accidental predominance, can one half of the human species be banished beyond the clouds of sentimentality? And ought not all serious discipline to tend to develop, not one phase of the being, but the ponderation, the harmony of all its phases? Want of harmony is the source of disorder and deformity. The woman who is solely sentimental commits irreparable errors; the man who is solely rational is a species of monster, and the person in whom activity predominates is but a brute. Since you believe in Gall and Spurzheim, you know that the encephalon of the two sexes is alike, that it is modifiable in both, that all education is founded on this modificability; why has it never occurred to you that if man en masse is more rational than woman, it is because education, laws and custom have developed in him the anterior lobes of the brain; while in woman, education, laws and custom develop especially the posterior lobes of this organ; and why, having established these facts, have you not been led to conclude that, since organs are developed only in consequence of the excitants applied to them, it is probable that man and woman, subjected to the same cerebral excitants, would be developed 133 in the same manner, with the shades of difference peculiar to each individuality; and that for woman to be developed harmoniously under her three aspects, she must manifest herself socially under three aspects? Be sure, sir, your principle is thrice false, thrice in contradiction to science and reason; in the presence of the physiology of the brain, all theories of classification fall to the ground: before the nervous system, women are the equals of men: they can be their inferiors only before muscular supremacy, attacked by the invention of powder, and about to be reduced to dust by the triumph of mechanism.
I should say many more things to you, sir, were not this critical sketch too long already; but imperfect though it may be, having to my mind only the meaning of a woman’s protest against your doctrines, I shall pause here.
M. PROUDHON.
La dixième et la onzième étude du dernier ouvrage de M. Proudhon: La Justice dans la Révolution et dans l’Église, renferment toute la doctrine de l’auteur sur la Femme, l’Amour et le Mariage.
Avant d’en donner l’analyse et d’en ébaucher la critique, je dois mettre mes lecteurs au courant du commencement de polémique qui paraît avoir donné lieu à la publication des étranges doctrines de notre grand critique. Dans la Revue Philosophique de décembre 1856, on publia de moi l’article suivant, sous le titre de: M. Proudhon et la question des femmes:
Les femmes ont un faible pour les batailleurs, dit-on; c’est vrai, mais il ne faut pas le leur reprocher: elles aiment jusqu’à l’apparence du courage, qui est une belle et sainte chose. Je suis femme, M. Proudhon est un grand batailleur de la pensée, donc je ne puis m’empêcher d’éprouver pour lui estime et sympathie, sentiments auxquels il devra la modération de l’attaque que je 127 dirige contre ses opinions sur le rôle de la femme dans l’humanité.
Dans son premier mémoire sur la propriété, édition de 1841, note de la page 265, on lit ce paradoxe dans le goût du Coran:
«Entre la femme et l’homme il peut exister amour, passion, lien d’habitude, et tout ce qu’on voudra, il n’y a pas véritablement société. L’homme et la femme ne vont pas de compagnie. La différence de sexe élève entre eux une séparation de même nature que celle que la différence des races met entre les animaux. Aussi, loin d’applaudir à ce qu’on appelle aujourd’hui émancipation de la femme, inclinerais-je bien plutôt, s’il fallait en venir à cette extrémité, à mettre la femme en réclusion.»
Dans le troisième mémoire sur la propriété, même édition, page 80:
«Cela signifie que la femme, par nature et par destination, n’est ni associée, ni citoyenne, ni fonctionnaire public.»
J’ouvre la Création de l’ordre dans l’humanité, édition de 1843, page 552, et je lis:
«C’est en traitant de l’éducation qu’on aura à déterminer le rôle de la femme dans la société. La femme, jusqu’à ce qu’elle soit épouse, est apprentie, tout au plus sous-maîtresse, à l’atelier comme dans la famille, elle reste mineure et ne fait point partie de la cité. La femme n’est pas, comme on le dit vulgairement, la moitié ni l’égale de l’homme, mais le complément vivant et sympathique qui achève de faire de lui une personne.»
Dans les Contradictions économiques, édition de 1846, p. 254, on lit:
«Pour moi, plus j’y pense et moins je puis me rendre compte, 128 hors de la famille et du ménage, de la destinée de la femme: courtisane ou ménagère (ménagère, dis-je, et non pas servante), je n’y vois pas de milieu.»
J’avais toujours ri de ces paradoxes; ils n’avaient à mes yeux pas plus de valeur doctrinale que les mille autres boutades si familières au célèbre critique. Il y a quelques semaines, un petit journal prétendit que M. Proudhon avait, dans des entretiens particuliers, formulé tout un système basé sur l’omnipotence masculine, et il publiait ce système dans ses colonnes. De deux choses l’une, me dis-je: ou le journaliste ment, ou bien il dit vrai; s’il ment, son but évident est de ruiner M. Proudhon dans l’esprit des progressistes et de lui faire perdre sa légitime part d’influence, il faut qu’il en soit averti; s’il dit vrai pour le passé, il faut encore que M. Proudhon soit averti du fait, parce qu’il est impossible, étant père de plusieurs filles, que le sentiment paternel ne l’ai pas mis dans le chemin de la raison. Il faut que je le sache; et j’écrivis à M. Proudhon, qui, dès le lendemain, me fit la réponse que je vais transcrire textuellement:
«Madame,
«Je ne connais pas l’article publié par M. Charles Robin dans le Télégraphe d’hier, 7. Afin de m’édifier sur cette paraphrase, comme vous qualifiez l’article de M. Robin, j’ai cherché dans mon premier mémoire sur la propriété, page 265, édition Garnier frères (je n’en ai pas d’autres), et je n’y ai pas trouvé de note. J’ai cherché dans mes autres brochures à la 129 page 265, et n’ai vu de note nulle part. Il m’est donc impossible de répondre à votre première question.
«Je ne sais trop ce que vous appelez mes opinions sur la femme, le mariage et la famille; car sur ce chapitre, pas plus que sur celui de la propriété, je ne crois avoir donné le droit à personne de parler de mes opinions.
«J’ai fait de la critique économique et sociale; en faisant cette critique (je prends le mot dans sa signification élevée), j’ai pu émettre bien des jugements d’une vérité plus ou moins relative, je n’ai nulle part, que je sache, formulé un dogmatisme, une théorie, un ensemble de principes, en un mot un système. Tout ce que je puis vous dire, c’est d’abord, en ce qui me concerne, que mes opinions se sont formées progressivement et dans une direction constante; qu’à l’heure où je vous écris, je n’ai pas dévié de cette direction; et que, sous cette réserve, mes opinions actuelles sont parfaitement d’accord avec ce qu’elles étaient il y a 17 ans, lorsque je publiai mon premier mémoire.
«En second lieu, et par rapport à vous, Madame, qui en m’interrogeant ne me laissez pas ignorer vos sentiments, je vous dirai, avec toute la franchise que votre lettre exige, et que vous attendez d’un compatriote, que je n’envisage pas la question du mariage, de la femme et de la famille comme vous, ni comme aucun des écrivains novateurs dont les idées sont venues à ma connaissance; que je n’admets pas, par exemple, que la femme ait le droit, aujourd’hui, de séparer sa cause de celle de l’homme, et de réclamer pour elle-même une justice spéciale, comme si son premier ennemi et tyran 130 était l’homme; que je n’admets pas davantage, que, quelque réparation qui soit due à la femme, de compte à tiers avec son mari (ou père) et ses enfants, la justice la plus rigoureuse puisse jamais faire d’elle l’ÉGALE de l’homme; que je n’admets pas non plus que cette infériorité du sexe féminin constitue pour lui ni servage, ni humiliation, ni amoindrissement dans la dignité, la liberté et le bonheur: je soutiens que c’est le contraire qui est la vérité.
«Je considère donc l’espèce de croisade que font en ce moment quelques estimables dames de l’un et l’autre hémisphère, en faveur des prérogatives de leur sexe, comme un symptôme de la rénovation générale qui s’opère, mais comme un symptôme exagéré, un affolement qui tient précisément à l’infirmité du sexe, et à son incapacité de se connaître et de se régir lui-même.
«J’ai lu, Madame, quelques-uns de vos articles. J’ai trouvé que votre esprit, votre caractère, vos connaissances vous mettaient certainement hors de pair avec une infinité de mâles qui n’ont de leur sexe que la faculté prolétaire. A cet égard, s’il fallait décider de votre thèse par des comparaisons de cette espèce, nul doute que vous n’obteniez gain de cause.
«Mais vous avez trop de bon sens pour ne pas comprendre qu’il ne s’agit point ici de comparer individu à individu; c’est le sexe féminin tout entier, dans sa collectivité, qu’il faut comparer au masculin, afin de savoir si ces deux moitiés, complémentaires l’une de l’autre, de l’androgyne humanitaire sont ou ne sont pas égales.
131 «D’après ce principe, je ne crois pas que votre système, qui est, je crois, celui de l’égalité ou de l’équivalence, puisse se soutenir, et je le regarde comme une défaillance de notre époque.
«Vous m’avez interpellé, Madame, avec une brusquerie toute franc-comtoise. Je désire que vous preniez mes paroles en bonne part, et parce que je ne suis sans doute pas d’accord de tout avec vous, que vous ne voyiez pas en moi un ennemi de la femme, un détracteur de votre sexe, digne de l’animadversion des jeunes filles, des épouses et des mères. Les règles d’une discussion loyale vous obligent d’admettre au moins que vous pouvez vous tromper, que je puis avoir raison, qu’alors c’est moi qui suis véritablement le défenseur et l’ami de la femme; je ne vous demande pas autre chose.
«C’est une bien grande question que vous et vos compagnes vous avez soulevée; et je trouve que jusqu’ici vous l’avez traitée tout à fait à la légère. Mais la médiocrité de raison avec laquelle ce sujet a été traité ne doit pas être considérée comme une fin de non-recevoir: j’estime au contraire que c’est un motif pour que les tenants de l’égalité des deux sexes fassent de plus grands efforts. A cet égard, je ne doute pas, Madame, que vous ne vous signaliez de plus belle et j’attends avec impatience le volume que vous m’annoncez; je vous promets de le lire avec toute l’attention dont je suis capable.»
Après la lecture de cette lettre, je transcrivis la note que n’avait pas retrouvée M. Proudhon et je la lui envoyai avec 132 l’article de M. Charles Robin. Comme il ne m’a pas répondu, son silence m’autorise à croire le journaliste.
Ah! vous persistez à soutenir que la femme est inférieure, mineure! vous croyez que les femmes s’inclineront pieusement devant l’arrêt tombé du haut de votre autocratie! Non pas, Monsieur, non pas; il n’en sera pas, il ne peut en être ainsi. A nous deux donc, monsieur Proudhon! Mais d’abord débarrassons le débat de ma personnalité.
Vous me considérez comme une exception en me disant que s’il fallait décider de ma thèse par des comparaisons entre une foule d’hommes et moi, nul doute que la décision ne fût en faveur de mes opinions. Écoutez bien ma réponse:
«Toute loi vraie est absolue. L’ignorance ou l’ineptie des grammairiens, moralistes, jurisconsultes et autres philosophes, a seule imaginé le proverbe: Point de règle sans exception. La manie d’imposer des règles à la nature au lieu d’étudier les siennes, a confirmé plus tard cet aphorisme de l’ignorance.» Qui a dit cela? Vous, dans la Création de l’ordre dans l’humanité, page 2. Pourquoi votre lettre est-elle en contradiction avec cette doctrine?
Avez-vous changé d’opinion? Alors, je vous prie de me dire si les hommes de valeur ne sont pas tout aussi exceptionnels dans leur sexe que les femmes de mérite dans le leur. Vous avez dit: «Quelles que soient les différences existant entre les hommes, ils sont égaux parce qu’ils sont des êtres humains.» Il faut, sous peine d’inconséquence, que vous ajoutiez: Quelles que soient les différences existant entre les sexes, ils sont égaux parce qu’ils font partie de l’espèce humaine….. à moins que vous ne prouviez 133 que les femmes ne font pas partie de l’humanité. La valeur individuelle n’étant pas la base du droit entre les hommes, ne peut le devenir entre les sexes. Votre compliment est donc une contradiction.
J’ajoute enfin que je me sens liée d’une trop intime solidarité avec mon sexe, pour être jamais contente de m’en voir abstraire par un procédé illogique. Je suis femme, je m’en honore; je me réjouis que l’on fasse quelque cas de moi, non pour moi-même, qu’on l’entende bien, mais parce que cela contribue à modifier l’opinion des hommes à l’égard de mon sexe. Une femme qui se trouve heureuse de s’entendre dire: Vous êtes un homme, n’est à mes yeux qu’une sotte, une créature indigne avouant la supériorité du sexe masculin; et les hommes qui croient lui faire un compliment ne sont que d’impertinents vaniteux. Si j’acquiers quelque mérite, j’honorerai les femmes, j’en révélerai les aptitudes, je ne passerai pas plus dans l’autre sexe que M. Proudhon ne quitte le sien parce qu’il s’élève par son intelligence au dessus de la tourbe des hommes sots et ignorants; et si l’ignorance de la masse des hommes ne préjuge rien contre leur droit, l’ignorance de la masse des femmes ne préjuge rien non plus contre le leur.
Ceci dit, passons.
Vous affirmez que l’homme et la femme ne forment pas véritablement société.
Dites-nous alors ce que c’est que le mariage, ce que c’est qu’une société.
Vous affirmez que la différence de sexe met entre l’homme et la femme une séparation de même nature que celle que 134 la différence des races met entre les animaux. Alors prouvez:
Que la race n’est pas essentiellement formée de deux sexes;
Que l’homme et la femme peuvent se reproduire séparément;
Que leur produit commun est un métis ou un mulet;
Qu’il y a entre eux des caractères dissemblables en dehors de la sexualité.
Et si vous vous tirez à votre gloire de ce magnifique tour de force, vous aurez encore à prouver:
Que la différence de race correspond à une différence de droit;
Que les noirs, les jaunes et les cuivrés appartenant à des races inférieures à la race caucasienne, ne peuvent véritablement s’associer avec elle; qu’elles sont mineures.
Allons, monsieur, étudiez l’anthropologie, la physiologie, la phrénologie, et servez-vous de votre dialectique sérielle pour nous prouver tout cela.
Vous inclinez à mettre la femme en réclusion, au lieu de l’émanciper?
Prouvez aux hommes qu’ils en ont le droit; aux femmes, qu’elles doivent se laisser mettre sous clef. Je déclare pour mon compte que je ne m’y laisserais pas mettre. M. Proudhon sait de quoi il menace le prêtre qui mettrait la main sur ses enfants? Eh bien! la majorité des femmes ne s’en tiendrait pas à la menace envers ceux qui auraient la musulmane inclination de M. Proudhon.
Vous affirmez que, par nature et par destination, la femme n’est ni associée, ni citoyenne, ni fonctionnaire. Dites-nous d’abord quelle nature il faut avoir pour être tout cela.
135 Révélez-nous la nature de la femme, puisque vous prétendez la connaître mieux qu’elle ne se connaît.
Révélez-nous sa destination, qui apparemment n’est pas celle que nous lui voyons ni qu’elle se croit.
Vous affirmez que la femme, jusqu’à son mariage, n’est dans l’atelier social qu’apprentie, tout au plus sous-maîtresse; qu’elle est mineure dans la famille et ne fait point partie de la cité.
Prouvez alors qu’elle n’accomplit pas dans l’atelier social, dans la famille, des œuvres équivalentes ou égales à celles de l’homme.
Prouvez qu’elle est moins utile que l’homme.
Prouvez que les qualités qui donnent à l’homme le droit de citoyen n’existent pas chez la femme.
Je serai sévère avec vous, monsieur, sur ce chapitre. Subalterniser la femme dans un ordre social où il faut qu’elle travaille pour vivre, c’est vouloir la prostitution: car le dédain du producteur s’étend à la valeur du produit; et quand une telle doctrine est contraire à la science, au bon sens, au progrès, la soutenir est une cruauté, une monstruosité morale. La femme qui ne peut vivre en travaillant ne peut le faire qu’en se prostituant: égale à l’homme ou courtisane, voilà l’alternative. Aveugle qui ne le voit pas.
Vous ne voyez d’autre sort pour la femme que d’être courtisane ou ménagère. Ouvrez donc les yeux et rêvez moins, monsieur, et dites-moi si elles sont uniquement ménagères ou si elles sont courtisanes toutes ces utiles et courageuses femmes qui vivent honorablement:
Par les arts, la littérature, l’enseignement;
136 Qui fondent des ateliers nombreux et prospères;
Qui dirigent des maisons de commerce;
Qui sont assez bonnes administratrices pour que beaucoup d’entre elles dissimulent ou réparent les fautes résultant de l’incurie ou des désordres de leurs maris.
Prouvez-nous donc que tout cela est mal;
Prouvez-nous que ce n’est pas le résultat du progrès humain;
Prouvez-nous que le travail, cachet de l’espèce humaine, que le travail que vous considérez comme le grand émancipateur, que le travail qui fait les hommes égaux et libres, n’a pas la vertu de faire les femmes égales et libres. Si vous nous prouvez cela, nous aurons à enregistrer une contradiction de plus.
Vous n’admettez pas que la femme ait le droit de réclamer pour elle une justice spéciale, comme si l’homme était son premier ennemi et tyran.
C’est vous, monsieur, qui faites une justice spéciale pour la femme; elle ne veut, elle, que le droit commun.
Oui, monsieur, jusqu’ici l’homme en subalternisant la femme, a été son tyran, son ennemi. Je suis de votre avis lorsqu’à la page 57 de votre premier mémoire sur la propriété, vous dites que tant que le fort et le faible ne sont pas égaux, ils sont étrangers, ils ne forment point une alliance, ils sont ennemis. Oui, trois fois oui, monsieur, tant que l’homme et la femme ne seront pas égaux, la femme est en droit de considérer l’homme comme son tyran et son ennemi.
«La justice la plus rigoureuse ne peut faire de la femme l’ÉGALE de l’homme!» Et c’est à une femme que vous placez 137 dans votre opinion au dessus d’une foule d’hommes, que vous affirmez une pareille chose! Quelle contradiction!
«C’est un affolement, que les femmes réclamant leur droit!» Affolement semblable à celui des esclaves se prétendant créés pour la liberté; à celui des bourgeois de 89 prouvant que les hommes sont égaux devant la loi. Savez-vous qui était, qui est affolé? Ce sont les maîtres, les nobles, les blancs, les hommes qui ont nié, nient et nieront que les esclaves, les bourgeois, les noirs, les femmes sont nés pour la liberté et l’égalité.
«Le sexe auquel j’appartiens est incapable de se connaître et de se régir,» dites-vous!
Prouvez qu’il est dénué d’intelligence;
Prouvez que les grandes impératrices et les grandes reines n’ont pas gouverné aussi bien que les grands empereurs et les grands rois;
Prouvez contre tous les faits patents que les femmes ne sont pas en général bonnes observatrices et bonnes administratrices;
Puis prouvez encore que tous les hommes se connaissent parfaitement, se régissent admirablement, que le progrès marche comme sur des roulettes.
«La femme n’est ni la moitié, ni l’égale de l’homme, elle est son complément, elle achève de faire de lui une personne; les deux sexes forment l’androgyne humain!» Voyons, sérieusement, monsieur, qu’est-ce que signifie ce cliquetis de mots vides? Ce sont des métaphores indignes de figurer dans le langage scientifique, quand il s’agit de notre espèce et des autres espèces zoologiques supérieures. La lionne, la louve, la tigresse ne sont pas 138 plus des moitiés ni des compléments de leurs mâles que la femme ne l’est de l’homme. Où la nature a mis deux extériorités, deux volontés, elle dit deux unités, deux entiers, non pas un, ni deux demies; l’arithmétique de la nature ne peut être détruite par les fantaisies de l’imagination.
Est-ce sur les qualités individuelles que se fonde l’égalité devant la loi? M. Proudhon nous répond dans la Création de l’ordre dans l’humanité, pages 209 et 210:
«Ni la naissance, ni la figure, ni les facultés, ni la fortune, ni le rang, ni la profession, ni le talent, ni rien de ce qui distingue les individus n’établit entre eux une différence d’espèce: étant tous hommes, et la loi ne réglant que des rapports humains, elle est la même pour tous; en sorte que, pour établir des exceptions, il faudrait prouver que les individus exceptés sont au dessus ou au dessous de l’espèce humaine.»
Prouvez-nous, Monsieur, que les femmes sont au dessus ou au dessous de l’espèce humaine, qu’elles n’en font pas partie, ou bien, sous peine de contradiction, subissez les conséquences de votre doctrine.
Vous dites dans la Révolution sociale, page 57:
«Ni la conscience, ni la raison, ni la liberté, ni le travail, forces pures, facultés premières et créatrices, ne peuvent, sans périr être mécanisées… C’est en elles-mêmes qu’est leur raison d’être; c’est dans leurs œuvres qu’elles doivent trouver leur raison d’agir. En cela consiste la personne humaine, personne sacrée, etc.»
Prouvez, Monsieur, que les femmes n’ont ni conscience, ni raison, ni liberté morale, qu’elles ne travaillent pas. S’il est 139 démontré qu’elles ont les facultés premières et créatrices, respectez leur personne humaine, car elle est sacrée.
Dans la Création de l’ordre dans l’humanité, page 412, vous dites:
«Par la spécification, le travail satisfait au vœu de notre personnalité, qui tend invinciblement à se différencier, à se rendre indépendante, à conquérir sa liberté et son caractère.»
Prouvez donc que les femmes n’ont pas des travaux spécialisés, et si les faits vous démentent, reconnaissez que, fatalement, elles vont à l’indépendance, à la liberté.
Contestez-vous qu’elles soient vos égales parce qu’en masse elles sont moins intelligentes que les hommes? D’abord, je le conteste, mais je n’aurais nul besoin de le contester; c’est vous-même qui allez résoudre cette difficulté à la page 292 de la Création de l’ordre dans l’humanité:
«L’inégalité des capacités, quand elle n’a pas pour cause les vices de constitution, les mutilations ou la misère, résulte de l’ignorance générale, de l’insuffisance des méthodes, de la nullité ou de la fausseté de l’éducation, de la divergence de l’intuition par défaut de série, d’où naissent l’éparpillement et la confusion des idées. Or, tous ces faits producteurs d’inégalité sont essentiellement anormaux, donc l’inégalité des capacités est anormale.»
A moins que vous ne prouviez que les femmes sont mutilées de nature, je ne vois pas trop comment vous pouvez échapper à la conséquence de votre syllogisme: non seulement l’infériorité féminine a les mêmes sources que l’ignorance masculine, mais l’éducation publique leur est refusée, les grandes écoles professionnelles 140 fermées; celles qui, par leur intelligence, égalent les plus intelligents d’entre vous ont eu vingt fois plus de difficultés et de préjugés à vaincre.
Voulez-vous subalterniser les femmes parce qu’en général elles ont moins de force musculaire que vous; mais à ce compte les hommes faibles ne devraient pas être les égaux des autres, et vous combattez cette conséquence vous-même en disant à la page 57 de votre premier mémoire sur la propriété:
«La balance sociale est l’égalisation du fort et du faible.»
Si je vous ai ménagé, M. Proudhon, c’est parce que vous êtes un homme intelligent et progressif, et qu’il est impossible que vous restiez sous l’influence des docteurs du moyen âge sur une question, tandis que vous êtes en avant de la majorité de vos contemporains sur tant d’autres. Vous renoncerez à soutenir une série logique sans fondement, vous rappelant, comme vous l’avez si bien dit à la page 201 de la Création de l’ordre dans l’humanité:
«Que la plupart des aberrations et chimères philosophiques sont venues de ce qu’on attribue aux séries logiques une réalité qu’elles n’ont pas, et que l’on s’est efforcé d’expliquer la nature de l’homme par des abstractions.»
Vous reconnaîtrez que toutes les espèces animales supérieures se composent de deux sexes;
Que dans aucune la femelle n’est l’inférieure du mâle, si ce n’est quelquefois par la force, qui ne peut être la base du droit humain;
Vous renoncerez à l’androgynie, qui n’est qu’un rêve.
La femme, individu distinct, doué de conscience, d’intelligence, 141 de volonté, d’activité, comme l’homme, ne sera plus séparée de lui devant le droit.
Vous direz de toutes et de tous comme à la page 47 de votre premier mémoire sur la propriété: «La liberté est un droit absolu, parce qu’elle est à l’homme comme l’impénétrabilité est à la matière, une condition sine qua non d’existence. L’égalité est un droit absolu, parce que sans l’égalité il n’y a pas de société.»
Et vous monterez ainsi au second degré de la sociabilité, que vous définissez vous-même: «la reconnaissance en autrui d’une personnalité égale à la nôtre.»
J’en appelle donc de M. Proudhon grisé par le théologisme, à M. Proudhon éclairé par les faits et la science, ému par les douleurs et les désordres résultant de sa propre doctrine.
J’espère que je ne rencontrerai pas sa massue d’Hercule levée contre la sainte bannière de la vérité et du droit; contre la femme, cet être si faible physiquement, si fort moralement, qui, sanglante, abreuvée de fiel sous sa couronne de roses, achève de gravir la rude montagne où bientôt le progrès lui donnera sa légitime place à côté de l’homme. Mais si mon espoir était déçu, entendez-le bien, M. Proudhon, vous me trouveriez ferme sur la brèche, et, quelle que soit votre force, je vous jure que vous ne me renverseriez pas. Je défendrais courageusement le droit et la dignité de vos filles contre le despotisme et l’égarement logique de leur père, et la victoire me resterait, car, en définitive, elle est toujours à la vérité.
M. Proudhon répondit à cette mise en demeure par la 142 lettre suivante, imprimée dans la Revue Philosophique de janvier 1857:
«Paris, 20 décembre 1856.
«A madame Jenny d’Héricourt.
«Eh bien! Madame, que vous disais-je dans ma lettre du 8 octobre?
«Je considère l’espèce de croisade que font, en ce moment, quelques estimables dames de l’un et de l’autre hémisphère, en faveur de leur sexe, comme un symptôme de la révolution générale qui s’opère, mais comme un symptôme exagéré, un affolement qui tient précisément à l’infirmité du sexe et à son incapacité de se connaître et de se régir lui-même.
«Je commence par retirer le mot d’affolement, qui a pu vous blesser, mais qui n’était pas, vous le savez, destiné à la publicité.
«Ce point réglé, je vous dirai, Madame, avec tous les égards que je dois à votre qualité de femme, que je ne m’attendais pas à vous voir confirmer si tôt, par votre pétulante interpellation, mon jugement.
«Je ne savais pas d’abord d’où venait le mécontentement féminin qui pousse les plus braves, les plus distinguées d’entre vous, à un assaut contre la suprématie paternelle et maritale. Je me disais, non sans inquiétude: Qu’y a-t-il donc? qu’est-ce qui les trouble? que nous reprochent-elles? A laquelle de nos facultés, de nos vertus, de nos prérogatives, ou bien de nos défaillances, de nos lâchetés, de nos 143 misères, est-ce qu’elles en veulent? Est-ce le cri de leur nature outragée, ou une aberration de leur entendement?
«Votre attaque, jointe aux études que j’ai immédiatement commencées sur la matière, est venue enfin me tirer de peine.
«Non, Madame, vous ne connaissez rien à votre sexe; vous ne savez pas le premier mot de la question que vous et vos honorables ligueuses agitez avec tant de bruit et si peu de succès. Et si vous ne la comprenez point, cette question; si, dans les huit pages de réponse que vous avez faites à ma lettre, il y a quarante paralogismes, cela tient précisément, comme je vous l’ai dit, à votre infirmité sexuelle. J’entends par ce mot, dont l’exactitude n’est peut-être pas irréprochable, la qualité de votre entendement, qui ne vous permet de saisir le rapport des choses, qu’autant que nous, hommes, vous les faisons toucher du doigt. Il y a chez vous, au cerveau comme dans le ventre, certain organe incapable par lui-même de vaincre son inertie native, et que l’esprit mâle est seul capable de faire fonctionner, ce à quoi il ne réussit même pas toujours. Tel est, Madame, le résultat de mes observations directes et positives: je le livre à votre sagacité obstétricale, et vous laisse à en calculer, pour votre thèse, les conséquences incalculables.
«J’engagerai volontiers avec vous, Madame, dans la Revue Philosophique, une discussion à fond sur cette obscure matière. Mais, et ceci vous le comprendrez comme moi, plus la question est vaste, plus elle touche à nos intérêts sociaux et domestiques les plus sacrés, plus aussi elle exige que nous y apportions de gravité et de prudence.
144 «Voici donc ce qu’il me paraît indispensable de faire:
«D’abord, vous nous avez promis un livre, et je l’attends. J’ai besoin de cette pièce qui complétera mes documents et parachèvera ma démonstration. Depuis que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire et que j’ai eu celui de vous répondre, j’ai fait, sur la femme, de très sérieuses et très intéressantes études, que je ne demande qu’à rectifier si elles sont erronées; comme aussi je désire y mettre le sceau, si, comme j’ai tout lieu de le présumer, votre publication ne m’apporte qu’une confirmation de plus.
«J’ai constaté, sur faits et pièces, la vérité de toutes les assertions que vous me sommez de rétracter, à savoir:
«Que la différence de sexe élève entre l’homme et la femme une séparation ANALOGUE—je n’ai pas dit égale—à celle que la différence des races et des espèces met entre les animaux;
«Qu’en raison de cette séparation ou différence, l’homme et la femme ne sont point associés: je n’ai pas dit qu’ils ne pussent être autre chose;
«Que, par conséquent, la femme ne peut être dite citoyenne qu’en tant qu’elle est l’épouse du citoyen, comme on dit madame la présidente à l’épouse du président: ce qui n’implique pas qu’il n’existe point pour elle d’autre rôle.
«En deux mots, je suis en mesure d’établir, par l’observation et le raisonnement, les faits, que la femme, plus faible que l’homme quant à la force musculaire, vous-même le reconnaissez, ne lui est pas moins inférieure quant à LA PUISSANCE INDUSTRIELLE, ARTISTIQUE, PHILOSOPHIQUE ET MORALE; en 145 sorte que si la condition de la femme dans la société doit être réglée, ainsi que vous le réclamez pour elle, par la même justice que la condition de l’homme, c’est fini d’elle: elle est esclave.
«A quoi j’ajoute aussitôt, que c’est précisément le système que je repousse: le principe du droit pur, rigoureux, de ce droit terrible que le Romain comparait à une épée dégainée, jus strictum, et qui régit entre eux les individus d’un même sexe, n’étant pas le même que celui qui gouverne les rapports entre individus de sexes différents.
«Quel est ce principe, différent de la justice, et qui cependant n’existerait pas sans la justice: que tous les hommes sentent au fond de l’âme et dont vous autres femmes ne vous doutez seulement pas? Est ce l’amour? pas davantage… Je vous le laisse à deviner. Et si votre pénétration réussit à débrouiller ce mystère, je consens, Madame, à vous signer un certificat de génie; Et eris mihi magnus Apollo. Mais alors vous m’aurez donné gain de cause.
«Voilà, Madame, en quelques lignes, à quelles conclusions je suis parvenu, et que la lecture de votre livre ne modifiera sûrement pas. Cependant, comme à toute force il est possible que vos observations personnelles vous aient menée à des résultats diamétralement contraires, la bonne foi du débat, le respect de nos lecteurs et de nous-mêmes exigent qu’avant d’entamer la controverse, communication réciproque soit faite entre nous de toutes les pièces recueillies. Vous pourrez prendre connaissance des miennes.
«Une autre condition, que je vous supplie, Madame, de 146 prendre en bonne part, et dont, sous aucun prétexte, je ne saurais me départir, c’est que vous choisirez un parrain.
«Vous ne voulez pas, vous vous êtes à cet égard prononcée énergiquement, que dans une discussion aussi sérieuse votre adversaire fasse le moindre sacrifice à la galanterie; et vous avez raison. Mais moi, Madame, qui suis si loin d’admettre vos prétentions, je ne puis ainsi me donner quittance de ce que prescrit envers les dames la civilité virile et honnête; et comme je me propose, d’ailleurs, de vous faire servir de sujet d’expérience; comme, après avoir fait, pour l’instruction de mes lecteurs, l’autopsie intellectuelle et morale de cinq ou six femmes du plus grand mérite, je compte faire aussi la vôtre, vous concevez qu’il m’est de toute impossibilité d’argumenter sur vous, de vous, avec vous, sans m’exposer à chaque mot à violer toutes les bienséances.
«Je comprends, Madame, qu’une pareille condition vous chagrine: c’est un désavantage de votre position qu’il vous faut courageusement subir. Vous êtes demandeur, et, comme femme, vous vous prétendez tyrannisée. Paraissez donc devant le tribunal de l’incorruptible opinion avec cette chaîne de tyrannie qui vous indigne, et qui, selon moi, n’existe que dans le dérèglement de votre imagination. Vous n’en serez que plus intéressante. Aussi bien vous vous moqueriez de moi, si, tandis que je soutiens la prépotence de l’homme, je commençais, en disputant de pair à compagnon avec vous, par vous accorder l’égalité de la femme! Vous n’avez pas compté, j’imagine, que je tomberais dans cette inconséquence.
«Les champions, du reste, ne vous manqueront pas. Et je 147 n’attends pas moins que ceci de votre courtoisie, madame: celui que vous me choisirez pour antagoniste, qui devra signer et affirmer tous vos articles, assumer la responsabilité de vos dits et contredits, sera digne de vous et de moi; tel, enfin, que je n’aurai pas le droit de me plaindre que vous m’avez jeté un homme de paille.
«Ce qui m’a le plus surpris, depuis que cette hypothèse de l’égalité des sexes, renouvelée des Grecs comme tant d’autres, s’est produite parmi nous, a été de voir qu’elle comptait parmi ses partisans presque autant d’hommes que de femmes. J’ai longtemps cherché la raison de cette bizarrerie, que j’attribuais d’abord au zèle chevaleresque: je crois, aujourd’hui, l’avoir trouvée. Elle n’est pas à l’avantage des chevaliers. Je serais heureux, Madame, pour eux et pour vous, qu’il ressortît de cet examen solennel que les nouveaux émancipateurs de la femme sont les génies les plus hauts, les plus larges, les plus progressifs, sinon, les plus mâles, du siècle.
«Vous dites, Madame, que les femmes ont un faible pour les batailleurs. C’est sans doute à cause de cela que vous m’avez fouaillé d’importance: Qui aime bien châtie bien.—J’avais trois ans et demi quand ma mère, pour se débarrasser de moi, m’envoya chez la maîtresse d’école du quartier, une excellente fille, qu’on appelait la Madelon. Un jour, pour quelque sottise, la Madelon me menaça de me donner le fouet. A ce mot, j’entrai en fureur, je lui arrachai son martinet et le lui jetai à la figure. J’ai toujours été un sujet désobéissant. J’aimerais autant, madame, ne pas vous voir prendre vis-à-vis de moi ces airs de fouette-coco, qui ne vont plus à un homme sur le 148 retour; mais je laisse cela à votre discrétion. Frappez, redoublez, ne me ménagez pas; et s’il m’arrivait de regimber contre la férule, croyez, Madame, que je n’en suis pas moins votre affectionné serviteur et compatriote.
«P. J. PROUDHON.»
A mon tour, reprenant la parole dans le numéro de février de la même année, je répondis à M. Proudhon:
Il m’est interdit, monsieur, de répondre à votre lettre sur le ton peu convenable que vous avez cru pouvoir prendre envers moi:
Par respect pour la gravité de mon sujet;
Par respect pour nos lecteurs;
Par respect pour moi-même.
Vous vous trouvez mal à l’aise dans le cercle de Popilius qu’a tracé autour de vous la main d’une femme; tout le monde le comprend, moi comme les autres. Mal armé pour la défense, plus mal armé peut-être pour l’attaque, vous voudriez bien échapper, et je le conçois de reste; votre habileté de tacticien est en pure perte: vous ne sortirez du cercle fatal que vaincu, soit par moi, soit par vous, si vous avouez votre faiblesse sur le point en litige, en continuant de refuser une discussion sous des prétextes dérisoires; soit enfin par l’opinion publique, qui vous octroiera votre certificat d’inconséquence, le moins désirable de tous pour un dialecticien.
Ceci bien entendu, je dois vous dire que je suis personnellement satisfaite que vous attaquiez, dans le droit des femmes, la 149 cause de la justice et du progrès. C’est pour cette cause un gage de succès: vous avez toujours été fatal à tout ce que vous avez voulu soutenir.
Il est vrai que votre attitude dans cette question fait de vous l’allié du dogmatisme moyen âge; il est vrai que les représentants officiels de ce dogmatisme s’emparent, à l’heure qu’il est, de vos arguments et de votre nom pour maintenir leur influence sur les femmes, et, par elles, sur les hommes et sur les enfants, et cela pour restaurer le passé, étouffer l’avenir. Est-ce votre intention? Je ne le crois pas. A mes yeux, vous êtes un démolisseur, un destructeur, chez lequel l’instinct emporte parfois l’intelligence et à qui il dérobe la vue nette des conséquences de ses écrits: nature de lutte, il vous faut des adversaires; et, faute d’ennemis, vous frappez cruellement sur ceux qui combattent dans les mêmes rangs que vous. Dans tous vos écrits on sent que la seconde éducation, celle que donnent le respect et l’amour de la femme, vous a complétement manqué.
Venons à votre lettre.
Vous me reprochez d’avoir fait quarante paralogismes: il fallait au moins en citer un. Cependant voyons.
Vous dites: entre l’homme et la femme il y a une séparation de même nature que celle que la différence de race met entre les animaux.
La femme, par nature et par destination, n’est ni associée, ni citoyenne, ni fonctionnaire.
Elle n’est, jusqu’à son mariage, qu’apprentie dans l’atelier social, tout au plus sous-maîtresse; elle est mineure dans la famille et ne fait point partie de la cité.
150 Vous ne concevez pas pour elle de destinée hors du ménage: elle ne peut être que ménagère ou courtisane.
Elle est incapable de se connaître et de se régir.
Faire un paralogisme, c’est être à côté de la question; or, étais-je à côté de la question en vous disant:
Pour que tous ces paradoxes deviennent vérités, vous avez à prouver:
Que l’homme et la femme ne sont pas de la même race;
Qu’ils peuvent se reproduire séparément;
Que leur produit commun est un métis ou un mulet;
Que la différence de races correspond à la différence de droits.
Vous avez à nous dire ce que c’est qu’une association, ce que c’est qu’une nature citoyenne ou fonctionnaire.
Vous avez à prouver que la femme est moins utile que l’homme dans la société;
Qu’à l’heure qu’il est, elle est nécessairement ménagère quand elle n’est pas courtisane;
Qu’elle est dénuée d’intelligence, qu’elle ne sait rien régir.
Vous prétendez que la femme n’a pas le droit de demander pour elle une justice spéciale.
Quel paralogisme ai-je commis, en vous faisant remarquer que ce n’est pas elle mais vous qui la demandez, puisque vous posez en principe l’inégalité des sexes devant le droit humain?
Tout ce que vous dites relativement à la prétendue infériorité de la femme et les conséquences que vous en tirez s’appliquant aux races humaines inférieures à la nôtre, il me serait bien facile de démontrer que les conséquences de vos principes sont le rétablissement de l’esclavage. Le plus parfait a le droit d’exploiter à 151 son profit le plus faible, au lieu d’être son éducateur… Admirable doctrine, Monsieur, pleine d’intelligence du progrès, pleine de générosité! Je vous en fais mon très sincère compliment.
Vous dites que le travail spécialisé est le grand émancipateur de l’individualité humaine; que le travail, la conscience, la liberté, la raison ne trouvent qu’en eux leur raison d’être et d’agir; que ces forces pures constituent la personne humaine qui est sacrée.
Vous posez en principe que la loi est la même pour tous; en sorte que, pour établir des exceptions, il faudrait prouver que les individus exceptés sont au dessus ou au dessous de l’espèce humaine.
Vous dites que la balance sociale est l’égalisation du fort et du faible; que tous ont les mêmes droits, non par ce qui les différencie, mais par ce qui leur est commun, la qualité d’êtres humains.
Ai-je fait des paralogismes en vous disant:
Alors vous ne pouvez, en raison de sa faiblesse et même d’une infériorité supposée, exclure la femme de l’égalité de droit: vos principes vous l’interdisent, à moins que vous ne prouviez:
Qu’elle est au dessus ou au dessous de l’espèce humaine, qu’elle n’en fait pas partie;
Qu’elle est dépourvue de conscience, de justice, de raison; qu’elle ne travaille pas, qu’elle n’exécute pas des travaux spécialisés.
Il est évident, Monsieur, que votre doctrine sur le droit général 152 est en contradiction avec votre doctrine sur le droit de la femme; il est évident que vous êtes très inconséquent et que, quelque habile que vous soyez, vous ne pouvez sortir de cet embarras.
Dans ce que vous appelez une réponse, il y a quelques passages qui valent la peine qu’on s’y arrête.
Vous vous demandez ce qui pousse les plus braves, les plus distinguées d’entre nous à un assaut contre la suprématie paternelle et maritale.
Vous ne comprenez pas le mouvement, car vous auriez dit la suprématie masculine.
A mon tour je vous demande:
Qu’est-ce qui aurait poussé M. Proudhon, esclave romain, à prendre le rôle de Spartacus?
Qu’est-ce qui aurait poussé M. Proudhon, serf féodal, à organiser une Jacquerie?
Qu’est-ce qui aurait poussé M. Proudhon, esclave noir, à devenir un Toussaint-Louverture?
Qu’est-ce qui aurait poussé M. Proudhon, serf russe, à prendre le rôle de Poutgachef?
Qu’est-ce qui aurait poussé M. Proudhon, bourgeois de 89, à renverser les priviléges de la noblesse et du clergé?
Qu’est-ce qui pousse M. Proudhon… mais je ne veux pas faire d’actualité.
Qu’aurait répondu M. Proudhon à tous les possesseurs de prérogatives, de suprématie, qui ne manquaient pas de s’adresser, eux aussi, cette naïve demande: Ah ça! que nous veut donc ce vil esclave, cet indigne serf, cet audacieux et stupide bourgeois? 153 A laquelle de nos facultés, de nos vertus, de nos prérogatives en veut-il? Est-ce le cri de sa nature outragée ou une aberration de son entendement?
La réponse que se fera M. Proudhon est celle que lui feront toutes les femmes majeures.
Il y a dans le cerveau de la femme, dites-vous, un organe que l’esprit mâle est seul capable de faire fonctionner. Rendez donc à la science le service de le lui indiquer et de démontrer son mode de fonctionnement. Quant à l’autre organe dont vous parlez, c’est sans doute son inertie qui l’a fait définir par quelques-uns: parvum animal furibondum, octo ligamentis alligatum. Avant de choisir pour preuves de vos assertions des faits anatomiques et physiologiques, consultez un médecin instruit: voilà ce que vous conseille non seulement ma sagacité obstétricale, mais aussi ma sagacité médicale.
Vous m’offrez de me communiquer vos observations directes et positives. Quoi! Monsieur, en quelques semaines il vous a été possible de fouiller dans les profondeurs de l’organisation saine et malade! de parcourir tout le dédale des fonctions engagées dans la question! C’est plus qu’une merveille: malgré toute ma bonne volonté, je ne puis y croire, à moins que vous ne prouviez que vous êtes un révélateur en communication avec un Dieu quelconque. Voulez-vous que je vous dise toute ma pensée? C’est que vous n’avez étudié les choses ni directement ni indirectement, et que c’est à moi qu’il appartient de vous dire que vous ne connaissez pas la femme; que vous ne savez pas le premier mot de la question. Vos cinq ou six autopsies, purement intellectuelles et morales, ne prouvent qu’une chose: votre inexpérience en 154 physiologie. Vous avez pris naïvement le scalpel de votre imagination pour celui de la science.
A propos d’autopsie, vous me dites que vous attendez l’ouvrage que j’ai promis, pour faire la mienne. Il serait sans doute fort honorable pour moi d’être étendue sur votre table de dissection, en aussi bonne compagnie que celle que vous me promettez, mais l’instruction de mes futurs lecteurs ne me permet pas de goûter cette satisfaction. Je ne mettrai sous presse que quand votre propre ouvrage aura paru, car, moi aussi, je me propose de faire votre autopsie: disséquez-moi donc maintenant; je vous promets de mon côté que je m’en acquitterai consciencieusement, proprement et délicatement.
«La femme, dites-vous, plus faible que l’homme quant à la force musculaire, ne lui est pas moins inférieure quant à la PUISSANCE INDUSTRIELLE, ARTISTIQUE, PHILOSOPHIQUE ET MORALE; en sorte que, si la condition de la femme dans la société doit être réglée, ainsi que je le réclame pour elle, par la même justice que la condition de l’homme, c’est fini d’elle: elle est esclave.»
Homme terrible, vous serez donc toujours inconséquent, toujours en contradiction avec vous-même et avec les faits!
Quelle est la base du droit pour vous? La simple qualité d’être humain: tout ce qui distingue les individus disparaît devant le droit. Eh bien! lors même qu’il serait vrai que les femmes fussent inférieures aux hommes, s’ensuivrait-il que leurs droits ne fussent pas les mêmes? D’après vous, pas le moins du monde si elles font partie de l’espèce humaine. Il n’y a pas deux justices, il n’y en a qu’une; il n’y pas deux droits, il n’y en a qu’un, dans 155 le sens absolu. La reconnaissance et le respect de l’autonomie individuelle dans le plus infime des êtres humains, aussi bien que dans l’homme et la femme de génie, telle est la loi qui doit présider aux relations sociales; faut-il que ce soit une femme qui vous le dise!
Voyons maintenant ce que vaut votre série homme et femme.
Quant à la reproduction de l’espèce, ils forment série; ceci est hors de conteste.
Quant au reste, forment-ils série? Non.
Si c’était une loi que la femme fût musculairement plus faible que l’homme, la plus forte des femmes serait plus faible que l’homme le moins fort: or, les faits démontrent journellement le contraire.
Si c’était une loi que les femmes fussent inférieures aux hommes en puissance industrielle, la plus puissante des femmes en industrie serait inférieure à l’homme le moins fort: or les faits démontrent journellement qu’il y a des femmes très bonnes industrielles, très bonnes administratrices; des hommes très ineptes et inaptes dans ce mode d’activité.
Si c’était une loi que les femmes fussent inférieures aux hommes en puissance artistique, la meilleure artiste serait inférieure au moindre des artistes mâles: or les faits nous démontrent journellement le contraire; il y a plus de grandes tragédiennes que de grands tragédiens, beaucoup d’hommes sont des mazettes en musique et en peinture, beaucoup de femmes sont, au contraire, remarquables sous ces deux rapports, etc., etc.
Que résulte-t-il de tout cela? Que votre série est fausse, puisque les faits la détruisent. Comment l’avez-vous formée? 156 Voilà ce qu’il est curieux d’étudier. Vous avez choisi quelques hommes remarquables; et, par un procédé d’abstraction commode, vous avez vu en eux tous les hommes, même les crétins; vous avez ensuite pris quelques femmes, sans tenir compte le moins du monde des différences de culture, d’instruction, de milieu, et vous les avez comparées aux hommes éminents, avec le soin d’oublier celles qui vous auraient gêné; puis, concluant du particulier au général, créant deux entités, vous avez conclu. Singulière manière de raisonner, en vérité. Vous êtes tombé dans la manie d’imposer des règles à la nature au lieu d’étudier les siennes, et vous avez mérité que je vous appliquasse vos propres paroles: «La plupart des aberrations et chimères philosophiques sont venues de ce qu’on attribue aux séries logiques une réalité qu’elles n’ont pas; et l’on s’est efforcé d’expliquer la nature de l’homme par des abstractions.»
Et encore si c’était au profit de vos doctrines sur les bases du droit, cela pourrait se comprendre; mais c’est pour les renverser!
Vous vous transformez en sphynx pour me proposer une énigme. Quel est le droit, dites-vous, qui n’est pas la justice, et qui cependant n’existerait pas sans elle, qui préside aux relations des deux sexes, le jus strictum ne régissant que les individus du même sexe? Si vous le devinez, vous m’aurez donné gain de cause.
Il n’est pas nécessaire d’être le grand Apollon pour deviner que c’est le droit de grâce, de miséricorde, envers un inférieur qui n’est pas armé du droit strict.
Si j’ai bien deviné, vous avez tout simplement fait une pétition 157 de principe en supposant résolu précisément ce que je conteste.—Je soutiens qu’il n’y a qu’un droit, qu’un seul droit préside aux relations des individus et des sexes, et que le droit de miséricorde est du domaine du sentiment.
Vous désirez qu’il soit prouvé que les nouveaux émancipateurs de la femme sont les génies les plus hauts, les plus larges et les plus progressifs du siècle. Réjouissez-vous, Monsieur, votre souhait est accompli: une simple comparaison entre eux et leurs adversaires vous le prouvera.
Les émancipateurs, prenant la femme au berceau de l’humanité, la voient lentement marcher vers l’émancipation civile. Intelligents disciples du progrès, ils veulent, en lui tendant une main fraternelle, l’aider à remplir sa destinée.
Les non-émancipateurs, niant la loi historique, méconnaissant le mouvement progressif et parallèle du prolétariat, de la femme et de l’industrie vers l’affranchissement, veulent repousser la femme bien au delà du moyen âge, jusqu’à Romulus et aux patriarches bibliques.
Les émancipateurs, croyant à l’autonomie individuelle, la respectant, et reconnaissant que la femme en a une, veulent l’aider à la conquérir. Jugeant du besoin qu’un être libre a de la liberté, par le besoin qu’ils en ont eux-mêmes, ils sont conséquents.
Les non-émancipateurs, aveuglés par l’orgueil, pervertis par un amour aussi effréné qu’inintelligent de domination, ne veulent la liberté que pour eux. Ces égoïstes, si ombrageux contre ce qui menace la leur, veulent que la moitié de l’espèce humaine soit dans leurs fers.
158 Les émancipateurs ont assez de cœur et d’idéal pour désirer une compagne avec laquelle ils puissent faire échange de sentiments et de pensées; qui puisse les améliorer sous quelques rapports, et être améliorée par eux sous d’autres: ils aiment et respectent la femme.
Les non-émancipateurs, sans idéal, sans amour, asservis à leurs sens, à leur orgueil, méprisent la femme; ne veulent avoir en elle qu’une femelle, une servante, une machine à produire des petits. Ce sont des mâles, ce ne sont pas encore des hommes.
Les émancipateurs veulent le perfectionnement de l’espèce humaine sous le triple point de vue physique, intellectuel et moral: ils savent qu’on n’améliore pas les races sans choisir et rendre les mères plus parfaites.
Les non-émancipateurs ont bien autre chose en tête, ma foi, que l’amélioration de l’espèce: que leurs enfants soient inintelligents, méchants, laids, difformes; ils songent bien moins à cela qu’à être les maîtres. Sont-ils assez physiologistes pour avoir seulement songé que les facultés dépendent de l’organisation, que l’organisation est modifiable, que les modifications se transmettent, que la femme a une immense part dans cette transmission, une part peut-être plus grande que l’homme? Qu’il est donc essentiel de la mettre en état de remplir cette grande fonction de la manière la plus utile à l’humanité.
Les émancipateurs veulent que l’humanité marche en avant, qu’elle n’oscille plus entre le passé et l’avenir; ils savent quelle est l’influence des femmes d’abord sur les enfants, puis sur les hommes; ils savent que la femme ne peut servir le progrès que si elle y trouve son compte; qu’elle ne l’y trouvera que par la 159 liberté; qu’elle ne l’aimera que si son intelligence s’élève par l’étude, que si son cœur se purifie des petits égoïsmes de famille par l’amour prédominant de la grande famille humaine. Comme ils veulent sincèrement le but, ils veulent sincèrement les moyens: tant que la moitié du genre humain travaillera comme elle le fait à détruire l’édifice construit par quelques membres de l’autre moitié; tant qu’une moitié du genre humain, celle qui gouverne occultement l’autre, aura la face tournée vers le passé, les jalons qui indiquent l’avenir seront menacés d’être arrachés. Faites-vous un crime aux émancipateurs de le comprendre, de vouloir conjurer le péril, et faites-vous une vertu aux non-émancipateurs du sot orgueil qui leur met une cataracte sur les yeux?
Encore quelques mots et j’aurai fini. Vous aimeriez autant, me dites-vous, que je ne prisse point avec vous des airs de Fouette-Coco. Je le crois sans peine. Mais, avez-vous bien le droit de vous en plaindre, vous qui vous êtes constitué le Père-Fouetteur des économistes et des socialistes? Je n’irai jamais envers vous jusqu’où vous êtes allé envers eux. Il faut que vous preniez votre parti de ma forme brusque, quelquefois dure. Je suis implacable à l’égard de ce qui me paraît faux et injuste; et, fussiez-vous mon frère, je ne vous combattrais par moins âprement: avant tout lien de cœur et de famille, doivent passer l’amour de la justice et celui de l’humanité.
Je dois maintenant à mes lecteurs et à vous, Monsieur, l’exposé de la thèse que j’entreprends de soutenir: car le mot Émancipation des femmes a été et est encore bien diversement interprété.
160 Devant le droit, l’homme et la femme sont égaux, soit qu’on admette l’égalité de facultés, soit qu’on la repousse.
Mais pour qu’une vérité soit utile, il faut qu’elle convienne au milieu dans lequel on veut l’introduire.
Le droit absolu étant reconnu, reste la pratique. Dans la pratique, je vois deux sortes de droits: la femme est mûre pour l’exercice de l’un d’eux; mais je reconnais que la pratique du second serait dangereuse actuellement par suite de l’éducation que la plupart d’entr’elles ont reçue. Vous me comprenez sans qu’il soit nécessaire que je m’explique plus clairement dans une Revue qui doit s’interdire les matières sociales et politiques.
Recevez, Monsieur, l’assurance de ma parfaite considération.
Les directeurs de la Revue m’ayant prévenue que mon adversaire refusait de continuer la polémique, je résumai ainsi son Credo sur les droits et la nature de la femme dans la Revue de mars 1857:
A MM. les directeurs de la Revue philosophique et religieuse.
Messieurs,
Vous me prévenez que M. Proudhon ne veut pas répondre aux questions que je lui ai posées; je n’ai ni les moyens ni la volonté de l’y contraindre. Je ne rechercherai pas les motifs de sa détermination; je n’ai pour le moment qu’à enregistrer son Credo, qui peut se résumer ainsi:
«Je crois qu’entre l’homme et la femme il y a une séparation de 161 même nature que celle que la différence de race met entre les animaux;
«Je crois que, par nature et par destination, la femme n’est ni associée, ni fonctionnaire, ni citoyenne;
«Je crois que, dans l’atelier social, elle n’est, jusqu’à son mariage, qu’apprentie, tout au plus sous-maîtresse;
«Je crois qu’elle est mineure dans la famille, l’art, la science, l’industrie, la philosophie, et qu’elle n’est RIEN dans la cité;
«Je crois qu’elle ne peut être que ménagère ou courtisane;
«Je crois qu’elle est incapable de se connaître et de se régir;
«Je crois fermement que la base de l’égalité des droits est dans la simple qualité d’être humain; or, la femme ne pouvant avoir des droits égaux à ceux de l’homme, j’affirme qu’elle n’appartient pas à l’espèce humaine.»
M. Proudhon sent-il combien son Credo est en opposition avec la science, avec les faits, avec la loi du progrès, avec les tendances de notre siècle, et n’ose-t-il tenter de le justifier par des preuves?
Sent-il que ce Credo le classe parmi les fauteurs du dogmatisme du moyen âge, et recule-t-il devant une telle responsabilité?
S’il en était ainsi, je le louerais de son prudent silence, et mon plus vif désir serait qu’il le gardât toujours sur la question qui nous divise. Pour traiter un sujet il faut l’aimer et le comprendre; je n’oserais dire que M. Proudhon n’aime pas la femme, mais ce que j’affirme, c’est qu’il ne la comprend pas: il ne voit en elle que la femelle de l’homme; son organisation particulière paraît le rendre impropre à l’examen d’un tel sujet. M. Proudhon, dans l’ouvrage qu’il prépare, promet de traiter la question du rôle et 162 des droits de la femme; si sa doctrine a pour base les affirmations paradoxales de son Credo, j’espère qu’il prendra, cette fois, la peine de les appuyer au moins sur des semblants de preuves que j’examinerai avec toute l’attention dont je suis capable. M. Proudhon, reculant devant la discussion, ne peut échapper à ma critique.
Agréez, Messieurs, etc.
Les deux Études de M. Proudhon ne sont que le développement de ce Credo.
J’ai promis de disséquer l’auteur, ainsi vais-je faire.
Qu’on ne me reproche pas d’être impitoyable; M. Proudhon l’a mérité;
Qu’on ne me reproche pas d’être une machine à raisonnement; avec un tel adversaire, on ne doit être que cela.
Qu’on ne me reproche pas d’être brutale; M. Proudhon s’est montré à l’égard des femmes, même des plus illustres, d’une brutalité et d’une injustice qui dépassent toutes les bornes. Si je suis brutale, je m’efforcerai, moi, de ne pas être injuste.
Pour la commodité des lecteurs et la plus facile compréhension de mon exposition et de ma critique, je diviserai ce travail en plusieurs paragraphes.
I
Eh bien! Monsieur Proudhon, vous avez voulu la guerre avec les femmes!… Guerre vous aurez.
Vous avez écrit, non sans raison, que les Comtois sont une race 163 têtue: or je suis votre compatriote; et comme la femme pousse généralement plus loin que l’homme les qualités et les défauts, je vous dis: à têtu, têtue et demie.
J’ai levé le drapeau sous lequel s’abriteront un jour vos filles, si elles sont dignes du nom qu’elles portent; je le tiendrai d’une main ferme, et ne le laisserai jamais abattre; contre vos pareils, j’ai un cœur et des griffes de lionne.
Vous débutez par dire que vous ne vouliez point traiter de l’égalité des sexes, mais qu’une demi douzaine d’insurgées, aux doigts tachés d’encre, vous ayant mis un défi d’oser tirer la question au clair, vous établirez sur faits et pièces l‘infériorité Physique, Intellectuelle et Morale de la femme; que vous prouverez que son émancipation est la même chose que sa prostitution; et prendrez en main sa défense contre les divagations de quelques impures que le péché a rendues folles (3e volume, p. 337).
Moi seule, vous enfermant dans un cercle de contradictions, ai osé vous défier de tirer la question au clair: je résume donc en moi les quelques impures que le péché a rendues folles.
De semblables outrages ne peuvent m’atteindre, Monsieur; l’estime, la considération, l’amitié précieuse d’hommes et de femmes éminemment recommandables, suffisent à réduire à néant d’indignes insinuations. Aussi ne les relèverais-je pas, tant elles m’inspirent de dédain, si je n’avais à vous dire que le temps est passé où l’on pouvait espérer étouffer la voix d’une femme en attaquant sa pureté.
Si, à l’homme qui réclame ses droits et veut en prouver la légitimité, vous ne demandez pas s’il est probe, chaste, etc.; à 164 la femme qui fait la même revendication, vous n’avez pas à le demander davantage.
J’aurais donc le malheur d’être ce qu’il y a de pire au monde sous le rapport de la chasteté, que cela n’amoindrirait nullement la valeur de ma revendication.
Je répugne à toute justification; mais je dois à la sainte cause que je défends, je dois à mes amis de vous dire que l’éducation morale que m’a donnée ma sainte et regrettable mère, des études scientifiques et philosophiques sérieuses, des occupations continuelles m’ont maintenue dans ce qu’on appelle vulgairement la bonne voie, et ont affermi l’horreur que j’éprouve pour toute tyrannie, qu’elle s’appelle homme ou tempérament.
Vous accusez votre biographe d’avoir commis une indignité en dirigeant une insinuation contre une femme, parce que cette femme est la vôtre; quelle indignité ne commettez-vous pas vous-même en en outrageant plusieurs?
Et si vous blâmez ceux qui calomnient les mœurs de M. Proudhon, parce qu’il n’est pas de leur avis, de quel œil croyez-vous qu’on regarde vos insinuations calomnieuses contre des femmes parce qu’elles ne pensent pas comme vous?
Vous prétendez que nous n’avons plus de mœurs, parce que nous manquons de respect à la dignité d’autrui: qui donc plus que vous, Monsieur, a donné ce détestable exemple? Vous qui vous dites champion des principes de 89, quels hommes et quelles femmes attaquez-vous?
Ceux et celles qui sont à différents degrés, à divers points de vue dans le courant de ces principes.
Votre colère n’a point de bornes contre G. Sand, notre grand 165 prosateur, l’auteur des bulletins de la république de 48. Vous dépréciez Mme de Staël, que vous n’avez pas lue, et qui était plus avancée que la plupart des écrivains mâles de son époque.
Deux échafauds se dressent, deux femmes y montent: Mme Roland et Marie-Antoinette. Ce n’est pas moi, femme, qui jetterai l’insulte à la reine décapitée, mourant avec dignité, avec courage; non, devant le billot je m’incline et j’essuie mes larmes, quelle que soit la tête qui vienne s’y poser. Mais enfin Marie-Antoinette mourait victime des fautes que lui avait fait commettre son éducation princière contre les principes nouveaux, tandis que Mme Roland, la chaste et noble femme, mourait pour la révolution et mourait en la bénissant.
D’où vient que vous saluez la reine de vos sympathies et que vous n’avez, pour la révolutionnaire, que des paroles de blâme et de dédain?
Et les hommes qui appartiennent au grand parti de l’avenir, comment les traitez-vous?
Les Girondins, femmelins;
Robespierre et ses adhérents, castrats;
Le doux Bernardin de Saint-Pierre, femmelin;
M. Legouvé et ceux qui pensent comme lui sur l’émancipation des femmes, femmelins;
M. de Girardin, absurde;
Béranger, pitoyable auteur et femmelin;
Jean-Jacques, non seulement le prince des femmelins, mais le plus grand ennemi du peuple et de la révolution, lui qui est évidemment le principal auteur de notre révolution française.
166 N’est-il pas permis de vous demander, Monsieur, si vous êtes pour ou contre la révolution.
M. Proudhon, vous avez perdu vos droits à tout ménagement, puisque vous ne ménagez pas ceux qui ne vous ont ni offensé, ni provoqué, ceux qui n’ont point prétendu vous asservir: les hommes ont manqué de courage; ils auraient dû vous arrêter lorsque vous vous engagiez sur la pente des personnalités blessantes; ce qu’ils n’ont pas fait, je le fais, moi femme, qui ne crains ni rien ni personne que ma conscience.
M. Proudhon, le plus grand ennemi du peuple, est l’écrivain qui, foulant aux pieds la raison et la conscience, la science et les faits, appelle à son aide toutes les ignorances, tous les despotismes du passé pour égarer l’esprit du peuple sur les droits de la moitié de l’espèce humaine.
M. Proudhon, le plus grand ennemi de la révolution, est celui qui la montre aux femmes comme un épouvantail; qui les détache de sa sainte cause en la confondant avec la négation de leurs droits; qui attaque et vilipende les gens de progrès; qui ose enfin, au nom des principes d’émancipation générale, proclamer l’annihilation sociale et la servitude conjugale de toute une moitié de l’humanité.
Voilà, Monsieur, l’ennemi du peuple et de la révolution.
PROUDHON.
The tenth and eleventh studies of the last work of M. Proudhon, “Justice in the Revolution and in the Church,” comprise the author’s whole doctrine concerning Woman, Love, and Marriage.
Before analyzing it and criticising its chief points, I must acquaint my readers with the polemical commencement which appears to have given rise to the publication of the strange doctrines of our great critic. In the Revue Philosophique of December, 1856, the following article by me was published under the title, Proudhon and the Woman Question:—
“Women have a weakness for soldiers, it is said. It is true, but they should not be reproached for it; they love even the show of courage, which is a glorious and holy thing. I am a woman, Proudhon is a great soldier of thought. I cannot therefore prevent myself from regarding him with esteem and sympathy; sentiments to which he will owe the moderation of my attack on his opinions concerning the rôle of woman in humanity. In his first “Memoir on Property,” note on page 265, edition of 1841, we read the following paradox in the style of the Koran:
34 “Between man and woman may exist love, passion, the bond of habit, whatever you like; there is not true society. Man and woman are not companions. The difference of sex gives rise between them to a separation of the same nature as that which the difference of races places between animals. Thus, far from applauding what is now called the emancipation of woman, I should be much more inclined, were it necessary to go to this extremity, to put woman in seclusion.”
In the third “Memoir on Property,” we read:
“This signifies that woman, by nature and by destination, is neither associate, nor citizen, nor public functionary.”
I open the “Creation of Order in Humanity,” and read there:
“It is in treating of education that we must determine the part of woman in society. Woman, until she becomes a wife, is apprentice, at most under-superintendent, in the work-shop, as in the family, she remains a minor, and does not form a part of the commonwealth. Woman is not, as is commonly affirmed, the half nor the equal of man, but the living and sympathetic complement that is lacking to make him an individual.”
In the “Economical Contradictions,” we read:
“For my part, the more I reflect on the destiny of woman outside of the family and the household, the less I can account for it: courtesan or housewife, (housewife, I say, not servant,) I see no medium.”
I had always laughed at these paradoxes; they had no more doctrinal value in my eyes than the thousand other freaks so common to this celebrated critic. A short time since, an obscure journal pretended that Proudhon, in private conversations, had drawn up a 35 formula of an entire system based on masculine omnipotence, and published this system in its columns. One of two things is certain, said I to myself; either the journalist speaks falsely, or he tells the truth; if he speaks falsely, his evident aim is to destroy Proudhon in the confidence of the friends of progress, and to make him lose his lawful share of influence, in which case, he must be warned of it; if he tells the truth, Proudhon must still be warned of the fact, since it is impossible that, being the father of several daughters, paternal feeling should not have set him on the road to reason. At all events, I must know about it. I wrote to Proudhon, who, the next day, returned me an answer which I transcribe verbatim:
“MADAM:
“I know nothing of the article published by M. Charles Robin in the Telegraphe of yesterday. In order to inform myself with regard to this paraphrase, as you entitle the article of M. Robin, I examined my first “Memoir on Property,” page 265, Garnier edition, (I have no other,) and found no note there. I examined the same page in my other pamphlet, and discovered no note anywhere. It is therefore impossible for me to reply to your first question.
“I do not exactly know what you call my opinions on woman, marriage and the family; for I believe I have given no one a right to speak of my opinions on these subjects, any more than on that of property.
“I have written economical and social criticisms; in making these criticisms (I take the word in its highest signification), I may have indeed expressed judgments to a greater or less degree relative, concerning a truth. 36 I have no where that I know of, framed a dogma, a theory, a collection of principles; in a word, a system. All that I can tell you is, in the first place, as far as concerns myself, that my opinions have been formed progressively and in an unvarying direction; that, at the time at which I write, I have not deviated from this direction; and that, with this reserve, my existing opinions accord perfectly with what they were seventeen years ago when I published my first memoirs.
“In the second place, with regard to you, Madam, who, in interrogating me do not leave me in ignorance of your sentiments, I will tell you with all the frankness which your letter exacts, and which you expect from a compatriot, that I do not regard the question of marriage, of woman, and of the family in the same light as yourself, or any of the innovating authors whose ideas have come to my knowledge; that I do not admit, for instance, that woman has the right at the present time to separate her cause from that of man, and to demand for herself special legislation, as though her chief tyrant and enemy were man; that further, I do not admit that, whatever reparation may be due to woman, of joint thirds with her husband (or father) and her children, the most rigorous justice can ever make her the EQUAL of man; that neither do I admit that this inferiority of the female sex constitutes for it either servitude, or humiliation, or a diminution of dignity, liberty, or happiness. I maintain that the contrary is true.
“I consider, therefore, the sort of crusade that is being carried on at this time by a few estimable ladies in both hemispheres in behalf of the prerogatives of their sex, as a symptom of the general renovation that is being 37 wrought; but nevertheless, as an exaggerated symptom, an infatuation that proceeds precisely from the infirmity of the sex and its incapacity to understand and to govern itself.
“I have read, Madam, a few of your articles. I find that your wit, capacity and knowledge place you certainly above an infinity of males who have nothing of their sex but the proletary faculty. In this respect, were it necessary to decide on your thesis by comparisons of this kind, you would doubtless gain the cause.
“But you have too much good sense not to comprehend that the question here is by no means to compare individual with individual, but the whole feminine sex in its aggregate with the whole masculine sex, in order to know whether these two halves, the complements of each other, are or are not equals in the human androgynus.
“In accordance with this principle, I do not believe that your system, which is, I think, that of equality or equivalence, can be sustained, and I regard it as a weakness of our epoch.
“You have interrogated me, Madam, with Franche-Comtois abruptness. I wish you to take my words in good part, and, since I doubtless do not agree at all with you, not to see in me an enemy of woman, a detractor of your sex, worthy of the animadversions of maidens, wives and mothers. The rules of fair discussion oblige you to admit at least that you may be deceived, that I may be right, that in such case it is I who am truly the defender and friend of woman; I ask nothing more.
“You and your companions have raised a very great question, which I think that you have hitherto treated quite superficially. But the indifferent manner in which 38 this subject has been treated should not be considered as conclusive reason for not receiving it; on the contrary, I regard it as another reason for the advocates of the equality of the two sexes to make greater efforts. In this respect, Madam, I doubt not that you will signalize yourself anew, and await with impatience the volume that you announce, which I promise to read with all the attention of which I am capable.”
On reading this letter, I transcribed the note which M. Proudhon had not succeeded in finding, and sent it to him, with the article of M. Charles Robin. As he did not reply, his silence authorizes me to believe the journalist.
Ah! you persist in maintaining that woman is inferior, minor! you believe that women will bow devoutly before the high decree of your autocracy! No, no; it will not, it cannot be so. To battle, M. Proudhon! But let us first dispose of the question of my personality.
You consider me as an exception, by telling me that, if it were necessary to decide on my thesis by comparison between a host of men and myself, the decision would be, doubtless, in favor of my opinions. Mark my reply:
“Every true law is absolute. The ignorance or folly of grammarians, moralists, jurisconsults, and other philosophers, alone invented the proverb: There is no rule without an exception. The mania of imposing laws on Nature, instead of studying Nature’s own laws, afterwards confirmed this aphorism of ignorance.” Who said this? You, in the “Creation of Order in Humanity.” Why is your letter in contradiction with this doctrine?
Have you changed your opinion? Then I entreat 39 you to tell me whether men of worth are not quite as exceptional in their sex, as women of merit in theirs. You have said: “Whatever may be the differences existing between men, they are equal, because they are human beings.” Under penalty of inconsistency, you must add: Whatever may be the differences existing between the sexes, they are equal, because they form a part of the human species—unless you prove that women are not a part of humanity. Individual worth, not being the basis of right between men, cannot become so between the sexes. Your compliment is, therefore, a contradiction.
I add, lastly, that I feel myself linked with my sex by too close a solidarity ever to be content to see myself abstracted from it by an illogical process. I am a woman—I glory in it; I rejoice if any value is set upon me, not for myself, indeed, but because this contributes to modify the opinion of men with respect to my sex. A woman who is happy in hearing it said: “You are a man,” is, in my eyes, a simpleton, an unworthy creature, avowing the superiority of the masculine sex; and the men who think that they compliment her in this manner, are vainglorious and impertinent boasters. If I acquire any desert, I thus pay honor to women, I reveal their aptitudes, I do not pass into the other sex any more than Proudhon abandons his own, because he is elevated by his intellect above the level of foolish and ignorant men; and if the ignorance of the mass of men prejudges nothing against their right, no more does the ignorance of the mass of women prejudge anything against theirs.
You affirm that man and woman do not form true society.
40 Tell us, then, what is marriage, what is society.
You affirm that the difference of sex places between man and woman a separation of the same nature as that which the difference of races places between animals. Then prove:
That the race is not essentially formed of two sexes;
That man and woman can be reproduced separately;
That their common product is a mixed breed, or a mule;
That their characteristics are dissimilar, apart from sexuality.
And if you come off with honor from this great feat of strength, you will still have to prove:
That to difference of race corresponds difference of right;
That the black, the yellow, the copper-colored persons belonging to races inferior to the Caucasian cannot truly associate with the latter; that they are minors.
Come, sir, study anthropology, physiology, and phrenology, and employ your serial dialectics to prove all this to us.
You are inclined to seclude woman, instead of emancipating her?
Prove to men that they have the right to do so; to women, that it is their duty to suffer themselves to be placed under lock and key. I declare, for my part, that I would not submit to it. Does Proudhon remember how he threatens the priest who shall lay his hand on his children? Well, the majority of women would not confine themselves to threats against those who might have the Mussulmanic inclination of Proudhon.
You affirm that by nature, and by destination, woman is neither associate, nor citizen, nor functionary. Tell 41 us, in the first place, what nature it is necessary to have to be all these.
Reveal to us the nature of woman, since you claim to know it better than she does herself.
Reveal to us her destination, which apparently is not that which we see, nor which she believes to be such.
You affirm that woman, until her marriage, is nothing more than apprentice, at most, under-superintendent in the social workshop; that she is minor in the family, and does not form a part of the commonwealth.
Prove, then, that she does not execute in the social workshop and in the family works equivalent, or equal, to those of man.
Prove that she is less useful than man.
Prove that the qualities that give to man the right of citizenship, do not exist in woman.
I shall be severe with you on this head. To subordinate woman in a social order in which she must work in order to live is to desire prostitution; for disdain of the producer extends to the value of the product; and when such a doctrine is contrary to science, good sense, and progress, to sustain it is cruelty, is moral monstrosity. The woman who cannot live by working, can only do so by prostituting herself; the equal of man or a courtesan, such is the alternative. He is blind who does not see it.
You see no other fate for woman than to be courtesan or housewife. Open your eyes wider, and dream less, and tell me whether all those useful and courageous women are only housewives or courtesans, who support themselves honorably by arts, literature, instruction;
Who found numerous and prosperous manufactures;
Who superintend commercial establishments;
42 Who are such good managers, that many among them conceal or repair the faults resulting from the carelessness or dissipation of their husbands.
Prove to us, therefore, that all this is wrong;
Prove to us that it is not the result of human progress;
Prove to us that labor, the stamp of the human species—that labor, which you consider as the great emancipator—that labor, which makes men equal and free, has not virtue to make women equal and free. If you prove this to us, we shall have to register one contradiction more.
You do not admit that woman should have the right of claiming for herself special legislation, as though man were her chief enemy and tyrant.
You, sir, are the one that legislates specially for woman; she herself desires nothing but the common law.
Yes; until now, man, in subordinating woman, has been her tyrant and enemy. I am of your opinion when, in your first “Memoir on Property,” you say that, so long as the strong and the weak are not equals, they are strangers, they cannot form an alliance, they are enemies. Yes, thrice yes, so long as man and woman are not equals, woman is in the right in considering man as her tyrant and enemy.
“The most rigorous justice cannot make woman the EQUAL of man.” And it is to a woman whom you set in your opinion above a host of men, that you affirm such a thing! What a contradiction!
“It is an infatuation for women to demand their right!” An infatuation like that of slaves, pretending that they were created freemen; of the citizens of ’89, proving that men are equal before the law. Do you know who were, who are the infatuated? The masters, 43 the nobles, the whites, the men who have denied, who do deny, and who will deny, that slaves, citizens, blacks, and women, are born for liberty and equality.
“The sex to which I belong is incapable of understanding and governing itself,” say you!
Prove that it is destitute of intellect;
Prove that great empresses and great queens have not governed as well as great emperors and great kings;
Prove against all the facts patent that women are not in general good observers and good managers;
Then prove that all men understand themselves perfectly and govern themselves admirably, and that progress moves as if on wheels.
“Woman is neither the half nor the equal of man; she is the complement that finally makes him an individual; the two sexes form the human androgynus.” Come; seriously, what means this jingle of empty words? They are metaphors, unworthy to figure in scientific language, when our own and the other higher zoölogical species are in question. The lioness, the she-wolf and the tigress are no more the halves or the complement of their species than woman is the complement of man. Or Nature has established two exteriorities, two wills, she affirms two unities, two entireties not one, or two halves; the arithmetic of Nature cannot be destroyed by the freaks of the imagination.
Is equality before the law based upon individual qualities? Proudhon replies in the “Creation of Order in Humanity”:
“Neither birth, nor figure, nor faculties, nor fortune, nor rank, nor profession, nor talent, nor anything that distinguishes individuals establishes between them a difference of species; all being men, and the law regulating 44 only human relations, it is the same for all; so that to establish exceptions, it would be necessary to prove that the individuals excepted are above or beneath the human species.”
Prove to us that women are above or beneath the human species, that they do not form a part of it, or, under penalty of contradiction, submit to the consequences of your doctrine.
You say in the “Social Revolution;”
“Neither conscience, nor reason, nor liberty, nor labor, pure forces, primary and creative faculties, can be made mechanical without being destroyed. Their reason of existence is in themselves; in their works they should find their reason of action. In this consists the human person, a sacred person, etc.”
Prove that women have neither conscience, nor reason, nor moral liberty, and that they do not labor. If it is demonstrated that they possess the primary and creative faculties, respect their human person, for it is sacred.
In the “Creation of Order in Humanity,” you say:
“Specifically, labor satisfies the desire of our personality, which tends invincibly to make a difference between itself and others, to render itself independent, to conquer its liberty and its character.”
Prove then that women have no special work, and, if facts contradict you, acknowledge that, it inevitably tends to independence, to liberty.
Do you deny that they are your equals because they are less intelligent as a whole than men? In the first place, I contest it; but I need not do so, you yourself resolve this difficulty in the “Creation of Order in Humanity:”
“The inequality of capacities, when not caused by 45 constitutional vices, mutilation or want, results from general ignorance, insufficient method, lack or falsity of education, and divergence of intuition through lack of sequence, whence arises dispersion and confusion of ideas. Now, all these facts productive of inequality are essentially abnormal, therefore the inequality of capacities is abnormal.”
Unless you prove that women are mutilated by Nature, I do not exactly see how you can escape the consequences of your syllogism: not only has feminine inferiority the same sources as masculine ignorance, but public education is refused to women, the great professional schools are closed to them, those who through their intellect equal the most intelligent among you have had twenty times as many difficulties and prejudices to overcome.
You wish to subordinate women because in general they have less muscular force than you; but at this rate the weak men ought not to be the equals of the strong, and you combat this consequence yourself in your first “Memoir on Property,” where you say:
“Social equilibrium is the equalization of the strong and the weak.”
If I have treated you with consideration, it is because you are an intelligent and progressive man, and because it is impossible that you should remain under the influence of the doctors of the Middle Age on one question, while you are in advance of the majority of your cotemporaries on so many others. You will cease to sustain an illogical series that is without foundation, remembering, as you have said so well in the “Creation of Order in Humanity:”
“That the greater part of philosophical aberrations 46 and chimeras have arisen from attributing to logical series a reality that they do not possess, and endeavoring to explain the nature of man by abstractions.”
You will acknowledge that all the higher animal species are composed of two sexes;
That in none is the female the inferior of the male, except sometimes through force, which cannot be the basis of human right;
You will renounce the androgynus, which is only a dream.
Woman, a distinct individual, endowed with consciousness, intellect, will and activity like man, will be no longer separated from him before the laws.
You will say of all, both men and women, as in your first “Memoir on Property:”
“Liberty is an absolute right, because it is to man what impenetrability is to matter, a condition sine qua non of existence. Equality is an absolute right, because without equality, there is no society.”
And you will thus show the second degree of sociability, which you yourself define, “the recognition in another of a personality equal to our own.”
I appeal therefore from Proudhon drunk with theology to Proudhon sobered by facts and science, moved by the sorrows and disorders resulting from his own systems.
I hope I shall not encounter his Herculean club raised against the holy banner of truth and right; against woman,—that being physically so weak, morally so strong, who, bleeding, and steeped in gall beneath her crown of roses, is just on the point of reaching the top of the rough mountain where progress will shortly give her her lawful place by the side of man. But if my hopes are deceitful, mark me well, M. Proudhon, you will find 47 me standing firmly in the breach, and, whatever may be your strength, I vow that you shall not overthrow me. I will courageously defend the right and dignity of your daughters against the despotism and logical error of their father, and the victory will remain mine, for, definitively, it always belongs to truth.”
Proudhon replied by the following letter in the Revue Philosophique:
“TO MADAME d’HÉRICOURT.
“Well, Madam, what did I tell you in my last letter?
“I consider the sort of crusade that is being carried on at this time by some estimable ladies in both hemispheres in behalf of their sex, as a symptom of the general revolution that is being wrought; but nevertheless as an exaggerated symptom, an infatuation that proceeds precisely from the inferiority of the sex and its incapacity to understand and to govern itself.
“I begin by withdrawing the word infatuation, which may have wounded you, but which was not, as you know, intended for publicity.
“This point adjusted, I will tell you, Madam, with all the respect that I owe you as a woman, that I did not expect to see you confirm my judgment so speedily by your petulant appeal.
“I was at first at a loss to know whence came the discontent that impelled the bravest, the most distinguished among you, to an assault on paternal and marital supremacy. I said to myself, not without disquietude, What is the matter? What is it that troubles them? With what do they reproach us? To which of our faculties, our virtues, our prerogatives; or else of 48 our failings, our perfidies, our calamities, do they aspire? Is this the cry of their outraged nature, or an aberration of their understanding?
“Your attack, joined to the studies which I immediately commenced on the subject, came at last to solve the question.
“No, Madam, you know nothing of your sex; you do not know the first word of the question that you and your honorable confederates are agitating with so much noise and so little success. And, if you do not comprehend this question; if, in your eight pages of reply to my letter, there are forty paralogisms, it results precisely, as I have told you, from your sexual infirmity. I mean by this word, the exactness of which is not, perhaps, irreproachable, the quality of your understanding, which permits you to seize the relation of things only as far as we, men, place your finger upon them. You have in the brain, as in the body, a certain organ incapable by itself of overcoming its native inertia, and which the masculine spirit alone is capable of setting in motion; and even this does not always succeed. Such, Madam, is the result of my direct and positive observations; I make them over to your obstetrical sagacity, and leave you to calculate therefrom the incalculable consequences to your thesis.
“I will willingly enter into an elaborate discussion with you, Madam, on this obscure subject, in the Revue Philosophique. But—as you will comprehend as well as I—the broader the question, the more it affects our most sacred, social, and domestic interests, the more important is it that we should approach it with seriousness and prudence.
“The following course, therefore, appears to me indispensable: 49 In the first place, you have promised us a book, and I await it. I need this work to complete my documents and to finish my demonstration. Since I had the honor of receiving and replying to your letter, I have made earnest and interesting studies on woman, which I ask only to rectify if they are erroneous; as I also desire to set a seal on them if, as I have every reason to presume, your publication brings me but one confirmation more.
“I have verified by facts and documents the truth of all the assertions which you call on me to retract, namely:
“That the difference of sex raises up between man and woman a separation ANALOGOUS—I did not say equal—to that which the difference of races and species establishes between animals;
“That by reason of this separation or difference, man and woman are not associates; I did not say that they could not be anything else;
“That, consequently, woman can only be a citizen in so far as she is the wife of a citizen; as we say Madame la Presidente to the wife of a President: which does not imply that no other rôle exists for her.
“In two words, I am in a position to establish, by observation and reasoning, the facts, that woman, being weaker than man with respect to muscular force, as you yourself acknowledge, is not less inferior to him with respect to INDUSTRIAL, ARTISTIC, PHILOSOPHICAL and MORAL POWER; so that if the condition of woman in society be regulated, as you demand for her, by the same justice as the condition of man, it is all over with her, she is a slave.
“To which I add, immediately, that this system is 50 precisely what I reject: the principle of pure, rigorous right, of that terrible right which the Roman compared to an unsheathed sword, jus strictum, and which rules individuals of the same sex among themselves, being different from that which governs the relations between individuals of different sexes.
“What is this principle, differing from justice, and which, notwithstanding, would not exist without justice; which all men feel in the depth of their souls, and of which you women alone have no idea? Is it love? nothing more? I leave it to you to divine. And if your penetration succeeds in clearing up this mystery, I consent, Madam, to sign you a certificate of genius; Et eris mihi magnus Apollo. But then you will have given me the cause.
“Such, Madam, in a few words, are the conclusions to which I have arrived, and which the reading of your book surely will not modify. Notwithstanding, as it is absolutely possible that your personal observations may have led you to diametrically opposite results, good faith in the discussion and respect for our readers and ourselves exact that, before entering upon the controversy, a reciprocal interchange of all the documents that we have collected should be made between us. You may take cognizance of mine.
“One other condition, which I entreat you, Madam, to take in good part, and from which I shall not depart under any pretext, is that you shall choose yourself a male sponsor.
“You, who have declared yourself so energetically on this point, would not wish your adversary to make the least sacrifice to gallantry in so serious a discussion; and you are right. But I, Madam, who am so far from 51 admitting your pretensions, cannot thus release myself from the obligations which manly and honorable civility prescribes towards ladies; and as I propose, besides, to make you serve as a subject of experiment; as, after having made the autopsy of five or six women of the greatest merit for the instruction of my readers, I count also on making yours, you will conceive that it is quite impossible for me to argue from you, of you, and with you, without exposing myself at every word to a violation of all the rules of conventionality.
“I know, Madam, that such a condition will annoy you; it is one of the disadvantages of your position to which you must submit courageously. You are a plaintiff, and, as a woman, you affirm that you are oppressed. Appear, then, before the judgment seat of incorruptible public opinion with this tyrannous chain which rouses your ire, and which, according to me, exists only in your disordered imagination. You will be but the more interesting for it. Besides, you would deride me if, while sustaining the superiority of man, I should begin by according to you the equality of woman by disputing with you on an equal footing of companionship. You have not counted, I imagine, upon my falling into this inconsistency.
“You will not lack for champions, besides. I expect of your courtesy, Madam, that he whom you shall select as my antagonist, who will sign and affirm all your articles, and assume the responsibility of your affirmations and replies, shall be worthy of both you and me; so that, in fine, I shall not have a right to complain that you have pitted me against a man of straw.
“What has most surprised me, since this hypothesis of the equality of the sexes, renewed by the Greeks as 52 well as by many others, has become known among us, has been to see that it numbered among its partisans almost as many men as women. I sought a long time for the reason of this strange fact, which I at first attributed to chivalric zeal; I think now that I have found it. It is not to the advantage of the knights. I shall be glad, Madam, for their sake and yours, if this serious examination should prove that the new emancipators of woman are the most lofty, the broadest, and the most progressive, if not the most masculine minds of the age.
“You say, Madam, that women have a weakness for soldiers. It is doubtless on this account that you have lashed me soundly. He who loveth, chasteneth. When I was three years and a half old, my mother, to get rid of me, sent me to a school-mistress of the neighborhood, an excellent woman, called Madelon. One day she threatened to whip me for some piece of mischief. It made me furious. I snatched her switch from her hand, and flung it in her face. I was always a disobedient subject. I shall be glad, therefore, to find that you do not assume towards me castigating airs, which it does not belong to a man to return; but I leave this to your discretion. Strike, redouble the blows, do not spare me; and if I should chance to grow restive under the rod, believe me none the less, Madam, your affectionate servant and compatriot,
“PROUDHON.”
Taking up the discussion in turn, I replied as follows, in the ensuing February number:—
I am forbidden, sir, to answer your letter in the indecorous 53 style which you have deemed proper to assume towards me:
By respect for the gravity of my subject;
By respect for our readers;
By respect for myself.
You find yourself ill at ease in the Popilian circle that has been traced around you by the hand of a woman; all understand this, I among the rest. Ill-armed for defence, worse armed, perhaps, for attack, you would like to escape; but your skill as a tactician will avail you nothing; you shall not quit the fatal circle till vanquished, either by me, or by yourself, if you confess your weakness on the point in litigation, by continuing to refuse a discussion under flimsy pretexts, or, lastly, by public opinion, which will award to you the quality of inconsistency, the least desirable of all to a dialectician.
This being understood, I must tell you that, personally, I am satisfied that you should attack, in the rights of woman, the cause of justice and progress. It is an augury of success to this cause; you have always been fatal to all that you have sought to sustain.
It is true that your attitude in this question makes you the ally of the dogmatism of the Middle Age; it is true that the official representatives of this dogmatism avail themselves, at the present time, of your arguments and your name to maintain their influence over women, and through them over men and children; and this in order to revive the past, to stifle the future. Is this your intention? I do not believe it. You are, in my eyes, a subverter, a destroyer, in whom instinct sometimes gets the better of intellect, and from whom it shuts out a clear view of the consequences of his 54 writings. Formed for strife, you must have adversaries; and, in default of enemies, you cruelly fall on those who are fighting in the same ranks with yourself. In all your writings, one feels that the second part of education—that which inspires respect and love of woman—is completely wanting in you.
Let us come to your letter.
You reproach me with having made forty paralogisms; it was your duty at least to have cited one of these. However, let us see.
You say: between man and woman there is a separation of the same nature as that which the difference of race establishes between animals.
Woman, by nature and destination, is neither associate, nor citizen, nor functionary.
She is, until marriage, only apprentice, at most, under-superintendent in the social workshop; she is a minor in the family, and does not form a part of the commonwealth.
You conceive of no destiny for her outside of the household: she can be only housewife or courtesan.
She is incapable of understanding and of governing herself.
To make a paralogism is to draw a conclusion from false premises; now did I conclude from such in saying:
In order that all these paradoxes may become truths, you have to prove:
That man and woman are not of the same race;
That they can be reproduced separately;
That their common product is a mixed breed or a mule;
That difference of races corresponds to difference of rights.
You have to define for us an association, and also the nature of a citizen or a functionary.
55 You have to prove that woman is less useful than man in society;
That, at the present time, she is necessarily a housewife, when she is not a courtesan;
That she is destitute of intellect, that she knows nothing of government.
You pretend that woman has not a right to demand for herself special legislation.
Was I guilty of a paralogism in pointing out to you that it is not she, but you, who demand this, since you lay down as a principle the inequality of the sexes before human law?
All that you say relatively to the pretended inferiority of woman and the conclusions which you draw from it applying to human races inferior to our own, it would be easy for me to demonstrate that the consequence of your principles is the re-establishment of slavery. The nearest perfect has the right to take advantage of the weakest, instead of becoming his educator. An admirable doctrine, full of the spirit of progress, full of generosity! I compliment you most sincerely on it.
You say that labor specialized is the great emancipator of man; that labor, conscience, liberty, and reason, find only in themselves their right to exist and to act; that these pure forces constitute the human person, which is sacred.
You lay down the principle that the law is the same for all; so that, to establish exceptions, it would be necessary to prove that the individuals excepted are above or beneath the human species.
You say that social equilibrium is the equalization of the strong and the weak; that all have the same rights, not through that which distinguishes them from each 56 other, but through that which is common to them,—the quality of human beings.
Was I guilty of paralogisms in saying to you:
Then you cannot, by reason of her weakness or even of a supposed inferiority, exclude woman from equality of right: your principles interdict it, unless you prove:
That she is superior or inferior to the human species, and that she does not form a part of it;
That she is destitute of conscience, of justice, and of reason; that she does not labor, that she does not execute specialties of labor.
It is evident, that your doctrine concerning general right is in contradiction to your doctrine concerning the right of women; it is evident that you are very inconsequent, and that, however skillful you may be, you cannot extricate yourself from this embarrassment.
In what you call an answer, there are a few passages that are worth the trouble of pausing to consider.
You ask what impels the bravest, the most distinguished among us to an assault on paternal and marital supremacy.
You do not comprehend the movement, or you would have said masculine supremacy.
In my turn, I ask you:
What would have impelled Proudhon, a Roman slave, to play the part of Spartacus?
What would have impelled Proudhon, a feudal serf, to organize a Jacquerie?
What would have impelled Proudhon, a black slave, to become a Toussaint L’Ouverture?
What would have impelled Proudhon, a Russian serf, to take the character of Poutgachef?
What would have impelled Proudhon, a citizen of ’89, 57 to overthrow the privileges of the nobility and the clergy?
What would impel Proudhon … but I will not touch on reality.
What would Proudhon have replied to all the holders of prerogatives and supremacy, who would not have failed on their part to have put to him the naïve question: “Ah! what does this vile slave, this unworthy serf, this audacious and stupid citizen want of us, then? To which of our faculties, our virtues, our prerogatives does he aspire? Is this the cry of his outraged nature, or an aberration of his understanding?“
The answer that Proudhon would make, is that which will be made to him by all women who have attained majority.
There is in the brain of woman, say you, an organ which the masculine mind alone is capable of setting in motion. Render the service then to science of pointing it out and demonstrating its manner of working. As to the other organ of which you speak, it is its inertia, doubtless, that has caused it to be defined by some, parvum animal furibondum, octo ligamentis alligatum. Before choosing anatomical and physiological facts as proofs of your assertions, consult some learned physician; such is the counsel given you, not only by my obstetrical, but also by my medical sagacity.
You offer to acquaint me with your direct and positive observations. What, Sir! has it been possible for you in a few weeks to delve into the depths of the healthy and the diseased organization! to go through the whole labyrinth of functions implicated in the questions. It is more than miraculous; despite my good will, I cannot believe it, unless you prove that you are 58 a prophet in communication with some deity. Shall I tell you what I really think? It is that you have studied these matters neither directly nor indirectly, and that it belongs to me to tell you that you do not understand woman; that you do not know the first word of the question. Your five or six purely moral and intellectual autopsies prove only one thing; namely, your inexperience in physiology. You have naïvely mistaken the scalpel of your imagination for that of science.
With regard to autopsies, you tell me that you are awaiting my promised work, in order to make mine. It would be doubtless a great honor to be stretched on your dissecting table in such good company as you promise me, but the instruction of my future readers does not permit me to enjoy this satisfaction. I shall not send my book to press until your own shall have appeared, for I, too, intend to make your autopsy; dissect me therefore now; I promise you on my side that I will perform my duty conscientiously, properly and delicately.
“Woman,” you say, “being weaker than man with respect to muscular force, is not less inferior to him with respect to INDUSTRIAL, ARTISTIC, PHILOSOPHICAL AND MORAL POWER; so that if the condition of woman in society be regulated, as you demand for her, by the same justice as the condition of man, it is all over with her; she is a slave.”
Terrible man, you will be then always inconsistent, you will always contradict yourself and facts!
What do you hold as the basis of right? The simple quality of being human; everything that distinguishes individuals disappears before right. Well! even though it were true that women were inferior to men, would 59 it follow that their rights were not the same? According to you, by no means, if they form a part of the human species. There are not two kinds of justice, there is but one; there are not two kinds of right, there is but one in the absolute sense. The recognition and respect of individual autonomy in the lowest of human beings as well as in the man and woman of genius is the law which should preside over social relations; must a woman tell you this!
Let us now examine the value of your series of man and woman.
With respect to the reproduction of the species, they form a series; this is beyond dispute.
As to the rest, do they form a series? No.
If it were a law that woman is muscularly weaker than man, the strongest woman would be weaker than the weakest man; facts demonstrate the contrary daily.
If it were a law that women are inferior to men in industrial power, the most skillful woman would be inferior in industrial pursuits to the least skillful man; now facts demonstrate daily that there are women who are excellent manufacturers and excellent managers; men who are unskilled in and unsuited to this kind of pursuits.
If it were a law that women are inferior to men in artistic power, the best female artist would be inferior to the most indifferent male artist; now facts daily demonstrate the contrary; there are more great female than male tragedians; many men are mediocre in music and painting, and many women, on the other hand, remarkable in both respects, etc., etc.
What follows from all this? That your series is false, since facts destroy it. How did you form it? The process 60 is a curious study. You chose a few remarkable men, in whom, by a convenient process of abstraction, you beheld all men, even to cretins; you here took a few women, without taking into account in the slightest degree any differences of culture, instruction, and surroundings, and compared them with these eminent men, taking care to forget those that might have embarrassed you; then, deducing generals from particulars, creating two entities, you drew your conclusions. A strange manner of reasoning, truly! You have fallen into the mania of imposing rules on Nature, instead of studying Nature’s rules, and deserve that I should apply your own words to you: “The greatest part of the philosophical aberrations and chimeras have arisen from attributing to logical series a reality that they do not possess, and endeavoring to explain the nature of man by abstractions.”
Still, if this were to strengthen your doctrines concerning the basis of right, it might be comprehended; but it is to overthrow them!
You transform yourself into a Sphinx, to propose to me a riddle. “What is that right,” you say, “which is not justice, and which, notwithstanding, would not exist without it, which presides over the relations of both sexes, the jus strictum governing only individuals of the same sex. If you divine it, you will have given me the cause.”
It is not necessary to be the great Apollo, to divine that it is the right of grace, of mercy, towards an inferior that is not armed with strict right.
If I have divined rightly, you have simply begged the question by supposing that resolved which I dispute. I maintain that there is only one right, that one single 61 right presides over the rights of individuals and of sexes, and that the right of mercy belongs to the domain of sentiment.
You wish it proved that the new emancipators of woman are the most elevated, the broadest, and the most progressive minds of the age. Rejoice, your wish is accomplished: a simple comparison between them and their adversaries will prove it to you.
The emancipators, taking woman in the cradle of humanity, see her marching slowly towards civil emancipation. The intelligent disciples of progress, they wish, by extending a fraternal hand to her, to aid her in fulfilling her destiny.
The non-emancipators, denying the historical law, regardless of the progressive and parallel movement of the populace, woman, and the industrial arts towards affranchisement, wish to thrust her back far beyond the Middle Age, to the days of Romulus and the Hebrew patriarchs.
The emancipators, believing in individual autonomy, respecting it, and recognizing it in woman, wish to aid her to conquer it. Judging of the need that a free being has of liberty by the need that they have of it themselves, they are consistent.
The non-emancipators, blinded by pride, perverted by a love of dominion as unbridled as unintelligent, desire liberty only for themselves. These egotists, so suspicious of those that menace their own freedom, wish half the human species to be in their chains.
The emancipators have enough heart and ideality to desire a companion with whom they can exchange sentiment and thought, and who can improve them in some respects and be improved by them in others; they love and respect woman.
62 The non-emancipators, without ideality, without love, chained to their senses and their pride, despise woman; and wish to have in her only a female, a servant, a machine to produce young ones. They are males, they are not yet men.
The emancipators desire perfection of the species, in a three-fold point of view: physical, moral, and intellectual. They know that races cannot be improved without selecting and perfecting the mothers.
The non-emancipators are bent upon something quite different from the improvement of the species: let their children be lacking in intelligence, malicious, ugly, or deformed; they think much less of this than of being masters. Do they know enough of physiology to have reflected that the faculties depend on organization, that organization is capable of modification, that modifications are transmitted, that woman has a great share in this transmission, a greater share, perhaps, than that of man? It is therefore essential to place her in a condition to perform this great function in the manner most useful to humanity.
The emancipators desire humanity to go forward, to vibrate no longer between the past and the future; they know the influence that women possess, first over children, then over men; they know that woman cannot serve progress unless she finds it to her interest to do so; that she will find it so only through liberty; that she will love it only if her intellect is elevated by study, and her heart purified from the petty selfishness of home by the predominating love of the great human family. As they desire the end sincerely, they sincerely desire the means; so long as half the human race shall labor as it is doing to destroy the edifice constructed by a few 63 members of the other half; so long as half the human race, the one that secretly governs the other, shall have its face turned towards the past, the landmarks that point to the future will be threatened with being torn up. Do you consider it a crime in the emancipators to comprehend this, to seek to conjure down the peril; and do you consider a virtue in the non-emancipators the foolish pride that places a cataract over their eyes?
A few words more, and I shall have done. You would rather, you say, that I should not assume castigating airs with you. But have you really the right to complain of it, you who have constituted yourself the chief whipper-in of the economists and the socialists? I shall never go so far towards you as you have gone towards them. You must resign yourself to my abrupt, sometimes harsh style. I am implacable towards whatever appears to me false and unjust; and were you my brother, I should not war against you less sharply; before all ties of affection and family, should come the love of justice and humanity.
I owe now to my readers and to you, sir, the exposition of the thesis that I undertake to sustain; for the phrase, the emancipation of women has been, and is, quite variously interpreted.
With respect to right, man and woman are equal, whether the equality of faculties be admitted or rejected.
But for a truth to be useful, it must be adapted to the surroundings into which we seek to introduce it.
Absolute right being recognized, the practice of it remains. In practice, I see two kinds of rights: woman is ripe for the exercise of one of them; but I acknowledge that the practice of the second would be at present dangerous, by reason of the education that the majority 64 of them have received. You comprehend me, without making it necessary for me to explain myself more clearly in a Review in which social and political subjects are interdicted.
The directors of the Revue having informed me that my adversary refused to continue the discussion, I made the following recapitulation of his creed, concerning the rights and nature of woman.
To the editors of the Revue Philosophique et Religieuse:
You inform me that M. Proudhon will not reply to the questions that I have put to him; I have neither the means nor the wish to constrain him to do so. I shall not inquire into the motives of his determination; my business now is only to make an exposition of his creed, which may be summed up in this wise:
“I believe that between man and woman, there is a separation of the same nature as that which the difference of race places between animals;
“I believe that, by nature and by destination, woman is neither associate, nor functionary, nor citizen;
“I believe that, in the social workshop, she is, until her marriage, only apprentice, at most under-superintendent;
“I believe that she is a minor in the family, art, science, manufactures, and philosophy, and that she is nothing in the commonwealth;
“I believe that she can only be housewife or courtesan;
“I believe that she is incapable of understanding and of governing herself;
65 “I believe firmly that the basis of the equality of rights is in the simple quality of being human; now, woman being unable to have rights equal to those of man, I affirm that she does not belong to the human species.”
Is Proudhon conscious how far his creed is in opposition to science, to facts, to the law of progress, to the tendencies of our own age, and does he dare to attempt to justify it by proofs?
Does he feel that this creed classes him among the abettors of the dogmatism of the Middle Age, and does he recoil before such a responsibility?
If this were the case, I should praise him for his prudent silence, and it would be my warmest desire that he should keep it forever on the question that divides us. To treat a subject, it is necessary to love and understand it; I dare not say that Proudhon does not love woman, but I do affirm that he does not understand her; he sees in her nothing more than the female of man; his peculiar organization seems to render him unfit for the investigation of such a subject. He promises, in the work that he is preparing, to treat of the sphere and the rights of women; if his doctrine has for its basis the paradoxical affirmations of his creed, I hope that he will this time take pains to rest them at least upon the semblances of proofs, which I shall examine with all the attention of which I am capable.
By shrinking from discussion, he cannot escape my criticism.
The two studies of Proudhon are simply the development of this creed.
I promised to dissect the author; therefore, I shall do so.
66 Let me not be reproached with being pitiless; Proudhon has deserved it.
Let me not be reproached with being a reasoning machine; with such an adversary, one should be nothing else.
Let me not be reproached with being harsh; Proudhon has shown a harshness and injustice with respect to women, even the most illustrious, that exceed all bounds. If I am harsh, I will endeavor on my part not to be unjust.
I.
Well, M. Proudhon, you have sought war with women! War you shall have.
You have said, not without reason, that the Comtois are an obstinate race; now, I am your countrywoman; and as woman generally carries virtues and failings farther than man, I intend to outdo you in obstinacy.
I have raised the banner under which your daughters will one day take shelter if they are worthy of the name they bear; I will hold it with a firm hand and will never suffer it to be struck down; against such as you, I have the heart and claws of a lioness.
You begin by saying that you by no means desired to treat of the inequality of the sexes, but that half a dozen insurgent women with ink-stained fingers having defied you to discuss the question, you will establish by facts and documents the physical, intellectual and moral inferiority of woman; that you will prove that her emancipation is the same thing as her prostitution, and will take her defence in hand against the rambling talk of a few impure women whom sin has rendered mad.—(Vol. III., p. 337.)
67 I alone, by shutting you up in a circle of contradictions, have dared defy you to discuss the question; I sum up, therefore, in my own person, the few impure women whom sin has rendered mad.
Insults of this sort cannot touch me; the esteem, the regard, the precious friendship of eminently respectable men and women suffice to reduce unworthy insinuations to naught. I should not notice them, with such contempt do they inspire me, were it not necessary to tell you that the time has gone by when one might hope to stifle the voice of a woman by attacking her purity.
If you do not ask the man who demands his rights and seeks to prove their legitimacy, whether he is upright, chaste, etc., no more have you the right to ask the question of the woman who makes the same claim.
Were I therefore so unfortunate as to be the vilest of mortals as regards chastity, this would not at all lessen the value of my claim.
I greatly dislike any justification, but I owe it to the sacred cause that I defend, I owe it to my friends, to tell you that the moral education which my sainted, lamented mother gave me, together with scientific studies, serious philosophy, and continual occupation, have kept me in what is commonly called the right path, and have strengthened the horror that I feel for all tyranny, whether it be styled man or temperament.
You accuse your biographer of having committed an indignity in directing an accusation against a woman, because this woman was your wife; do you not commit an indignity yourself in insulting many others?
And if you blame those who calumniate the morals of Proudhon because he is not of their opinion, in what light do you think that men will regard your calumnious 68 insinuations against women, because they do not think like you?
You claim that we have no morality, because we lack respect towards the dignity of others; who has set us this detestable example more than you? You, who style yourself the champion of the principles of ’89—who are the men and women whom you attack?
They who are in different degrees, and from different stand points, in favor of these principles.
Your anger has no bounds against George Sand, our great prose writer, the author of the bulletins of the republic of ’48. You depreciate Madame de Stäel, whom you have not read, and who was in advance of most of the masculine writers of her epoch.
Two scaffolds are erected, two women mount thereon: Madame Roland and Marie Antoinette. I, a woman, will not cast insult on the decapitated queen, dying with dignity and courage; no, I bow before the block, whatever head may lay on it, and wipe away my tears. But, Marie Antoinette died the victim of the faults that her princely education had caused her to commit against the modern principles; while Madame Roland, the chaste and noble wife, died for the revolution, and died blessing it.
Whence comes it that you greet the queen with your sympathies, while you have nought but words of blame and contempt for the revolutionist? And the men that belong to the great party of the future, how do you style them?
The Girondins, effeminate;
Robespierre and his adherents, eunuchs;
The gentle Bernardin de St. Pierre, effeminate;
M. Legouvé and those who think like him concerning the emancipation of women, effeminate;
Béranger, a pitiable author, and effeminate; Jean Jacques, not only the prince of effeminates, but the greatest enemy of the people and the revolution—he who was evidently the chief author of our “French Revolution.”
Are we not justified in asking you, whether you are for or against the Revolution?
M. Proudhon, you have forfeited your right to all consideration, since you have none for those who have neither offended you or offered you provocation, those who have never pretended to reduce you to servitude; men have lacked courage; they ought to have stopped you when you began to descend to insulting personalities; what they have not done, I, a woman, will do, fearing nothing, or no one, except my own conscience.
Proudhon, the greatest enemy of the people, is the writer who, treading under foot reason and conscience, science and facts, calls to his aid all the ignorance, all the despotism of the past, to mislead the spirit of the people with respect to the rights of half the human species.
Proudhon, the greatest enemy of the revolution, is he who shows it to women as a toy; who detaches them from its holy cause by confounding it with the negation of their rights; who attacks and vilifies the advocates of progress; who dares, in fine, in the name of the principles of general emancipation, to proclaim the social annihilation and the conjugal servitude of one entire half of humanity.
Behold the enemy of the people and of the revolution!
II
J’en étais là de ma réponse lorsque, m’étant reposée pour reprendre haleine et réfléchir, je me calmai.
Ah ça! me dis-je, ai-je donc le sens commun de prendre 167 au sérieux cette chose informe qu’honorent du nom de théorie, de braves gens que les coups de grosse caisse et de tam-tam de M. Proudhon étourdissent à tel point qu’ils en voient des étoiles en plein midi et le soleil en plein minuit? Voyons, calmons-nous; ne donnons pas à la chose plus d’importance qu’elle n’en a; et puisqu’il faut que j’expose cette chose à mes lecteurs, faisons-le du ton qui convient. Laissons M. Proudhon s’expliquer lui-même.
Aussitôt cette bonne résolution prise, j’évoquai M. Proudhon, et lui dis en toute humilité: Maître, je viens à vous pour que vous me disiez ce que c’est que la Femme et aussi un peu ce que c’est que l’homme.
M. PROUDHON. Vous faites bien; car moi seul suis capable de vous renseigner; écoutez-moi donc.
«L’être humain complet, adéquat à sa destinée, je parle du physique, c’est le mâle qui, par sa virilité, atteint le plus haut degré de tension musculaire et nerveuse que comporte sa nature et sa fin, et par là le maximum d’action dans le travail et le combat.
«La femme est un DIMINUTIF de l’homme à qui il manque un organe pour devenir autre chose qu’un éphèbe.
«Elle est un réceptacle pour les germes que seul l’homme produit, un lieu d’incubation comme la terre pour le grain de blé; organe inerte par lui-même et sans but par rapport à la femme. Une semblable organisation….. présuppose la subordination du sujet.
«En elle-même, je parle toujours du physique, la femme n’a pas de raison d’être: c’est un instrument de reproduction 168 qu’il a plu à la nature de choisir de préférence à tout autre.
«La femme, de ce premier chef, est inférieure devant l’homme: une sorte de moyen terme entre lui et le reste du règne animal.»
(3e volume: La Justice, etc., p. 339.)
Et remarquez que je ne suis pas seul de mon avis: «La femme n’est pas seulement autre que l’homme, disait Paracelse; elle est autre parce qu’elle est moindre, parce que son sexe constitue pour elle une faculté de moins. Là où la virilité manque, le sujet est incomplet; là où elle est ôtée le sujet déchoit.
«Il ne lui manque (à la femme) au point de vue physique que de produire des germes.
«De même au point de vue de l’intelligence la femme a des perceptions, de la mémoire, de l’imagination; elle est capable d’attention, de réflexion, de jugement: que lui manque-t-il? De produire des germes, c’est à dire des idées. (Id. p. 354).
Or, suivez bien mon raisonnement: étant admis que la force compte pour quelque chose dans l’établissement du droit (Id. p. 442); étant admis, d’autre part, que la femme est un tiers moins forte que l’homme, elle sera donc à l’homme, sous le rapport physique, comme 2 est à 3. Conséquemment dans l’atelier social, la valeur des produits de la femme, sera d’un tiers au dessous de celle des produits de l’homme; donc dans la répartition des avantages sociaux, la proportion sera la même: voilà ce que dit la justice.
L’homme sera toujours le plus fort et toujours produira le 169 plus, «ce qui veut dire que l’homme sera le maître et que la femme obéira: dura lex, sed lex.» (Id. p. 342.)
D’ailleurs, songez-y, la femme tombe à la charge de l’homme pendant la gésine; sa faiblesse physique, ses infirmités, sa maternité, l’excluent fatalement et juridiquement de toute direction politique, doctrinale, industrielle (Id. p. 243).
Passons maintenant au second point. Mais d’abord retenez bien ceci, c’est que la femme, comme toute chose, est antinomique; la femme considérée en dehors de l’influence de l’homme, c’est la thèse; la femme considérée sous l’influence de l’homme, c’est l’antithèse: or, c’est la thèse que nous examinons maintenant. Abordons donc la femme thétique sous le rapport intellectuel.
Nous admettrons d’abord comme principe, que la pensée est proportionnelle à la force (Id. p. 349); d’où nous sommes en droit de conclure que l’homme a l’intelligence plus forte que la femme. Aussi voyons-nous l’homme seul posséder le génie. Quant à la femme, elle n’est rien dans la science; on ne lui doit aucune invention, pas même sa quenouille et son fuseau. Elle ne généralise point, ne synthétise point; son esprit est anti-métaphysique; elle ne peut produire d’œuvre régulière, pas même un roman; elle ne compose que des macédoines, des monstres; «elle fait des épigrammes, de la satire, ne sait pas formuler un jugement, ni le motiver; ce n’est pas elle qui a créé les mots abstraits: cause, temps, espace, quantité, rapport….. la femme est une vraie table tournante.» (Id. p. 357.)
Je vous ai déjà dit que la femme ne produit pas plus de germes intellectuels que de germes physiques: son infériorité 170 intellectuelle «porte sur la qualité du produit autant que sur l’intensité et la durée de l’action et, comme dans cette faible nature, la défectuosité de l’idée résulte du peu d’énergie de la pensée, on peut bien dire que la femme a l’esprit essentiellement faux, d’une fausseté irrémédiable. (Id. p. 349.)
«Des idées décousues, des raisonnements à contre-sens, des chimères prises pour des réalités, de vaines analogies érigées en principes, une direction d’esprit fatalement inclinée vers l’anéantissement: Voilà l’intelligence de la femme.» (Id. p. 348.)
Oui la femme «est un être passif, énervant, dont la conversation épuise comme les embrassements. Celui qui veut conserver entière la force de son esprit et de son corps, la fuira. (Id. p. 359.)
«Sans l’homme qui lui sert de révélateur et de verbe, elle ne sortirait pas de l’état bestial.»
MOI. Calmez-vous, Maître, et dites-moi s’il est vrai que vous ayez maltraité les femmes de lettres.
M. PROUDHON. Des femmes de lettres! Est-ce qu’il y en a? «La femme auteur n’existe pas; c’est une contradiction. Le rôle de la femme dans les lettres, est le même que dans la manufacture; elle sert là où le génie n’est plus de service, comme une broche, comme une bobine. (Id. p. 360.)
«En retranchant d’un livre de femme ce qui vient d’emprunt, imitation, lieu commun et grappillage, il se réduit à quelques gentillesses; comme philosophie à rien. A la commandite des idées, la femme n’apporte rien du sien, pas plus qu’à la génération.» (Id. p. 359.)
171 Moi. Ah! je comprends: vous voulez dire que, comme auteur, la femme de génie n’existe pas. Mais à ce compte, sur tant d’hommes qui écrivent, combien y en a-t-il parmi eux qui aient du génie et n’empruntent rien à personne?
M. PROUDHON. Je conviens qu’il y a beaucoup de femmelins; ce qui n’empêche pas que la femme ferait mieux d’aller repasser ses collerettes, que de se mêler d’écrire; car «on peut l’affirmer sans crainte de calomnie, la femme qui s’ingère de philosopher et d’écrire, tue sa progéniture par le travail de son cerveau et ses baisers qui sentent l’homme; le plus sûr pour elle et le plus honorable est de renoncer à la famille et à la maternité; la destinée l’a marquée au front; faite seulement pour l’amour, le titre de concubine lui suffit, sinon courtisane.» (Id. p. 359.)
Considérons maintenant la femme thétique sous le point de vue moral. Nous admettrons d’abord comme principe que la vertu est en raison de la force et de l’intelligence, d’où nous sommes en droit de conclure que l’homme est plus vertueux que la femme….. Ne riez pas: cela trouble mes idées. Je vais plus loin: l’homme seul est vertueux; l’homme seul a le sens de la justice; l’homme seul a la compréhension du droit. Dites-moi, je vous prie «qui produit chez l’homme cette énergie de volonté, cette confiance en lui-même, cette franchise, cette audace, toutes ces qualités puissantes que l’on est convenu de désigner par un seul mot, le Moral? Qui lui inspire avec le sentiment de sa dignité, le dégoût du mensonge, la haine de l’injustice, et l’horreur de toute domination? Rien autre chose que la conscience de sa force et de sa raison.»
172 MOI. Mais alors, Maître, si l’homme est tout cela, pourquoi donc reprochez-vous aux hommes de notre époque de manquer de courage, de dignité, de justice, de raison, de bonne foi? Quand je reprends par le menu les terribles réquisitoires que vous avez fulminés contre la gent masculine, je ne comprends pas du tout le sens de la tirade que vous venez de me débiter.
M. PROUDHON. Considérez ce que vous nommez irrévérencieusement une tirade, comme le repoussoir obligé de l’immoralité féminine.
Elle n’est que pour mettre en relief cette vérité: que «la conscience de la femme est plus débile de toute la différence qui sépare son esprit du nôtre; sa moralité est d’une autre nature; ce qu’elle conçoit comme bien et mal, n’est pas identiquement le même que ce que l’homme conçoit lui-même comme bien et mal, en sorte que, relativement à nous, la femme peut être qualifiée un être immoral.
«Par sa nature (elle) est dans un état de démoralisation constante, toujours en deçà ou au delà de la justice….. La justice lui est insupportable….. Sa conscience est antijuridique.» (Id. p. 364 et 365.)
Elle est aristocrate, aime les priviléges, les distinctions; «dans toutes les révolutions qui ont la liberté et l’égalité pour objet, ce sont les femmes qui résistent le plus. Elles ont fait plus de mal à la révolution de Février que toutes les forces conjurées de la réaction virile. (Id. p. 366.)
«Les femmes ont si peu le sens juridique, que le législateur qui a fixé l’âge de la responsabilité morale, pour les deux sexes, à seize ans, aurait pu la reculer pour les femmes jusqu’à 173 quarante-cinq. La femme ne vaut décidément comme conscience qu’à cet âge.» (Id. p. 372.)
D’elle-même, la femme est impudique (Id. p. 372). C’est donc de l’homme qu’elle reçoit la pudeur «qui est le produit de la dignité virile, le corollaire de la justice. (Id. p. 371.)
«La femme n’a pas d’autre inclination, pas d’autre aptitude que l’amour.
«Aux œuvres de l’amour, l’initiative appartient vraiement à la femme.» (Id. p. 371.)
MOI. Que de gens vous allez surprendre, Maître, en leur révélant que la pudeur vient de l’homme; que conséquemment toutes les jeunes filles séduites, toutes les petites filles dont les tribunaux punissent les corrupteurs et les violateurs, ne sont que des coquines qui ont, par leur initiative, fait oublier aux hommes leur rôle d’inspirateur de chasteté!
Vous m’éclairez, illustre Maître; et je vais écrire un mémoire pour demander que toutes les femmes et filles séduites et violées soient punies comme elles le méritent; et que, pour consoler les séducteurs, suborneurs, corrupteurs et violateurs, pauvres victimes innocentes de la férocité féminine, d’avoir péché contre le corollaire de la justice et le produit de la dignité virile, on cultive force roses, afin que les maires des quarante mille communes de France et de celles de l’Algérie les couronnent rosiers.
M. PROUDHON. Raillez tant qu’il vous plaira; la femme n’en est pas moins si perverse de sa nature que, par inclination, elle recherche les mâles laids, vieux et méchants. (Id. p. 366.)
MOI. N’est-ce pas un peu exagéré, Maître?
M. PROUDHON. (oubliant ce qu’il vient de dire). «La femme 174 préfère toujours un mannequin joli, gentil, à un honnête homme; un galantin, un fripon, en obtient tout ce qu’il veut: elle n’a que du dédain pour l’homme capable de sacrifier son amour à sa conscience.» (Id. p. 366.)
Vous voyez ce qu’est la femme: «Improductive par nature, inerte, sans industrie, ni entendement, sans justice et sans pudeur, elle a besoin qu’un père, un frère, un amant, un époux, un maître, un homme enfin, lui donne, si je puis ainsi dire, l’aimantation qui la rend capable des vertus viriles, des facultés sociales et intellectuelles.» (Id. p. 372.)
Et comme «toute sa philosophie, sa religion, sa politique, son économie, son industrie se résolvent en un mot: Amour. (Id. p. 373.)
«Irons-nous maintenant de cet être tout entier à l’amour faire un contre-maître, un ingénieur, un capitaine, un négociant, un financier, un économiste, un administrateur, un savant, un artiste, un professeur, un philosophe, un législateur, un juge, un orateur, un général d’armée, un chef d’État?
«La question porte en elle-même sa réponse.» (Id. p. 374.)
J’ai posé et prouvé ma thèse, je vais prendre mes conclusions.
«Puisque dans l’action économique, politique et sociale, la force du corps et celle de l’esprit concourent ensemble et se multiplient l’une par l’autre, la valeur physique et intellectuelle de l’homme sera à la valeur physique et intellectuelle de la femme comme 3 × 3 est à 2 × 2, soit 9 à 4. (Id. p. 360.)
«Au point de vue moral comme au point de vue physique et 175 intellectuel, sa valeur, (celle de la femme) est encore comme 2 est à 3.
«Leur part d’influence comparée entre eux, sera comme 3 × 3 × 3 est à 2 × 2 × 2; soit 27 à 8.
«Dans ces conditions la femme ne peut prétendre à balancer la puissance virile; sa subordination est inévitable. De par la nature et devant la justice, elle ne pèse pas le tiers de l’homme.» (Id. p. 375.)
Avez-vous bien compris?
MOI. Fort bien. Votre théorie, si théorie il y a, n’est qu’un tissu de paradoxes; vos prétendus principes sont démentis par les faits, vos conséquences sont également démenties par les faits; vous affirmez comme un révélateur, mais vous ne prouvez jamais comme doit le faire un philosophe. Il y a tellement d’ignorance et de sotte métaphysique dans tout ce que vous dites, que j’aime mieux vous croire de mauvaise foi, que d’être obligée de vous prendre en dédain.
Je vous ai patiemment écoutée lorsque vous m’avez dit, en le disant de toutes les femmes:
Vous êtes inerte, passive, vous n’avez le germe de rien;
Vous êtes un intermédiaire entre l’homme et l’animal, vous n’avez pas de raison d’être;
Vous êtes immorale; impudique, imbécile, aristocrate, ennemie de la liberté, de l’égalité et de la justice;
A votre tour, tâchez de m’écouter tranquillement pendant que je réfuterai vos dires par des faits, par la science et par la raison.
II.
I had proceeded thus far in my reply when, pausing to take breath and to reflect, I grew calm.
What! said I to myself, have I then no more sense than to take in earnest that shapeless thing honored by the name of theory by the good people who are so bewildered by the noise of Proudhon’s drum and tam-tam that they see stars at noon-day and the sun at midnight? Let me be calm, let me not give to the affair more importance than it possesses; and since I must set forth this thing to my readers, let me do it in a fitting tone. We will leave Proudhon to explain himself in his own words.
No sooner had I taken this good resolution, than I evoked M. Proudhon, and said to him in all humility: Master, I come to you that you may define for me the nature of woman, and also something of the nature of man.
PROUDHON. You do well, for I alone am capable of instructing you; listen then to me.
“The complete human being, adequate to his destiny, I speak of the physical, is the male, who, through his virility, attains the highest degree of muscular and nervous tension comporting with his nature and end, and thence, the maximum of action in labor and in battle.
“Woman is a DIMINUTIVE of man, lacking one organ to become a pubescent youth.
“She is a receptacle for the germs that man alone produces, a place of incubation, like the earth for the seed of the wheat; an organ inert in itself, and purposeless with respect to the woman. Such an organization—presupposes the subordination of the subject.
71 “In herself, I speak still of the physical, woman has no reason to exist; she is an instrument of reproduction which it has pleased nature to choose in preference to any other.
“Woman, in this first count, is inferior to man: a sort of mean term between him and the rest of the animal kingdom.”—Justice, Vol. III., etc.
And remark that I am not alone in my opinion:
“Woman is not only different from man,” says Paracelsus, “she is different because she is lesser, because her sex constitutes for her one faculty less. Wherever virility is wanting, the subject is imperfect; wherever it is taken away, the subject deteriorates. Woman lacks nothing in the physical point of view except to produce germs.
“Likewise, in the intellectual point of view, woman possesses perceptions, memory and imagination, she is capable of attention, reflection, and judgment; what does she lack?
“The power of producing germs, that is, ideas.—Id.
Now, follow my reasoning closely: It being admitted that strength has some weight in the establishment of right; it being admitted, on the other hand, that woman is one third weaker than man, she will then be to man, in physical respects, as two is to three. Consequently, in the social workshop, the value of the products of woman will be one third less than that of the products of man; therefore, in the division of social advantages, the proportion will be the same: thus says justice.
“Man will always be stronger and will always produce more,” which signifies that man will be the master, and that woman will obey, dura lex, sed lex.”—Id.
72 Besides, reflect that woman falls to the charge of man during gestation; her physical weakness, her infirmities, her maternity, exclude her inevitably and judicially from all political, doctrinal and industrial direction.—Id.
We will now proceed to the second point. But first, mark well that woman, like all else, is autonomic; woman, considered apart from the influence of man, is the thesis; woman, considered under the influence of man, is the antithesis; it is the thesis that we are now examining. Let us therefore approach the thetic woman in the intellectual relation.
We will first admit the principle that thought is proportional to force; whence we have a right to conclude that man possesses a stronger intellect than woman. Thus we see man alone possessing genius. As to woman, she is nothing in science; we owe to her no invention, not even her distaff and spindle. She never generalizes, never synthetizes; her mind is anti-metaphysical; she cannot produce any regular work, not even a romance; she composes nothing but medleys, monsters; “she makes epigrams, satire; does not know how to express a judgment in set terms, nor assign its causes; it was not she who created abstract words, such as cause, time, space, quantity, relation. Woman is a true table rapping medium.“—Id.
I have already told you that woman does not produce intellectual germs any more than physical germs; her intellectual inferiority tells upon the quality of the product as much as upon the intensity and duration of the action and, as in this feeble nature, the defect of the idea results from the lack of energy of the thought, it may be truly said that woman possesses a mind essentially false, of irremediable falsity.
73 “Disconnected ideas, contradictory reasonings, chimeras taken for realities, unreal analogies erected into principles, a tendency of mind inclining inevitably towards annihilation: such is the intellect of woman.”
Yes, woman “is a passive, enervating being, whose conversation exhausts like her embraces. He who wishes to preserve entire the strength of his mind and body will flee her.“—Id.
“Without man, who is to her prophet and word, she would not emerge from the bestial condition.“
AUTHOR. Calm yourself, Master, and tell me whether it is true that you have dealt harshly with literary women.
PROUDHON. Literary women! As if there were any! “The woman author does not exist; she is a contradiction. The part of woman in literature is the same as in manufactures; she is useful where genius is no longer of service, like a needle or a bobbin.
“By cutting out of a woman’s book all that is borrowed, imitated, gleaned, and common-place, we reduce it to a few pretty sayings; philosophy on nothing. To the community of ideas, woman brings nothing of her own, any more than to generation.”
PROUDHON. Ah! I understand: you mean that, in the character of author, the woman of genius does not exist. But in this respect, among the number of men that write how many are there who have genius, and who never borrow from any one?
PROUDHON. I grant that there are many effeminate men; which does not alter the fact that woman would do better to go and iron her collars than to meddle with writing; for, “it may be affirmed without fear of calumny, that the woman who dabbles with philosophy 74 and writing destroys her progeny by the labor of her brain and her kisses which savor of man; the safest and most honorable way for her is to renounce home life and maternity; destiny has branded her on the forehead; made only for love, the title of concubine if not of courtesan suffices her.”—Id.
Let us now consider the thetic woman in the moral point of view. We will admit in the first place the principle that virtue exists in the ratio of strength and intellect, whence we have a right to conclude that man is more virtuous than woman. Do not laugh; it disturbs my ideas. I go further; man alone is virtuous; man alone has the sense of justice; man alone has the comprehension of right. Tell me, I pray you, “what produces in man this energy of will, this confidence in himself, this frankness, this daring, all these powerful qualities that we have agreed to designate by the single word, morality. What inspires him with the sentiment of his dignity, the scorn of falsehood, the hatred of injustice, the abhorence of all tyranny? Nothing else than the consciousness of his strength and reason.”
AUTHOR. But then, Master, if man is all this, why do you reproach the men of our times with lack of courage, of dignity, of justice, of reason, of good faith? When I take up in minute detail the terrible charges which you have fulminated against the masculine race, I can make nothing of the meaning of the tirade you have just uttered.
PROUDHON. Consider what you irreverently name a tirade, as the necessary check to feminine immorality.
It is only to set forth the truth that of all the differences that separate her mind from ours, the conscience of woman is the most trifling, her morality is of a different 75 nature; what she regards as right and wrong is not identically the same as what man himself regards as right and wrong, so that, relatively to us, woman may be styled an immoral being.
“By her nature she is in a state of constant demoralization, always on this side or that of justice…. Justice is insupportable to her…. Her conscience is anti-judicial.”
She is aristocratic, loves privileges and distinctions; “in all revolutions that have liberty and equality for their object, women make the most resistance. They did more harm in the revolution of February than all the powers of the masculine reaction combined.
“Women have so little judicial sense that the legislator who fixed the age of moral responsibility at sixteen for both sexes, might have delayed it till forty-five, for women. Woman’s conscience is decidedly of no value till this age.”
In herself, woman is immodest.
It is from man therefore that she receives modesty, “which is the product of manly dignity, the corollary of justice.
“Woman has no other inclination, no other aptitude than love.
“In affairs of love, the initiative belongs truly to woman.”—Justice, Vol. III., pp. 364, 366.
AUTHOR. How many persons you will astonish, Master, by revealing to them that modesty comes from man; that consequently all the young girls who have been seduced, all the little girls whose corruptors and violators are punished by the courts, are but jades, who, through their initiative, have caused men to forget their character as inspirers of chastity!
76 You enlighten me, illustrious Master; and I shall at once draw up a memorial to demand that all seduced and violated women and girls shall be punished as they deserve; and that, to console the seducers, suborners, corruptors and violators, poor innocent victims of feminine ferocity, for having sinned against the corollary of justice and the product of manly dignity, rose-trees shall be forced to blossom, in order that the maires of the forty thousand communes of France and Algeria may crown them winners of the roses.
PROUDHON. Jest as you please; woman is nevertheless so perverse in her nature, that, through inclination, she seeks men who are ugly, old, and wicked.
AUTHOR. Is not this somewhat exaggerated, Master?
PROUDHON. (Forgetting what he has just said,)
“Woman always prefers a pretty, finical puppet to an honest man; a beau, a knave can obtain from her all that he desires; she has nothing but disdain for the man who is capable of sacrificing his love to his conscience.”
You see what woman is: “unproductive by nature, inert, without industry or understanding, without justice, and without modesty, she needs that a father, a brother, a lover, a husband, a master, a man, in fine, should give her that magnetic influence, if I may thus term it, which will render her capable of manly virtues, of social and intellectual faculties.”—Id.
And as “all her philosophy, her religion, her politics, her economy, her industry are resolved in one word: Love;
“Now shall we make of this being belonging wholly to love, an overseer, an engineer, a captain, a merchant, a financier, an economist, an administrator, a scholar, 77 an artist, a professor, a philosopher, a legislator, a judge, an orator, the general of an army, the head of a State?
“The question carries its answer within itself.”—Id.
I have laid down and proved my thesis, I am about to draw my conclusions.
“Since in economical, political and social action, the strength of the body and that of the mind concur and are multiplied, the one by the other, the physical and intellectual value of the man will be to the physical and intellectual value of woman as 3 ☓ 3 is to 2 ☓ 2, or as 9 to 4.
“In the moral, as in the physical and intellectual point of view, her value (that of woman,) is also as 2 to 3.
“Their share of influence, compared together, will be as 3 ☓ 3 ☓ 3 is to 2 ☓ 2 ☓ 2 or as 27 to 8.
“According to these conditions, woman cannot pretend to counterbalance the virile power; her subordination is inevitable. Both by nature, and before justice, she does not weigh the third of man.”—Id.
Do you understand clearly?
AUTHOR. Very clearly. Your theory, if theory there be, is only a tissue of paradoxes; your pretended principles are contradicted by facts, your conclusions are equally contradicted by facts; you affirm like a revelator, but you never prove, as a philosopher should do. There is so much ignorance and senseless metaphysics in all that you say, that I should rather give you credit for bad faith than be compelled to despise you.
I have listened to you patiently while you have said to me, in saying it of all women:
You are inert, passive, you possess the germ of nothing;
78 You are a mean term between man and beast, you have no right to exist;
You are immoral, immodest, imbecile, aristocratic, the enemy of liberty, equality and justice.
In your turn, endeavor to listen to me calmly, while I refute your allegations by facts, by science and by reason.
III
Il n’y a, de votre propre aveu, qu’une bonne méthode de démonstration, c’est celle d’appuyer toute affirmation sur des faits bien établis, non contredits par d’autres, légitimement sériés.
Voyons comment vous avez suivi cette méthode.
Pour nous prouver que la femme thétique ou considérée en dehors de l’influence de l’homme, est telle que vous la dépeignez, il faut, d’après la méthode rationnelle, que vous nous mettiez en présence d’une ménagerie de ces femmes, puis d’une autre ménagerie composée d’hommes n’ayant jamais subi l’influence de la femme, afin que nous puissions vérifier par nous-mêmes l’activité native de ceux-ci et l’inertie native de celles-là. Avez-vous eu à votre disposition, avez-vous à la nôtre ces preuves de fait?
Non: et si vous ne les avez ni ne pouvez les avoir, qu’est-ce que votre thèse, sinon l’illusion d’un cerveau malade d’orgueil et de haine pour la femme?
1o Vous dites: l’homme seul produit les germes physiques, l’anatomie répond: C’est la femme qui produit le germe; l’organe qui, chez elle, comme chez les autres femelles, remplit cette fonction, est l’ovaire.
2o Vous dites: la femme est un diminutif de l’homme; c’est un mâle imparfait, l’anatomie dit: l’homme et la femme sont deux êtres distincts, chacun complets, munis chacun d’un appareil spécial, aussi nécessaires l’un que l’autre.
3o Vous dites avec Paracelse, dont ce n’est pas la seule 177 sottise, où la virilité manque, l’être est incomplet; où elle est ôtée, il déchoit. Le simple bon sens répond: l’être ne peut être incomplet ou déchoir, que s’il s’éloigne de son type; or, le type de la femme est la féminité, non la masculinité… Si, comme vous, j’étais amoureuse du paradoxe, je dirais: l’homme est une femme incomplète, puisque c’est la femme qui produit le germe; son rôle est très douteux dans la reproduction, et la science pourra bien apprendre à s’en passer un jour. C’est le paradoxe d’Auguste Comte; il vaut le vôtre.
Pour prouver que la femme n’est qu’un mâle imparfait, il faudrait établir par des faits, que l’homme auquel on retranche la virilité, voit se développer en lui les organes propres à la femme; devient apte à la conception, à la gestation, à l’accouchement, à l’allaitement. Or je n’ai jamais appris qu’aucun gardien du sérail se fut transformé en odalisque; et vous, mon Maître?
4o Vous dites: les organes propres à la femme sont inertes et sans but pour elle; la Physiologie répond: le travail qu’accomplissent ces organes est immense; la grossesse et la crise qui la termine, en sont d’incontestables preuves. L’influence de ces organes se fait sentir non seulement sur la santé générale, mais dans l’ordre intellectuel et moral. La Pathologie, non moins éloquente, nous peint les désordres profonds qu’amène chez la femme la continence forcée, l’incontinence, l’excès ou la perversion de vitalité de ces organes que vous prétendez inertes.
5o Vous dites: la femme est une terre, un lieu d’incubation pour le germe. L’anatomie vous a répondu que la femme seule produit le germe. Lisez ce que j’ai répondu à votre ami Michelet 178 au sujet de la ressemblance des enfants, et vous saurez ce que les faits ajoutent à la réponse de la science. Votre affirmation n’est pas moins absurde en présence de ces faits que celle d’un ignorant qui prétendrait que la terre à laquelle on confierait de la graine d’œillet ou de chêne, a la propriété d’en faire sortir des roses et des palmiers.
De cette supposition fausse que la femme n’a pas de germes au physique, vous concluez: donc elle n’a pas de germes intellectuels et moraux….. Est-ce bien vous qui osez accuser la femme de prendre de fausses analogies pour des principes?
Convenez que, quand un homme s’en permet d’aussi folichonnes, et les prend pour des principes, on doit avoir plus envie de rire que de se fâcher.
6o Vous dites qu’intellectuellement et moralement la femme est, par elle-même, un néant.
Or, si je ne m’abuse, vous admettez que nos fonctions ont pour base nos organes, et vous placez les fonctions de l’intelligence et de la moralité dans le cerveau, conçu selon Gall ou à peu près.
Eh bien! l’Anatomie vous dit: chez les deux sexes la masse cérébrale est semblable pour la composition et, ajoute la Phrénologie, pour le nombre des organes. La Biologie ajoute: la loi de développement de nos organes est l’exercice qui suppose l’action et la réaction, dont le résultat est d’augmenter le volume, la consistance et la vitalité de l’organe exercé.
Il s’agissait donc, pour convaincre vos lecteurs de la vérité de vos affirmations, d’établir que les deux sexes sont soumis aux mêmes exercices du cerveau, aux mêmes excitants, et que, malgré 179 cette identité d’éducation, la femme reste constamment inférieure. Avez-vous fait cette preuve? Y avez-vous même songé? Non. Car si vous y aviez songé, votre thèse était coulée à fond, puisque vous auriez été obligé de vous avouer que l’homme et la femme ne peuvent se ressembler, car on dit à l’homme dès son enfance: résiste, lutte;
A la femme: cède, soumets-toi toujours.
A l’homme: sois toi-même, dis hardiment ta pensée; l’ambition est une vertu; tu peux prétendre à tout.
A la femme: dissimule, calcule ta moindre parole, respecte les préjugés; la modestie, l’abnégation: voilà ton lot; tu ne peux arriver à rien.
A l’homme: la science, le talent, le courage t’ouvriront toutes les carrières, te feront honorer de tous.
A la femme: la science t’est inutile: si tu en as, tu passeras pour une pédante; et si tu as du courage, tu seras dédaigneusement appelée Virago.
A l’homme: pour toi sont institués les lycées, les universités, les écoles spéciales, les grands prix; tous les établissements qui peuvent développer ton intelligence; toutes les bibliothèques où est accumulée la science du passé.
A la femme: pour toi l’histoire en madrigaux, la lecture des livres d’heures et des romans. Tu n’as que faire de lycées, d’écoles spéciales, de grands prix, de rien qui élève ton esprit et agrandisse tes vues: une femme savante est si ridicule!
Il faut que l’homme montre la science qu’il n’a souvent qu’en superficie, mais que la femme dissimule celle qu’elle possède réellement.
180 Il faut que l’homme paraisse courageux quand souvent il n’est qu’un lâche; mais que la femme feigne la poltronnerie, quand en réalité elle n’a pas peur.
Car où l’homme est réputé grand, sublime, on trouve la femme ridicule, quelquefois odieuse.
Si vous vous étiez constaté, comme vous deviez le faire, ces gymnastiques diamétralement opposées, l’une tendant à développer l’être, à l’ennoblir, l’autre à l’abaisser, à l’imbécilifier, au lieu d’écrire les sottises que vous avez écrites, vous vous seriez dit: il faut que la femme ait bien de l’initiative pour résister à l’inique système de compression qui pèse sur elle; il faut qu’elle ait bien du ressort pour se montrer si souvent supérieure à la plupart des hommes en intelligence, et toujours en moralité.
Je serais curieuse de savoir, Monsieur, ce que seraient vos mâles s’ils étaient soumis au même système que nous. Regardez donc ceux qui n’ont pas passé par vos études, et dites-moi s’ils ne sont pas généralement au dessous des femmes non cultivées. Regardez donc les hommes qui ont subi l’éducation féminine; est-ce qu’ils n’ont pas toutes les mièvreries, toute l’étroitesse d’esprit des femmelettes?
Voyez au contraire ces femmes qui, par la volonté de leurs éducateurs ou leur propre énergie, ont été soumises à la discipline masculine et, sur votre conscience, dites-moi si elles n’égalent pas les plus intelligents, les plus fermes d’entre vous?
7o Vous dites: la force intellectuelle est en raison de la force physique. Les faits répondent: les grandes pensées, les œuvres utiles datent de l’époque où les forces physiques commencent à 181 décliner. Les faits disent encore: le tempérament athlétique, qui est le plus vigoureux, est le moins intellectuel: les statuaires l’ont bien compris, eux qui taillent Hercule avec un gros corps et une petite tête.
8o Vous dites que la moralité est en raison directe de la force physique et intellectuelle combinées: c’est une plaisanterie que nous ne réfuterons pas; tout le monde sait trop bien que ces choses n’ont aucun rapport, et que les faits démentent votre assertion.
9o Vous dites: la femme étant moins forte d’un tiers, aura dans l’atelier social un tiers de priviléges de moins que l’homme.
Sur quels éléments établissez-vous cette proportion? Pour l’établir, avez-vous promené un dynamomètre dans nos départements, et mesuré la force de chaque homme et de chaque femme?
Mais votre affirmation fût-elle vraie, est-ce qu’on n’emploie que la force dans l’atelier social? et l’adresse, qu’en faisons-nous, grand économiste? Quels muscles samsoniens faut-il pour tenir des écritures, administrer, mesurer des étoffes, couper et coudre des vêtements, etc., etc.?
Et quel est le but de la civilisation, si ce n’est de nous décharger de l’emploi de notre force sur les machines, afin de n’employer que notre intelligence et notre adresse?
10o Vous dites: les infirmités, la faiblesse, la maternité de la femme, son aptitude à l’amour l’excluent de toute fonction; elle est juridiquement et fatalement exclue de toute direction politique, industrielle et doctrinale.
182 Elle ne peut être chef politique….. Et l’histoire nous montre un grand nombre d’impératrices, de reines, de régentes, de princesses souveraines qui ont gouverné avec sagesse, avec gloire, et se sont montrées très supérieures à beaucoup de souverains… à moins que Marie-Thérèse, Catherine II, Isabelle et Blanche de Castille et beaucoup d’autres ne soient que des Mythes.
La femme ne peut être législateur….. toutes les femmes que je viens de citer, l’ont été et beaucoup d’autres encore.
Les femmes ne peuvent être ni philosophes ni professeurs…
Hypathie, massacrée par les chrétiens, professait la Philosophie avec éclat; dans le moyen âge et plus tard, des Italiennes ont rempli des chaires de Philosophie, de Droit, de Mathématiques, et ont excité l’admiration et l’enthousiasme; en France, à l’heure qu’il est, des polytechniciens font très grand cas de la géomètre Sophie Germain qui s’avisait de comprendre Kant.
La femme ne peut être négociante, administratrice….. Et une grande partie de la population féminine se livre au négoce, remplit les emplois du commerce. On avoue même que c’est au génie administratif des femmes qu’est presque toujours due la prospérité des maisons.
La femme ne peut être contre-maître, chef d’atelier…. Or une foule de femmes dirigent des ateliers, inventent, perfectionnent, tiennent seules des fabriques et contribuent par leur goût et leur activité à l’accroissement de la richesse nationale, et à la réputation industrielle de notre France.
La femme ne peut être artiste….. Et tout le monde sait que le plus grand artiste littéraire de notre époque est une femme, 183 G. Sand; et tout le monde s’est incliné devant Duchesnois, Mars, Georges, Maxime, Ristori, Rachel, Dorval; et tout le monde s’est arrêté devant les belles toiles de Rosa Bonheur; et depuis le réveil des beaux-arts, chaque siècle a enregistré quelques femmes célèbres.
Nous rencontrons la femme partout, travaillant partout, rivalisant avec l’homme…. et M. Proudhon prétend qu’elle ne peut être nulle part, qu’elle en est exclue fatalement et juridiquement; que si elle gouverne et légifère comme Marie-Thérèse, c’est une contradiction.
Que si elle philosophe comme Hypathie, c’est une contradiction;
Que si elle commande une armée et remporte des victoires comme l’épouse du vainqueur de Calais, si elle se bat comme Jeanne d’Arc, Jeanne Hachette, madame Garibaldi et des milliers d’autres, c’est une contradiction.
Que si elle est négociante, administratrice, chef d’atelier comme des milliers de femmes, c’est une contradiction.
Que si elle est savante comme le docteur Boivin, Sophie Germain, et beaucoup d’autres, si elle est professeur comme beaucoup d’entre nous le sont, c’est une contradiction.
La thèse soutenue par M. Proudhon, est, comme nous venons de le voir, contredite par la science et par les faits. On se demande s’il est possible qu’il ignore les plus simples notions de l’Anatomie et de la Biologie; on se demande s’il est possible qu’il soit aveugle au point de ne pas voir que la femme est dans la réalité tout ce qu’il prétend qu’elle ne peut être fatalement et juridiquement, dans son absurde et injurieuse théorie; et nous 184 croyons que l’auteur est atteint d’ignorance et d’aveuglement volontaires.
11o Vous nous accusez, M. Proudhon, d’avoir beaucoup nui à la République de Février. Qu’est-ce à dire? Est-ce nous qui l’avons renversée ou bien le vote des hommes? Si ce sont les hommes, que nous reprochez-vous? Et si vous croyez qu’ils ont cédé à notre influence, de quel droit prétendez-vous qu’ils aiment plus que nous la liberté et l’égalité, et qu’ils aient plus que nous le sens de la justice?
Vos reproches sont plaisants: depuis l’origine des sociétés c’est l’homme qui est le maître; or, le vieux monde s’est affaissé sous le poids de l’esclavage, de l’usure, des vices les plus éhontés; le monde moderne menace de périr par l’inégalité et ses tristes conséquences; vous avouez vous-même que l’injustice est partout dans ce monde fait par votre sexe, et vous dites que l’homme a le sens juridique!
Et en présence de l’inégalité, de l’oppression créées par les hommes, de leur amour des distinctions puériles, des bassesses qu’il font pour un bout de ruban, vous accusez les femmes d’aimer l’inégalité et les priviléges!
Elles peuvent les aimer, comme vous, mais elles sont meilleures que vous, si elles ne sont pas plus justes: elles prient pour le vaincu, vous, vous le tuez!
Je ne nie pas que les femmes n’aient fait beaucoup de mal à la Révolution de Février, car elles sont aussi intelligentes que les hommes et ont une grande influence sur eux. Mais qu’a fait pour elles cette Révolution, je vous prie?
Ceux qui gouvernaient alors l’opinion ont eu besoin d’elles: 185 Les plus actives se sont mises à leur service, sans calcul, avec un entier dévouement. Quand vous vous êtes crus bien assis, par décision de la Chambre, vous leur avez fermé les portes des assemblées où elles élargissaient leur cœur pour y comprendre le grand intérêt national et la fraternité universelle. Ce que cette mesure, soutenue par un prêtre chrétien, le pasteur Athanase Coquerel, père, a produit de froissement dans le cœur des femmes, ne saurait se rendre: car nous ne sommes plus aux premiers siècles de l’Église ou au Moyen Age: ce n’est pas en vain que le sang des libres soldats de 89 coule dans nos veines.
Entendez-moi bien, M. Proudhon, vous et tous ceux qui sont assez aveugles, assez orgueilleux, assez despotes pour vous ressembler, et retenez bien ce que je vais vous dire.
La femme est comme le peuple: elle ne veut plus de vos révolutions qui nous déciment au profit de quelques ambitieux bavards.
Elle veut la liberté et l’égalité pour toutes et tous, ou elle saura bien empêcher qu’elles ne soient pour personne.
Nous, femmes de Progrès, nous nous déclarons hautement adversaires de quiconque niera le droit de la femme à la liberté.
Nos sœurs du peuple qui se sont indignées de leur exclusion des réunions populaires, vous disent: il y a bien assez longtemps que vous nous leurrez: il est temps que cela finisse. Nous ne nous laissons plus prendre à vos grands mots de Justice, de Liberté, d’Égalité, qui ne sont que de la fausse monnaie tant qu’ils ne s’appliquent qu’à la moitié de l’espèce humaine. Voulez-vous sauver le monde qui périt? appelez la femme à vos côtés. Si vous ne voulez pas le faire, laissez-nous en repos, 186 phraseurs insipides; vous n’êtes que d’ambitieux hypocrites: nous ne voulons pas que nos hommes vous suivent, et ils ne vous suivront pas.
M. PROUDHON., s’éveillant en sursaut: Insurgée! Insurgée aux doigts tachés d’encre! Impure que le péché a rendue folle!
MOI. Il est inutile de vous emporter, Maître; vous frappez sur une tête de granit. Vous m’avez exposé votre femme thèse; je vous ai discuté comme c’était mon droit. Reprenez un peu de calme pour m’exposer votre femme antithèse.
M. Proudhon est longtemps à se rendre maître de son indignation: y étant enfin parvenu, nous renouons l’entretien.
III.
There is, by your own confession, but one good method of demonstration; that of basing every affirmation upon well established facts, not contradicted by others, legitimately deduced.
Let us see how you have followed this method.
In order to prove that the thetic woman, or woman considered apart from the influence of man, is such as you depict her, it is necessary that you should bring us face to face with an assemblage of such women, and afterwards, with another assemblage composed of men who have never been subjected to the influence of women, that we may verify for ourselves the native activity of the latter and the native inertness of the former. Have you had at your disposal, can you place at ours these proofs de facto?
No; and if you neither have them nor can procure them, what is your thesis, if not the illusion of a brain sick with pride and with hatred of woman?
1. You say: man alone produces physical germs. Anatomy answers: It is woman that produces the germ; the organ that performs this function in her, as in all other females, is the ovary.
2. You say: woman is a diminutive of the man; she is an imperfect male; anatomy says: man and woman 79 are two distinct beings, each one complete, each one furnished with a special organism, the one as necessary as the other.
3. You say with Paracelsus, of whom this is not the only absurdity: where virility is wanting, the subject is imperfect; where it is taken away, the subject deteriorates. Mere good sense replies: the being can only be incomplete or deteriorate when it differs from its type; now the type of woman is feminity not masculinity…. If, like you, I were a lover of paradox, I would say: man is an imperfect woman, since it is the woman that produces the germ; his part in reproduction is very doubtful, and science may even learn some day to dispense with it. This is Auguste Comte’s paradox; it is worth as much as yours.
To prove that woman is only an imperfect male, it is necessary to establish by facts that man on being deprived of virility, finds the organs developed in him peculiar to woman, becomes qualified for conception, gestation, delivery, and giving suck. Now I have never learned that any keeper of a seraglio had been transformed into an odahlic; have you?
4. You say: the organs peculiar to woman are inert, and purposeless with respect to herself; physiology answers: the labor that these organs accomplish is immense; pregnancy and the crisis that terminates it are incontestable proofs of this. The influence of these organs makes itself felt, not only on the general health, but in the intellectual and moral order. Pathology, no less eloquent, depicts to us the grave disorders produced among women by forced continence, incontinence, the excessive or perverted vitality of these organs which you pretend are inert.
80 5. You say: woman is the soil, the place of incubation for the germ. Anatomy has told you in reply that the woman alone produces the germ. Read my reply to your friend Michelet on the subject of the resemblance of children and you will know what facts add to the answer of science. Your affirmation is no less absurd in the presence of these facts than that of a simpleton who should pretend that the soil in which the seed of the carnation or the oak is deposited, has the property of causing rosebushes or palm trees to spring up.
From this false supposition that woman has not physical germs, you conclude that she is destitute of intellectual and moral germs…. And do you really dare accuse woman of thus taking false analogies for principles?
Grant that when a man indulges in them thus wantonly, and mistakes them for principles, we ought to be more inclined to laugh than to be vexed.
6. You say that intellectually and morally, woman is in herself, nothing.
Now, if I am not mistaken, you admit that our functions have our organs for their basis, and you place the functions of intellect and morality in the brain, according to Gall, or similarly.
Well, Anatomy tells you: in both sexes, the cerebral mass is similar in composition and, adds Phrenology, in the number of organs. Biology adds: the law of development of our organs is exercise, which supposes action and reaction, the result of which is the augmentation of the volume, consistency and vitality of the organ exercised.
The point in question then, to convince your readers 81 of the truth of your affirmations, is to prove that the two sexes are subjected to the same exercise of the brain and to the same stimulus, and that despite this identity of education, woman constantly remains inferior. Have you proved this? Have you ever thought of doing so? No. For if you had, your theory would have fallen to to the ground, since you would have been forced to acknowledge that man and woman cannot be alike, for we say to man from his infancy: resist, struggle;
To woman: yield, always submit.
To man: be yourself, speak your thoughts boldly, ambition is a virtue; you can aspire to everything.
To woman: dissemble, calculate your slightest word, respect prejudices; modesty, abnegation, such is your lot; you can attain to naught.
To man: knowledge, talent, courage will open every career of life to you, will make you honored by all.
To woman: knowledge is useless to you; if you have it, you will pass for a pedant, and if you have courage, you will be disdainfully called virago.
To man: for you are instituted lyceums, universities, special schools, high prizes; all the institutions through which your intellect can be developed; all the libraries in which is accumulated the knowledge of the past.
To woman: for you is history in madrigals, the reading of prayer-books and novels. You have nothing to do with lyceums, special schools, high prizes, anything that would elevate your mind and enlarge your views; a learned woman is ridiculous!
Man must display the knowledge that he often possesses but superficially, woman must hide what she really possesses.
Man must appear courageous when he is often but a 82 coward; woman must feign timidity when in reality she is not afraid.
For where man is reputed great and sublime, woman is found ridiculous, sometimes odious.
If you had verified as you should have done, these diametrically opposite systems of training, the one tending to develop and ennoble the being, the other to degrade it and render it imbecile, instead of writing such absurdities, you would have said to yourself: woman must really have the initiative to resist the iniquitous system of repression that weighs upon her; she must have great elasticity to show herself so often superior to the majority of men in intellect, and always in morality.
I am curious to know what you males would be if subjected to the same system as we. Look at those who have not studied like you, and tell me whether they are not in general beneath uncultivated women. Look then at the men who have received a feminine education; have they not all the affectation, all the narrowness of mind of silly women?
Look, on the contrary, at those women who, through the wish of their teachers or their own energy, have been subjected to masculine discipline, and tell me, on your conscience, whether they do not equal the most intelligent, the firmest among you?
7. You say: intellectual force is in proportion to physical force. Facts reply: great thoughts, useful works, date from the period when the physical forces began to decline. Facts say also: the athletic temperament, which is the most vigorous, is the least intellectual: statuaries fully comprehend this, and sculpture Hercules with a large body and a small head.
83 8. You say that morality is in a direct ratio to physical and intellectual force combined. This pleasantry we will not refute; every one knows too well that these things have no relation, and that facts contradict your assertion.
9. You say: woman being one third weaker, should have in social labor one third the privileges of man.
Upon what elements do you base this proportion? In order to establish it, did you carry a dynamometer about through our districts and measure the strength of each man and of each woman?
But were your affirmation true, is naught but strength employed in labor? Then, great economist, what do we do with skill? What Samsonian muscles are needed to keep books, dispense justice, measure cloth, cut and sew garments, etc.!
And what is the end of civilization if not to shift the employ of our strength from ourselves to machinery that we may be at liberty to use only our intellect and skill?
10. You say: the infirmities, the weaknesses, the maternity of woman, and her aptitude for love, exclude her from all functions; she is judicially and absolutely excluded from all political, industrial and doctrinal direction.
She cannot be a political leader…. Yet history shows us numerous empresses, queens, regents and sovereign princesses who have governed with wisdom and glory, and have shown themselves far superior to many male sovereigns, unless Maria Theresa, Catherine II, Isabella and Blanche of Castile, and many others, are but myths.
Woman cannot be a legislator…. All the women whom I have just cited have been so, and many more beside.
84 Women can be neither philosophers nor professors.
Hypatia, massacred by the Christians, taught Philosophy with luster; in the Middle Age and later, Italian women filled chairs of Philosophy, Law and Mathematics, and excited admiration and enthusiasm; in France, at the present time, the Polytechnists are making great account of the geometrician, Sophie Germain, who has taken it into her head to study Kant.
Woman cannot be a merchant or an administratrix… Yet a great portion of the feminine population devote themselves to trade, or fill commercial positions. It is even admitted that the prosperity of commercial establishments is almost always due to the administrative genius of woman.
Woman cannot be an overseer, a foreman of a workshop… Yet a host of women superintend workshops, invent, improve, carry on manufactures alone, and contribute, by their taste and activity, to the increase of the national wealth and the industrial reputation of France.
Woman cannot be artist… Yet every one knows that the greatest literary artist of our age is a woman, George Sand; yet every one bows before Duchesnois, Mars, Georges, Maxime, Ristori, Rachel, Dorval; yet every one pauses before the beautiful paintings of Rosa Bonheur; yet since the revival of the fine arts, every century has registered many celebrated women.
We meet women everywhere, working everywhere, competing with man…. Yet Proudhon pretends that she can be nowhere, that she is excluded from every place absolutely and judicially; that if she governs and legislates like Maria Theresa, it is a contradiction;
85 That if she philosophises like Hypatia, it is a contradiction;
That if she commands an army and wins victories like the wife of the conqueror of Calais; if she fights like Jeanne d’Arc, Jeanne Hachette, Madame Garibaldi and thousands of others, it is a contradiction;
That if she is merchant, administratrix, superintendent of a workshop, like thousands of women, it is a contradiction;
That if she is learned like Dr. Boivin, Sophie Germain, and many others, if she is a professor as are many among us, it is a contradiction.
The thesis sustained by Proudhon is, as we have just seen, contradicted by science and by facts. We ask ourselves whether it is possible that he is ignorant of the simplest notions of Anatomy and Biology; we ask ourselves whether it is possible that he is so far blind as not to see that woman is in reality all that he pretends that she absolutely and judicially cannot be in his absurd and insulting theory; and we conclude that the author is struck with ignorance and voluntary blindness.
Your reproaches are pleasant; from the origin of society, man has been the master; now, the ancient world sunk beneath the weight of slavery, usury, and the most shameless vices; the modern world seems doomed to perish through inequality and its sad consequences, you yourself acknowledge that injustice caused by your sex exists every where in the world, and you say that man has judicial sense!
And, in the face of the inequality and oppression created by men, of their love of puerile distinctions, of the base deeds which they commit for a bit of ribbon, you accuse women of loving inequality and privileges!
86 They may love them, like you, but they are better than you, if not more just; they pray for the vanquished, you kill him!
I do not deny that women did much harm to the Revolution of February, for they are as intelligent as men, and have great influence over them. But what did this Revolution do for them, I pray?
Mark me well, you and all those who are blind enough, proud enough, despotic enough to resemble you, and remember what I say.
Woman is like the people: she desires no more of your revolutions, which decimate us for the benefit of a few ambitious babblers.
She will have liberty and equality for all men and women, or she will take care that no one shall have them.
We, Women of Progress, openly declare ourselves adversaries of whoever shall deny the right of woman to liberty.
Our sisters of the people, indignant at their exclusion from the popular assemblies, say to you: you have lured us long enough, it is time that this should end. We will no longer suffer ourselves to be ensnared by your high-sounding words of Justice, Liberty, and Equality, which are only false coin so long as they are applied to but half the human species. Do you wish to save the perishing world? Call woman to your side. If you will not do this, let us alone, insipid phraseologists; you are naught but ambitious hypocrites; we do not wish our husbands to follow you, and they will not.
IV
M. PROUDHON. J’ai dit que la femme, considérée en dehors de l’influence masculine, est un néant……
MOI. Oui, Maître; parce que c’est une pure création de votre pensée.
M. PROUDHON. Mais la femme, considérée sous l’influence de l’homme, est la moitié de l’être humain, et je chante des litanies en son honneur.
MOI. Vous faites donc rentrer la femme dans l’humanité par la porte de l’Androgynie, afin de lui rendre sa part de droits?… C’est drôlet, mais cela m’est égal.
M. PROUDHON. Non pas! non pas! La femme avoir des droits!… Jamais, tant que je serai P. J. Proudhon. Elle est bien le complément de l’homme qui, sans elle, ne serait qu’une brute…..
187 MOI. Ah! ça, mon docte Maître, comment tout cela s’arrange-t-il dans votre cerveau? Vous m’avez dit jusqu’ici que la femme doit tout à l’homme, puis vous me dites maintenant que, sans la femme, l’homme ne serait qu’une brute… Il n’est donc pas adéquat à sa destinée comme vous l’avez affirmé? Et si la femme n’est rien sans lui, et qu’il ne soit rien sans la femme, je ne vois plus du tout sur quoi vous vous appuyez pour faire de lui l’initiateur de cette pauvre malheureuse.
M. PROUDHON. Je n’ai point à m’expliquer là dessus: c’est mon idée. Je compare seulement les qualités respectives des sexes, et comme je trouve qu’elles sont incommutables…..
MOI. Ah! J’entrevois: alors vous ne les équilibrez pas, parce que vous pensez qu’elles ne se ressemblent pas; et, ne pouvant préjuger les droits de la femme, vous la laissez libre.
M. PROUDHON. Comment! Comment! La femme libre! Quelle horreur! Avez-vous donc résolu de me faire tomber en convulsion? La femme, quelqu’éminentes que soient ses qualités, doit servir l’homme en silence et en toute humilité.
MOI. Franchement, Maître, tout cela me semble un galimatias où, tout Satan que vous êtes, vous ne sauriez vous-même voir goutte.
M. PROUDHON. Écoutez-moi sans plus davantage m’interrompre, si vous voulez me comprendre.
«L’homme, sans la grâce féminine, ne serait pas sorti de la brutalité du premier âge; il violerait sa femelle, étoufferait ses petits, ferait la chasse à ses pareils pour les dévorer.
«La femme est la conscience de l’homme personnifiée, l’incarnation de sa jeunesse, de sa raison et de sa justice, de ce qu’il 188 y a en lui de plus pur et de plus intime, de plus sublime (3e volume. Justice, etc., p. 446).
«Idéalité de son être, elle devient pour lui un principe d’animation, une grâce de force, de prudence, de justice, de patience, de courage, de sainteté, d’espérance, de consolation, sans laquelle il serait incapable de soutenir le fardeau de la vie, de garder sa dignité, de se supporter lui-même, de remplir sa destinée.
«C’est par elle, par la grâce de sa divine parole, que l’homme donne la vie et la réalité à ses idées, en les ramenant sans cesse de l’abstrait au concret.
«Auxiliaire du côté de la justice, elle est l’ange de patience, de résignation, de tolérance, la gardienne de sa foi, le miroir de sa conscience, la source de ses dévouements. Vaincu, coupable, c’est encore dans le sein de la femme qu’il trouve la consolation et le pardon.»
L’homme a la force, la femme la beauté. Par sa beauté, elle doit être l’expression de la Justice «et l’attrait qui nous y porte….. elle sera meilleure que l’homme….. elle sera le moteur de toute justice, de toute science, de toute industrie, de toute vertu» (Id., p. 438).»
Aussi «la beauté est la vraie destination du sexe; c’est sa condition naturelle, son état (Id., p. 439).»
La femme est l’âme de tout: «sans elle toute beauté s’évanouit; la nature est triste, les pierres précieuses sans éclat; tous nos arts, enfants de l’amour, insipides, la moitié de notre travail sans valeur.
«Si, sous le rapport de la vigueur, l’homme est à la femme 189 comme 3 est à 2, la femme, sous le rapport de la beauté, est aussi à l’homme comme 3 est à 2 (Id., p. 340).
«Si du corps nous passons à l’esprit et à la conscience, la femme, par sa beauté, va se révéler avec de nouveaux avantages (Id., p. 344).»
L’esprit de la femme est plus intuitif, plus concret, plus beau que celui de l’homme; «il semble à l’homme, et il l’est en effet, plus circonspect, plus prudent, plus réservé, plus sage, plus égal; c’est Minerve, protectrice d’Achille et d’Ulysse, qui apaise la fougue de l’un, et fait honte à l’autre de ses paradoxes et de ses roueries; c’est la Vierge que la litanie chrétienne appelle siége de Sapience (Id., p. 412).
«La qualité de l’esprit féminin a pour effet de servir au génie de l’homme de contre-épreuve, en reflétant ses pensées sous un angle qui les lui fait paraître plus belles si elles sont justes, plus absurdes si elles sont fausses; en conséquence à simplifier notre savoir, à le condenser en des propositions simples, faciles à saisir comme de simples faits, et dont la compréhension intuitive, aphoristique, imagée, tout en mettant la femme en partage de la philosophie et des spéculations de l’homme, lui en rend à lui-même la mémoire plus nette, la digestion plus légère….. Il n’est pas un homme parmi les plus savants, les plus inventifs, les plus profonds qui n’éprouve, de ses communications avec les femmes, une sorte de rafraîchissement…..
«Les vulgarisateurs sont en général des esprits féminisés; mais l’homme n’aime pas à servir la gloire de l’homme, et la nature prévoyante a chargé la femme de ce rôle (Id., p. 442 et 441).
190 «Qu’elle parle donc, qu’elle écrive même, je l’y autorise et je l’y invite; mais qu’elle le fasse selon la mesure de son intelligence féminine, puisque c’est à cette condition qu’elle peut nous servir et nous plaire, sinon je lui ôte la parole (Id., p. 405).
«L’homme a la force; mais cette constance dont il se vante en sus, il la tient surtout de la femme….. Par elle (la femme) il dure et apprend le véritable héroïsme. A l’occasion elle saura lui donner l’exemple, alors elle sera plus sublime que lui (Id., p. 443).
«La femme rendra le droit aimable et, de ce glaive à double tranchant, fera un rameau de paix….. Point de justice sans tolérance; or, c’est à l’exercice de la tolérance que la femme excelle; par la sensibilité de son cœur, la délicatesse de ses impressions, par la tendresse de son âme, par son amour, enfin, elle arrondit les angles tranchants de la justice, détruit ses aspérités, d’une divinité de terreur, fait une divinité de miséricorde. La justice, mère de paix, ne serait pour l’humanité qu’une cause de désunion sans ce tempérament qu’elle reçoit surtout de la femme.» (Id., p. 443 et 444.)
Et quelle chasteté possède la femme! Avec quelle constance elle attend son fiancé! Quelle continence elle observe pendant l’absence ou la maladie de son mari! Ah! «la femme seule sait être pudique… Par cette pudeur qui est sa prérogative la plus précieuse, elle triomphe des emportements de l’homme et ravit son cœur.» (Id., p. 444.)
Et quelle sagesse dans le choix qu’elle fait du compagnon de sa vie!
191 «Elle veut l’homme fort, vaillant, ingénieux; elle le méconnaît s’il n’est que gentil et mignon.»
Maintenant, ma peu chère, peu docile, et fort peu révérencieuse disciple, résumons-nous.
La femme, sous le rapport de la beauté physique intellectuelle et morale, est à l’homme comme 3 est à deux; «ainsi l’on peut bien dire qu’entre l’homme et la femme il existe une certaine équivalence, provenant de leur comparaison respective, au double point de vue de la force et de la beauté; si par le travail, le génie et la justice l’homme est à la femme comme 27 est à 8, à son tour par les grâces de la figure et de l’esprit, par l’aménité du caractère et la tendresse du cœur, elle est à l’homme comme 27 est à 8….. Mais ces qualités respectives sont incommutables, ne peuvent être la matière d’aucun contrat…
«Or, comme toute question de prépondérance dans le gouvernement de la vie humaine, ressortit soit de l’ordre économique, soit de l’ordre philosophique ou juridique, il est évident que la supériorité de la beauté, même intellectuelle et morale, ne peut créer une compensation à la femme, dont la condition est ainsi fatalement subordonnée.» (Id., p. 445.) Me comprenez-vous maintenant?
MOI. Ce que je comprends, c’est que cela est pur sophisme, chose facile à démontrer; c’est que, si votre thèse est absurde, votre antithèse, quelque complimenteuse qu’elle soit, l’est tout autant; c’est que vous avez entassé contradictions sur contradictions, et c’est pour moi un triste spectacle que de voir une intelligence aussi forte et aussi belle que la vôtre se livrer à de tels exercices.
192 Vous allez juger vous-même si mes reproches et mes regrets sont fondés.
Dans la Thèse vous dites: l’homme seul est par lui-même intelligent et juste, seul il est adéquat à sa destinée; la femme n’a pas de raison d’être; sans l’homme elle ne sortirait pas de l’état bestial.
Dans l’antithèse: sans la femme, qui est le principe d’animation de l’homme, le moteur de toute science, de tout art, de toute industrie, de toute vertu; sans la femme, qui rend la justice possible, la pensée compréhensible et applicable, l’homme, bien loin d’être par lui-même juste, intelligent, travailleur, ne serait qu’une brute qui violerait sa femelle, étranglerait ses petits et ferait la chasse à ses pareils pour les dévorer.
Que résulte-t-il de ces affirmations divergentes? Que si la femme seule est inadéquate à sa destinée, l’homme seul est inadéquat à la sienne, et que l’adéquation de l’un et de l’autre se fait par la synthèse de leurs qualités respectives.
Il en résulte encore que, de votre propre aveu, l’homme reçoit autant de la femme que celle-ci reçoit de lui, puisque, s’il la tire de l’état bestial, elle le tire de l’état de brute féroce.
Il en résulte enfin que, toujours de votre propre aveu, il y a équivalence entre les qualités respectives des deux sexes. Seulement vous prétendez que ces qualités ne peuvent se mesurer, ne peuvent être pour cela matière à contrat, et que les qualités de l’homme, important plus à l’état social que celles de la femme, celle-ci doit être subordonnée au premier.
Dites-moi, Monsieur, y a-t-il commutabilité entre les qualités qui différencient les hommes?
193 Entre l’homme de génie et le modeste chiffonnier?
Entre le philosophe qui renouvelle l’esprit humain et le portefaix qui ne sait même pas lire?
Entre le cerveau qui découvre une grande loi naturelle et celui qui ne pense à rien?
Répondre affirmativement est impossible: car on ne compare que des choses de même nature.
Or, s’il ne peut y avoir commutabilité entre des individus si différents, il n’y a donc pas, d’après votre système, matière entre eux à contrat social?
Pourquoi donc alors prétendez-vous que ces hommes doivent être égaux socialement?
Pourquoi donc acceptez-vous qu’ils puissent associer, dans un contrat particulier, des choses qui ne peuvent être soumises à une commune mesure?
Il n’est pas besoin d’être bien fort en philosophie, en économie, Monsieur, pour savoir qu’un contrat quelconque est un aveu d’insuffisance personnelle; que l’on ne s’associerait pas si l’on pouvait se passer des autres; et qu’en général les contractants ont pour motif de se compléter, sous un certain point de vue, en mettant la commutabilité où la nature des choses ne l’a pas mise.
Dans une œuvre commune, l’un apporte son idée, un autre ses bras, un troisième son argent, un quatrième la clientèle: si chacun d’eux avait eu tout cela ensemble, aucun n’aurait songé à s’associer: une heureuse insuffisance les a rapprochés, et leur a fait établir l’équivalence entre chacun des apports qui ne pouvaient être soumis à une commune mesure.
Donc il serait vrai que les qualités respectives des sexes diffèrent 194 comme vous le prétendez, que, par cela même qu’elles sont également nécessaires à l’œuvre collective, elles sont essentiellement matière à contrat et équivalentes.
Mais diffèrent-elles comme vous le dites? Vous savez ce que répondent et la science et les faits. Nous n’y reviendrons pas. Toutes vos distinctions de beauté et de force ne sont que des classements de fantaisie. Nous savons tous que sur dix-huit millions de mâles français, à l’heure qu’il est, nous avons quelques hommes de génie, très spécialistes, un peu plus d’hommes de talent, peut-être pas quatre philosophes, énormément de médiocrités et une foule immense de nullités. C’est donc une dérision d’établir le droit de prépotence d’un sexe d’après des qualités qui, d’une part, ne sont pas chez chacun de ses membres, et de l’autre se trouvent souvent à un plus haut degré dans le sexe qu’on prétend soumettre.
D’ailleurs votre sexe possédât-il les qualités que vous lui attribuez, à l’exclusion du mien, puisque, de votre aveu, il n’y aurait ni civilisation, ni science, ni art, ni justice, sans les qualités que vous dites spéciales à la femme; que sans ces qualités l’homme ne serait qu’une brute et un anthropophage, il en résulterait que la femme est au moins l’équivalente de l’homme, si ce n’est sa supérieure.
Relevons maintenant quelques-unes de vos contradictions.
1re Thèse. La femme est une sorte de moyen terme entre l’homme et le reste des animaux.
Antithèse. Non; la femme est l’idéalisation de l’homme, dans ce qu’il a de plus sublime et de plus pur.
195 2e Thèse. La femme est une créature inerte, sans entendement, qui n’a pas de raison d’être.
Antithèse. Non; la femme est le principe d’animation de l’homme; sans elle, il ne pourrait remplir sa destinée; elle est le mobile de toute justice, de toute science, de toute industrie, de toute civilisation, de toute vertu.
3e Thèse. La femme ne sait ni formuler un jugement, ni le motiver; elle n’a que des idées décousues, des raisonnements à contre sens; elle prend des chimères pour des réalités, ne compose que des macédoines, des monstres.
Antithèse. Non; l’intelligence de la femme est plus belle que celle de l’homme; elle a l’esprit plus sage, plus prudent, plus réservé; elle fait la contre-épreuve des idées masculines. C’est Minerve faisant honte à Ulysse de ses paradoxes et de ses roueries; c’est un siége de Sapience.
4e Thèse. Sans l’aimantation de l’homme, la femme ne sortirait pas de l’état bestial.
Antithèse. Sans l’aimantation de la femme, l’homme ne serait qu’une bête féroce.
5e Thèse. La femme qui philosophe et écrit tue sa progéniture; elle ferait mieux d’aller repasser ses collerettes; elle n’est bonne qu’à être concubine et courtisane.
Antithèse. La femme doit entrer en participation de la philosophie et des spéculations de l’homme, et les vulgariser par ses écrits.
6e Thèse. La conversation de la femme épuise, énerve; celui qui voudra conserver intacte la force de son esprit et de son corps fuira la femme.
196 Antithèse. La conversation de la femme rafraîchit les hommes les plus éminents.
7e Thèse. La femme a la conscience débile; elle est immorale, anti-juridique; elle ne vaut comme responsabilité morale qu’à quarante-cinq ans.
Antithèse. La femme est le miroir de la conscience de l’homme, l’incarnation de cette conscience; par elle seule la justice devient possible; elle est la gardienne des mœurs; elle est supérieure à l’homme en beauté morale.
8e Thèse. La femme est sans vertu.
Antithèse. La femme excelle dans la tolérance; c’est par elle que l’homme apprend la constance et le véritable héroïsme.
9e Thèse. La femme est impudique: c’est elle qui a l’initiative aux œuvres de l’amour.
Antithèse. La femme seule sait être pudique; en principe, il n’y a pas de femmes impures; c’est la femme qui calme les emportements sensuels de l’homme.
10e Thèse. La femme préfère un mâle laid, vieux et méchant;
Non, la femme préfère un mannequin joli, gentil, un galantin, un fripon.
Antithèse. Non; la femme veut l’homme fort, vaillant, ingénieux; elle le méconnaît quand il n’est qu’un mannequin joli, gentil, un galantin.
J’irais ainsi jusqu’à cent, et je ferais une croix pour recommencer une autre centaine. Est-il bien possible, Monsieur, que vous vous moquiez ainsi de vos lecteurs!
M. PROUDHON. La contradiction n’est pas dans ma pensée, mais seulement dans les termes. La femme de ma thèse est celle 197 qui n’a pas subi l’aimantation masculine, tandis qu’au contraire, celle de l’antithèse l’a subie.
MOI. Vous ririez bien de nous, si nous prenions au sérieux une telle réponse. Quoi, vous avez vu des femmes hors de la société, et qui auraient pu prendre les hommes pour des oies de frère Philippe?
Vous avez constaté que, dans cette ménagerie, on pensait faux, on écrivait mal, on ne valait comme conscience qu’à quarante-cinq ans?
Que là, en l’absence des hommes, les femmes ont l’initiative aux œuvres de l’amour?
Que la conversation de ces femmes épuise, énerve les hommes qui n’y sont pas?
Que ces femmes préfèrent les hommes vieux, laids, méchants, ou les mannequins jolis, gentils, qui ne sont pas à leur disposition?
Si la femme de votre thèse est celle qui n’a pas subi l’influence masculine, pourquoi prenez-vous les femmes que vous attaquez parmi celles qui l’ont subie?
Vos contradictions, mon Maître, sont de vraies et bonnes contradictions. Pour vous comme pour nous, il n’y a qu’une femme: celle qui vit dans la société de l’homme, qui a comme lui des défauts et des vices, et l’influence autant qu’elle en est influencée: l’autre n’a jamais existé que dans le cerveau des mystiques et des hallucinés.
Mais laissons cela.
On m’a dit que vous aviez parlé de l’amour: cela me semblerait impossible, si je ne vous savais pas tant d’audace.
198 M. PROUDHON. J’en ai parlé, ainsi que du Mariage.
MOI. Eh bien! faisons une petite excursion sur ces deux territoires. Parlons de l’Amour d’abord.
IV.
PROUDHON. Let us consider woman in the antithesis. I have said that woman, considered apart from masculine influence, is nothing.
AUTHOR. Yes, Master, because this is a pure creation of your thought.
PROUDHON. But woman, considered under the influence of man, is half of the human being, and I sing litanies in her praise.
AUTHOR. Then you make woman re-enter humanity through the door of Androgyny, in order to restore to her her share of rights…. This is absurd; no matter.
PROUDHON. Not so! not so! Women have rights! Never, so long as I am Proudhon! She is indeed the complement of man, who, without her, would be only a brute.
AUTHOR. Ah! my learned Master, how do these things harmonize in your brain? You have said hitherto that woman owes everything to man, you tell me now that, without woman, man would be only a brute. Is he not then, adequate to his destiny, as you have affirmed? And if woman is nothing without him, and he nothing without woman, I can see no longer upon what you rest in making him the guide of this poor unfortunate.
PROUDHON. I need not explain myself, such is my idea. I am simply comparing the respective qualities of the sexes, and, as I find, they are incommutable.
AUTHOR. Ah! I catch a glimpse of your meaning; then you do not weigh them in the balance since they are not alike, and, being unable to prejudice the rights of woman, you leave her free.
88 PROUDHON.What! what! Woman free! Horrible! Are you resolved to throw me into convulsions? Woman, however eminent may be her talents, should serve man in silence and in all humility.
AUTHOR. Frankly, Master, all this appears to me nonsense, which, satanic as you are, you cannot yourself understand in the least.
PROUDHON. Listen without interrupting me further, if you wish to comprehend me.
“Without feminine grace, man would not have emerged from the brutality of the early ages; he would violate his female, smother his little ones, and give chase to his fellows in order to devour them.
“Woman is the conscience of man personified, the incarnation of his youth, his reason and his justice, of all within him that is purest, most sacred, most sublime.—Justice, Vol. III., etc.
“The ideality of his being, she becomes to him a principle of animation, a gift of strength, of prudence, of justice, of patience, of courage, of sanctity, of hope, of consolation, without which he would be incapable of sustaining the burden of life, of preserving his dignity, of enduring himself, of fulfilling his destiny.
“It is through her, through the grace of her divine word, that man gives life and reality to his ideas, by bringing them back unceasingly from the abstract to the concrete.
“The auxiliary on the side of justice, she is the angel of patience, of resignation, of tolerance, the guardian of his faith, the mirror of his conscience, the source of his devotion. Vanquished, guilty, it is still in the bosom of woman that he finds consolation and pardon.”
Man has strength, woman beauty. Through her 89 beauty, she should be the expression of Justice, “and the attraction that draws us to it…. She will be better than man…. She will be the motor of all justice, all knowledge, all industry, all virtue.”—Id.
Also, “beauty is the true destination of the sex; it is its natural condition, its state.”—Id.
Woman is the soul of everything; “without her, all beauty fades; nature is sad, precious stones lose their luster, all our arts, children of love, become insipid, half of our labor is without value.
“If, with respect to vigor, man is to woman as 3 to 2, woman, with respect to beauty, is to man as 3 to 2.
“If, from the body, we pass to the mind and conscience, woman, through her beauty, will be revealed with new advantages.”—Id.
The mind of woman is more intuitive, more concrete, finer than that of man; “it seems to man, and is in fact, more circumspect, more prudent, more reserved, wiser, more equable; it was Minerva, the protectress of Achilles and Ulysses, who appeased the fury of the one, and shamed the other of his paradoxes and profligacies; it is the Virgin whom the Christian litany calls the seat of wisdom.
“The quality of the feminine mind has the effect of serving the genius of man as a radiator, by reflecting his thoughts at an angle which makes them appear more beautiful if they are correct, more absurd if they are false; consequently, of simplifying our knowledge and condensing it into simple propositions, easy to seize upon as simple facts, and the intuitive, aphoristic, imaged comprehension of which, while giving woman a share in the philosophy and the speculations of man, makes their memory clearer to him, their digestion more easy… 90 There is not a man among the most learned, the most inventive, the most profound, who does not feel a sort of refreshment from conversation with women….
“Popularizers are generally minds of the feminine type; but man does not like to be subservient to the glory of man, and provident Nature has assigned this part to woman.
“Let her speak, then, let her write, even, I authorize and invite her to do so; but let her do it according to the measure of her feminine intelligence, since it is on this condition that she can serve us, and please us, otherwise I withdraw the permission.
“Man has strength; but that constancy of which he boasts overmuch, he derives especially from woman…. Through her he endures, and learns true heroism. Upon occasion, she can set him the example of it; she will be, then, more sublime than he.
“Woman will render the law kind, and will convert this two-edged sword into an olive branch…. There is no justice without tolerance; now, it is in the exercise of tolerance that woman excels; by the sensibility of her heart and the delicacy of her impressions, by the tenderness of her soul, by her love, in fine, she will blunt the sharp angles of justice, destroy its asperities, of a divinity of terror make a divinity of peace. Justice, the mother of Peace, would be only a cause of disunion to humanity, were it not for this tempering which she receives especially from woman.”—Id.
And what chastity does woman possess! With what constancy she awaits her betrothed! What continence she observes during the absence or sickness of her husband! Ah! “woman alone knows how to be modest…. Through this modesty, which is her most precious 91 prerogative, she triumphs over the transports of man, and ravishes his heart.”—Id.
And what wisdom in her choice of the companion of her life!
“She desires man to be strong, valiant, ingenious; she turns from him if he is mincing and delicate.”—Id.
Now, my unloved, indocile, and very irreverent disciple, let us recapitulate.
Woman, with respect to physical, intellectual and moral beauty, is to man as 3 to 2; “thus it may be said, indeed, that between man and woman there exists a certain equivalence, arising from their respective comparison, in the two-fold point of view of strength and beauty; if, by labor, genius, and justice, man is to woman as 27 to 8, in her turn, by graces of form and mind, by amenity of character and tenderness of heart, she is to man as 27 to 8…. But these respective qualities are incommutable, cannot be the subject of any contract….
“Now, as every question of preponderance in the government of human life is within the jurisdiction either of the economical order, or of the philosophical or judicial order, it is evident that superiority of beauty, even of that which is intellectual and moral, cannot create a compensation for woman, whose condition is thus made fatally subordinate.”—Id.
Do you understand me now?
AUTHOR. I understand that this is pure sophistry, a thing easily demonstrated; that if your thesis is absurd, your antithesis, however complimentary it may be, is quite as much so; that you have piled contradictions upon contradictions, and that it is a sad spectacle to me to see so strong and fine an intellect as yours abandon itself to such practices.
92 You shall judge for yourself whether my reproaches and regrets are well founded.
In the Thesis you say: man alone is in himself intelligent and just, he alone is adequate to his destiny. Woman has no reason for existing; without man, she would not emerge from the bestial condition.
In the Antithesis: without woman, who is the principle of animation of man, the motive power of all science, of all art, of all industry, of all virtue—without woman, who renders justice possible, thought comprehensible and applicable, man, far from being in himself just, intelligent, a worker, would be but a brute, who would violate his female, strangle his little ones, and pursue his fellow men in order to devour them.
What follows from these divergent affirmations? That if woman alone is inadequate to her destiny, man alone is inadequate to his, and that the adequateness of both is caused by the synthesis of their respective qualities.
It also follows, by your own admission, that man receives as much from woman as she receives from him, since, if he rescues her from the bestial state, she rescues him from the state of brute ferocity.
It follows, lastly, by your own admission, that there is equivalence between the respective qualities of the two sexes. Only you pretend that these qualities cannot be measured by each other, and cannot therefore be subject for contract, and that the qualities of man being more important to the social state than those of woman, the latter should be subordinated to the former.
Tell me, is there commutability between the qualities that distinguish men from each other?
93 Between the man of genius and the humble rag-picker?
Between the philosopher who elevates the human mind and the porter who does not even know how to read?
Between the brain that discovers a great natural law and the one that reflects on nothing?
To answer affirmatively is impossible: for we only compare things of the same nature.
Now, if there can be no commutability between individuals so different, is there not, according to your system, subject for social contract between them?
Why then do you claim that these men should be equal socially?
Why then do you admit that they may associate things in a private contract which cannot be subjected to a common measure?
There is no need to be learned in philosophy or economy to know that any contract whatsoever is an admission of personal insufficiency; that we would not enter into partnership with others if we could dispense with them; and that in general the design of the contracting parties is to establish commutability where it has not been established by the nature of things.
To a common work, one brings his idea, another his hands, a third, his money, a fourth, custom: if each of the parties had had all these combined, no one would have thought of forming a partnership: a happy insufficiency brought them together, and caused them to establish equivalence between the shares of capital which could not be subjected to a common measure.
Were it true, therefore, that the qualities of the sexes differ as you pretend, then, as through this same difference, 94 they are equally necessary to the collective work, they are essentially subject to contract, and equivalent.
But do they differ as you say? You know the answer of science and facts. We will not return to it. All your distinctions of beauty and strength are only imaginary classifications. We all know that of eighteen millions of Frenchmen, at the present time, we have a few men of genius, absorbed in specialties, a few more men of talent, perhaps not four philosophers, mediocrities in abundance, and an immense host of cyphers. It is mockery, therefore, to establish the right of prepotency of a sex from qualities which, on the one hand, do not exist in each of its members, and, on the other, are often found in the highest degree in the sex which it is claimed to reduce to subjection.
Besides, did your sex possess the qualities which you ascribe to it, to the exclusion of mine; since, by your admission, there would be neither civilization, nor science, nor art, nor justice, without the qualities you term peculiar to woman; and since, without these qualities, man would be only a brute and an anthropophagus, it thence follows that woman is at least the equivalent of man, if not his superior.
Let us now notice a few of your contradictions.
1st Thesis. Woman is a sort of mean term between man and the rest of the animal kingdom.
Antithesis. No; woman is the idealisation of man, in that which is purest and most sublime in him.
2d Thesis. Woman is an inert creature, devoid of understanding, that has no reason for existing.
Antithesis. No; woman is the animating principle of man; without her, he could not fulfil his destiny; she is the motive power of all justice, all science, all industry, all civilization, all virtue.
95 3d Thesis. Woman does not know how to express an opinion in set terms, or to assign reasons for it; she has only disconnected ideas, erroneous reasonings; she mistakes chimeras for realities, composes nothing but medleys, monsters.
Antithesis. No; the intellect of woman is finer than that of man; she has a wiser, more prudent, more reserved mind; she is the foil of masculine ideas. She is Minerva shaming Ulysses for his paradoxes and profligacies; she is the seat of wisdom.
4th Thesis. Without the magnetic influence of man, woman would not emerge from the bestial state.
Antithesis. Without the magnetic influence of woman, man would be but a ferocious beast.
5th Thesis. The woman who philosophises and writes, destroys her progeny; she had better go iron her collars; she is good for nothing but to be concubine or courtesan.
Antithesis. Woman should participate in the philosophy and speculations of man, and popularize them by her writings.
6th Thesis. The conversation of woman exhausts, enervates; he who wishes to preserve intact the force of his mind and body, will flee her.
Antithesis. The conversation of woman refreshes the most eminent men.
7th Thesis. Woman has an infirm conscience; she is immoral, anti-judicial; she is worth nothing as to moral responsibility until forty-five years of age.
Antithesis. Woman is the mirror of the conscience of man, the incarnation of this conscience; through her alone justice becomes possible; she is the guardian of morals; she is superior to man in moral beauty.
96 8th Thesis. Woman is without virtue.
Antithesis. Woman excels in tolerance; through her, man learns constancy and true heroism.
9th Thesis. Woman is immodest: she takes the initiative in affairs of love.
Antithesis. Woman alone knows how to be modest; in principle, there are no impure women; woman calms the sensual passions of man.
10th Thesis. Woman prefers an ugly, old, and wicked man.
No; woman prefers a pretty, mincing puppet, a beau.
Antithesis. No; woman wishes man strong, valiant, ingenious; she turns from him when he is but a pretty, mincing puppet, a beau.
I might go on thus to a hundred, and then make a cross to begin another hundred. Can it be possible that you trifle in this manner with your readers?
PROUDHON. The contradiction is not in my thought, but only in the terms. The woman of my thesis is she who has not been subjected to masculine magnetism, to which the woman of my antithesis, on the contrary, has been subjected.
AUTHOR. You would have reason to laugh at us, should we take such an answer in earnest. What! have you seen women outside of society, who would have taken men for monkeys?
Have you proved that in this menagerie, they think falsely, they write badly, they are worth nothing as to conscience until forty-five years of age?
That there, in the absence of men, the women take the initiative in affairs of love?
That the conversation of these women exhausts, enervates the men who are not there?
97 That these women prefer the old, ugly and wicked men, or the pretty, mincing puppets, who are not at their disposal?
If the woman of your thesis is the one who has not been subjected to masculine influence, why do you take the women whom you attack from among those who have been subjected to it?
Your contradictions, Master, are genuine and fair contradictions. For you as for us, there is but one woman: she who lives in the society of man, who has, like him, faults and vices, and who influences him as much as she is influenced by him: the other has never existed except in the brain of mystics and of victims of hallucination.
But we will leave this.
I have been told that you have spoken of love: it would seem to me impossible, did I not know your audacity.
PROUDHON. I have spoken of it, as well as of Marriage.
AUTHOR. Well! let us make a little excursion into these two territories. We will first speak of Love.
VI
M. PROUDHON., secouant la tête: l’Amour!… Il m’ennuie et m’embarrasse beaucoup. Je n’ai pu parvenir encore à me mettre d’accord avec moi là-dessus.
J’ai d’abord défini l’amour: «l’attrait des deux sexes l’un vers l’autre en vue de la reproduction», ajoutant que cet attrait se purifie par l’adjonction de l’Idéal. J’ai même, à ce sujet, trouvé une fort jolie chose: c’est qu’il y a une division sexuelle parce qu’on ne peut idéaliser que l’objectif (3e vol. p. 192).
MOI. Peste! Comme vous y allez! Alors toutes les espèces animales et végétales où les sexes sont séparés ont un idéal en amour? Un idéal dans le cerveau d’un cheval et d’une jument, passe, puisqu’il y a cerveau; mais où se logera celui de la fleur mâle et de la fleur femelle?
M. PROUDHON. Je n’ai, ma foi, pas songé à me faire cette question. Revenons, s’il vous plaît, à la définition de l’amour humain. Je dis donc que l’amour est un attrait donné en vue de la reproduction; cependant je pense aussi qu’à l’amour proprement dit, la progéniture est odieuse (p. 208).
MOI. Mais il y a contradiction…
M. PROUDHON. Que voulez-vous que j’y fasse? Vous saurez, qu’à mes yeux, l’homme et la femme forment l’organe de la justice, l’Androgyne humanitaire. Or j’affirme que l’amour est le 199 mobile de la justice, parce que c’est lui qui attire l’une vers l’autre, les deux moitiés du couple. C’est donc par l’amour que la conscience de l’homme et de la femme s’ouvre à la justice; ce qui n’empêche pas qu’il ne soit «la plus puissante fatalité au moyen de laquelle la nature ait trouvé le secret d’obscurcir en nous la raison, d’affliger la conscience et d’enchaîner le libre-arbitre.» (Id., p. 207.)
MOI. Le mobile de la justice, le sentiment qui ouvre la conscience des sexes à la justice, qui forme l’organe juridique, troubler la raison et affliger la conscience! Mais il y a contradiction.
M. PROUDHON. Encore une fois, que voulez-vous que j’y fasse? L’amour, recherché pour lui-même, rend l’homme indigne et la femme vile (pag. 419), et tenez, «l’amour, même sanctionné par la justice, je ne l’aime pas.» (Id., p. 450.)
MOI. N’avez-vous pas dit que, sans l’amour inspiré à l’homme par la beauté de la femme, il n’y aurait ni art, ni science, ni industrie, ni justice, que l’homme ne serait qu’une brute?
M. PROUDHON. Ah! j’en ai dit bien d’autres!… Cet amour, moteur de justice, père de la civilisation, est cependant l’abolition de la justice (Id., p. 465), ce qui exige qu’on l’écarte aussitôt son office de moteur rempli. L’élan, le mouvement donné, il faut se passer de lui. Dans le mariage, il doit avoir la plus petite part possible; «toute conversation amoureuse, même entre fiancés, même entre époux, est messéante, destructive du respect domestique, de l’amour du travail et de la pratique du devoir social.» (Id., p. 473.) Un mariage de pure inclination 200 est près de la honte et «le père qui y donne son consentement mérite le blâme.» (Id., p. 483.)
MOI. Un père mériter le blâme parce qu’il unit ceux qui cèdent au mobile de la justice!
M. PROUDHON. «Que les jeunes gens s’épousent sans répugnance, à la bonne heure…» Mais «quand un fils, une fille, pour satisfaire son inclination, foule aux pieds le vœu de son père, l’exhérédation est pour celui-ci le premier des droits et le plus saint des devoirs.» (Id., p. 483.)
MOI. Ainsi l’amour, moteur de justice, cause de civilisation, nécessaire à la reproduction, est en même temps une chose honteuse, qu’on doit craindre et bannir du mariage et qui, en certains cas, mérite l’exhérédation… Que les Dieux bénissent vos contradictions, et que la postérité leur soit légère!
M. PROUDHON., soucieux: Je ne puis rien vous dire de plus satisfaisant sur la matière; mais, en revanche, parlons du mariage; je suis véritablement de première force sur ce sujet.
Toute fonction suppose un organe; l’homme est l’organe de la liberté; mais la justice exige un organe composé de deux termes, c’est le couple. Il faut que les deux personnes qui le composent soient dissemblables et inégales «parce que, si elles étaient pareilles, elles ne se complèteraient pas l’une l’autre; ce seraient deux touts indépendants, sans action réciproque, incapables pour cette raison de produire de la justice… En principe, il n’y a de différence entre l’homme et la femme qu’une simple diminution d’énergie dans les facultés.
«L’homme est plus fort, la femme est plus faible, voilà tout… L’homme est la puissance de ce que la femme est 201 l’idéal, et réciproquement la femme est l’idéal de ce que l’homme est la puissance.» (Id., p. 474.)
L’Androgyne posé, je définis le Mariage, «le sacrement de la justice, le mystère vivant de l’harmonie universelle; la forme donnée par la nature même à la religion du genre humain. Dans une sphère moins haute, le mariage est l’acte par lequel l’homme et la femme, s’élevant au dessus de l’amour et des sens, déclarent leur volonté de s’unir selon le Droit, et de poursuivre, autant qu’il est en eux, la destinée sociale, en travaillant au Progrès de la Justice.
«Dans cette religion de la famille, on peut dire que l’époux ou le père est le prêtre, la femme l’idole, les enfants, le peuple….. Tous sont dans la main du père, nourris de son travail, protégés de son épée, soumis à son gouvernement, ressortissant de son tribunal, héritiers et continuateurs de sa pensée…… La femme reste subordonnée à l’homme, parce qu’elle est un objet de culte, et qu’il n’y a pas de commune mesure entre la force et l’idéal….. L’homme mourra pour elle, comme il meurt pour sa foi et ses dieux, mais il gardera le commandement et la responsabilité.» (Id. p. 474 et 475.)
En résultat les époux sont égaux, puisqu’il y a communauté de fortune, d’honneur, de dévouement absolu; «en principe et dans la pratique….. cette égalité n’existe pas, ne peut pas exister….. L’égalité des droits supposant une balance des avantages dont la nature a doué la femme avec les facultés plus puissantes de l’homme, il en résulterait que la femme, au lieu de s’élever par cette balance, serait dénaturée, avilie. Par l’idéalité de son être, la femme est pour ainsi dire hors 202 prix….. Pour qu’elle conserve cette grâce inestimable, qui n’est pas en elle une faculté positive, mais une qualité, un mode, un état, il faut qu’elle accepte la loi de la puissance maritale: l’égalité la rendrait odieuse, serait la dissolution du mariage, la mort de l’amour, la perte du genre humain. (Id., p. 454.)
«Et la gloire de l’homme est de régner sur cette merveilleuse créature, de pouvoir se dire: c’est moi-même idéalisé, c’est plus que moi, et pourtant ce ne serait rien sans moi….. Malgré cela ou à cause de cela, je suis et je dois rester le chef de la communauté: que je lui cède le commandement, elle s’avilit et nous périssons.» (Id., p. 472.)
Le mariage doit être monogame «parce que la conscience est commune entre les époux, et qu’elle ne peut pas, sans se dissoudre, admettre un tiers participant.» (Id., p. 475.)
Il doit être indissoluble, parce que la conscience est immuable, et que les époux ne sauraient se donner un rechange sans commettre un sacrilége. S’ils sont obligés de se séparer «le digne n’a besoin que de guérir les plaies faites à sa conscience et à son cœur, l’autre n’a plus le droit d’aspirer au mariage: ce qu’il lui faut, c’est le concubinage.» (Id., p. 476.)
Hein! Que dites-vous de cette théorie là?
MOI. Jusqu’ici j’avais refusé de croire au dieu Protée; mais en vous contemplant, j’abjure mon incrédulité, Maître.
Vous nous apparaissez d’abord sous l’habit et la forme de Manou, et nous débitez sa physiologie;
Vous nous apparaissez ensuite, et successivement, sous la forme et les vêtements de Moïse, de saint Thomas d’Aquin, 203 de saint Bonaventure; vous vous incarnez un moment dans Paracelse;
Enfin vous prenez la toge romaine, par dessus laquelle vous endossez le frac disgracieux d’Auguste Comte.
Tout cela est bien vieux, bien laid pour notre époque….. Est-ce que, vraiment, vous n’avez pas mieux à nous donner que la résurrection du droit romain au beau temps où Cincinnatus mangeait tout nu son plat de lentilles?
M. PROUDHON. Quoi! contesteriez-vous que le mariage par confarreation n’est pas le chef-d’œuvre de la conscience humaine?
MOI. Si je vous le conteste? Par dieu, oui; et bien d’autres choses encore. Mais, dites-moi, quel sens donnez-vous aux mots sacrement, mystère, qui sonnent si creux et si faux dans votre bouche?
M. PROUDHON. Malgré toutes mes explications sur le mariage, il n’en reste pas moins un mystère (Id., p. 457). Voilà tout ce que je puis vous dire de plus clair. Il faut que vous compreniez que «le mariage est une institution sui generis, formée tout à la fois au for extérieur par le contrat, au for intérieur par le sacrement, et qui périt aussitôt que l’un ou l’autre de ces deux éléments disparaît.» (Id., p. 211.) Il faut que vous compreniez encore que «le mariage est une fonction de l’humanité, hors de laquelle l’amour devient un fléau, la distinction des sexes n’a plus de sens, la perpétuation de l’espèce constitue pour les vivants un dommage réel, la justice est contre nature et le plan de la création absurde.» (Id., p. 231.)
MOI. Le plan de la création absurde et la justice contre 204 nature sans le mariage! Qu’est-ce que cela veut dire en bon français, Maître?
M. PROUDHON. Quoi! Votre intelligence est si débile qu’elle ne comprend pas que, sans le mariage, il n’y a pas, il ne peut pas y avoir de justice?
MOI. Alors le mariage est nécessaire à tous?
M. PROUDHON. Non; mais «tous y participent et en reçoivent l’influence par la filiation, la consanguinité, l’adoption, l’amour qui, universel par essence, n’a pas besoin pour agir, de cohabitation….. Au point de vue animique ou spirituel, le mariage est pour chacun de nous une condition de félicité… Tout adulte, sain d’esprit et de corps, que la solitude ou l’abstraction n’a pas séquestré du reste des vivants, aime, et, en vertu de cet amour, se fait un mariage en son cœur… La justice qui est la fin du mariage, et que l’on peut obtenir soit par l’initiation domestique, soit par la communion civique, soit enfin par l’amour mystique» suffit «au bonheur dans toutes les conditions d’âge et de fortune.» (Id., p. 481.)
Et ne confondez pas le mariage avec tout autre union, avec le concubinage, par exemple, «qui est la marque d’une conscience faible.» Je ne condamne cependant pas le concubinat car «la société n’est pas l’œuvre d’un jour, la vertu est d’une pratique difficile, sans parler de ceux à qui le mariage est inaccessible.»
A mon avis, il est dans l’intérêt des femmes, des enfants et des mœurs que le législateur réglemente le concubinage. Tout enfant devrait porter le nom du père concubin qui pourvoierait à sa subsistance et aux frais de son éducation; «la 205 concubine délaissée aurait droit aussi à une indemnité, à moins qu’elle n’ait la première convolé en un autre concubinage.» (Id., p. 477.)
Mais ce n’est pas du concubinage, c’est du mariage que ressort toute justice, tout droit. Ceci est tellement vrai, que si vous «ôtez le mariage, la mère reste avec sa tendresse, mais sans autorité, sans droits: d’elle à son fils il n’y a plus de justice; il y a bâtardise, un premier pas en arrière, un retour à l’immoralité.» (Id., p. 357.)
MOI. Tout ce que vous venez de me dire sur l’amour, le mariage, la justice et le droit, renferme tant d’équivoques, d’erreurs, de sophismes, et une si haute dose de pathos, mon Maître, que, pour vous réfuter après vous avoir préalablement éclairci, il ne faudrait rien moins qu’un gros volume. Nous allons donc nous contenter d’insister sur les points principaux.
V.
PROUDHON. Love!… It wearies and annoys me greatly. I have never yet been able to make my ideas agree on this subject.
I at first defined love: “the attraction of the two sexes towards each other with a view to reproduction,” adding that this attraction becomes purified by the adjunction of the Ideal. I even made a most beautiful discovery with respect to this, namely: that there is a sexual division because it is impossible to idealize anything but the objective.—Vol. III.
98 AUTHOR. How you run on! Then all of the animal and vegetable species in which the sexes are separated have an ideal in love? An ideal in the brain of a horse or a mare may pass, since there is a brain; but where will you lodge that of the male and female flower?
PROUDHON. On my honor, I never thought of asking myself that question. We will return, if you please, to the definition of human love. I say, then, that love is an attraction given with a view to reproduction; notwithstanding, I think, also, that to love, properly called, progeny is odious.—Id.
AUTHOR. But this is a contradiction…
PROUDHON. Am I to blame for that! You know, that in my eyes, man and woman form the organ of justice, the humanitary Androgynus. Now I affirm that love is the moving power of justice, because it is this that attracts towards each other the two halves of the couple. It is through love, therefore, that the conscience of man and woman is opened to the knowledge of justice, which does not hinder it from being “the most powerful fatality by which nature could have found the secret of obscuring reason within us, of afflicting the conscience, and of chaining the free will.”—Id.
AUTHOR. The moving power of justice, the sentiment which opens the conscience of the sexes to justice, and which forms the judicial organ, disturbs the reason and afflicts the conscience! But this is a contradiction.
PROUDHON. Once more, am I to blame for it? Love, sought for itself, renders man unworthy, and woman vile; and stop! “love, even when sanctioned by justice, I do not like.”—Id.
AUTHOR. Have you not said that without the love inspired in man by the beauty of woman, there would 99 be neither art, nor science, nor industry, nor justice; that man would be only a brute?
PROUDHON. Ah! I have said much more!… This love, the motor of justice, the father of civilization, is, notwithstanding, the abolition of justice, which exacts that it should be cast aside as soon as its office of motor is performed. The impulse, the movement given, it must be dispensed with. In marriage, it should play the smallest part possible; “all amorous conversation, even between betrothed lovers, even between husband and wife, is indecorous, destructive of domestic respect, of the love of labor and the practice of social duty.” A marriage of pure inclination is nearly allied to shame, and “the father that gives his consent to it is deserving of censure.”—Id.
AUTHOR. A father deserving of censure because he unites those who yield to the motive power of justice!
PROUDHON. Let young people marry without repugnance, that is right…. But “when a son, a daughter, to satisfy inclination, tramples under foot the wishes of the father, disinheritance is his first right and most sacred duty.”—Id.
AUTHOR. Thus love, the motor of justice, the cause of civilization, the necessity for reproduction, is at the same time a thing of shame which should be feared and banished from marriage, and that, in certain cases, deserves disinheritance!… May the gods bless your contradictions, and posterity pass lightly over them!
PROUDHON. I can say nothing more satisfactory on the subject; but, let us talk of marriage; I am strong indeed on that point.
Every function supposes an organ; man is the organ of liberty; but justice exacts an organ composed of two 100 terms: the couple. It is necessary that the two persons that compose it should be dissimilar and unequal, “because, if they were alike, they would not be completed by each other; they would be two beings wholly independent, without reciprocal action, incapable, through this cause, to produce justice…. In principle, there is no difference between man and woman, except a simple diminution of energy in their faculties.
“Man is stronger, woman is weaker, that is all…. Man is the power of that of which woman is the ideal, and reciprocally, woman is the ideal of that of which man is the power.”—Id.
Androgyny laid down, I define marriage to be: “the sacrament of justice, the living mystery of universal harmony; the form given by nature itself to the religion of the human race. In a lower sphere, marriage is the act by which man and woman, elevating themselves above love and the senses, declare their wish to be united according to the law, and, as far as in them lies, to pursue the social destiny, by laboring for the Progress of Justice.
“In this family religion, it may be said that the father is the priest, the wife the god, the children the people…. All are in the hands of the father, fed by his labor, protected by his sword, subjected to his government, within the jurisdiction of his court, heirs and continuers of his thought…. Woman remains subordinate to man, because she is an object of worship, and because there is no common measure between the force and the ideal…. Man will die for her, as he dies for his faith and his gods, but he will keep for himself the command and the responsibility.”—Id.
In result, the spouses are equal, since there is community 101 of fortune, of honor, of absolute devotion; “in principle and practice … this equality does not exist, cannot exist…. The equality of rights supposing an equilibrium between the advantages with which Nature has endowed woman and the more powerful faculties of man, the result would be that woman, instead of being elevated by this equilibrium, would be denaturalized, debased. By the ideality of her being, woman is, so to speak, beyond price…. That she may preserve this inestimable charm, which is not a positive faculty in her, but a quality, a manner, a state, she must accept the law of marital power: equality would render her odious, would be the dissolution of marriage, the death of love, the destruction of the human race.
“And the glory of man consists in reigning over this admirable creature, in being able to say: she is myself idealized, she is more than I, and, notwithstanding, would be nothing without me…. In spite of this or on account of this, I am and ought to remain the head of the community; if I yield the command to her, she becomes debased and we perish.”—Id.
Marriage should be monogamous, “because conscience is common between the spouses, and because it cannot, without being dissolved, admit a third participant.”—Id.
It should be indissoluble, because conscience is immutable, and the spouses could not procure an exchange without being guilty of sacrilege. If they are obliged to separate, “the deserving one needs only to heal the wounds made in his heart and conscience, the other has no longer the right to aspire to marriage, but must be content with concubinage.”—Id.
What do you think of this theory?
102 AUTHOR. Hitherto I have refused to believe in the god Proteus; but on contemplating you, Master, I abjure my incredulity.
You appear to us first under the garb and form of Manou, and we discuss his physiology;
You appear to us next, successively, in the shape and vestments of Moses, St. Thomas Aquinas, and St. Bonaventure; you are incarnated for a moment in Paracelsus;
Lastly, you put on the Roman toga, over which you wrap the ungraceful robe of Auguste Comte.
All this is too old, too unsightly for our age…. Have you really nothing better to give us than the resurrection of the Roman law at the glorious time when Cincinnatus ate his dish of lentils stark naked?
PROUDHON. What! do you dispute that marriage by confarreation is not the masterpiece of the human conscience?
AUTHOR. Do I dispute it? Yes, indeed, and many other things beside. But tell me, what meaning do you give to the words sacrament and mystery, that sound so hollow and false from your lips?
PROUDHON. Despite all my explanations concerning marriage, there nevertheless remains a mystery with respect to it. This is all I can tell you in elucidation. You must comprehend that “marriage is an institution sui generis, formed at the same time at the tribunal of human justice by contract, and at the spiritual tribunal by sacrament, and which perishes as soon as the one or the other of these two elements disappears.”—Id.
You must also comprehend that “marriage is a function of humanity, outside of which love becomes a scourge, the distinction of the sexes has no longer any meaning, the perpetuation of the species becomes a real 103 injury to the living, justice is contrary to nature and the plan of the creation is absurd.”—Id.
AUTHOR. The plan of the creation absurd, and justice contrary to nature without marriage! What does this mean in plain language?
PROUDHON. What! Is your intellect so feeble that it does not comprehend that, without marriage, there is not, there cannot be justice?
AUTHOR. Then marriage is necessary to all?
PROUDHON. No; but “all participate in it and receive its influence through filiation, consanguinity, adoption which, universal in its essence, in order to act, has no need of cohabitation…. In the animic or spiritual point of view, marriage is to each of us a condition of felicity…. Every adult, healthy in mind and body, whom solitude or abstraction has not sequestered from the rest of mankind, loves, and by virtue of this love, contracts marriage in his heart…. Justice, which is the end of love, and which can be obtained either by domestic initiation, by civic communion, or, lastly, by mystical love,” suffices “for happiness in every condition of age and fortune.”—Id.
And do not confound marriage with any other union, with concubinage, for example, “which is the mark of a feeble conscience.” I do not however condemn the concubinary, for “society is not the work of a day, virtue is difficult to practise, without speaking of those to whom marriage is inaccessible.”—Id.
In my opinion, it is for the interest of woman, of children, and of morals, that concubinage should be regulated by legislation. Every child should bear the name of the concubinary father, who should provide for his subsistence and for the expenses of his education; 104 “the forsaken concubine should also have a right to an indemnity, unless she has been the first to enter into another concubinage.”—Id.
But it is not from concubinage, but from marriage that all justice, all right proceeds. This is so true, that if you “take away marriage, the mother is left with her tenderness, but without authority, without rights: she can no longer do justice to her son; there is illegitimacy, a first step backward, a return to immorality.”—Id.
AUTHOR. All that you have just said concerning love, marriage, justice and right, contains so many equivocations, errors, sophisms, and so much pathos, that nothing less than a huge volume would suffice to refute, after first explaining you. We will content ourselves, therefore, with dwelling on the principal points.
VII
1o L’Androgyne, par définition, est un être réunissant les deux sexes. Or, le mariage ne fait point de l’homme et de la femme un seul être; chacun d’eux conserve son individualité; donc votre Androgyne humanitaire ne vaut pas la peine d’être discuté: ce n’est qu’une fantaisie.
2o Toute fonction suppose un organe, c’est vrai, mais quels faits vous autorisent à dire que le couple marié est l’organe de la justice? Surtout lorsque vous prenez vous-même la peine de vous contredire, en avouant que l’on produit de la justice hors du mariage; qu’on n’a pas besoin d’être marié pour être juste?
206 L’organe de la justice est en chacun de nous, comme tous les autres; c’est le sens moral qui entre en action lorsqu’il s’agit d’apprécier la valeur morale d’un acte, ou d’appliquer à notre propre conduite la science morale acceptée par la raison du siècle.
3o D’après vous, la balance, c’est l’égalité; l’égalité c’est la justice: il y a donc, de votre part, contradiction d’exiger de deux créatures douées chacune de liberté, de volonté, d’intelligence, qu’elles se reconnaissent inégales pour produire de l’égalité.
4o Affirmer, comme vous l’avez fait, que le progrès est la réalisation de l’idéal par le libre arbitre; que, conséquemment, l’idéal est supérieur à la réalité, et que l’homme progresse parce qu’il se laisse guider par lui; puis affirmer que la femme est l’idéal de l’homme et que, cependant, elle est moindre et doit obéir, c’est une double contradiction. Si l’on admettait votre point de départ, la logique exigerait que l’homme se laissât guider par la femme. Mais à quoi bon discuter une chose qui n’offre aucun sens à l’intelligence? Si l’homme, d’après vous, représente en réalité la force, la raison, la justice, la femme étant l’idéalisation de l’homme, serait donc la plus grande force, la plus haute raison, la plus sublime justice….. Avez-vous prétendu dire cela, vous qui affirmez le contraire?
5o Dire que le mariage est une institution sui generis, un sacrement, un mystère, c’est affirmer quoi? Et quelles lumières pensez-vous nous avoir données? Êtes-vous bien sûr de vous être compris plus que nous ne vous avons compris? J’en doute.
207 6o Pourriez-vous nous démontrer pourquoi dans une association entre des hommes forts, intelligents et des hommes faibles et bornés, la justice exige l’égalité, le respect de la dignité de tous, et déclare avili l’esclave qui se soumet, tandis que dans l’association de l’homme et de la femme, identiques d’espèce selon vous, la femme qui, toujours selon vous, est l’être faible et borné, serait avilie et deviendrait odieuse par l’égalité?
Pourriez-vous nous expliquer aussi comment dans un couple producteur de justice ou d’égalité, cette égalité serait la mort de l’amour et la perte du genre humain?
Convenez qu’un tel tohu-bohu de non sens et de contradictions offre autant de mystères insondables que votre mariage.
7o Nous ne parlerons point ensemble du divorce: nous nous en référerons à la raison et à la conscience modernes que la dissolution des mœurs et de la famille, dues en grande partie à l’indissolubilité du mariage, mettent à même de se prononcer. Quelles raisons d’ailleurs donnez-vous pour soutenir votre opinion? Une plaisanterie; que la rupture du mariage est un sacrilége; une affirmation démentie par les faits: que la conscience est immuable.
8o Entre le bâtard et sa mère, il n’y a pas de justice, dites-vous. Votre conscience est plus jeune de deux mille et quelques cents ans que la conscience moderne, Monsieur. Dans l’œuvre de la reproduction, la tâche à remplir envers le nouvel être se partage entre les parents. A la femme plus vivante, plus élastique, plus résistante, est dévolue la partie la plus périlleuse de cette tâche. Tu risqueras ta vie pour former l’humanité de ta propre substance, lui a dit la nature. A l’homme de payer sa dette 208 envers ses enfants, en bâtissant le toit où ils s’abritent, d’apporter la nourriture que tu élabores ou prépares pour eux. A lui d’accomplir ses devoirs envers ses fils par l’emploi de ses forces, comme tu l’accomplis, toi, en fournissant ton sang et ton lait.
Vos droits sur l’enfant ressortent, ajoute la conscience, de son incapacité de se guider lui-même, des devoirs que vous remplissez envers lui, de l’obligation où vous êtes de former sa raison, sa conscience, d’en faire un citoyen utile et moral.
Eh bien! Monsieur, qu’arrive-t-il, la plupart du temps, dans les cas de bâtardise? C’est que le père, ayant lâchement, cruellement, contre toute justice, déserté sa tâche, la mère seule a rempli le double devoir envers ses enfants: elle a été à la fois père et mère.
Et c’est quand cette mère a un double droit que vous osez dire qu’elle n’en a aucun! qu’entre elle et son fils il n’y a pas de justice! En vérité, j’aimerais mieux vivre au milieu des sauvages que dans une société qui penserait et sentirait comme vous.
Une mère, Monsieur, a sur son enfant un droit incontestable, car elle a risqué sa propre vie pour lui donner le jour: le père n’acquiert des droits sur lui que quand il remplit son devoir: lorsqu’il ne le remplit pas, il n’a pas de droit; ainsi le veut la raison. Dans cette question, le mariage ne signifie rien. Si j’étais bâtarde, et que mon père m’eût lâchement abandonnée, je l’aurais méprisé et haï comme le bourreau de ma mère, comme un homme sans cœur et sans conscience, un vil égoïste: et j’aurais doublement aimé et respecté celle qui eût été à la fois ma mère 209 et mon père: Voilà ce que disent, Monsieur, ma conscience, ma raison et mon cœur.
9o Qu’est-ce que votre mariage, première forme donnée par la nature à la religion du genre humain, où la femme est une idole qui fait la cuisine et raccommode les chausses de son prêtre?
Qu’est-ce que cette institution où l’homme est censé défendre, de son épée, sa femme et ses enfants que la loi défend, même contre lui?
Où l’homme est censé nourrir de son travail celle qui travaille souvent plus que lui ou lui apporte une dot?
La femme et les enfants ressortir du tribunal de l’homme! Que les dieux nous préservent de cet affreux retour aux mœurs patriarcales et romaines! Femmes et enfants ressortent du tribunal social, et c’est plus sûr pour eux: au moins la femme française n’a pas à craindre que son Abraham sacrifie son petit Isaac, ni que son despote domestique, laissant l’enfant à terre, comme le vieux Romain, le condamne ainsi à la mort. La société a un cœur et des procureurs généraux qui, heureusement, ne comprennent plus le tribunal de famille comme M. P. J. Proudhon. Il est vrai que notre auteur est un Épiménide qui s’éveille après un sommeil de plus de deux mille ans.
J’ai fini, Maître; avez-vous quelque chose à me dire encore?
M. PROUDHON. Certainement. J’ai à vous parler du rôle de la femme. Ce rôle est «le soin du ménage, l’éducation de l’enfance, l’instruction des jeunes filles sous la surveillance des magistrats, le service de la charité publique. Nous n’oserions ajouter les fêtes nationales et les spectacles qu’on pourrait définir les semailles de l’amour (3e vol. p. 480).
210 «L’homme est travailleur, la femme ménagère.
«Le ménage est la pleine manifestation de la femme.
«Pour la femme le ménage est une nécessité d’honneur, disons même de toilette.
«De même que toute sa production littéraire se réduit toujours à un roman intime dont toute la valeur est de servir, par l’amour et le sentiment, à la vulgarisation de la justice; de même sa production industrielle se ramène en dernière analyse à des travaux de ménage; elle ne sortira jamais de ce cercle.» (Id., p. 482.)
MOI. Vous me permettrez de m’étonner, Maître, que la femme, qui a l’esprit d’une fausseté irrémédiable, qui est immorale, qui ne compose que des macédoines, des monstres, qui prend des chimères pour des réalités, qui ne sait pas même faire un roman, sache cependant, de votre aveu, faire un roman pour vulgariser la justice par le sentiment et l’amour. Elle comprend donc, sent donc et aime donc la justice?
Je vous ferai remarquer ensuite que les soins du ménage sont un travail;
Que l’éducation est un travail;
Que le service de la charité publique est un travail;
Que l’organisation et l’intendance des fêtes et des spectacles supposent des travaux variés.
Que vulgariser la justice par un roman intime est un travail;
D’où il résulte que la femme est une travailleuse, c’est à dire une productrice d’utilité; elle ne différerait donc de l’homme que par le genre de production; et il n’y aurait plus qu’à examiner si le travail de la femme est aussi utile à la société que celui 211 de l’homme. Je me charge, quand vous voudrez, d’établir par les faits cette équivalence.
Je vous ferai remarquer, en second lieu, que l’éducation de l’enfance, celle des jeunes filles, le service de la charité publique, l’organisation des fêtes et spectacles, la vulgarisation de la justice par la littérature ne font pas partie des travaux du ménage; qu’alors la femme n’est pas uniquement ménagère.
Je vous ferai remarquer troisièmement que nos contre-maîtresses, nos commerçantes, nos artistes, nos comptables, nos commises, nos professeurs ne sont pas plus ménagères que vos contre-maîtres, vos commerçants, vos artistes, vos teneurs de livres, vos commis et vos professeurs; que nos cuisinières, nos femmes de chambre ne le sont pas plus que vos cuisiniers, pâtissiers, confiseurs, valets de chambre; que, dans toutes ces fonctions et dans bien d’autres, les femmes égalent les hommes, ce qui prouve qu’elles ne sont pas moins faites que vous pour les emplois qui ne tiennent point au ménage, et que vous n’êtes pas moins faits qu’elles pour ceux qui y tiennent. Ainsi les faits brutaux étranglent vos affirmations, et nous montrent que la femme peut n’être ni ménagère ni courtisane.
Dites-moi enfin, Maître, quelle est la situation de toutes les femmes relativement à tous les hommes?
M. PROUDHON. L’infériorité; car le sexe féminin tout entier remplit à l’égard de l’autre sexe, sous certains rapports, le rôle de l’épouse à l’égard de l’époux: cela ressort de l’ensemble des facultés respectives.
MOI. Ainsi donc il n’y a ni liberté ni égalité pour la femme même qui n’a pas un père ou un mari?
212 M. PROUDHON. «La femme vraiment libre est la femme chaste; est chaste celle qui n’éprouve aucune émotion amoureuse pour personne, pas même pour son mari.» (Id., p. 483.)
MOI. Une telle femme n’est pas chaste: c’est une statue. La chasteté étant une vertu, suppose la domination de la raison et du sens moral sur un instinct: donc la femme chaste est celle qui domine certain instinct, non pas celle qui en est dépourvue. J’ajoute que la femme qui se livre à son mari sans attrait joue le rôle d’une prostituée. Je savais bien que vous n’entendiez rien à l’amour ni à la femme!
Voulez-vous que, pour terminer, nous comparions votre doctrine sur le droit de la femme à celle que vous professez sur le droit en général?
M. PROUDHON. Volontiers… puisque je ne puis faire autrement.
MOI. Vous admettez que la femme est d’espèce identique à l’homme?
M. PROUDHON. Oui, seulement ses facultés sont moins énergiques.
Moi. Je vous accorde cela pour les besoins de la discussion.
Exposez-moi votre doctrine générale sur le droit, j’en ferai l’application à la femme, et vous tirerez la conclusion.
VI.
1. The Androgynus, by definition, is a being combining the two sexes. Now marriage does not make of man and woman a single being; each preserves his individuality; your humanitary Androgynus is not therefore worth the trouble of discussion; it is only a fantasy.
2. Every organ supposes a function, it is true, but what facts authorize you to say that the married couple is the organ of justice? Especially when you take the trouble to contradict yourself, in admitting that justice is produced outside of marriage; that there is no need of being married to be just?
The organ of justice, like all other organs, is in each of us; it is the moral sense which comes into action when the point in question is the appreciation of the 105 moral value of an act, or to apply to our own conduct the moral science accepted by the reason of the age.
3. According to you, equilibrium is equality; equality is justice: there is, therefore, a contradiction on your part in exacting of two beings, endowed each with liberty, will and intellect, that they should acknowledge themselves unequal to produce equality.
4. To affirm, as you have done, that progress is the realization of the ideal through free will; that, consequently, the ideal is superior to the reality, and that man progresses because he suffers himself to be guided by it; then to affirm that woman is the ideal of man and that, notwithstanding, she is less and should obey, is a double contradiction. If the point from which you start be admitted, logic would exact that man should permit himself to be guided by woman. But what is the use of discussing a thing that is devoid of meaning to the intellect? If man, according to you, represents in reality strength, reason, justice, woman being the idealization of man, would therefore represent the greatest strength, the loftiest reason, the most sublime justice…. Do you pretend to say this, you who affirm the contrary?
5. To say that marriage is an institution sui generis, a sacrament, a mystery, is to affirm what? And what enlightenment do you fancy that you have given us? Are you fully sure of comprehending yourself better than we comprehend you? I doubt it.
6. Can you demonstrate why, in an association between strong, intelligent men, and weak, narrow-minded men, justice exacts equality, respect for the dignity of all, and declares the slave debased who submits; whilst in the association of man and woman, identical in species 106 according to you, the woman who is always, according to you, the weak and narrow-minded being, would be debased and would become odious by equality?
7. Can you explain also how, in a couple which stands for the producer of justice or equality, this equality would be the death of love and the destruction of the human race?
Grant that such a farrago of nonsense and contradictions presents as many unfathomable mysteries as your marriage.
We will say nothing of divorce: we leave it to modern reason and conscience whether the dissolution of morals and of the family, due in a great measure to the indissolubility of marriage, does not give cause that it should be granted. What reasons do you give, besides, to support your opinions? An absurdity: that the rupture of marriage is sacrilege; an affirmation contradicted by facts: that conscience is immutable.
8. Between the bastard and his mother, there is no justice, say you. Your conscience is younger by two thousand and some hundred years than the modern conscience. In the work of reproduction, the task to be performed with reference to the new being, is divided between the parents. On the woman, as the more vital, more elastic, and more resisting, devolves the more perilous part of this task. You shall risk your life to form humanity from your own substance, says Nature to her. To the man it belongs to pay his debt to his children by erecting the roof under which they take shelter, by bringing the food which you elaborate or prepare for them. To him it belongs to accomplish his duty towards his sons by the use of his strength, as you accomplish yours by supplying them with your blood and your milk.
107 Your rights over the child arise, adds conscience, from his incapacity to take care of himself, from the duties which you fulfil towards him, from the obligation under which you are placed to form his reason and conscience, and to make him a useful and moral citizen.
Well, what happens most of the time, in cases of illegitimacy? That the father having weakly, cruelly, contrary to all justice, deserted his task, the mother performs double duty towards her children: she is at once father and mother.
And it is when this mother has a double right that you dare to say that she has none! that between her and her son there is no justice! In truth, I should rather live among savages than in a society that thinks and feels like you.
A mother has an incontestable right over her child, for she has risked her own life to give it birth: the father acquires rights over it only when ever he fulfils his duty; when he does not fulfil it, he has no right; thus says reason. In this question, marriage signifies nothing. If I were illegitimate, and my father had basely abandoned me, I should despise and hate him as the executioner of my mother; as a man without heart and conscience, a vile egotist; and I should doubly love and respect her who had been at once my mother and my father. Such are the dictates of my conscience, my reason, and my heart.
9. What is your marriage, the first form given by Nature to the religion of the human race, in which woman is an idol who does the cooking and mends the stockings of her priest?
What is this institution, in which man is reputed to 108 defend his wife and children with his sword, whom the law defends, even against him?
In which man is reputed to support by his labor those who often labor more than he, or who bring him a dowry?
The wife and children are under the jurisdiction of the tribunal of man! May the gods preserve us from this frightful return to the manners and customs of the patriarchs and Romans. Women and children are under the jurisdiction of the social tribunal, and it is safer for them: the French wife has not at least to fear that her Abraham will sacrifice her little Isaac, nor that her domestic despot, leaving the child on the ground, like the ancient Roman, will thus condemn it to death. Society has a heart and generous proctors who, happily, no longer see the family tribunal in the same light as Proudhon. It is true that our author is an Epimenides, awaking after a sleep of more than two thousand years.
I have finished, Master; have you anything more to say?
PROUDHON. Certainly. I have to speak of the sphere of woman. This sphere is “the care of the household, the education of childhood, the instruction of young girls under the superintendence of the magistrates, the service of public charity. We dare not add the national festivals and spectacles, which might be considered as the seed-time of love.
“Man is the worker, woman the housewife.
“The household is the full manifestation of woman.
“For woman, the household is an honorable necessity.
“As all her literary productions are always reduced to a domestic novel, the whole value of which is to serve, through love and sentiment, to the popularization 109 of justice, so her industrial production is brought back in conclusion, to the labors of the household; she will never depart from this circle.”—Id.
AUTHOR. Pardon my astonishment, Master, that woman, whose mind is irremediably false, who is immoral, who composes nothing but medleys, monsters, who takes chimeras for realities, who does not even know how to write a novel, knows how, notwithstanding, by your own admission, to write a novel in order to popularize justice through sentiment and love. She therefore comprehends, feels, and loves justice?
I remark next, that the cares of the household are labor;
That education is labor;
That the service of public charity is labor;
That the arrangement and superintendence of festivals and spectacles presume varied labors;
That to popularize justice through a domestic novel is labor;
Whence it follows that woman is a worker, that is, a useful producer; she differs from man, therefore, merely in the kind of production; and we have only to ascertain whether the labor of woman is as useful to society as that of man. I charge myself, when you like, with establishing this equivalence by facts.
I remark, in the second place, that the education of childhood, the instruction of young girls, the service of public charity, the arrangement of festivals and spectacles, the popularization of justice by literature, do not form a part of the labors of the household; and that woman, therefore, is not merely housewife.
I remark, thirdly, that our female superintendents, merchants, artists, accountants, clerks, and professors, 110 are no more housewives than your male superintendents, merchants, artists, book keepers, clerks, and professors; that our female cooks and waiting-maids are no more housewives, than your male cooks, bakers, confectioners, and footmen; that, in all these functions, and in many others, women equal men, which proves that they are not less fitted than you for employments that do not pertain to the household, and that you are not less adapted than they to those that do pertain to it. Rude facts thus stifle your affirmations, and show us that woman may be something else than housewife or courtesan.
Lastly, Master, what is the position of all women relatively to all men?
PROUDHON. Inferiority; for the entire feminine sex fills the place with regard to the other sex, in certain respects, of the wife with regard to the husband: this proceeds from the sum total of the respective faculties.
AUTHOR. So there is neither liberty nor equality even for the woman who has not a father or husband?
PROUDHON. “The truly free woman is the woman who is chaste; the chaste woman is she who experiences no amorous emotion for any one, not even for her husband.”—Vol. III.
AUTHOR. Such a woman is not chaste: she is a statue. Chastity being a virtue, supposes the dominion of the reason and the moral sense over an instinct: the chaste woman, therefore, is she who controls a certain instinct, not she who is destitute of it. I add that the woman who yields herself to her husband without attraction, plays the part of a prostitute. I knew well that you understood nothing either of love or of woman!
Shall we, in conclusion, compare your doctrine concerning 111 the right of woman with that which you profess concerning right in general?
PROUDHON. Willingly… since I cannot do otherwise.
AUTHOR. Do you admit that woman is identical in species with man?
PROUDHON. Yes, only her faculties are less energetic.
AUTHOR. I grant you this for the sake of discussion. Expound your general theory concerning right, I will apply it to woman, and you shall draw the conclusion.
VIII
M. PROUDHON. «La loi ne réglant que des rapports humains, elle est la même pour tous; en sorte que, pour établir des exceptions, il faudrait prouver que les individus exceptés sont au 213 dessus ou au dessous de l’espèce humaine.» (Créat. de l’ordre, etc., p. 210.)
MOI. Or, vous avouez que la femme n’est ni au dessus ni au dessous de l’espèce humaine, mais est d’espèce identique à l’homme; donc la loi est la même pour elle que pour l’homme.
M. PROUDHON. Je conclus le contraire, parce que l’homme est le plus fort.
MOI. Contradiction, mon Maître.
M. PROUDHON. «Ni la figure, ni la naissance, ni les facultés, ni la fortune, ni le rang, ni la profession, ni le talent, ni rien de ce qui distingue les individus n’établit entre eux une différence d’espèce: étant tous hommes, et la loi ne réglant que des rapports humains, elle est la même pour tous.» (Ordre dans l’humanité, p. 209.)
MOI. Or, la femme est d’essence identique à l’homme; elle n’en diffère que par des modes et qualités qui, selon vous, ne la font point différer d’essence; donc encore la loi est la même pour elle que pour l’homme.
M. PROUDHON. C’est logique; mais je conclus le contraire, parce que l’homme est le plus fort.
MOI. Contradiction, mon Maître.
M. PROUDHON. «La balance sociale est l’égalisation du fort et du faible. Tant que le fort et le faible ne sont pas égaux, ils sont étrangers, ils ne forment point une alliance, ils sont ennemis.» (1er Mémoire sur la propriété, p. 57.)
MOI. Or, d’après vous, l’homme est le fort et la femme le faible d’une espèce identique; donc la balance sociale doit les égaliser, pour qu’ils ne soient ni étrangers ni ennemis.
214 M. PROUDHON. C’est logique; mais je prétends, moi, qu’ils doivent être inégalisés dans la société et dans le mariage. L’homme doit avoir la prépotence, parce qu’il est le plus fort.
MOI. Contradiction, mon Maître.
M. PROUDHON. «De l’identité de la raison chez tous les hommes, et du sentiment de respect qui les porte à maintenir à tout prix leur dignité mutuelle, résulte l’égalité devant la justice.» (1er volume De la justice, etc., p. 183.) Chacun est né libre: entre les libertés individuelles il n’y a d’autre juge que la balance, qui est l’égalité; l’identité d’essence ne permet pas de créer une hiérarchie. (2e vol. toute la 8e Étude.)
MOI. Or, la femme est d’essence identique à l’homme. Elle est née libre: entre elle et l’homme il n’y a donc d’autre juge que l’égalité; il n’est donc pas permis d’établir entre eux une hiérarchie.
M. PROUDHON. C’est logique. Mais je conclus au contraire qu’il faut hiérarchiser les sexes et donner la prépotence à l’homme, parce qu’il est le plus fort.
MOI. Contradiction, mon Maître.
M. PROUDHON. «C’est la dignité de l’âme humaine de ne vouloir souffrir qu’aucune de ses puissances subalternise les autres, de vouloir que toutes soient au service de l’ensemble; là est la morale, là est la vertu. Qui dit harmonie ou accord, en effet, suppose nécessairement des termes en opposition. Essayez une hiérarchie, une prépotence, vous pensiez faire de l’ordre, vous ne faites que de l’absolutisme.» (2e vol. de la Justice, p. 381 et 382.)
MOI. La femme, selon vous, forme avec l’homme un organisme, 215 celui de la justice. Or les deux moitiés de l’androgyne ont, toujours d’après vous, des qualités diverses, appelées à s’harmoniser dans l’égalité sous peine de faire de l’absolutisme au lieu de faire de l’ordre; donc la faculté féminine est appelée à s’équilibrer avec la faculté masculine dans l’égalité.
M. PROUDHON. C’est logique: mais je conclus que la dignité de l’androgyne humanitaire est d’asservir la faculté féminine et de faire du despotisme, parce que l’homme est le plus fort.
MOI. Contradiction, mon Maître.
M. PROUDHON. «La justice est le respect spontanément éprouvé et réciproquement garanti de la dignité humaine, en quelque personne et en quelque circonstance qu’elle se trouve compromise.» (1er vol. de la Justice, p. 182.)
MOI. Or la femme est une personne humaine, ayant une dignité qu’on doit respecter et garantir par la loi de réciprocité; donc on ne peut manquer de respect envers la dignité féminine sans manquer à la justice.
M. PROUDHON. C’est logique; mais quoique la femme soit une personne humaine, identique d’espèce avec l’homme et que je croie qu’il n’y a pas d’autre base du droit que l’égalité, je n’en affirme pas moins que la dignité de la femme est inférieure à celle de l’homme, parce qu’il est le plus fort.
MOI. Contradiction, mon Maître.
M. PROUDHON. «Le droit est pour chacun la faculté d’exiger des autres le respect de la dignité humaine dans sa personne,» le devoir «est l’obligation pour chacun de respecter cette dignité en autrui.» (1er vol. de la Justice, p. 183.)
MOI. Or la femme étant d’espèce identique, l’homme a une 216 dignité égale à la sienne; donc elle doit être respectée dans sa dignité, c’est à dire dans sa personne, sa liberté, sa propriété, ses affections; c’est son droit comme personne humaine, et l’homme ne peut le méconnaître sans manquer à la justice et à son devoir.
M. PROUDHON. C’est logique. Mais moi, je prétends que la femme n’a pas le droit que mes principes lui attribuent; que l’homme seul a des droits, parce que l’homme est le plus fort.
MOI. Contradiction, mon Maître.
M. PROUDHON. «La liberté est un droit absolu, parce qu’elle est à l’homme comme l’impénétrabilité est à la matière, une condition sine quâ non d’existence.» (1er mémoire sur la Propriété, p. 47.)
MOI. Or la femme est un être humain, elle a donc un droit absolu à la liberté, qui est sa condition sine quâ non d’existence.
M. PROUDHON. C’est logique. Mais je conclus au contraire que la femme n’a pas besoin de liberté, que cette condition sine qua non d’existence pour notre espèce, ne regarde pas la moitié de l’espèce, qu’il n’y a que l’homme qui ne puisse exister sans liberté, parce qu’il est le plus fort.
MOI. Contradiction, mon Maître.
M. PROUDHON. «L’égalité est un droit absolu, parce que sans l’égalité, il n’y a pas de société.» (Id.)
MOI. Or la femme est un être humain et social; elle a donc un droit absolu à cette égalité sans laquelle, dans la société, elle ne serait qu’une paria.
M. PROUDHON. C’est logique. Mais je n’en conclus pas moins que la femme n’a pas plus de droit à l’égalité qu’à la liberté. Que 217 quoique de même espèce que l’homme, conséquemment devant relever de la loi d’égalité, cependant elle n’en relève pas, et doit être inégale et soumise à l’homme, parce qu’il est le plus fort.
MOI. Fi! mon Maître. Vous contredire de la sorte est honteux pour votre réputation. Il aurait mieux valu soutenir que la femme n’a pas les mêmes droits que l’homme, parce qu’elle est d’une autre espèce.
M. PROUDHON. La femme est tenue de sentir qu’elle n’a pas une dignité égale à celle de l’homme; dans leur association formée pour produire de la justice, les notions de droit et de devoir ne seront plus corrélatives. L’homme aura tous les droits et n’acceptera de devoirs que ceux qu’il voudra bien se reconnaître.
MOI. Songez-vous que l’homme, après avoir nié la dignité et le droit de la femme, travaillera de plus en plus à l’abêtir dans l’intérêt de son despotisme?
M. PROUDHON. Cela ne me regarde pas: la famille doit être murée: le mari y est prêtre et roi. Si, comme toute liberté opprimée, la femme regimbe, nous lui dirons quelle ne se connaît pas elle-même, qu’elle est incapable de se juger et de se régir; qu’elle est un néant; nous l’outragerons dans sa valeur morale, nous la nierons dans son intelligence et son activité: et à force de l’intimider, nous parviendrons à la faire taire: car mordieu! il faut que l’homme reste le maître, puisqu’il est le plus fort!
MOI. Niez et outragez; cela ne nous fait rien, Maître: les seigneurs usaient de cette méthode contre vos pères leurs serfs… aujourd’hui on s’indigne contre eux. Les possesseurs d’esclaves usaient et usent de cette méthode contre les noirs, et le monde 218 civilisé s’indigne contre eux, l’esclavage est restreint et tend à disparaître.
En attendant je signale à mes lecteurs vos contradictions: votre autorité sur les esprits en sera, j’espère, amoindrie.
Ceux qui prétendront, d’après la majeure des syllogismes précédents, que vous fondez le droit sur l’identité d’espèce, abstraction faite des qualités individuelles; que vous croyez le droit et le devoir corrélatifs, que vous voulez l’égalité, la liberté, auront tout aussi raison que ceux qui prétendront, d’après la conclusion des mêmes syllogismes, que vous basez le droit sur la force, la supériorité des facultés; que vous acceptez l’inégalité, le despotisme, niez la liberté individuelle et l’égalité sociale, et ne croyez point à la corrélation du droit et du devoir.
S’il est triste pour vous d’être tombé dans des contradictions aussi monstrueuses, croyez qu’il ne l’est pas moins pour moi, dans l’intérêt de ma cause, de les signaler devant tous.
Prenant en main la cause de mon sexe, j’étais dans l’obligation de riposter à vos attaques, en retournant contre vous toutes vos allégations contre nous.
Il fallait le faire, non par des dénégations et des déclamations qui ne prouvent rien, ou par des affirmations sans preuves selon votre procédé; mais en vous opposant la science et les faits; en ne me servant que de la méthode rationnelle que vous préconisez sans vous en servir, en vous chargeant souvent de vous contredire quand les preuves de fait eussent demandé trop de détail et de temps.
Vous accusiez les femmes de prendre des chimères pour des réalités… Je vous ai prouvé que vous méritez ce reproche, 219 puisque votre théorie est en contradiction avec la science et les faits.
Vous accusiez les femmes d’ériger en principes de vaines analogies… Je vous ai prouvé que vous en avez fait autant, en induisant de la prétendue absence de germes physiques chez la femme, l’absence de germes intellectuels et moraux.
Vous accusiez la femme de raisonner à contre sens…. je vous ai mis en présence de vos propres principes, pour en tirer des conséquences contradictoires.
Vous accusiez la femme de ne faire que des Macédoines, des Monstres… L’anatomie de votre théorie prouve que vous en savez faire tout autant.
Vous accusiez la femme d’inintelligence, de défaut de justice, de vertu, de chasteté… J’en appelle à vous même, et vous dites positivement le contraire.
Où vous êtes fantasque, contradictoire, j’en appelle moi, femme, à la logique.
Où vous manquez de méthode, moi, femme, j’emploie la méthode scientifique et rationnelle.
Où vous démentez vos propres principes, j’en appelle à ces mêmes principes pour vous juger et vous condamner.
Lequel de nous deux, Monsieur, est le plus raisonnable et le plus rationnel?
Ma modestie souffre, je vous l’avoue, de penser que j’ai joué le rôle de Minerve faisant honte à Ulysse de ses paradoxes et de ses roueries. Enfin, cet ennuyeux rôle est fini!
Je vous ai adressé tant de duretés, et d’un ton si ferme et si résolu, que j’aurais regret de vous quitter sans vous dire quelques 220 bonnes paroles partant du fond de mon cœur. Vous devez être bien convaincu de ma sincérité, car vous voyez que vous avez affaire à une femme qui ne recule devant personne; qu’on n’intimide pas, quelque grand qu’on soit et quelque nom qu’on porte. Vous pouvez être mon adversaire: je ne serai jamais votre ennemie, car je vous estime comme un honnête homme, un vigoureux penseur, une des gloires de la France, une des illustrations de notre Comté, toujours si chère au cœur de ses enfants, enfin comme une des admirations de ma jeunesse. Vous et moi, M. Proudhon, nous appartenons à la grande armée qui donne l’assaut à la citadelle des abus et y porte la mine et la sape: je ne fuis pas cette solidarité. Est-il donc si nécessaire que nous nous battions? Vivons en paix; je puis vous en prier sans m’abaisser, puisque je ne vous crains pas. Comprenez une chose que je vous dis sans fiel: c’est que vous êtes incapable de comprendre la femme, et qu’en continuant la lutte, vous la rangerez immanquablement sous la bannière de la Contre-Révolution.
Votre orgueil a mis inimitié entre vous et la femme, et vous lui avez mordu le talon: personne ne serait plus affligé que moi de la voir vous écraser la tête.
VII.
PROUDHON. “The law regulating only human relations, it is the same for all; so that, to establish exceptions, it will be necessary to prove that the individuals excepted are of superior order, or inferior to the human species.”—Creation of Order in Humanity.
AUTHOR. Now you admit that woman is neither superior nor inferior to the human species, but is identical in species with man; the law is therefore the same for her as for man.
PROUDHON. I draw the contrary conclusion, because man is the stronger.
AUTHOR. A contradiction, Master.
PROUDHON. “Neither figure, nor birth, nor the faculties, nor fortune, nor rank, nor profession, nor talent, nor anything which distinguishes individuals apart, establishes between them a difference of species: all being men, and the law only regulating human relations, it is the same for all.”—Id.
AUTHOR. Now, woman is in essence identical with man; she differs from him only in manners and qualities 112 which, according to you, by no means make her differ in essence; once more, therefore, the law is the same for her as for man.
PROUDHON. It is logical; but I conclude the contrary, because man is the stronger.
AUTHOR. A contradiction, Master.
PROUDHON. “Social equilibrium is the equalization of the strong and the weak. So long as the strong and the weak are not equal, they are strangers, they cannot form an alliance, they are enemies.”—1st Memoir on Property.
AUTHOR. Now, according to you, man is the strong and woman the weak of an identical species; social equilibrium ought therefore to equalize them, that they may be neither strangers nor enemies.
PROUDHON. It is logical; but I claim that they should be made unequal in society and in marriage. Man should have the prepotence, because he is the stronger.
AUTHOR. A contradiction, Master.
PROUDHON. “From the identity of reason in all men, and the sentiment of respect which leads them to maintain their mutual dignity at any cost, follows equality before justice.”—(Justice, Vol. III, etc.) All are born free: between individual liberties there is no other judge than equilibrium, which is equality; the identity of essence does not permit the creation of a hierarchy.—Vol. II, the whole of the 8th Study.
AUTHOR. Now, woman is in essence identical with man. She is born free; between her and man there is, therefore, no other judge than equality; it is not permissible, therefore, to establish a hierarchy between them.
113 PROUDHON. It is logical. But I conclude, on the contrary, that it is necessary to create a hierarchy between the sexes, and to give the prepotence to man, because he is the stronger.
AUTHOR. A contradiction, Master.
PROUDHON. “The dignity of the human soul consists in being unwilling to suffer any one of its powers to subordinate the others, to require all to be at the service of the collective whole; this is morality, this is virtue. Whoever speaks of harmony or agreement, in fact, necessarily supposes terms in opposition. Attempt a hierarchy, a prepotence! you think to create order, you create nothing but absolutism.“—Justice, Vol. II.
AUTHOR. Woman, according to you, forms with man an organism, that of justice. Now, according to you, the two halves of the androgynus have different qualities, which are required to harmonize with each other in equality under pain of creating absolutism instead of order; the feminine faculty is therefore required to form an equipoise with the masculine faculty.
PROUDHON. It is logical; but I conclude that the dignity of the humanitary androgynus lies in subjugating the feminine faculty and creating despotism, because man is the stronger.
AUTHOR. A contradiction, Master.
PROUDHON. “Justice is the respect spontaneously felt for and reciprocally guarantied to human dignity, in whatever person and whatever circumstance it may be found compromised.”—Justice, Vol. I.
AUTHOR. Now, woman is a human being, possessing a dignity which should be respected and guarantied by the law of reciprocity; therefore one cannot be wanting in respect to feminine dignity without being wanting in justice.
114 PROUDHON. It is logical; but although woman is a human being, identical in species with man, and although I believe that there is no other basis of right than equality, I nevertheless affirm that the dignity of woman is inferior to that of man, because he is the stronger.
AUTHOR. A contradiction, Master.
PROUDHON. “Right is to each the faculty of exacting from others respect for human dignity in his person,” duty is “the obligation of each to respect this dignity in another.”—Justice, Vol. I.
AUTHOR. Now, woman being identical in species, man possesses a dignity equal to hers; therefore she should be respected in her dignity, that is, in her person, her liberty, her property, her affections; this is her right as a human being, and man cannot deny it without failing in justice and in his duty.
PROUDHON. It is logical. But I claim that woman has not the right which my principles attribute to her; that man alone has rights, because man is the stronger.
AUTHOR. A contradiction, Master.
PROUDHON. “Liberty is an absolute right, because it is to man what impenetrability is to matter, a condition sine qua non of existence.”—1st Memoir on Property.
AUTHOR. Now, woman is a human being, she has therefore an absolute right to liberty, which is her condition sine qua non of existence.
PROUDHON. It is logical. But I conclude, on the contrary, that woman has no need of liberty; that this condition sine qua non of existence for our species, does not regard one half of the species; that man alone cannot exist without liberty, because he is the stronger.
AUTHOR. A contradiction, Master.
115 PROUDHON. “Equality is an absolute right, because without equality, there is no society.”—Id.
AUTHOR. Now, woman is a human and social being; she has an absolute right, therefore, to this equality, without which she would be but a Pariah in society.
PROUDHON. It is logical. But I nevertheless conclude from this that woman has no more right to equality than to liberty. That, although of the same species as man, and consequently amenable to the law of equality, nevertheless she is not amenable to it, and should be unequal and in subjection to man, because he is the stronger.
AUTHOR. Fie, Master! To contradict yourself thus is disgraceful to your reputation. It would be better to maintain that woman has not the same rights as man, because she is of a different species.
PROUDHON. Woman is bound to feel that she does not possess a dignity equal to that of man; in the association formed between them to produce justice, the notions of right and duty shall be no longer correlative. Man shall have all rights, and shall accept only such duties as it shall please him to recognize.
AUTHOR. Reflect that man, after having denied the dignity and the right of woman, will labor to stultify her more and more in the interest of his despotism!
PROUDHON. That does not concern me: the family should be immured: the husband is priest and king therein. If, as in the case with all liberty oppressed, the woman grows restive, we will tell her that she does not know herself, that she is incapable of judging and ruling herself; that she is a cypher; we will outrage her in her moral worth; we will deny her intellect and activity: and by dint of intimidating her, we will succeed 116 in forcing her to be silent: for man must remain master, since he is the stronger!
AUTHOR. Deny and insult us, Master, this does us no harm: the lords of the Middle Age employed this method with their serfs, your sires … we are now indignant at them. Slaveholders employed and still employ this method with the blacks, and the civilized world is indignant at them, slavery is restricted, and is on the way to disappear.
Meanwhile, I point out your contradictions to my readers; your authority over minds will be thereby lessened, I hope.
Those who claim, in accordance with the major of the preceding syllogisms, that you found right upon identity of species, an abstraction of individual qualities; that you believe right and duty correlative; that you desire equality and liberty, will be quite as nearly right as those who claim, in accordance with the conclusion of the same syllogisms, that you base right upon force, superiority of faculties; that you accept inequality and despotism, deny individual liberty and social equality, and do not believe in the correlation of right and duty.
If it is painful to you to have fallen into contradictions so monstrous, believe that it is not less painful to me to be forced, in the interest of my cause, to point them out to the world.
Having taken in hand the cause of my sex, I was under obligations to parry your attacks by turning against yourself your allegations against us.
It was necessary to do this, not by denials and declamations which prove nothing, or by affirmations without proofs, according to your method of proceeding; but by opposing to you science and facts; by making use only 117 of the rational method which you extol without employing it, by charging you often with contradicting yourself when proofs de facto would have demanded too much detail and time.
You accuse women of taking chimeras for realities. I have proved to you that you deserve this reproach, since your theory is in contradiction to science and facts.
You accuse women of erecting unreal analogies into principles…. I have proved that you have done so as well, in deducing from the pretended absence of physical germs in woman, the absence of intellectual and moral germs.
You accuse woman of reasoning wrongly…. I have brought you face to face with your own principles, that you might draw from them contradictory conclusions.
You accuse woman of creating nothing but medleys, monsters…. The anatomy of your theory proves that you know how to do so quite as well.
You accuse woman of lacking intellect, of want of justice, virtue, chastity…. I appeal from you to yourself, and you say positively the contrary.
Where you are fantastic, contradictory, I, a woman, appeal to logic.
Where you are wanting in method, I, a woman, employ scientific and rational method.
Where you contradict your own principles, I appeal to these same principles to judge and condemn you.
Which of us two is the more reasonable and more rational?
My modesty suffers, I acknowledge, at the thought that I have played the part of Minerva shaming Ulysses 118 of his paradoxes and his profligacies. At last, this tiresome part is ended!
I have addressed so many harsh things to you in so firm and resolute a tone, that I should be sorry to quit you without a few friendly words coming from my heart. You ought to be fully convinced of my sincerity, for you see that you have to deal with a woman who shrinks from no one; who is never intimidated, however great may be her opponent, or whatever name he may bear. You may be my adversary: I shall never be your enemy, for I regard you as an honest man, a vigorous thinker, one of the glories of France, one of the great men of our Comté, always so dear to the heart of her children; lastly, one of the admirations of my youth. You and I belong to the great army that is assaulting the citadel of abuse, and endeavoring to mine and sap it; I do not shun this solidarity. Is it so necessary that we should fight? Let us live in peace; I can entreat it of you without stooping, since I do not fear you. Understand one thing that I tell you without bitterness: that you are incapable of understanding woman, and that by continuing the struggle, you will inevitably range her under the banner of the anti-revolutionists.
Your pride has set enmity between you and woman, and you have bruised her heel: no one would be more sorry than I to see her crush your head.
RÉSUMÉ.
Comparaissez tous, novateurs modernes, devant le public votre juge, et venez vous résumer vous-mêmes.
LE COMMUNISTE. Les deux sexes diffèrent, ne remplissent pas les mêmes fonctions; mais ils sont égaux devant la loi.
Pour que la femme soit réellement émancipée, il faut faire subir à la société une refonte économique et supprimer le mariage.
LE PHILADELPHE ET l’ICARIEN. Nous sommes de votre avis, excepté en ce qui touche le mariage, frère.
LE SAINT-SIMONIEN ORTHODOXE. Si le Christianisme a méprisé la femme, s’il l’a opprimée, c’est, qu’à ses yeux, elle représentait la matière, le monde, le mal. Nous qui venons donner le véritable sens de la Trinité, nous réhabilitons ou expliquons ce que nos prédécesseurs ont condamné. La femme est l’égale de l’homme, parce qu’en Dieu, qui est tout, la matière est égale à l’esprit. Avec l’homme, la femme forme le couple qui est l’individu 222 social, le fonctionnaire. Comme la femme est très différente de l’homme, nous ne nous permettons pas de la juger; nous nous contentons de l’appeler pour qu’elle se révèle. Cependant nous pensons qu’elle ne peut s’affranchir qu’en s’émancipant dans l’amour.
PIERRE LEROUX, s’agitant. Prenez garde! Ce n’est pas en tant que sexe que la femme doit être affranchie; ce n’est qu’en qualité d’épouse et de personne humaine. Elle n’a de sexe que pour celui qu’elle aime; pour tous les autres hommes elle est ce qu’ils sont eux-mêmes: sensation—sentiment—connaissance. Il faut qu’elle soit libre dans le mariage et la cité, comme le doit être l’homme lui-même.
LE FUSIONIEN, interrompant. Vous avez raison, Pierre Leroux; mais le préopinant n’a pas tout à fait tort non plus; la femme est libre et l’égale de l’homme en tout, parce que l’esprit et la matière sont égaux en Dieu, parce que l’homme et la femme forment ensemble l’androgyne humain, dérivation de l’androgyne divin. N’est-ce pas, ma chère sœur?
MOI.Permettez-moi, mes frères, de ne point entrer dans vos débats théologiques: je n’ai pas les ailes assez fortes pour vous suivre dans le sein de Dieu, afin de m’assurer s’il est esprit et matière, androgyne ou non, binaire, trinaire, quaternaire ou rien du tout de cela. Il me suffit que vous conveniez tous que la femme doit être libre et l’égale de l’homme.
Je ne me permettrai qu’une seule observation: c’est que votre notion du couple ou de l’androgyne, au fond une seule et même chose, tend fatalement à l’asservissement de mon sexe: quand, par une métaphore, une fiction l’on fait de deux êtres doués chacun 223 d’une volonté, d’un libre arbitre et d’une intelligence à part, une seule unité: dans la pratique sociale, cette unité se manifeste par une seule intelligence, une seule volonté, un seul libre arbitre; et l’individualité qui prévaut dans notre monde, est celle qui est douée de la force du poignet: l’autre est annihilée, et le droit donné au couple n’est en réalité que le droit du plus fort. L’usage que fait M. Proudhon de l’androgynie devrait vous guérir de cette fantaisie-là; comme l’usage que vos prédécesseurs ont fait du ternaire devrait vous avoir garantis de la métaphysique trinitaire. Ceci soit dit sans vous offenser, Messieurs, j’ai une antipathie prononcée pour les trinités et les androgynies quelconques; je suis ennemie jurée de toute métaphysique, qu’elle soit profane ou sacrée; c’est un vice de constitution aggravé chez moi par Kant et son école.
UN PHALANSTÉRIEN. Pour Dieu! Messieurs, laissons là ce mysticisme. L’homme et la femme diffèrent, mais ils sont aussi nécessaires l’un que l’autre à la grande œuvre que doit accomplir l’humanité: donc ils sont égaux. Comme chaque individu a droit de se développer intégralement, de se manifester complétement pour remplir la tâche parcellaire que lui attribuent ses attractions, l’on ne peut pas plus mettre en question la liberté d’un sexe que de l’autre. L’homme module en majeur, la femme en mineur, avec un huitième d’exception; mais, comme dans toutes les fonctions générales, la combinaison des deux modes est nécessaire, il est clair que chacune d’elles doit être double, et que la femme doit être partout de moitié avec l’homme.
M.DE GIRARDIN, avec un peu de brusquerie. Messieurs, je conviens avec vous que la femme doit être libre et l’égale de 224 l’homme; seulement je soutiens que sa fonction est d’administrer, d’épargner, d’élever ses enfants, tandis que l’homme travaille et apporte dans le ménage le produit de ses labeurs.
Comme je veux que la femme soit délivrée du servage, et que je veux rendre tous les enfants légitimes, je supprime le mariage civil et j’institue le douaire universel.
M. LEGOUVÉ, souriant. Vous allez bien vite et bien loin mon cher Monsieur; vous effarouchez tout le monde. Au fond du cœur, je crois bien comme vous à l’égalité des sexes par l’équivalence des fonctions, mais je me garde bien d’en souffler mot. Je me contente de réclamer pour les femmes l’instruction, une diminution de servage conjugal et des emplois de charité: comptant bien, entre nous, que, ces conquêtes obtenues, les femmes seront en mesure, par leur instruction et leur utilité constatée, de s’affranchir tout à fait. Eh bien! malgré ma réserve et ma modération, vous verrez que les uns me traiteront de femmelin, les autres de sans-culotte!
M. MICHELET, se levant les larmes aux yeux. Hélas! Messieurs, tous vous faites fausse route; et j’ai grande douleur, mon cher académicien Legouvé, de vous voir employer votre plume élégante à mettre les femmes dans une voie aussi périlleuse et aussi déraisonnable.
Quant à vous, Messieurs, qui réclamez pour la femme la liberté et l’égalité de droits, vous n’y êtes point autorisés par elle; elle ne demande aucun droit; qu’en ferait-elle, cet être faible, toujours malade, toujours blessé! La Pauvre….. Quel peut être son rôle ici bas, si ce n’est d’être adorée de son mari, qui doit se constituer son instituteur, son médecin, son confesseur, 225 sa garde malade, sa femme de chambre; la tenir en serre chaude, et, avec tous ces soins si multipliés, gagner encore le pain quotidien; car la femme ne peut, ni ne doit travailler; elle est l’amour et l’autel du cœur de l’homme.
Quelques uns d’entre vous ont osé prononcer le vilain mot: Divorce.
Pas de Divorce! La femme qui s’est donnée, a reçu l’empreinte de l’homme. Vous ne devez pas la quitter, quelque coupable qu’elle puisse être. J’ai pensé d’abord qu’à votre mort elle devait prendre le deuil jusqu’à la tombe, au delà de laquelle il y aura fusion d’elle et de son mari dans l’unité de l’Amour. Mais je me suis ravisé: vous pouvez vous nommer un successeur.
Tandis que M. Michelet se rassied en s’essuyant les yeux, on voit se lever le couvercle d’un cercueil.
M. COMTE. Dignement et admirablement parlé! illustre professeur, prononce une voix sépulcrale.
Comment! Vous, ici!… s’écrie l’assemblée. On ne meurt donc pas tout entier comme vous l’enseigniez à vos disciples?
M. COMTE. Non, Messieurs; et j’ai été fort agréablement surpris de voir que je m’étais trompé. Mais ce n’est pas pour vous instruire de la vie d’outre tombe que je reviens; cela n’aurait pas valu la peine d’un dérangement. C’est pour témoigner au grand professeur Michelet toute la satisfaction que j’éprouve, à le voir si richement poétiser l’idéal que je me suis fait de la femme, et jeter tant de fleurs sur l’admirable maxime d’Aristote et le commandement du grand saint Paul.
Oui, Maître trois fois illustre, vous avez bien dit: la femme est faite pour l’homme, doit lui obéir, se dévouer; n’est qu’une 226 dole dans la vie privée, absolument rien dans la vie publique. Oui, l’homme doit travailler pour elle; oui le mariage est indissoluble; tout cela est d’un Auguste-Comtisme irréprochable. Je n’ai qu’un regret: c’est que vous n’ayez pas conservé les oraisons jaculatoires de la femme à son mari et de celui-ci à sa femme: il eut été d’un bon exemple et d’un bel effet, de les voir chaque matin, agenouillés l’un en face de l’autre, les mains jointes et les yeux fermés. J’espère que ce n’est qu’un oubli, et que vous rétablirez ce détail dans la prochaine édition. Je vous félicite hautement de l’heureuse idée que vous avez eue de justifier l’absorption de la femme par l’homme, à l’aide d’une blessure et des mystères de l’imprégnation: cela fera grand effet sur les ignorants.
Les femmes révoltées, et les insensés au cœur corrompu qui les soutiennent, diront que vous êtes un égoïste poétique et naïf; notre cher Proudhon, un égoïste brutal; moi, un égoïste par A plus B. Laissons les dire: je vous approuve et vous bénis.
L’apparition se disposait à se recoucher dans son cercueil; moi qui coudoie volontiers les fantômes, je la tirai par un coin de son suaire et, quoiqu’elle me fit un geste de Vade retro non équivoque, j’eus le courage de représenter humblement au défunt Grand-Prêtre, que le front de M. Proudhon méritait tout autant d’être béni que celui de M. Michelet. Le défunt leva dignement l’index et le medium de sa dextre décharnée sur la tête altière et peu vénérante du grand critique, qui ne se courba point et ne parut pas infiniment flatté.
Comme c’était son tour de parler, M. Proudhon se leva et dit: Messieurs les Communistes, les Philadelphes, les Fusioniens, 227 les Phalanstériens, les Saint-Simoniens, et vous, Messieurs de Girardin et Legouvé ainsi que tous vos adhérents, vous êtes tous des femmelins, et des gens hardis dans l’absurde.
Si mon ami Michelet vous a doré, parfumé et sucré la pilulle, je ne puis avoir son adresse et sa modération, car vous savez que, par tempérament, moi, P. J. Proudhon, je ne suis ni tendre, ni poète. Permettez-moi donc de vous dire tout brutalement la vérité sur une question où vous n’entendez pas le premier mot.
L’Église, saint Thomas d’Aquin, saint Bonaventure, saint Paul, Auguste Comte, aussi bien que les Romains, les Grecs, Manou et Mahomet, enseignent que la femme est faite pour le plaisir et l’utilité de l’homme, et qu’elle lui doit être soumise; or j’ai suffisamment établi ces grandes vérités par des affirmations sans réplique. Il est donc aujourd’hui démontré pour quiconque croit en moi, que la femme est un être passif, n’ayant germe de rien, qui doit tout à l’homme, que, conséquemment, elle lui appartient comme l’œuvre à l’ouvrier. Ma solution devant paraître un peu brutale, ou trop antique ou moyen âge, j’ai pris aux novateurs modernes leur petite drôlerie d’Androgynie; j’ai fait du Couple l’organe de la Justice: dans ce couple la femme, transformée par l’homme, devient une triple beauté, une idole domestique, soumise en tout à son prêtre. Je l’enferme dans le ménage, et permets qu’elle ait l’intendance des fêtes et spectacles, l’éducation des enfants et des jeunes filles, etc. N’est-il pas évident, Messieurs, que la femme, parce qu’elle est plus faible que nous, est, de par la justice, condamnée à nous obéir? Et que sa liberté consiste à n’éprouver aucune émotion 228 amoureuse, même pour son mari? N’est-il pas évident, en conséquence, que vous, qui ne pensez pas comme moi, êtes des femmelins, des gens absurdes, et que les femmes qui ne veulent pas plus être esclaves que nous autres ne consentions à l’être en 89, sont des insurgées, des impures que le péché a rendues folles?
La majorité de l’assemblée rit; M. de Girardin hausse les épaules; M. Legouvé se mord les lèvres pour ne pas sourire; M. Michelet paraît inquiet de cette sortie qui peut tout gâter. Comme, en prononçant le mot insurgée, l’orateur m’a regardée de travers avec une intention très marquée, je ne puis m’empêcher de lui dire: Oui, je mérite le nom d’insurgée comme nos pères de 89. Quant à vous, si vous ne vous amendez, je crains bien de vous voir mourir dûment confessé et extrême-onctionné… et vous l’aurez bien mérité!
Maintenant, dépouillons le vote de votre honorable assemblée, Messieurs.
Quatre Écoles: les Communistes, les Saint-Simoniens, les Fusioniens, les Phalanstériens et un publiciste, M. de Girardin, qui fait autant de bruit à lui tout seul qu’une école, sont pour la liberté de la femme et l’égalité des sexes.
MM. Comte, Proudhon, Michelet sont contre la liberté de la femme et l’égalité des sexes.
M. Legouvé et ses innombrables adhérents veulent la liberté de la femme, et désirent qu’elle travaille à devenir l’égale de l’homme par l’équivalence des fonctions.
Ce qui veut dire que l’immense majorité de ceux qui pensent sont, à différents degrés, pour notre Émancipation.
229 Maintenant que mes lecteurs sont au fait de vos opinions diverses, Messieurs, à moi, femme, de parler, de moi-même pour mon droit, sans m’appuyer sur autre chose que sur la Justice et la Raison.
FIN DU PREMIER VOLUME.
SUMMARY.
Appear, all ye modern innovators, before your judge, the public. Sum up your opinions.
COMMUNIST. The two sexes differ, do not perform the same functions, but they are equal before the law.
For woman to be really emancipated, society must be remoulded economically, and marriage suppressed.
PHILADELPHIAN AND ICARIAN. We are of your opinion, brother, except in what concerns marriage.
ORTHODOX ST. SIMONIAN. If Christianity has despised and oppressed woman, it has been because, in its sight, she represented matter, the world, evil. We, who are come to give the true meaning of the Trinity, rehabilitate or explain what our predecessors have condemned. Woman is the equal of man, because in God, who comprises everything, matter is equal to spirit. With man, woman forms the couple which is the social individual, the functionary. As woman is very different from man, we do not take the liberty of judging her; we content ourselves with summoning her that she may reveal herself.
Notwithstanding we think that she can only be affranchised by being emancipated in love.
202 PIERRE LEROUX agitated. Take care! It is not so much in sex that woman should be affranchised; it is only in her quality of wife and human being. She has sex only for him she loves; to all other men she is what they are themselves: sensation, sentiment, sense. She must be free in marriage and in the commonwealth as man himself should be.
FUSIONIST interrupting him. You are right, Pierre Leroux; yet neither is the previous speaker wholly wrong; woman is free and the equal of man in everything, because spirit and matter are equal in God; because the man and the woman form together the human androgynus, the derivation of the divine androgynus. It is not so, my dear sister?
MYSELF. Excuse me, brothers, from joining in your theological discussion; my wings are not strong enough to follow you into the bosom of God, in order to assure myself whether he is spirit or matter, androgynus or not, binary, trinary, quarternary, or nothing of all these. It is enough for me that you all grant that woman should be free, and the equal of man.
I permit myself only a single observation; that your notion of the couple or of the androgynus, at the bottom one and the same thing, tends fatally to the subjugation of my sex; if, by a metaphor, a fiction, we make of two beings, endowed each with a separate will, free-will and intellect, a single unity; in social practice, this unity is manifested by a single will, a single free-will, a single intellect, and the individuality that prevails in our society is that which is endowed with strength of arm; the other is annihilated, and the right given to the couple is in reality only the right of the stronger. The use that M. Proudhon has made of androgyny 203 ought to cure you of this fancy; as the use which your predecessors made of the ternary ought to have preserved you from trinitary metaphysics. Be it said without offence to you, gentlemen, I have a decided antipathy to any trinities and androgynies whatsoever; I am a sworn enemy to all metaphysics, whether profane or sacred,—a constitutional vice, aggravated in me by Kant and his school.
PHALANSTERIAN. For God’s sake, gentlemen, let us quit this mysticism. Man and woman are different, but the one is as necessary as the other to the great work that should be accomplished by humanity; therefore they are equal. As each individual has a right to develop himself integrally, to manifest himself completely in order to perform the parcellary task which his attractions assign to him, the liberty of one sex can no more be called in question than can that of the other. Man modulates in major, woman in minor, with an exceptional eighth; but, as in all the general functions, the combination of the two modes is necessary, it is evident that each of them ought to be double, and that woman ought everywhere to be equal with man.
M.DE GIRARDIN somewhat abruptly. Gentlemen, I agree with you that woman ought to be free and equal with man; only I maintain that her function is to manage, to economize, and to rear her children, while man labors and brings into the household the product of his industry.
As I wish woman to be freed from servitude and all children to be rendered legitimate, I suppress civil marriage, and institute universal dowry.
M. LEGOUVE smiling. You go too fast and too far, my dear sir, you will frighten everybody. At least, I 204 believe like you in the equality of the sexes through the equivalence of their functions, but I take good care not to breathe a word of it. I content myself with claiming for woman instruction, diminution of conjugal servitude, and offices of charity; counting, between ourselves, that these victories obtained, women will be in a position through their education and proved utility, to affranchise themselves completely. Well! despite my reserve and moderation, you see that some call me effeminate, others sans culotte.
M. MICHELET, rising with tears in his eyes. Alas, gentlemen, you are all in the wrong road; and I am very sorry, my beloved academician Legouvé, to see you employ your elegant pen in leading woman in so perilous and irrational a way.
As to you, gentlemen, who lay claim to liberty and equality of rights for woman, you are not authorized by her to do so; she demands no right, what should she do with it—a being always feeble, always sick, always wounded. Poor creature! What can be her rôle here below, if not to be adored by her husband, whose duty it is to constitute himself her instructor, her physician, her confessor, her sick nurse, her waiting-maid; to keep her in a hot-house, and with all these multiplied cares to earn beside the daily bread; for woman cannot, ought not to work; she is the love and the altar of the heart of man.
Some among you have dared utter the vile word: Divorce.
No divorce! The woman who has given herself away, has received the imprint of man. You should not abandon her, however guilty she may be. I thought in the beginning that after your death she ought to wear mourning to the tomb, beyond which, she and her 205 husband would be fused into the unity of love. But I have thought better of it; you may appoint a successor.
While Michelet is seating himself, wiping his eyes, the lid of a coffin is seen to rise, and Comte exclaims in a sepulchral tone:
Worthily and admirably spoken, illustrious professor!
What! you here? exclaims the assembly. Then one does not perish entirely, as you taught your disciples?
COMTE. No, gentlemen, and I was very agreeably surprised to see myself mistaken. But it is not to instruct you about the life beyond the tomb that I return; that would not have been worth the trouble of disturbing myself. It is to express to the great professor Michelet all the satisfaction that I feel in seeing him so richly poetise the ideal that I set up, and strew so many flowers over the admirable maxim of Aristotle and the commandment of the great St. Paul.
Yes, thrice illustrious Master, you have rightly said: woman is made for man, she should obey him, be devoted to him; she is only a doll in private life, absolutely nothing in public life. Yes, men should labor for her; yes, marriage is indissoluble; all this is irreproachable.
AUGUSTE COMTISM. I regret but one thing—that you have not preserved the ejaculatory orisons of the wife to the husband, and of the husband to the wife; it would have been a good example and have made a fine effect to see them every morning kneeling face to face, with clasped hands and closed eyes. I hope that this is only forgetfulness, and that you will reëstablish this detail in your next edition. I congratulate you openly on the happy thought that you have conceived of justifying the absorption of woman by man by aid of a wound and the 206 mysteries of impregnation; this will have a great effect on the ignorant.
Rebellious women, and the madmen with corrupt hearts who sustain them, say that you are a poetic and ingenuous egotist, that our beloved Proudhon is a brutal egotist; that I am an egotist by A + B. Let them say so; I approve and bless you.”
The apparition was preparing to lie down again in his coffin when, having a passion for encountering phantoms, I seized a corner of his winding sheet, and, notwithstanding an unequivocal sign from him of vade retro, I had the courage to represent humbly to the defunct high priest that the brow of M. Proudhon deserved quite as much to be blessed as that of M. Michelet. The defunct gravely crossed his fleshless fore finger and thumb over the haughty and irreverent head of the great critic, who neither bowed nor seemed infinitely flattered.
It being his turn to speak, Proudhon rose and said: “Gentlemen Communists, Philadelphians, Fusionists, Phalansterians, Saint Simonians, and you, MM. Girardin and Legouvé, as well as all of your adherents, you are all effeminate, men hardened in absurdity.
“If my friend Michelet has gilded, perfumed and sugared the pill for you, I cannot imitate his address and moderation, for you know that in temperament I, P. J. Proudhon, am neither tender nor poetical. Permit me then roughly to tell you the truth concerning a question of which you do not understand the first word.
“The Church, St. Thomas d’Aquinas, St. Bonaventure, St. Paul, and Auguste Comte, as well as the Romans, the Greeks, Manu and Mahomet teach that woman is made for the pleasure and use of man, and that 207 she should be subjected to him; now I have sufficiently established these great truths by affirmations without reply. It is demonstrated to-day, therefore, to all who believe in me that woman is a passive being, having the germ of nothing, who owes everything to man, and that, consequently, she belongs to him as the work to the workman. Lest my solution might appear somewhat harsh to you, or to savor too much of antiquity of the Middle Ages, I have borrowed of the modern innovators their farce of Androgyny; I have made the couple the organ of Justice; in this couple, woman, transformed by man, becomes a triple deity, a domestic idol, subject in everything to her priest. I shut her up in the household, and permit her to have only the superintendence of festivals and spectacles, the education of children and maidens, etc.
“Is it not evident, gentlemen, that woman, because she is weaker than we, is, by justice, condemned to obey us, and that her liberty consists in experiencing no amorous emotion, even for her husband? Is it not evident, in consequence, that you, who do not think as I, are effeminate, absurd men, and that the women who are no more willing to be slaves than we were in ’89 are insurgents, impure women whom sin has rendered mad?”
The majority of the assembly laugh; De Girardin shrugs his shoulders; Legouvé bites his lip in order not to laugh; Michelet appears troubled at this sally which may spoil everything. As, in uttering the word insurgent, the orator glances at me with marked design, I cannot help saying “yes, I deserve the name of insurgent like our fathers of ’89. As to you, if you do not amend, I fear greatly that I shall see you die duly confessed and blessed with extreme unction … and you will have well deserved it!”
208 Now, gentlemen, let us ascertain the vote of your honorable assembly.
Four schools,—the Communists, the St. Simonians, the Fusionians and the Phalansterians,—with one publicist, M. de Girardin, who makes as much noise by himself alone as a whole school, are for the liberty of woman and the equality of the sexes.
MM. Comte, Proudhon and Michelet are against the liberty of women and the equality of the sexes.
M. Legouvé and his innumerable adherents wish liberty for woman, and desire that she should labor to become equal to man through equivalence of functions.
Which means that the great majority of those who think are, in different degrees, for our emancipation.
Now that my readers are acquainted with your several opinions, gentlemen, it belongs to me, a woman, to speak myself in behalf of my right, without leaning on anything but Justice and Reason.