VARIÉTÉS.
L’Illinois.
Si, par des communications constantes, par maints récits , nous connaissons en France les mœurs et coutumes de cette partie des Etats-Unis que longe l’Atlantique et qui, premier siège de la colonisation, mêle aux habitudes de la démocratie celles de la civilisation européenne, il n’en est pas ainsi des contrées de l’Ouest. Là tout est nouveau et s’ensuit non des inspirations de la tradition, mais de la force des choses et des exigences de la nécessité. Là, le génie du travail accomplit, mais avec une étrange et naïve rusticité, des merveilles. De grandes villes s’improvisent, des ports sont construits, des compagnies sont fondées et toute l’agitation des grands centres commerciaux succède aux mélancoliques poésies de la solitude indienne.
Chicago, dont les premières chaumières furent construites, il y a 35 années, sur les rives du lac Michigan ; Chicago, entrepôt colossal de l’Est et de l’Ouest, et qui loge maintenant 180,000 habitants, porte le nom que donnaient les Indiens à son sol inculte, et qui dans leur langue signifie Oignon Sauvage. Si nous arrivons dans cette ville par l’une des six gares qu’elle possède, et que nous allions demander asile à l’hôtel Sherman-House, ne vous effrayez pas de la hauteur des étages, placez-vous dans cette machine qui va vous enlever et vous déposer sur votre palier. Mais ceci n’est rien; ici ce ne sont guère les mobiliers qu’on déménage , mais les maisons, et vous en rencontrerez plus d’une en marche vers son nouveau quartier ; vous verrez quelque chose de plus merveilleux encore, se sont d’immenses bâtiments qu’on exhausse de plusieurs pieds sans en déranger une pierre et sans que les habitants cessent de vaquer à leurs affaires intérieures. Mais avant de vous promener dans la capitale, occupons-nous d’abord de l’Etat d’Illinois.
Jetez les yeux sur cette carte des Etats-Unis. Ici, au centre de la vallée du Mississippi, est l’Etat d’Illinois , aussi grand que les six Etats réunis de la Nouvelle-Angleterre. Il s’incline légèrement du Nord au Sud, et on le nomme l’Etat de Prairies, parce qu’il n’a pas de collines et encore moins de montagnes ; son point le plus élevé est d’environ 800 pieds anglais au-dessus du niveau de la mer.
L’Illinois, ainsi que vous pouvez le voir, est limité au Nord par l’Etat de Wisconsin ; au Sud par celui de Kentucky, dont le sépare le fleuve Ohio ; à l’Est par le lac Michigan, le grand Wabash et l’Indiana ; à l’Ouest par l’Etat d’Iowa et le Mississippi qui le sépare de l’Etat de Missouri. Sur ses 1,160 milles anglais de frontières, il en a 855 de navigables.
Considérez le grand nombre de cours d’eau qui arrosent cet Etat, le coupent dans tous les sens et se jettent les uns dans le Mississippi, les autres soit dans la rivière l’Illinois, soit dans le grand Wabash, l’Ohio ou le Bock qui a des chutes comme le Niagara. Au réseau à mailles serrées que forment ces courants dont beaucoup sont navigables, s’ajoute le réseau des nombreux chemins de fer qui mettent en relation toutes les villes de l’Illinois entre elles et avec les autres principales cités des Etats de l’Union.
L’Illinois a une superficie de 35,500,000 acres carrés, dont la vingtième partie est marécageuse. Sous le rapport de l’aspect et de la fertilité, les terres sont divisées en prairies alluviales, prairies ondulées et prairies buissonneuses.
Les premières forment les vallées des courants : la terre végétale y est quelquefois profonde de 12 at toujours bonne, saturée d’azote, conséquemment d’une fertilité incomparable. C’est dans ces prairies, sur le bord des fleuves et des rivières, que se trouvent les forêts quelquefois magnifiques où pullulent, selon les terrains, les peupliers, les ormes, les charmes, les trembles, les bouleaux, les érables, les pins, les frênes, les cèdres, plusieurs variétés de chênes, etc.
Dans les praires ondulées on trouve élévations nommées buffs et les marais nombreux, co qu’on appelle de sloughs, nappes d’eau dormantes, perfidement cachées sous les roseaux et d’où s’élancent les miasmes de la fièvre tremblante et quelquefois le typhus. De nombreux serpents rampent dans l’herbe humide. Le docteur Daniel Brainard, fondateur d’une faculté de médecine à Chicago, et le Nélaton de l’Illinois, a trouvé dans l’eau-de-vie, en boisson et en frictions, le remède infaillible de ces mortelles morsures et de leurs suites.
Les prairies buissonneuses sont ainsi nommées parce qu’elles sont occupées par des buissons, des bouquets, des bosquets d’arbrisseaux et d’arbustes, On y trouve beaucoup de fleurs et les eaux qu’elles contiennent sont très pures.
La fertilité du sol des vallées est la plus grande qui se puisse concevoir toute espèce de grain réussit admirablement ; il en est de mème partout pour les fruits d’Europe, surtout au centre et au sud de l’Etat. Les deux espèces animales qu’on élève le plus sont la bovine et la porcine. Les bœufs de l’Illinois sont en grande réputation et la viande de porc est l’objet d’un commerce considérable.
Bien que le centre de l’Etat soit sous la même latitude que l’Italie et l’Espagne, l’on n’y trouve que le climat de la Normandie. L’Illinois, aussi bien que les autres Etats de l’Union de l’Est, a des températures extrêmes et très mobiles. Si les chaleurs de l’été sont souvent tropicales, même dans le Nord, quelquefois en hiver le mercure gèle. A des jours, à des heures de chaleur, succèdent brusquement des jours, des heures de froid glacial. En Illinois les vents d’Ouest et celui des lacs sont terribles : en un mot, ce qu’a dit Volney du climat des Etats-Unis est toujours vrai. Done, lecteur, si vous avez quelque disposition aux affections des organes respiratoires, aux rhumatismes, aux maladies de la gorge, du foie et du tube digestif n’allez pas dans le Nord de l’Illinois.
Nous venons de voir à vol d’oiseau la superficie de l’Illinois, entrons maintenant dans les entrailles de son sol.
Le terrain alluvial repose sur l’argile et au sud sur le sable. Dans 78 comté et occupant 35,000 mètres carrés, sous l’argile sont quatre formations successives de charbon bitumineux. La plupart des voies ferrées sont établies sur ces terrains carbonifères. A l’Ouest, sous le charbon, occupant 6,500 milles carrés, l’on trouve de la pierre calcaire de qualités diverses, suivant les gisements, et en certains comtés elle passe au marbre. Celle que l’on emploie à Chicago est très blanche et très belle.
Dans une chaîne de collines du comté de Hardin, adjacents à des lits de charbon, sont de considérables dépôts de fer; et au Nord de Jonesboran est une montagne renfermant sous 75 pieds de pierre calcaire quartzeuse une énorme quantité d’hernatite de fer; très probablement il y a beaucoup de fer à découvrir, peut-être en approchant de l’Etat de Missouri où, à quelques milles du Mississippi, sont les monts Ozarck dont les sommets contiennent du fer, tandis qu’on trouve le plomb sur les flancs. Le mont Pilat-Knob est un immense cône de fer presque pur et le mont Shupherd contient beaucoup d’oxyde de ce métal, du fer magnétique et des aimants naturels. Peut-être la partie de l’Illinois qui correspond géologiquement avec ces dépôts ferrugineux du Missouri contient-elle des richesses métallurgiques.
Au Nord, se trouvent de considérables dépôts de plomb, mêlé au soufre ou au zinc, dont on le sépare facilement. Ces dépôts se continuent de l’Est à l’Ouest dans le Wisconsin et l’Iowa. Dans le Sud sont beaucoup de dépôts de sel, de l’argile la plus pure et de lu silice partout. Vous voyez, lecteurs, qu’avec quelques fonds, de l’intelligence et des bras, un grand parti peut être tiré du sol de d’Illinois.
Maintenant que nous connaissons la terre, examinons en les habitants.
l’Illinois appartenait d’abord à l’Espagne; plus tard il fut cédé à l’Angleterre, et plus tard encore, par suite de la guerre de l’indépendance, il devint territoire des Etats-Unis. Ses premiers colons furent des français, dont les établissements étaient à Kaskaskia, Cahokia, Peoria, prairie du Rocher, prairie du Pont, fort Chartres. Le long du Mississippi l’on trouve, aujourd’hui encore, des villages et des bourgs où l’on ne parle et ne veut parler que français. D’autre part, beaucoup de canadiens d’origine française sont venus s’établir en Illinois. Il y a des villages uniquement habités par eux, ou par eux et le sang mêlé indo-français, car les peaux rouges ont autant de sympathie pour notre race que d’antipathie pour l’anglo-saxonne. Aux habitants de provenance celtique dont nous venons de parler, il faut ajouter la nombreuse émigration irlandaise, celtique aussi, puis beaucoup d’allemands, un certain nombre de belges, quelques suédois, bohèmes, espagnols ; dans le sud, beaucoup de blancs qui viennent des Etats à esclaves ; dans le nord, des yankees venus de l’est et de la Nouvelle-Angleterre. Tels sont les éléments, encore distincts, qui forment le peuple de l’Illinois, Beaucoup de français et d’allemands se livrent à l’agriculture, à l’élève du bétail, au commerce ; les irlandais, dans cette société, ont partout le rôle de manœuvres. Partout où se construit un chemin ferré, partout où s’élève une église, où se creuse un tunnel, où se perce et se pave une rue, vous rencontrez presqu’exclusivement l’irlandais. Quant au yankee, c’est l’entrepreneur, le contre-maître social. Son activité, sa hardiesse sont aussi surprenantes que son imperturbable sang-froid. Il ne doute de rien, il ne redoute rien. Pourvu qu’il arrive, il est parfaitement insouciant de sa vie et de celle des autres. Vous le trouvez, fumant et mâchant du tabac, sur toutes les routes, derrière tous les comptoirs, dans toutes les banques, à la tête de toutes les entreprises , mais jamais où il s’agit d’un travail manuel. Sa grande préoccupation est to make money, de gagner vite une grande fortune, non pour se reposer, mais purement et simplement pour être riche et dépenser sans compter : quelque opulent que soit devenu le yankee, il ne songe pas à quitter les affaires, où il a mis sa vie intellectuelle et morale.
Il faudra bien du temps encore avant que les éléments divers qui entrent dans la formation du peuple d’Illinois aient disparu dans les croisements, et formé des génies divers un génie complexe et national. Aujourd’hui c’est le génie yankee qui gouverne, il est présent d’une manière très ostensible dans la Constitution, les lois, et c’est tant mieux pour l’élément celtique toujours trop disposé à sacrifier la liberté individuelle au principe de l’unité, de la discipline; il est bon que cet élément s’accoutume à se passer de druides pour gouverner son âme et de chefs élus de Dieu pour gouverner ses affaires temporelles. C’est sous l’influence yankee que le peuple illinoisien a signé le credo civil et politique dont voici la substance
1° Tous les hommes sont nés libres, indépendants. Conséquemment ils ont un droit inaliénable à la liberté de penser, d’écrire, de s’assembler, de s’associer, d’adorer Dieu comme ils i’entendent ; d’acquérir, de vendre, de défendre leur réputation, leur propriété, leur vie.
2° Tout homme est juré et a droit à être jugé par le jury.
3° Nul ne peut être emprisonné pour dettes, à moins qu’il ne refuse de livrer son avoir à ses créanciers, ou ne soit soupçonné de fraude.
4° Tout citoyen arrêté a droit de se faire interroger immédiatement. En cas de flagrant délit, de se faire juger immédiatement ; si les présomptions ne sont pas suffisantes, de se faire relâcher immédiatement. Le tout sous peine d’une forte amende imposée au magistrat pour emprisonnement illégal.
5° Toute personne arrêtée peut se faire relâcher, en fournissant une caution.
6° Tous les cultes sont libres, parfaite ment indépendants de l’Etat, et nul serment religieux n’est requis pour remplir une charge publique.
7° Tout pouvoir est inhérent au peuple, toute fonction publique relève de l’élection populaire, et l’armée doit être strictement subordonnée au pouvoir civll.
8° Il n’y a pas d’esclaves en Illinois ; on interdit même aux libres de couleur de s’établir dans cet Etat. (Ce dernier article est rapporté.)
La Constitution assure, autant qu’il est humainement possible, la jouissance de tous les droits reconnus dans la déclaration. Elle établit trois pouvoirs : le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Le législatif est composé d’un Sénat et d’une Chambre de représentants. Il établit le budget : chaque Chambre a l’initiative des lois. Les représentants peuvent mettre le pouvoir exécutif et ses agents, et les membres les plus du pouvoir judiciaire en accusation devant le Sénat. Les Chambres n’ont pas le droit de faire un emprunt considérable ni d’amender la Constitution.
Le pouvoir exécutif est confié à un gouverneur, commandant de toutes les forces de l’État, ayant le droit de grâce et de commutation des peines, excepté dans les cas de haute trahison. Avec l’avis du Sénat, il nomme les principaux fonctionnaires ; aucun bill n’a force de loi qu’avec son approbation ou après une discussion nouvelle s’il a fait des objections.
Si le gouverneur est renvoyé, ou meurt, ou est empêché, le lieutenant-gouverneur, orateur du Sénat, le remplace. Si celui-ci meurt, est empêché, se démet, c’est l’orateur élu par le Sénat qui prend le gouvernement,
Le pouvoir judiciaire se compose de justices de paix, cours de comtés, cours de districts et cour suprême.
Le Sénat est renouvelé par moitié tous les deux ans ; la Chambre des représentants, élue tous les deux ans ; le lieutenant gouverneur et le gouverneur, tous les quatre ans; chaque juge suprême siège neuf ans; chaque jugé de district, six ans, et les juges de comte et de paix, quatre ans.
Les sénateurs, les représentants, le gouverneur, le lieutenant gouverneur, le trésorier, les juges de tous les degrés sont choisis par l’élection populaire, et sont responsables devant le peuple, qui les peut faire juger.
Tout blanc électeur à 21 ans, et, pour être élu à une charge quelconque, li faut résider en Illinois, en être citoyen, et être citoyen des Etats-Unis. L’époque des élections est fixée, et le peuple y procède sans convocation. De droit, chaque pouvoir expire à des époques déterminées.
Voilà, n’est-ce pas, une constitution bien démocratique, et si la démocratie est le nec plus ultra des gouvernements pour la liberté et le bonheur d’un peuple, les Illinoisiens doivent être très libres, très justement gouvernés, très heureux? Mais n’oublions pas que les constitutions, les lois, les déclarations de droit ne valent que ce que leur font valoir la justice et la moralité d’un peuple ; or, le peuple de ce pays n’est pas plus juste, pas plus moral que certains autres que vous connaissez ; il ÿ a ici comme là bas ce que l’on dit, ce que l’on écrit et ce que l’on fait, et cela est fort loin de se ressembler toujours. En Illinois aussi bien qu’en France, il ne faut pas prendre les choses à la lettre ; si chez nous la magnifique phrase : Tous les Français sont égaux devant la loi, ne comprend pas la moitié es Français, c’est-à-dire les Françaises, il en est non-seulement de même en Illinois, mais le pigment noir fait rayer un homme de la citoyenneté et en quelque sorte de l’espèce; il n’ya que deux ans qu’est rapportée la lo qui annulait le mariage d’un blanc avec une personne de couleur, condamnant le blanc ou la blanche coupable de cette union bestiale à 39 coups de fouet, au moins un an de prison, et la déclarait indigne d’être témoin dans un cas grave. Quant au célébrant de ce mariage et au clerc ayant accordé la licence, chacun d’eux, déclaré indigne de remplir aucune fonction, payait 1,200 dollars d’amende.
Une formalité fort employée ici, c’est le serment : on le prête pour tout et à tout propos, ce qui lui ôte en réalité sa valeur. On jure sur la Bible, qui est en grande vénération, et comme tout le monde fréquente l’église, paie pour élever son temple et bien rétribuer son pasteur, on serait tenté de croire qu’il y a plus de religion dans ce pays que dans le nôtre. S’il faut entendre par religion les croyances qui réellement influent sur la direction de la vie morale, certes il n’ÿ a pas plus de religion ici qu’à Paris. Nous renverrons à l’article Chicago ce que nous avons à dire sur les sentiments, les mœurs, les habitations des gens de ce pays; nous dirons seulement que le garçon au dessus de 21 ans et la file au dessus de 18 peuvent se marier sans l’autorisation des parents, que le divorce est facile, que la femme est très protégée par la loi et les mœurs, et que sous ces rapports ainsi que sous plusieurs autres, les Français auraient fort à apprendre des Illinoisiens, Ceux-ci, par exemple, ont le bon sens de ne pas livrer de par la loi l’éducation du peuple à des influences cléricales quelconques : les parents sont libres de le faire en envoyant leurs enfants, soit dans les institutions payantes, soit dans les écoles instituées par les diverses églises ; mais l’éducation donnée dans les écoles et collèges de l’Etat est organisée en dehors des cultes et tend à faire des hommes libres, des citoyens, à développer une forte individualité dans les deux sexes qui étudient ensemble. Nous reviendrons sur cet intéressant, chapitre en parlant de Chicago. Nous voulons seulement dire ici que l’éducation publique et gratuite est sous la surveillance d’un superintendant général, de superintendants de comtés, de traités et de boards d’éducation; que de généreux citoyens, outre la taxe de l’instruction publique, s’imposent des dons de terre et d’argent pour fonder des écoles ; qu’à Bloomington est une université d Etat, qui est une école normale pour les instituteurs des deux sexes. L’université de Bloomington possède un musée d’oiseaux, de coquilles, de fossiles, de pierres, de terres et métaux de l’Illinois et des Etats voisins. Tout y est rangé selon l’ordre d’apparition géologique et de classification naturelle : là ne se voient point de polypiers eu compagnie d’éléphants et de girafes empaillés. L’Américain, qui n’aime pas plus l’aristocratie scientifique que toute autre, ne fait pas de musées uniquement pour savants, mais pour tous, et pour que tous en profitent, il a compris que les objets doivent être classés de manière à saisir l’ordre naturel.
Dans ces rapides considérations sur l’Illinois, nous avons dit le bien et le mal avec une entière liberté. Quelque jeune que soit ce peuple, et malgré les travers qui déparent ses hautes qualités, il nous est venu bien souvent à la pensée que quelques années de séjour dans ce pays profiteraient grandement à l’éducation de nos jeunes français. Autrefois l’éducation d’un jeune gentilhomme ne paraissait achevée qu’après un voyage dans les pays les plus policés de l’Europe, et surtout à la cour de ces pays. C’est maintenant aux centres démocratiques du nouveau monde que l’ancien continent aurait besoin de puiser une vigueur nouvelle.
Mais il faudrait en même temps que les français, en séjour dans ce pays, ne se crussent pas le droit de raillerie, d’insolence et parfois d’ingratitude. L’américain a ses travers et ses vices, mais le français a les siens ; il en a surtout de très antipathiques au caractère américain : celui de cacher le mépris des femmes sous des manières et des phrases galantes ; celui de ne se sentir solidaire ni de ses compatriotes dont il médit, ni de la France qu’il fait souvent mal juger. L’intérêt commercial et politique de la France est de ménager beaucoup les habitants de la vallée du Mississippi, de l’Illinois surtout, et ces populations, qui pour la plupart sont françaises d’origine, lui seraient naturellement favorables ; mais la bonne harmonie dépend de deux choses : la conduite particulière des français et celle du corps consulaire. C’est au gouvernement à choisir des agents sympathiques, non seulement aux français, mais aux américains, des esprits sérieux et bienveillants, disposés non à critiquer, à ne voir que les côtés défectueux, mais à tenir compte des bons; et qui surtout ne prennent jamais parti dans les discordes civiles.
En un mot, pour faire aimer et respecter la France ici, il nous faut des agents sérieux, aimables, polis et conciliants, qui fréquentent et attirent autour d’eux les américains ; certainement la France en possède de tels dans les Etats de l’Union, mais tous malheureusement ne sont pas ainsi.
JENNY D’HÉRICOURT.
VARIETIES.
Illinois.
If, through constant communications, through many stories, we know in France the morals and customs of that part of the United States that borders the Atlantic and which, as the first seat of colonization, mixes with the habits of democracy those of civilization European, this is not the case with the Western countries. There everything is new and follows not from the inspirations of tradition, but from the force of things and the demands of necessity. There, the genius of labor accomplished wonders, but with a strange and naive rustic quality. Large cities are improvised, ports are built, companies are founded and all the agitation of the large commercial centers gives way to the melancholic poetry of Indian solitude.
Chicago, whose first cottages were built 35 years ago on the shores of Lake Michigan; Chicago, a colossal warehouse for the East and the West, which now houses 180,000 inhabitants, bears the name given by the Indians to its uncultivated soil, which in their language means Wild Onion. If you arrive in this city via one of its six stations, and you are going to seek asylum at the Sherman House hotel, do not be frightened by the height of the floors; place yourself in this machine that will pick you up and place you on your landing. But this is nothing; here it is hardly the furniture that is being moved, but the houses, and you will meet more than one of them moving towards their new neighborhood; you will see something even more wonderful, these are immense buildings that are raised several feet without disturbing a stone and without the inhabitants ceasing to go about their internal affairs. But before we wander around the capital, let’s first concern ourselves with the state of Illinois.
Take a look at this map of the United States. Here, in the center of the Mississippi Valley, is the State of Illinois, as large as the six New England States combined. It slopes slightly from north to south, and it is called the Prairie State, because it has no hills and even fewer mountains; its highest point is about 800 English feet above sea level.
Illinois, as you can see, is bordered on the North by the State of Wisconsin; to the South by that of Kentucky, from which the Ohio River separates it; on the east by Lake Michigan, the great Wabash and Indiana; to the West by the State of Iowa and the Mississippi which separates it from the State of Missouri. Of its 1,160 English miles of borders, it has 855 of them navigable.
Consider the great number of rivers that water this State, cutting it in all directions, and emptying, some into the Mississippi, others either into the Illinois River, or into the great Wabash, the Ohio, or the Bock, which has falls like Niagara. To the tight-knit network formed by these currents, many of which are navigable, is added the network of numerous railways that connect all the towns of Illinois with each other and with the other main cities of the States of the Union.
Illinois has an area of 35,500,000 square acres, of which the twentieth part is swamp. In terms of appearance and fertility, the land is divided into alluvial prairies, rolling priries and bushy prairies.
The first form the valleys of the currents: the topsoil is sometimes 12 deep and always good, saturated with nitrogen, consequently of incomparable fertility. It is in these prairies, on the banks of the rivers, that we find the sometimes magnificent forests where, depending on the terrain, abound poplars, elms, hornbeams, aspens, birches, maples, pines, ash trees, cedars, several varieties of oaks, etc.
In the undulating meadows we find elevations called bluffs and numerous marshes, called sloughs, dormant sheets of water, perfidiously hidden under the reeds and from which the miasmas of malaria and sometimes typhus rush out. Many snakes crawl in the wet grass. Doctor Daniel Brainard, founder of a medical school in Chicago, and the Nelaton of Illinois, found in brandy, in drink and in friction, the infallible remedy for these deadly bites and their sequels.
Bushy meadows are so named because they are occupied by bushes, clumps, groves of shrubs and small trees. There are many flowers there and the water they contain is very pure.
The fertility of the soil of the valleys is the greatest that can be conceived; every kind of grain succeeds admirably; it is the same everywhere for European fruits, especially in the center and south of the State. The two animal species that are raised the most are cattle and pigs. The steers of Illinois are in high repute, and pork is the subject of a considerable trade.
Although the center of the state is at the same latitude as Italy and Spain, it only has the climate of Normandy. Illinois, as well as the other Eastern Union states, has extreme and very mobile temperatures. If the summer heat is often tropical, even in the North, sometimes in winter the mercury freezes. Days, hours of heat, are suddenly followed by days, hours of freezing cold. In Illinois the west winds and those of the lakes are terrible: in a word, what Volney said about the climate of the United States is still true. So, reader, if you have any disposition to ailments of the respiratory organs, rheumatism, diseases of the throat, liver and digestive tract do not go to Northern Illinois.
We have just seen the surface area of Illinois from a bird’s eye view; let us now enter the depths of its soil.
The alluvial terrain is based on clay and to the south on sand. In 78 counties, occupying 35,000 square meters, beneath the clay are four successive formations of bituminous coal. Most of the railways are established on these carboniferous lands. In the West, under the coal, occupying 6,500 square miles, we find limestone of various qualities, depending on the deposits, and in certain counties it passes into marble. The one they use in Chicago is very white and very beautiful.
In a range of hills in Hardin County, adjacent to the coal beds, are considerable deposits of iron; and north of Jonesboro is a mountain containing, beneath 75 feet of quartz limestone, an enormous quantity of iron hematite; very probably there is much iron to be discovered, perhaps approaching the State of Missouri where, a few miles from the Mississippi, are the Ozark Mountains, whose summits contain iron, while lead is found on the flanks. Pilot Knob is a huge cone of almost pure iron, and Mount Shepherd contains a lot of oxide of this metal, magnetic iron and natural magnets. Perhaps the part of Illinois that corresponds geologically with these ferruginous deposits of Missouri contains metallurgical riches.
In the North, there are considerable deposits of lead, mixed with sulfur or zinc, from which it is easily separated. These deposits continue from east to west in Wisconsin and Iowa. In the South there are many salt deposits, the purest clay and silica everywhere. You see, readers, that with a few funds, intelligence and arms, a great deal can be made of the soil of Illinois.
Now that we know the land, let’s look at the inhabitants.
Illinois first belonged to Spain; later it was ceded to England, and still later, following the War of Independence, it became the territory of the United States. Its first settlers were French, whose establishments were at Kaskaskia, Cahokia, Peoria, Prairie du Rocher, Prairie du Pont, Fort Chartres. Along the Mississippi, we still find villages and towns where people only speak and want to speak French. On the other hand, many Canadians of French origin came to settle in Illinois. There are villages inhabited solely by them, or by them and the mixed-blood Indian-French, because the redskins have as much sympathy for our race as antipathy for the Anglo-Saxon. To the inhabitants of Celtic origin that we have just spoken of, we must add the large Irish emigration, also Celtic, then many Germans, a certain number of Belgians, some Swedes, Bohemians, Spaniards; in the South, many whites who come from slave states; in the north, Yankees from the east and New England. These are the elements, still distinct, which form the people of Illinois. Many French and Germans devote themselves to agriculture, to raising cattle, to commerce; the Irish, in this society, have the role of laborers everywhere. Wherever a railway is built, wherever a church is built, wherever a tunnel is dug, wherever a street is dug and paved, you encounter almost exclusively Irish. As for the Yankee, he is the entrepreneur, the social foreman. His activity, his boldness are as surprising as his imperturbable composure. He doubts nothing, he fears nothing. Provided he succeeds, he is perfectly carefree about his life and that of others. You find him, smoking and chewing tobacco, on all roads, behind all counters, in all banks, at the head of all businesses, but never where it involves manual work. His great concern is to make money, to quickly earn a great fortune, not in order to rest, but purely and simply to be rich and spend lavishly: however opulent the Yankee may have become, he does not think of leaving business, where he dedicated his intellectual and moral life.
It will take a long time before the various elements that enter into the formation of the people of Illinois have disappeared in the interbreedings, and formed from the various geniuses a complex and national genius. Today it is the Yankee genius that governs, it is present in a very ostensible manner in the Constitution, the laws, and this is so much the better for the Celtic element always too ready to sacrifice individual freedom to the principle of unity, discipline; it is good for this element to accustom itself to doing without druids to govern its soul and without leaders elected by God to govern its temporal affairs. It is under Yankee influence that the people of Illinois signed the civil and political creed, the substance of which is as follows:
1. All men are born free, independent. Consequently they have an inalienable right to the liberty to think, to write, to assemble, to associate, to worship God as they see fit; to acquire, sell, defend their reputation, their property, their life.
2. Every man is a juror and has the right to be tried by the jury.
3. No one can be imprisoned for debt, unless he refuses to deliver his assets to his creditors, or is suspected of fraud.
4. Any arrested citizen has the right to be questioned immediately. In the event of flagrante delicto, to be judged immediately; if the presumptions are not sufficient, to be released immediately. All under penalty of a heavy fine imposed on the magistrate for illegal imprisonment.
5. Any person arrested may be released by providing bail.
6. All religions are free, perfectly independent of the State, and no religious oath is required to fulfill a public office.
7. All power is inherent in the people, all public functions are subject to popular election, and the army must be strictly subordinate to civil power.
8. There are no slaves in Illinois; even free people of color are forbidden to settle in this State. (The latter article was repealed [in 1865].)
The Constitution ensures, as far as humanly possible, the enjoyment of all the rights recognized in the declaration. It establishes three powers: the legislative, the executive and the judicial. The legislature is made up of a Senate and a House of Representatives. It establishes the budget: each Chamber has the initiative of laws. Representatives can indict the executive branch and its agents, and the most senior members of the judicial branch, before the Senate. The Chambers do not have the right to make a considerable loan or to amend the Constitution.
Executive power is entrusted to a governor, commander of all the forces of the State, having the right of pardon and commutation of sentences, except in cases of high treason. With the advice of the Senate, he appoints the main officials; no bill has the force of law except with his approval or after further discussion if he has made objections.
If the governor is dismissed, or dies, or is prevented from performing his office, the lieutenant governor, speaker of the Senate, replaces him. If he dies, is prevented, or resigns, it is the speaker elected by the Senate who takes over the government.
The judiciary consists of justices of the peace, county courts, district courts and the supreme court.
The Senate is renewed by half every two years; the House of Representatives, elected every two years; the lieutenant governor and the governor, every four years; each supreme judge serves nine years; each district judge, six years, and county and peace judges, four years.
The senators, the representatives, the governor, the lieutenant governor, the treasurer, the judges of all degrees are chosen by popular election, and are responsible to the people, who can have them judged.
All white voters are 21 years old, and to be elected to any office, one must reside in Illinois, be a citizen, and be a citizen of the United States. The time for elections is fixed, and the people proceed without summons. By law, each power expires at specific times.
This is, isn’t it, a very democratic constitution, and if democracy is the ultimate in government for the liberty and happiness of a people, Illinoisans must be very free, very justly governed, very happy? But let us not forget that constitutions, laws, declarations of law are only worth what the justice and morality of a people make them worth; now, the people of this country are not more just, nor more moral than certain others that you know; Here, as there, there is what we say, what we write and what we do, and they are very far from always being the same. In Illinois as well as in France, one should not take things literally; if among us the magnificent phrase: All French people are equal before the law, does not include half of the French, that is to say the French women, it is not only the same in Illinois, but the pigment strips a man of citizenship and in some way removes him from the species; It was only two years ago that the law was repealed that annulled the marriage of a white man with a person of color, condemning the white man or woman guilty of this bestial union to 39 lashes, at least one year in prison, and declared her unworthy to be a witness in a serious case. As for the celebrant of this marriage and the clerk who granted the license, each of them, declared unworthy of performing any function, paid a fine of 1,200 dollars.
A formality widely used here is the oath: it is taken for everything and whenever possible, which in reality deprives it of its value. We swear on the Bible, which is in great veneration, and as everyone attends church, pays to build their temple and pays their pastor well, we would be tempted to believe that there is more religion in this country than in ours. If by religion we must understand the beliefs which really influence the direction of moral life, certainly there is no more religion here than in Paris. We will refer to the article on Chicago what we have to say about the feelings, the customs, the dwellings of the people of this country; we will only say that a boy over 21 and a girl over 18 can marry without parental authorization, that divorce is easy, that women are very protected by law and morals, and that, in these respects as well as in several others, the French would have much to learn from the Illinoisans. They, for example, have the good sense not to leave the education of the people to any clerical influences by law: the parents are free to do so by sending their children, either to paying institutions or to schools established by the various churches; but the education given in the schools and colleges of the State is organized outside of religion and tends to make free men, citizens, to develop a strong individuality in the two sexes who study together. We will return to this interesting chapter in speaking about Chicago. We only mean here that free public education is under the supervision of a general superintendent, county superintendents, treaties and education boards; that generous citizens, in addition to the public education tax, impose donations of land and money to found schools; that at Bloomington thee is a State University, which is a normal school for teachers of both sexes. Bloomington University has a museum of birds, shells, fossils, stones, soils and metals from Illinois and neighboring states. Everything is arranged there according to the order of geological appearance and natural classification: there are no polypiers in the company of stuffed elephants and giraffes. The American, who does not like the scientific aristocracy any more than any other, does not create museums only for scientists, but for everyone, and for everyone to benefit from them, he has understood that objects must be classified in such a way as to grasp the natural order.
In these brief considerations on Illinois, we have spoken of good and evil with complete freedom. However young these people are, and despite the faults that mar their high qualities, it has often occurred to us that a few years of stay in this country would greatly benefit the education of our young French people. In the past, the education of a young gentleman only seemed complete after a trip to the most civilized countries of Europe, and especially to the court of these countries. It is now from the democratic centers of the new world that the old continent needs to draw new vigor.
But at the same time the French, staying in this country, should not think they have the right to ridicule, insolence and sometimes ingratitude. The American has his faults and his vices, but the French has his own. Above all, there are some that are very unsympathetic to the American character: that of hiding contempt for women under gallant manners and phrases; that of feeling solidarity neither with his compatriots about whom he slanders, nor with France which he often misjudges. The commercial and political interest of France is to be very considerate of the inhabitants of the Mississippi valley, especially of Illinois, and these populations, most of whom are of French origin, would naturally be favorable to it; but good harmony depends on two things: the particular conduct of the French and that of the consular corps. It is up to the government to choose agents sympathetic, not only to the French, but to the Americans, serious and benevolent minds, disposed not to criticize, to see only the defective sides, but to take into account the good ones; and who above all never take sides in civil discord.
In a word, to make France loved and respected here, we need serious, friendly, polite and conciliatory agents, who frequent and attract Americans around them; France certainly has such in the States of the Union, but unfortunately not all of them are like this.
Jenny D’Héricourt.
- Jenny d’Héricourt, “L’Illinois,” Le Phare de la Loire 52 no. 13,924 (24 octobre 1866): 3.
Working translation by Shawn P. Wilbur.